Tumeurs : caractères généraux

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Définitions :

Tumeur : « augmentation circonscrite du volume d’un organe » (Littré), s’oppose à une hypertrophie : augmentation globale du volume de l’organe.

Le terme de tumeur est en pratique utilisé pour désigner les néoplasies dues à une prolifération cellulaire excessive (hyperplasie) d’un clone tumoral ressemblant plus ou moins au tissus normal (notion de différenciation tumorale).

La tumeur a tendance à persister et à croître, échappant plus ou moins aux mécanismes de contrôle de la croissance tissulaire (notion d’autonomie biologique).

Le terme de tumeur qui avait auparavant un sens plus large est actuellement restreint aux lésions néoplasiques.

Il faut donc éliminer différentes entités :

A – Tumeurs inflammatoires :
Tumeurs : caractères généraux

(parfois appelées pseudo-tumeurs inflammatoires), dues à l’oedème, accumulation de cellules inflammatoires.

Le traitement peut être anti-inflammatoire ou parfois chirurgical.

– Abcès, bourgeon charnu

– Polype inflammatoire du colon ou du col utérin

B – Tumeurs rétentionnelles :

Dues à l’obstruction du canal excréteur d’une glande, avec distension d’une cavité glandulaire : kystes.

Elles peuvent être évacués par ponction, avec récidive possible.

C – Tumeurs dysgénétiques :

Secondaires à une anomalie de l’embryogenèse ou de l’organogenèse.

– vestiges : persistance d’organes qui auraient dû régresser (kystes branchiaux)

– hamartomes : constitués de tissus normalement présents dans l’organe, mais disposés en désordre (hamartochondrome pulmonaire).

D – Tumeurs dystrophiques :

Dues à des troubles nutritionnels, endocriniens ou vasculaires, entraînant des troubles de la trophicité du tissu

– goitre thyroïdien ou gynécomastie, par trouble hormonal

Notions classiques :

Il existe classiquement 2 grands types de tumeurs : les tumeurs bénignes et les tumeurs malignes.

La distinction est en pratique parfois difficile.

A – Les tumeurs bénignes :

Tumeurs dont la croissance est limitée et qui ne donnent pas de dissémination à distance dans l’organisme.

Macroscopie : bien limitées, souvent entourées d’une capsule, n’infiltrent pas les tissus voisins.

Elles Peuvent être volumineuses cependant et entraîner une compression ou une obstruction des structures normales.

Histologie:

Ces tumeur ressemblent au tissu normal (tumeur différenciée).

Les cellules ne comportent pas d’anomalies nucléaires ou cytoplasmiques, pas d’infiltration des tissus voisins

Evolution :

Leur croissance lente, locale. Les tumeurs bénignes ne donnent jamais de métastases +++.

Il y a peu de récidive, après une exérèse chirurgicale complète.

Parfois cependant, conséquences cliniques graves et même mortelles :

– neurinomes intracrâniens

– adénome parathyroidien, entraînant une hypercalcémie grave.

B – Les tumeurs malignes :

Tumeurs de croissance autonome illimitée, capables d’une dissémination à distance (métastases).

Macroscopie : mal limitées, non encapsulées. Elles infiltrent les tissus voisins.

Les foyers de nécrose et d’hémorragies fréquents.

Histologie: la ressemblance avec le tissu normal est variable (différenciation tumorale).

Les cellules ont habituellement des caractères anormaux (critères cytologiques de malignité).

Evolution : croissance habituellement rapide

Tendance à la récidive après exérèse chirurgicale locale.

Dissémination à distance, par voie lymphatique et sanguine, vers d’autres organes : dissémination métastatique.

L’évolution spontanée se fait vers la mort de l’hôte.

C – Les tumeurs de classement difficile :

Pratiquement tous ces critères de distinction peuvent être pris en défaut.

• Des proliférations cellulaires bien différenciées, sans anomalies des cellules, mais mal limitées ont tendance à récidiver localement

– ex: fibromatose de la paroi abdominale.

• Certaines tumeurs bénignes correspondent à des lésions précancéreuses et évoluent vers la malignité

– ex: adénomes du colon.

• Certains cancers (infiltrants) évoluent lentement et localement sans donner de métastases

– ex: carcinome basocellulaire de la peau.

Notion de malignité atténuée.

Critères morphologiques de bénignité et de malignité des tumeurs :

A – Rappel des différents tissus de l’organisme :

1- Macroscopie :

Schématiquement, on peut distinguer:

– la peau – les organes creux recouverts d’une muqueuse

– les organes pleins ou parenchymes

2- Histologie :

Le tissu épithélial et le tissu conjonctif sont les deux grands secteurs mais il existe aussi des tissus ni épithéliaux ni conjonctifs qui peuvent être à l’origine de tumeurs.

a- tissu épithélial ou épithélium :

Les cellules sont accolées les unes aux autres.

La plupart des épithéliums sont dérivés de l’ectoderme et de l’endoderme.

Certains dérivent du mesoderme comme les épithéliums urinaire et génital qui sont de type transitionel. 2 types d’épithélium :

• épithélium épidermoïde (ou malpighien)

• épithélium glandulaire (ou cylindrique)

b- Tissu conjonctif :

Les cellules sont séparées les unes des autres, par une matrice extracellulaire, renfermant des fibres (collagène, fibres élastiques..).

L’origine embryologique est variable: mésoderme (ectoderme, endoderme).

Il existe de nombreux types de tissus conjonctifs spécialisés dans des fonctions différentes. ex: os, cartilage, tissu adipeux, muscle ….

c- Tissus ni épithéliaux ni conjonctif :

Ces tissus dérivent du neurectoderme (tube neural, crête neurale) :

– Système nerveux central (SNC)

– Système nerveux périphérique (SNP)

– Système mélanogénique

– Système neuroendocrine

d- Tissus embryonnaires (placentaire, reliquat de cellules embryonnaire ou de tissus embryonnaires)

B – Critères morphologiques de classification des tumeurs :

Il faut souligner d’emblée que le cancer ne se définit que par son évolution et pas par sa morphologie.

Il existe cependant des critères (morphologiques, biologiques…) qui permettent habituellement de distinguer les tumeurs bénignes des tumeurs malignes.

Aucun de ces critères pris isolément n’est indiscutable.

Seuls, les critères morphologiques sont envisagés ici.

Les autres caractères (cytogénétiques, immunologiques, propriétés fonctionnelles, comportement in vitro…) seront envisagés plus loin : biologie de la cellule cancéreuse et du tissu cancéreux.

C – Macroscopie :

Permet souvent d’évoquer la bénignité ou la malignité d’une tumeur.

Les aspects sont différents selon le siège de la lésion : peau ou muqueuse, parenchyme.

a- tumeurs bénignes :

• Sur la peau ou une muqueuse: tumeur en relief, exophytique.

En faveur de la bénignité : tumeur molle, ne saignant pas au contact et à base d’implantation souple.

• Dans un parenchyme : tumeur arrondie, bien limitée, facilement clivable, parfois kystique.

b- tumeurs malignes :

• Sur la peau ou une muqueuse :

3 types de cancers :

– cancer bourgeonnant, exophytique induré, saignant facilement pédicule large et induré

– cancer ulcéré : parfois difficile à différencier d’un ulcère traumatique ou peptique (estomac)

– cancer induré : plan

En fait, il existe souvent une association de ces 3 aspects : cancer ulcéro-bourgeonnant: zone centrale ulcérée, entourée par un bourrelet périphérique bourgeonnant, le tout reposant sur une base indurée.

• Dans un parenchyme: tumeur mal limitée, avec des prolongements irréguliers

– « crabe »–> exérèse difficile. Adhérence et envahissement des tissus voisins: nerfs, vaisseaux, peau…

A la coupe, zones nécrotiques et hémorragiques.

D – Microscopie :

Indispensable pour confirmer la nature bénigne ou maligne d’une tumeur.

Critères de malignité d’une tumeur (les signes de bénignité étant leurs contraires): de 4 types :

– désorganisation de l’architecture du tissu

– infiltration des tissus voisins

– stroma réaction

– signes cellulaires (cytologiques)

1- désorganisation de l’architecture tissulaire :

Intensité très variable, reflétant la différenciation tumorale qui a une importance pronostique.

– Les tumeurs épithéliales sont le plus souvent d’architecture lobulée, trabéculaire ou glandulaire.

– Les tumeurs non épithéliales sont d’architecture diffuse en cellules isolées ou fasciculée.

• cancer bien différencié ou orthoplasique.

Structure peu différente de celle du tissu normal

• cancer indifférencié ou anaplasique, avec bouleversement de l’architecture.

Généralement de plus mauvais pronostic.

Rq : Les tumeurs bénignes sont toujours bien différenciées.

2- envahissement des tissus voisins :

Signe de malignité capital, plus facile à apprécier au niveau de la peau et des muqueuses qu’au niveau des parenchymes pleins. Valeur pronostique du degré d’infiltration tumorale +++

3- stroma-réaction :

Tissu conjonctif de soutien, développé par l’hôte, indispensable à la croissance tumorale, mais traduisant aussi une réaction de défense immunitaire contre la tumeur.

Elle n’existe que dans les tumeurs malignes.

Elle est constituée par des fibroblastes, sécrétant les glycoprotéines de la matrice extracellulaire, des vaisseaux sanguins et lymphatiques, des nerfs, des cellules lymphoides, parfois polynucléaires…

L’aspect du stroma est très variable selon les cancers : très inflammatoire, très fibreux …

4- signes cytologiques de malignité :

Contrairement aux signes précédents, ces signes sont visibles aussi bien sur des prélèvements cytologiques qu’histologiques.

• signes cytoplasmiques :

– Irrégularité de taille des cellules : anisocytose

– Basophilie cytoplasmique (augmentation des ARN)

– Sécrétions cellulaires anormales.

Ex : sécrétion de mucus.

• signes nucléaires : – irrégularité de taille des noyaux : anisocaryose, augmentation du rapport nucléo-cytoplasmique

– hyperchromatisme : noyaux plus denses, avec une chromatine plus épaisse ou chromatine répartie irrégulièrement.

– membrane nucléaire épaissie, irrégulière.

– nucléoles volumineux, irréguliers, parfois multiples.

– mitoses : nombre généralement augmenté (en fait, très variable selon les cancers). Parfois, mitoses anormales, multipolaires…

Ainsi, certaines cellules cancéreuses peuvent être monstrueuses, très volumineuses, avec des atypies nucléaires majeures …

La valeur de ces signes de malignité est relative.

Aucun d’eux, pris isolément, n’est spécifique du cancer.

Ex : une augmentation de l’activité mitotique se voit dans tous les tissus en cours de régénération.

Des noyaux irréguliers ou atypiques sont parfois observés dans les tissus mal vascularisés. Des mitoses anormales peuvent être secondaires à une irradiation.

C’est la conjonction des signes macroscopiques, architecturaux et cytologiques qui permet de porter le diagnostic de cancer.

On sait par ailleurs depuis longtemps qu’ il existe :

• des états intermédiaires entre la bénignité et la malignité : états précancéreux, dysplasies

• au stade de cancer, une gradation de la malignité (grading) qu’il est nécessaire d’évaluer pour orienter le traitement.

Conceptions actuelles de la tumorogenèse :

Les progrès en biologie réalisés au cours des 15 dernières années ont permis de démontrer qu’une tumeur, et en particulier un cancer est dû à l’accumulation dans les cellules d’altérations successives de l’ADN, entrainant la dérégulation de différents types de gènes contrôlant :

• la prolifération

• la différenciation cellulaire

• la mort cellulaire programmée.

Les différents stades de la tumorogenèse sont multiples et complexes, très imparfaitement connus.

Ils ont été d’abord étudiés dans certains types de cancers (tumeurs lymphoides, cancers digestifs, cancers pédiatriques…)

Leur complexité reflète la variabilité des aspects morphologiques des tumeurs et permet d’expliquer les lésions intermédiaires entre la bénignité et la malignité (états précancéreux, dysplasies…)

La morphologie reste aujourd’hui la méthode de référence, la plus rapide et la plus fiable pour reconnaitre une tumeur bénigne, une lésion précancéreuse, et préciser son stade d’évolution. Les techniques morphologiques traditionnelles complémentaires (microscopie électronique, histochimie) jouent rarement un rôle déterminant en pathologie tumorale.

Mais, d’autres méthodes sont utilisées ou sont en cours de développement, pour estimer d’autres paramètres biologiques de la tumeur :

– Immunologie : marqueurs de différenciation, de prolifération, de clonalité, marqueurs tumoraux…

– Immunohistochimie +++ très utilisée

– Cytogénétique : anomalies chromosomiques marqueurs chromosomiques

– Biologie moléculaire : anomalies géniques, marqueurs de clonalité, marqueurs génotypiques

– Cinétique cellulaire (prolifération ….)

– Culture cellulaire

Outre l’intérêt théorique de la compréhension des mécanismes de la tumorogenèse, l’estimation de ces paramètres a pour but d’améliorer :

• le diagnostic (type exact de la tumeur)

• l’évaluation du pronostic pour permettre un traitement adapté.

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