Bronchite chronique obstructive, emphysème
Cours de pneumologie
L’apparition progressive d’une
toux productive chez un fumeur caractérise l’installation d’une
bronchite chronique, maladie des grosses bronches, souvent
réversible à l’arrêt du tabagisme. Bronchite chronique
obstructive (BCO) et emphysème sont des maladies irréversibles
des voies aériennes distales, se développant sur plusieurs
dizaines d’années. Leur symptomatologie tardive se résume à une
dyspnée d’effort. Ce décalage entre lésions et symptômes
justifie la mesure du volume expiratoire maximal/seconde (VEMS)
chez le fumeur d’âge moyen, bronchitique chronique, même en
l’absence de dyspnée. La diminution du VEMS avec l’âge est
physiologique. Bronchite chronique obstructive et emphysème
accélèrent le déclin du VEMS. L’arrêt du tabagisme supprime
cette accélération. Il réduit aussi, progressivement, le risque
de survenue d’un cancer bronchique.
DEFINITIONS :
Sous le terme de broncho-pneumopathies chroniques obstructives,
il est admis, à la suite de nombreuses réunions internationales
("Ciba guest symposium", "American thoracic society" notamment),
de regrouper toutes les affections s'accompagnant à un moment
quelconque de leur évolution d'un trouble ventilatoire
obstructif chronique ou récidivant.
Cette définition inclut donc la bronchite chronique, l'emphysème
pulmonaire et l'asthme.
* La bronchite chronique répond à une définition anamnestique:
l'interrogatoire permet en effet de l'individualiser comme un
syndrome clinique avec de la toux et de l'expectoration muqueuse
ou mucopurulente. La chronicité a été délimitée arbitrairement
par la survenue de cette expectoration pendant au moins 3 mois
par an et au moins 2 années consécutives.
* L'emphysème pulmonaire répond à une définition anatomique:
"Affection caractérisée par l'augmentation de taille au-dessus
de la normale des espaces distaux aériens au-delà de la
bronchiole terminale, soit par dilatation, soit par rupture des
parois alvéolaires" ("Ciba guest symposium", 1959).
Épidémiologie :
MORTALITÉ, MORBIDITÉ ET COÛT ÉCONOMIQUE :
Bronchite chronique :
* Cinq millions de sujets sont atteints, dont 2 millions ont
plus de 35 ans.
- Cette affection est responsable de 50000 décès par an, soit
deux fois le taux de mortalité lié au cancer broncho-pulmonaire,
engageant 5 milliards de francs par an de dépenses de santé,
soit 100 F par habitant.
- Cinq ans après leur première consultation (pour dyspnée
d'effort le plus souvent), 40% des patients atteints
d'insuffisance respiratoire chronique sont décédés alors que 90%
des bronchiteux chroniques déjà au stade de la bronchite
chronique obstructive (BCO) n'ont jamais consulté leur médecin
pour des troubles respiratoires autres que des infections
broncho-pulmonaire aigues.
- Les patients atteints de broncho-pneumopathie chronique
obstructive (BPCO) représentent 4,3% de l'ensemble des malades
pris en charge en pratique libérale (enquête de l'IDREM).
- Le taux de nouveaux cas dépistés est passé en 5 ans de 25,3 à
52,7 pour 100000 sujets assujettis de tous ages et des deux
sexes, responsables de 3 à 7% de la mortalité globale soit un
taux de mortalité moyen de 12,7 pour 100000 habitants (17,1 pour
les hommes et 8,5 pour les femmes).
* Actuellement, on estime que les patients atteints de bronchite
chronique symptomatique (toux et expectoration) représentent 8 à
32% de la population, dont un tiers présente des stigmates
laissant présager la survenue ultérieure d'un facteur
obstructif. 20% des sujets porteurs d'une BPCO présentent une
hypoxémie, soit 50000 sujets dont 20000 seront admis dans un
secteur de soins intensifs.
* L'accroissement de la maladie est lié:
- à son dépistage plus précoce.
- mais aussi à l'accentuation du role de certaines nuisances,
dont le tabagisme.
Emphysème pulmonaire :
La connaissance épidémiologique de l'emphysème pulmonaire est
beaucoup plus limitée que celle de la bronchite chronique, son
diagnostic précis étant lié à l'obtention d'un controle
autopsique.
On estime cependant qu'il est très fréquent, puisque des
enquetes autopsiques fournissent les données suivantes:
* plus fréquent chez l'homme (65% des cas) que chez la femme
(15% des cas).
* augmentation de sa fréquence avec l'age:
- l'emphysème centrolobulaire est nettement prédominant à tous
ages.
- mais la fréquence de l'emphysème panlobulaire (ELP) augmente à
la 8e-9e décennie.
Facteurs étiologiques :
TABAGISME :
Surmortalité liée au tabac
La surmortalité liée au tabac dépasse de 30 à 80% celle du
non-fumeur dans la tranche d'age 45-55 ans.
* Le fumeur perd de 4,6 à 8,3 années d'espérance de vie par
rapport au non-fumeur. 80% de cette surmortalité est liée aux
BPCO, au cancer broncho-pulmonaire et aux maladies
cardio-vasculaires.
- L'enquete de Holland menée en Grande-Bretagne retrouvait 8% de
bronchite chronique chez les non-fumeurs contre respectivement
27% chez des patients fumant jusqu'à 14 cigarettes par jour, 40%
pour 15 à 25 cigarettes par jour et plus de 50% en cas de
tabagisme supérieur à 25 cigarettes par jour.
- A l'inverse, Freour ne retrouvait que 35% de sujets
asymptomatiques (sans toux ou expectoration) après un tabagisme
cumulé de 150000 à 200000 cigarettes (soit environ 20
paquets-année ou 1 paquet de cigarettes par jour pendant 20
ans). L'enquete de Doll et Hill effectuée chez des médecins
britanniques allait dans le meme sens.
* Les constatations anatomopathologiques ont confirmé ces faits
car l'atteinte des petites voies aériennes périphériques qui
caractérise les BPCO est corrélée au tabagisme.
Composition et conséquences de la fumée
La fumée de tabac perturbe le transport muco-ciliaire.
* Elle est composée:
- de nicotine, responsable de l'accoutumance.
- d'oxyde de carbone piégeant une partie de l'hémoglobine
circulante, de substances carcinogènes ainsi que d'agents
irritants qui nous intéressent ici au premier chef et sont
répartis en deux phases: gazeuse et particulaire.
* La phase gazeuse contient:
- de l'acroléine irritante pour la muqueuse bronchique
(responsable d'hypercrinie et de bronchospasme).
- divers acides et aldéhydes réduisant la clairance
muco-ciliaire.
- et surtout des oxydes d'azote bien connus pour leurs
propriétés cilio-inhibitrices qui en font (avec l'anhydride
sulfureux) le polluant atmosphérique de référence.
* La phase particulaire, irritante par sa présentation physique,
l'est aussi en raison des phénols et acides organiques qu'elle
contient.
- La façon de fumer influe sur la quantité de produits toxiques
inhalés: les inhalations profondes suivies d'une rétention
prolongée par apnée favorisent la rétention de la phase
particulaire de la fumée qui est, de surcroît, la plus
cancérigène.
- La combustion du papier de la cigarette entraine le mouvement
ciliaire, la nicotine ayant aussi des propriétés
bronchoconstrictives.
- La résultante anatomopathologique de l'inhalation de cet
"aérocontaminant complet" qu'est la fumée de tabac concourt à
l'hypertrophie des glandes séromuqueuses avec hypercrinie
réactionnelle, une métaplasie avec réduction de la ciliature.
NUISANCES ATMOSPHERIQUES :
Les nuisances atmosphériques constituent le deuxième groupe
essentiel responsable des BPCO au même titre que le tabagisme,
elles font des BPCO une véritable "maladie de civilisation"
directement liée à l'expansion industrielle et commerciale.
* La pollution atmosphérique, industrielle ou domestique, est la
rançon de la production d'énergie indispensable à notre
développement économique.
- Actuellement et pour encore de nombreuses années, cette
production est liée à l'exploitation à grande échelle de sources
disponibles en quantités limitées que sont (par ordre
décroissant d'importance) le pétrole, le charbon, le gaz,
l'énergie hydroélectrique et l'énergie nucléaire. Les sources
d'énergie "propres" étant malheureusement limitées en
possibilités d'exploitation (énergie hydroélectrique,
marémotrice, géothermique, solaire, éolienne).
- Les sources les plus exploitées de nos jours sont les plus
polluantes, pollution par le SO2, les poussières, le CO2, lié à
l'utilisation du pétrole et du charbon, sans développer le role
délétère des hydrocarbures volatils des aldéhydes et de l'oxyde
de carbone qui y sont associés. L'énergie nucléaire pose
d'autres problèmes bien connus, mais parait plus "propre" sur le
plan respiratoire.
- L'incidence de la pollution a été largement démontrée en
raison de l'importance de la pollution urbaine. Les événements
dramatiques du "smog" londonien en 1952 (surmortalité
respiratoire de 4000 habitants en quelques jours), de Donora en
Pennsylvanie (Etats-Unis) ou des brouillards toxiques
entrainèrent l'apparition de signes respiratoires chez plus de
40% d'habitants, ont été controlés par des mesures spécifiques.
A Londres, la pollution était liée à l'utilisation de charbon
gras à usage domestique dégageant par combustion de fortes
quantités de SO2 (dix fois les taux normaux).
* La pollution atmosphérique urbaine est responsable d'une
augmentation radicale (doublement) du nombre des sujets porteurs
de bronchite chronique, le nombre de bronchites chroniques étant
supérieur à tabagisme égal en zone polluée par rapport aux zones
non polluées.
- Les enfants et les bronchitiques chroniques sont plus
sensibles à l'action pro-infectieuse des polluants: augmentation
des surinfections en cas de bronchite chronique si la
concentration de SO2 excède 500g/mm3 et si le taux de fumée
dépasse 250g/mm3. La sensibilité des sujets porteurs de
bronchite chronique au SO2 est plus importante au-delà de 55 ans
et chez ceux présentant une affection broncho-pulmonaire sévère.
- Il en est de meme pour les oxydes d'azote qui constituent,
avec les dérivés oxydés du soufre, les polluants majeurs sur le
plan respiratoire.
* La pollution domestique est considérable dans le cadre de la
pollution urbaine.
- Ce phénomène est mal perçu dans la population et
insuffisamment véhiculé par les médias: les foyers domestiques
sont responsables de 70% de la pollution urbaine, par le biais
du chauffage domestique et l'utilisation de cuisinières à gaz
(sources d'oxydes d'azote).
- Il s'y ajoute la pollution des gaz d'échappement des
automobiles, source d'oxyde de carbone, d'oxyde d'azote,
d'hydrocarbures et de SO2.
CONSEQUENCES ANATOMOPATHOLOGIQUES :
Les effets anatomapathologiques associent deux phénomènes:
* réduction de l'épuration pulmonaire liée à la paralysie, voire
la destruction des cils, aggravée par l'hypercrinie bronchique.
* sidération des défenses macrophagiques.
Le SO2 et le NO2 sont en outre bronchoconstricteurs. le SO2
sensibiliserait aux infections virales.
AUTRES FACTEURS :
Les infections respiratoires de la petite enfance (virales),
l'hyperactivité bronchique et des facteurs endogènes entrent en
ligne de compte.
PROFIL DU SUJET A RISQUE :
On peut ainsi définir le profil du sujet à risque comme l'a
proposé le groupe de Permutt.
Pathogénie et physiopathologie :
Selon le degré du trouble ventilatoire obstructif, on distingue:
* la bronchite chronique simple non obstructive (bronchite des
gros troncs ou bronchite catarrhale), sans trouble ventilatoire
obstructif:
- caractérisée par une hyperplasie des glandes bronchiques.
- souvent associée à des poussées hivernales d'expectoration
purulente ou mucopurulente (bronchite chronique suppurée), de
bon pronostic.
* la bronchite chronique obstructive avec trouble ventilatoire
obstructif caractérisé:
- elle associe aux lésions des grandes voies aériennes
précédentes une atteinte structurale des voies aériennes de
diamètre inférieur à 2mm ("les voies aériennes périphériques").
- le pronostic est péjoratif avec évolution vers l'insuffisance
respiratoire chronique obstructive.
* On pense actuellement qu'il existe deux types de bronchites
chroniques, selon l'existence ou non d'une "sensibilité"
particulière au tabac, 10% des bronchites chroniques évoluant
vers l'insuffisance respiratoire chronique obstructive.
PHYSIOPATHOLOGIE :
Facteurs déterminants :
Trois éléments capitaux déterminent l'apparition des BPCO:
* augmentation des sécrétions bronchiques avec accroissement de
la viscosité du mucus et réduction de l'épuration muco-ciliaire.
* obstruction des voies aériennes liée à l'hypersécrétion
bronchique et à un oedème inflammatoire bronchique et
bronchiolaire:
- elle intéresse le départ des voies aériennes périphériques
dont l'atteinte est longtemps muette si l'on se contente de la
spirographie classique (VEMS).
- en effet, les résistances des petites voies aériennes ne
représentent que 10 à 20% des résistances totales. Ce n'est que
lorsque 75% des voies aériennes périphériques sont atteintes
qu'apparait le syndrome obstructif spirométrique classique avec
chute du rapport VEMS/CV.
- l'augmentation des résistances des voies aériennes
périphériques entraine l'accroissement du travail respiratoire.
* la distension alvéolaire est le fait:
- d'un effet de "valve" à sens unique qui se ferme à
l'expiration au niveau des voies aériennes périphériques.
- d'une atteinte directe au niveau des cloisons interalvéolaires
par des agents contaminants (tabac) et/ou des enzymes
protéolytiques.
Conséquences physiopathologiques :
* Hétérogénéité ventilation/perfusion avec effet "shunt": les
alvéoles mal ventilées par des bronchioles inflammatoires et
obstruées ne participent qu'incomplètement à l'hématose face à
une perfusion sensiblement normale (il y a hypoxémie).
* Hypoventilation alvéolaire (inconstante) liée à l'augmentation
du travail respiratoire et à l'augmentation de l'espace mort
secondaire physiologique avec hypercapnie secondaire.
* Fatigue des muscles respiratoires qui fonctionnent dans des
conditions géométriques défavorables.
* Hypertension artérielle pulmonaire précapillaire secondaire à
une vasoconstriction hypoxique.
Diagnostic positif :
Il est commode, à l'instar des Anglo-Saxons, de distinguer trois
formes anatomocliniques:
* type B ou "bleus et bouffis" (BB "blue and bloated").
* type A ou "roses et essoufflés" (PP "pink and puffing").
* type mixte: A et B.
DIAGNOSTIC POSITIF DU TYPE B :
Tableau clinique :
* Type le plus fréquent, le type B correspond le plus souvent au
tableau classique de la bronchite chronique et se manifeste chez
un homme de la cinquantaine, grand fumeur, par une toux et une
expectoration chroniques. des bronchites hivernales s'y
surajoutent.
* L'examen physique note:
- une dyspnée d'effort, puis de repos.
- l'absence d'hippocratisme digital.
- une surcharge pondérale.
- une cyanose des lèvres et des extrémités.
* L'auscultation retrouve:
- des rales bronchiques diffus dans les deux champs pulmonaires,
souvent associés à des sibilances.
- très souvent les signes d'une insuffisance ventriculaire
droite.
Examens complémentaires :
* A l'examen radiologique, on est frappé par l'importance de
l'augmentation du volume cardiaque et des artères pulmonaires,
cet ensemble étant initialement plus en faveur d'une maladie
cardiaque que d'une maladie broncho-pulmonaire.
- Si le parenchyme pulmonaire est quelquefois le siège
d'opacités de type bronchique ou de type interstitiel, il
n'existe habituellement pas de bulles nettement visibles.
- Lorsqu'existe une distension prédominant au niveau du lobe
supérieur, cela correspond aux observations d'emphysème
centrolobulaire associé à la bronchite chronique obstructive,
confirmé par la tomodensitométrie thoracique.
* L'exploration fonctionnelle respiratoire montre une
obstruction bronchique attestée par la réduction du VEMS et du
rapport VEMS/CV.
- Les gaz du sang sont normaux au début au repos, ou bien
corrigés par l'épreuve d'exercice. ils s'altèrent
progressivement, avec apparition d'une hypoxémie et parfois une
hypercapnie associée: c'est le stade de l'insuffisance
respiratoire chronique obstructive.
- Le pH est maintenu à la normale grace à une élévation du taux
des bicarbonates plasmatiques.
- Les résultats des autres épreuves fonctionnelles respiratoires
sont plus contingents. habituellement chez ce type de malade, la
diffusion d'oxyde de carbone, mesurée par la technique de
l'apnée, est dans les limites de la normale ou légèrement
abaissée.
- La compliance statique pulmonaire est normale.
* Il existe fréquemment un taux d'hématocrite augmenté
correspondant à une polyglobulie.
* L'ECG, longtemps normal, peut montrer des signes de coeur
droit (dextrodéviation de l'axe QRS, onde P pulmonaire (P
supérieur ou égal 2,5mm)), bloc de branche droit complet ou
incomplet, troubles de la repolarisation dans les dérivations
droites.
* Les études du sommeil ont montré chez ces patients qu'il
existait, durant le sommeil nocturne, des épisodes de
désaturation durant lesquels l'hypertension artérielle
pulmonaire précapillaire s'aggravait. Ces épisodes de
désaturation correspondent habituellement à des épisodes
d'hypopnée sans apnée caractéristique.
* Le cathétérisme des cavités droites montrerait une
hypertension artérielle pulmonaire de type précapillaire, et un
débit cardiaque normal ou légèrement augmenté.
Évolution :
* L'évolution de cette insuffisance respiratoire chronique est
très particulière, marquée par des alternances d'améliorations
et de poussées favorisées par les surinfections
trachéo-bronchiques.
* A l'occasion de ces poussées, les troubles biologiques et
cliniques s'accentuent.
- Peuvent alors apparaitre des manifestations neuro-psychiques
avec troubles de la conscience et tremblements, faisant craindre
l'apparition d'une insuffisance respiratoire aigue.
- Celle-ci met en jeu le pronostic vital et impose des mesures
thérapeutiques d'urgence (éventuellement le transfert dans les
plus brefs délais dans un centre de réanimation respiratoire).
DIAGNOSTIC POSITIF DU TYPE A :
* On retrouve dans les formes correspondant au type A, en
particulier:
- une dyspnée d'effort initiale.
- des bulles bien visibles sur les clichés radiographiques du
thorax. Elles prédominent classiquement aux bases.
- un murmure vésiculaire mal perçu à l'auscultation.
- une distension pulmonaire à l'examen physique du thorax et sur
les clichés radiographiques du thorax.
* L'EFR retrouve un syndrome obstructif sévère, avec un VEMS
inférieur à 1l, associé à une distension thoracique
(augmentation de CPT, augmentation de VR/CT) et à une réduction
du TLCO.
* Les gaz du sang sont longtemps normaux au repos et en air,
contrastant avec le niveau dyspnéique. La PaCO2 est normale,
voire diminuée. Ce sont les "fighters" anglo-saxons
(combattants), qui luttent pour maintenir une PaCO2 normale, au
prix d'une dyspnée invalidante, d'effort puis de repos.
* Les sujets porteurs d'un phénotype Pi ("protease inhibitor")
ZZ (normalement de type MM) se recrutent chez les BPCO de type
A.
DIAGNOSTIC POSITIF DU TYPE INTERMÉDIAIRE: A ET B :
Le type intermédiaire associe les signes des deux types
précédents et évolue précocement vers la décompensation
asphyxique.
* Dans ces cas mixtes, les anomalies des gaz du sang
apparaissent beaucoup plus nettement à l'occasion d'une épreuve
d'exercice, révélant alors une franche hypoxie et le début d'une
hypercapnie.
* Si l'étude hémodynamique était réalisée, elle montrerait
souvent un débit cardiaque abaissé.
CORRELATIONS ANATOMOCLINIQUES :
Les corrélations anatomocliniques sont centrées par la présence
ou non d'emphysème (emphysème panlobulaire, emphysème
centroacinaire, emphysème mixte) associé à la bronchite
chronique, vérifiée à l'autopsie.
* Il existe souvent un mélange d'emphysème centrolobulaire et
d'emphysème panlobulaire chez le patient atteint d'insuffisance
respiratoire chronique obstructive décédé en insuffisance
respiratoire aigue.
* Les sujets déficitaires en alpha-1-antitrypsine (phénotype
PiZZ homozygotes) ont plus souvent un emphysème panlobulaire que
les PiMM (phénotype normal).
* Dans les deux cas, l'examen tomodensitométrique permet de
documenter et de quantifier l'emphysème associé.
Diagnostic différentiel :
* Le diagnostic différentiel vise surtout à éliminer une
hypersécrétion bronchique d'autre origine:
- tumorale: cancer broncho-pulmonaire, cancer
broncho-alvéolaire.
- corps étranger.
- foyer bronchectasique.
* C'est dire l'importance au moindre doute:
- d'une endoscopie bronchique.
- éventuellement d'une TDM thoracique à la recherche d'une
dilatation des bronches.
Traitement :
INFORMATION DU PATIENT :
L'information du patient est capitale: la bronchite chronique
est une maladie "de la vie entière" du patient.
Le malade doit donc etre éduqué pour:
- connaître la pathologie dont il est porteur. comprendre les
principes du traitement.
- assimiler des règles élémentaires d'hygiène respiratoire.
- savoir l'importance de l'arrêt du tabac et de l'éviction des
irritants bronchiques (pollution de l'environnement).
- faire l'apprentissage de la "toilette bronchique" grace à
l'éducation de la toux.
APPORT DES AGENTS PHARMACOLOGIQUES :
Les agents pharmacologiques ont trois buts:
- améliorer le niveau dyspnéique.
- traiter les complications infectieuses.
- prévenir et ralentir l'aggravation de la maladie.
Antibiotiques :
Les antibiotiques doivent etre utilisés avec discernement et
sont, bien sur, réservés aux poussées de surinfection bronchique
(expectoration purulente, fièvre, accentuation de la toux).
Les germes le plus souvent rencontrés sont le pneumocoque et
Haemophilus influenzae.
- On a recours, en première intention, à l'ampicilline et aux
macrolides, à poursuivre pendant au moins 10 à 15 jours.
- L'utilisation "prophylactique" des antibiotiques n'a pas fait
la preuve de son efficacité en cas de bronchite chronique et
hypersécrétante: si elle semble raccourcir la durée des poussées
infectieuses, elle n'en réduit cependant pas la fréquence
d'apparition.
- En cas d'échec et sur antibiogramme, la prescription de
céphalosporines de troisième génération par voie orale, voire de
quinolones peut etre discutée.
Bronchodilatateurs :
Beta-mimétiques
* En spray doseur, ils sont très utilisés pour soulager la
recrudescence dyspnéique (salbutamol (Ventoline*, Spréor*),
pirbutérol (Maxair*), fénotérol (Berotec*), terbutaline
(Bricanyl*)).
* Les produits sous la forme galénique d'une poudre (Ventodisk*,
Bricanyl Turbuhaler*) se développent actuellement et améliorent
la pénétration intrapulmonaire du principe actif.
* L'apprentissage des dispositifs d'inhalation doit etre fait de
façon précise en début de traitement. en cas d'utilisation de
sprays doseurs, l'adjonction d'une chambre d'inhalation facilite
l'administration du produit actif et augmente aussi sa
pénétration intrapulmonaire.
* Les beta-mimétiques oraux peuvent etre adjoints pour
potentialiser l'action du spray (salbutamol sirop, terbutaline
comprimés, notamment dans sa forme retard LP).
Atropine
Les produits atropiniques permettent d'obtenir une
bronchodilatation plus durable avec le nycthémère (bromure
d'ipratropium (Atrovent*), bromure d'oxytropium (Tersigat*)).
Seuls ou en association avec un beta-mimétique (fénotérol et
bromure d'ipratropium (Bronchodual*), salbutamol et bromure
d'ipratropium (Combivent*)), ils constituent le traitement de
fond des BPCO.
Théophylline
La théophylline et ses sels gardent une place d'appoint dans le
traitement au long cours de la bronchite chronique surtout dès
le stade de la bronchite chronique obstructive.
* A ses propriétés bronchodilatatrices, la théophylline ajoute
une action stimulante sur le transport muco-ciliaire et accro”t
la contractilité et l'endurance à la fatigue du diaphragme, ce
qui lui a valu le qualificatif de "digitaline du diaphragme".
* L'utilisation des formes galéniques "longue action" est ici
souhaitable, à la posologie de 10mg/kg/j en deux prises, matin
et soir, conférant une théophyllinémie efficace.
* La théophyllinémie doit etre controlée au début du traitement
et au bout de quelques semaines.
Corticoides
* Les corticoides sont indiscutablement efficaces en cas de
bronchite chronique spastique ou ils ont été utilisés comme test
diagnostique (0,5mg/kg per os pendant 15 jours avec controle
avant-après du débit de pointe et du VEMS).
* En cas d'amélioration du VEMS, on peut les relayer par un
corticoide aérosol type béclométasone (Bécotide* 250) ou
budésonide (Pulmicort* 200 ou 400). une réduction de la vitesse
de dégradation du VEMS de BPCO traitées par corticothérapie
inhalée a été récemment mise en évidence.
* Il parait raisonnable de réserver la corticothérapie orale aux
patients atteints de bronchite chronique dont l'état ne s'est
pas amélioré notablement après plusieurs mois de traitement bien
conduit. Cette corticothérapie est associée à des
bronchodilatateurs xanthiques, des beta-mimétiques, des
médicaments atropiniques et éventuellement des corticoides en
aérosol, couplés aux règles d'hygiène respiratoire précitées et
à une kinésithérapie.
Autres traitements :
Chémo-agonistes
* Les chémo-agonistes sont représentés par le bismésilate
d'amitrine (Vectarion*) dont l'action est biphasique:
- stimulation de la respiration à fortes doses en n'agissant pas
au niveau central mais par l'entremise des chémorécepteurs
périphériques, d'ou le nom de produit "chémo-agoniste".
- régulation de l'inadéquation ventilation-perfusion à faible
dose, soit 50 à 100mg/j, qui entraine, dans les bronchites
chroniques évoluées avec insuffisance respiratoire chronique
obstructive, une amélioration significative des échanges gazeux
avec élévation de la PO2 et PaCO2.
- Le risque d'effets secondaires neurologiques (polynévrite des
membres inférieurs) nécessite une étroite surveillance et
justifie à l'heure actuelle un schéma alterné à faible dose, 25
à 50mg/j, poursuivi pendant 2 mois sur 3, au long cours.
Modificateurs des sécrétions bronchiques
* Les mucomodificateurs (mucolytiques tels que la NAC
acétylcystéine (Mucomyst*, Fluimucil*) ou les mucorégulateurs
tels que la carboxyméthyl cystéine (Rhinathiol*) ou l'ambroxol
(Surbronc*)) peuvent etre utilisés pour régulariser la sécrétion
bronchique et en faciliter l'évacuation par le patient.
* Des traitements prolongés sont nécessaires car ils entrainent
une amélioration du confort respiratoire.
* On a l'habitude d'utiliser de préférence les mucolytiques
lorsque l'expectoration est très épaisse et difficile à
extérioriser.
* En revanche, les mucorégulateurs sont utilisés lorsque
l'hypersécrétion est très fluide et particulièrement abondante.
Antitussifs
* Les antitussifs doivent etre utilisés avec prudence et sont
limités, en règle générale, à la bronchite chronique simple,
notamment au stade aigu.
* En revanche, ces produits sont contre-indiqués chez le patient
atteint d'insuffisance respiratoire grave afin de ne pas
précipiter une décompensation par l'intermédiaire d'une poussée
d'encombrement.
Diurétiques
Les diurétiques sont utilisés en appoint lors des poussées de
décompensation cardiaque droite. Une oxygénothérapie au long
cours permet de réduire le recours à ces produits.
Mesures préventives des surinfections
Les mesures préventives des surinfections sont:
* la vaccination antigrippale préhivernale.
* les immunomodulateurs (Biostim*, Ribomunyl*, Imocur*).
* les anti-inflammatoires du poumon profond: le fenspiride
(Pneumorel*) aux propriétés antiexsudatives peut etre utilisé en
appoint.
Saignées
Les saignées peuvent etre utiles au stade du coeur pulmonaire
chronique évolué polyglobulique avec hématocrite égal ou
supérieur à 60%. Depuis l'oxygénothérapie au long cours, elles
sont devenues beaucoup plus rarement nécessaires.
Crénothérapie
La crénothérapie peut etre bénéfique pour des patients
bronchitiques chroniques hypersécrétants ou bronchospastiques
résidant dans des régions froides, humides et polluées. Une
climatothérapie associée à une crénothérapie peut etre proposée
dans de nombreuses stations, comme le Mont-Dore,
Saint-Honoré-les-Bains, La Bourboule...
RENOUVEAU DE LA KINÉSITHÉRAPIE RESPIRATOIRE :
* La kinésithérapie respiratoire doit toujours commencer par une
éducation du patient à l'apprentissage de la toilette
bronchique. Cette dernière semble facilitée par certains
dispositifs pouvant etre utilisés facilement à domicile. Ils
sont construits sur le principe de la pression positive continue
avec création d'une vibration intrabronchique ("flutter VRP").
* Ultérieurement, son role est multiple:
- elle permet la réalisation de séances d'aérosolisation suivies
d'une expectoration dirigée et d'un désencombrement postural.
- elle permet aussi le travail de l'expiration et de la
ventilation dirigée et le réapprentissage de la toux. Il est
classique de dire aux patients "qu'ils doivent controler leur
toux et non pas laisser la toux les controler".
* On insiste actuellement:
- sur le réentrainement des muscles respiratoires à l'effort
inspiratoire, notamment le diaphragme.
- sur la rééducation à l'exercice de l'insuffisant respiratoire
chronique obstructif sévère.
- sur la respiration à "lèvres pincées" (qu'effectuent
d'ailleurs instinctivement les grands emphysémateux) afin de
faciliter, par le biais d'un frein expiratoire, l'évacuation
gazeuse thoracique.
* L'aérosolisation ne doit pas etre négligée à domicile:
- elle peut utiliser des nébuliseurs fonctionnant sur l'énergie
électrique, utilisant soit une pulvérisation à l'intérieur d'une
chambre de mélange, soit une nébulisation ultrasonique. On peut
ainsi utiliser des aérosols de sympathicomimétiques tels que le
salbutamol en solution, à la posologie de 1cm3 de solution pure
dans 4cm3 de sérum physiologique (inhalé pendant 10 minutes une
à deux fois par jour en fonction de la gene dyspnéique). La
terbutaline (Bricanyl*) et l'ipratropium (Atrovent*) existent
aussi sous forme de solution aérosol.
- les patients peuvent etre équipés de dispositifs d'IPPB
("intermittent positive pressure breathing"). Ces systèmes
utilisent des relaxateurs de pression type Bird (monsun ou x
200C) permettant une nébulisation sous pression. Le recours à
ces dispositifs est conseillé lorsque le VEMS est inférieur à 1
litre, et une règle simple à retenir est celle de 1 goutte de
produit pour 10kg de poids, diluée dans 3 à 4cm3 de sérum
physiologique. Lorsque le VEMS du patient est supérieur à 1
litre, des nébuliseurs simples utilisés en ventilation spontanée
sont suffisants.
THERAPEUTIQUES DE SUPPLEANCE :
Les thérapeutiques de suppléance utilisent essentiellement
l'oxygénothérapie au long cours à domicile et parfois la
ventilation assistée à domicile.
Oxygénothérapie au long cours à domicile :
Indication
* L'oxygénothérapie au long cours à domicile est réservée aux
patients atteints d'insuffisance respiratoire chronique
obstructive évoluée, définie par une PO2 inférieure à 55mmHg ou
7kPa retrouvée à plusieurs controles parfois associée à une
hypercapnie (PaCO2 supérieure à 45mmHg ou 5,66kPa).
* A ce stade, ces patients ont une dyspnée d'effort sévère,
souvent inférieure à un étage, et décrivent depuis plusieurs
mois l'apparition d'oedèmes des membres inférieurs signant la
décompensation cardiaque droite.
Souvent, ils ont eu un ou plusieurs épisodes de décompensation
asphyxique qui les a conduits en réanimation.
Mise en place
* Une demande d'entente préalable, en utilisant un formulaire
spécial délivré par la Sécurité sociale, permet de les équiper à
domicile d'une source d'oxygène et d'une prothèse de
raccordement.
* On a recours, dans la majorité des cas, à des concentrateurs
d'oxygène qui extraient l'oxygène de l'air ambiant et
fonctionnent sur l'énergie électrique.
- Ces dispositifs sont fiables, mais encore relativement
encombrants et parfois trop bruyants. Ils sont cependant bien
adaptés aux patients les plus sévèrement atteints dont
l'autonomie est faible à domicile.
- Les débits sont de l'ordre de 1 à 2l/min administrés le plus
souvent par lunettes à oxygène, la durée minimale étant de 15
heures sur 24 ou plus si nécessaire.
* Chez les patients les plus désireux de déambuler et pour
lesquels une épreuve de marche de 6 minutes montre un bénéfice
en termes de distance parcourue lors de l'inhalation d'oxygène,
on utilise l'oxygène liquide. un réservoir approvisionné chaque
semaine est mis à la disposition du patient, à partir duquel
celui-ci peut remplir un réservoir portatif lui donnant une
autonomie de 2 à 3 heures en fonction du débit utilisé. Les
capacités à l'effort sont, bien entendu, augmentées par ce
système.
* Il est démontré que l'oxygénothérapie au long cours à domicile
chez les patients accroit l'espérance de vie, augmente les
performances intellectuelles, réduit le nombre des
hospitalisations et stabilise la pression artérielle pulmonaire
tout en faisant régresser la polyglobulie.
Ventilation à domicile par assistance ventilatoire mécanique :
* La ventilation à domicile par assistance ventilatoire
mécanique n'est proposée qu'à des patients très sévèrement
atteints chez lesquels une oxygénothérapie bien conduite a
échoué ou qui ont du etre traités dans un service de réanimation
avec ou sans trachéotomie.
* Deux modes de raccordement peuvent etre utilisés:
- classiquement, c'était la ventilation à domicile par
trachéotomie chez les sujets insevrables de leur respirateur et
chez lesquels la trachéotomie avait été réalisée au cours de la
phase aigue.
- à l'heure actuelle, on propose de plus en plus, chez ces
patients très sévèrement touchés, une ventilation par masque
nasal qui permet d'éviter la trachéotomie. Cette technique est
actuellement en cours d'évaluation.
AUTRES TRAITEMENTS :
* Les perfusions d'alpha-1-antitrypsine à la posologie de
60mg/kg en administration hebdomadaire sont réservées aux
patients déficitaires en alpha-1-antitrypsine et porteurs d'un
phénotype PiZZ ou PiSZ. L'efficacité de ce traitement n'a pas
été démontrée.
* On peut proposer à l'heure actuelle, dans certaines formes
évoluées, la réalisation d'une greffe unipulmonaire ou
bipulmonaire. Cette technique en cours d'évaluation constitue, à
l'heure actuelle, bien évidemment le seul traitement radical de
ce type d'insuffisance respiratoire chronique.
* Les interventions de remodelage pulmonaire (type Brantigan)
sont en cours de réévaluation dans les BPCO avec distension
pulmonaire prédominante.
INDICATIONS :
* Les mesures d'éviction des produits irritant les bronches sont
longtemps suffisantes pour enrayer la bronchite chronique
simple, à commencer par l'arret du tabac.
* Au stade des poussées de surinfection, les cures itératives
d'antibiotiques sont nécessaires, associées éventuellement à des
mucomodificateurs et à une kinésithérapie.
* Lorsque la bronchite chronique obstructive apparait, les
bronchodilatateurs doivent etre utilisés en permanence ainsi que
la kinésithérapie.
* Le traitement s'alourdit lorsque l'insuffisance respiratoire
chronique apparait avec une hypoxémie nécessitant l'adjonction
de l'oxygénothérapie et souvent de diurétiques à doses "filées".
* Quel que soit le stade, la vaccination antigrippale et les
mesures préventives anti-infectieuses utilisant les
immunomodulateurs sont nécessaires.