Déficit neurologique d’origine périphérique

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Déficit neurologique d’origine périphériqueLes neuropathies périphériques constituent un groupe d’affections très hétérogènes. L’expression clinique varie selon l’affection et se traduit soit par un déficit moteur avec ou sans amyotrophie, soit par des troubles sensitifs, soit par une atteinte sensitivomotrice. Le diagnostic, évoqué à partir des données cliniques, repose sur l’exploration électrophysiologique.

CLINIQUE :

Interrogatoire :

– Précise la symptomatologie (déficit moteur, paresthésies), son intensité et sa topographie, son retentissement dans la vie quotidienne, son mode d’installation et évolutif.

– Précise les antécédents personnels et surtout familiaux.

– Recherche des facteurs déclenchants (traumatisme, épisode infectieux, vaccination, prise médicamenteuse ou de toxique).

Examen :

Il recherche un syndrome neurogène périphérique avec présence de signes moteurs et/ou sensitifs, une abolition ou une diminution des réflexes.

L’importance de la paralysie  est variable et il est classique de la coter :

Cotation de la paralysie

0 = absence de contraction

1 = contraction faible sans déplacement

2 = déplacement si la pesanteur est éliminée

3 = déplacement malgré la pesanteur

4 = déplacement contre résistance

5 = force musculaire normale

L’amyotrophie, conséquence de la dénervation du muscle, est souvent évidente dès l’inspection. La topographie sera analysée grâce à un examen comparatif des différents groupes musculaires.

– Les fasciculations  sont visibles à jour frisant, spontanées ou déclenchées par la percussion. Leur présence oriente vers une atteinte de la corne antérieure de la moelle.

– Les troubles sensitifs  sont variables selon le type de fibre atteinte. Une systématisation radiculaire ou tronculaire peut être individualisée, ou une atteinte en chaussette ou en gant plus évocatrice d’une neuropathie.

– Les réflexes ostéotendineux  sont abolis ou diminués, ce qui permet parfois de préciser le niveau de la lésion. Il n’existe pas de signe de Babinski sauf si syndrome pyramidal associé. Enfin le réflexe idiomusculaire obtenu par percussion directe du muscle est conservé.

– La recherche d’une augmentation du volume du nerf  au niveau du dos du pied, du coude, ou au cou peut orienter vers une neuropathie hypertrophique (neuropathie lépreuse, maladie de Refsum ou de Charcot-Marie-Tooth).

– Des troubles trophiques  s’observent dans les neuropathies avec atteinte thermodouloureuse et ou végétative : de la peau et des phanères et à un stade plus sévère maux perforants et lésions ostéo-articulaires.

– Des troubles végétatifs  : troubles de la sudation, surtout, mais aussi troubles génitaux, vésicaux, digestifs, une hypotension orthostatique ou troubles de la motilité pupillaire. Cette atteinte est fréquente dans la neuropathie diabétique et amyloïde, la porphyrie mais rare dans les polyradiculonévrites.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :

EMG et étude des vitesses de conduction :

Ils confirment que le déficit est lié à une pathologie périphérique.

Ils précisent le mécanisme neurogène de l’atteinte, soit atteinte du nerf (axone ou myéline), soit atteinte du corps cellulaire (motoneurone en cas d’atteinte motrice ou ganglionopathie en cas d’atteinte sensitive).

Ils précisent la topographie. Une mononeuropathie = atteinte d’un seul tronc nerveux ou racine, une polyneuropathie = une atteinte diffuse et symétrique, une mononeuropathie multiple = atteinte successive ou simultanée de plusieurs troncs nerveux, racines ou plexus.

Potentiels évoqués somesthésiques et moteurs :

Ils complètent les données en cas d’atteinte plexique ou radiculaire.

Examens biologiques :

Ils sont orientés par la clinique et les données électrophysiologiques : NFS, VS, bilan métabolique, rénal, hépatique, électrophorèse des protides, recherche d’une maladie générale, cryoglobuline, sérologie hépatite, Lyme, HIV, hormones thyroïdiennes etc…En cas de suspicion d’affection génétique, une recherche du gène impliqué est parfois possible.

Autres :

Examens radiologiques : IRM rachidienne lombaire et cervicale en cas d’atteinte radiculaire.

Examens histologiques : biopsie neuromusculaire.

ÉTIOLOGIES :

Un syndrome neurogène peut être la conséquence d’une lésion des cornes antérieures de la moelle (ou les noyaux des nerfs crâniens), des racines nerveuses ou des nerfs périphériques.

Pathologie du motoneurone :

– La poliomyélite antérieure aiguë était, avant la vaccination, la cause la plus fréquente. Installation brutale après un syndrome infectieux d’un déficit moteur sans troubles de la sensibilité ni signes pyramidaux. Le diagnostic repose sur les modifications du LCR et l’identification du virus.

– La sclérose latérale amyotrophique (maladie de Charcot) : affection neurodégénérative, d’évolution progressive ; association d’un syndrome neurogène moteur avec déficit, amyotrophie, crampes, fasciculations et d’un syndrome pyramidal sans atteinte sensitive. Elle entraîne le décès du patient en 3 ans en moyenne par atteinte bulbaire.

– Les amyotrophies spinales progressives : dégénérescence progressive des neurones moteurs de la moelle et parfois du tronc cérébral, le plus souvent affections héréditaires dont pour certaines le gène est localisé. On en décrit plusieurs types selon la topographie de l’atteinte et l’âge de début.

– Syndrome lésionnel (traumatisme, ramollissement, compression, syringomyélie). L’association de l’atteinte périphérique d’un nerf crânien à une hémiplégie réalise un syndrome alterne et permet de localiser le niveau de la lésion dans le tronc cérébral.

Pathologie radiculaire :

La symptomatologie peut être motrice pure, si la racine antérieure est seule intéressée par le processus pathologique, mais est habituellement sensitivomotrice. Il s’agit d’une atteinte traumatique, compressive, infectieuse ou inflammatoire ; atteinte d’une seule racine ou de plusieurs dont l’origine peut être rachidienne mais aussi plexique.

Pathologie du nerf :

– Mononeuropathie : symptomatologie déficitaire motrice ou sensitivomotrice, limitée au territoire d’un seul nerf (membre supérieur ou inférieur). Un mécanisme traumatique ou compressif est souvent en cause, plus rarement une atteinte vasculaire dans le cadre de maladie générale ou encore d’une cause infectieuse telle la lèpre.

– Mononeuropathie multiple : atteinte successive et asymétrique de plusieurs troncs nerveux. Les vascularites sont l’étiologie la plus fréquente, le diabète également. Le zona, la brucellose, le sida sont des étiologies possibles ainsi que les hémopathies avec ou sans dysglobulinémie. L’exploration électrophysiologique peut faire évoquer une origine dysimmune (anticorps antiglycolipides et antiGM1). Enfin la présence de syndromes canalaires multiples doit faire rechercher une origine génétique.

– Polyneuropathies : le diagnostic étiologique d’une polyneuropathie est difficile (plus d’une centaine de causes recensées) et bon nombre d’entre elles restent de cause inconnue. Le contexte dans lequel survient la neuropathie peut être un élément d’orientation. Le mode d’installation aigu, subaigu ou chronique est aussi un élément important ainsi que le type de l’atteinte (motrice ou sensitive pure plus ou moins associée à une atteinte du système nerveux autonome). Enfin, le mécanisme de l’atteinte (axonopathie ou myélinopathie) précisé par l’EMG, la topographie du déficit sont aussi des éléments déterminants.

Les façons dont on peut essayer de schématiser la démarche en fonction du mode d’installation, de la nature axonale ou démyélinisante de l’atteinte sont indiquées dans le tableau ci-dessous :

Devant une polyneuropathie d’installation aiguë :

De type axonal :

– Intoxication aiguë (Lithium, thallium)

– Neuropathie diabétique

– Carence nutritionnelle aiguë associée à une intoxication alcoolique

– Forme axonale de syndrome de Guillain-Barré

– Porphyrie

– Vascularite : il faut réaliser une biopsie neuromusculaire

De type démyélinisant :

Polyradiculonévrite type Guillain-Barré, cause la plus fréquente. Rechercher une hyperprotéinorachie, faire un sérodiagnostic de Campylobacter jejuni. Le traitement repose sur des perfusions d’immuglobulines.

La neuropathie diphtérique est exceptionnelle.

 

Devant une polyneuropathie d’installation subaiguë :

De type axonal :

– Diagnostic le plus probable : neuropathie métabolique, toxique ou nutritionnelle : rechercher un diabète, une hypothyroïdie, une insuffisance rénale, une carence vitaminique ou nutritionnelle associée à l’alcoolisme.

– Causes toxiques : toxiques industriels ou plus souvent médicaments (vincristine, amiodarone, isoniazide, almitrine, métronidazole, cis-platine etc). Il faut aussi rechercher une maladie systémique (sarcoïdose, vascularite nécrosantes, lupus), une maladie hématologique (hémo- et lymphoréticulopathies, dysglobulinémies), une cause infectieuse (hépatite C avec ou sans cryoglobulinémie, SIDA, maladie de Lyme), voire une amylose primitive.

De type démyélinisant :

– Polyradiculoneuropathie subaiguë idiopathique associée à une hyperprotéinorachie.

– Lupus érythémateux disséminé.

– Sarcoïdose.

– Syndrome de Gougerot.

– Myélome condensant ou plasmocytome solitaire ou encore POEMS syndrome.

– sida.

 

Devant une polyneuropathie chronique :

De type axonal :

– Neuropathie acquise associée à une gammapathie monoclonale bénigne à IgG.

– Neuropathie héréditaire (forme axonale de la maladie de Charcot-Marie-Tooth).

– Amylose.

De type démyélinisant :

L’EMG permet d’orienter le diagnostic :

– Polyradiculonévrite inflammatoire chronique.

– Forme démyélinisante de la maladie de Charcot Marie Tooth (recherche des anomalies génétiques).

– Un ralentissement de la conduction nerveuse à prédominance distale évoque une dysglobulinémie à IgM avec activité anti MAG.

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