Anomalies de l’hémostase et tests biologiques

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Pathologie de l’hémostase primaire :

A – CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE :

En présence d’un syndrome hémorragique clinique, cinq caractères, associés ou non, doivent être recherchés :

– le mode d’apparition : saignements spontanés ou déclenchés par un traumatisme minime (choc léger ou piqûre intramusculaire) ;

– la localisation : la répétition des saignements dans le même territoire évoque plutôt une lésion locale, tandis que leur apparition dans des territoires différents orientent vers une diathèse hémorragique constitutionnelle ;

– l’aspect clinique : les saignements cutanéomuqueux à type de purpura, pétéchies, ecchymoses ou épistaxis traduisent souvent une anomalie de l’hémostase primaire ; les télangiectasies évoquent la maladie de Rendu-Osler ;

– caractère récidivant ;

Anomalies de l’hémostase et tests biologiques

– existence d’antécédents familiaux.

B – INTERROGATOIRE :

Il doit être conduit selon un protocole rigoureux et des interrogatoires stéréotypés sont même disponibles.

Il permet de préciser plusieurs paramètres :

– les circonstances de survenue des saignements ;

– leur nature : épistaxis précoces et prolongées, saignement anormal à la chute des dents de lait, ménorragies, transfusions à la suite d’un acte chirurgical banal, d’un accouchement ;

– l’existence d’épisodes hémorragiques importants après avulsion dentaire ou amygdalectomie doit être systématiquement recherchée ;

– la prise éventuelle concomitante d’un médicament antiagrégant comme l’aspirine ou un autre anti-inflammatoire non stéroïdien.

L’enquête familiale doit être informative pour être utile au diagnostic et une consanguinité éventuelle chez les ascendants doit être recherchée.

C – EXAMEN CLINIQUE :

Il contribue à la distinction entre un simple saignement épisodique et une authentique altération de l’hémostase.

Il consiste à rechercher et à caractériser les saignements externes.

L’examen général permet la mise en évidence éventuelle d’une affection causale : adénopathies, splénomégalie, hémopathie, hépatopathie.

L’interrogatoire du patient et son examen clinique orientent en grande partie les tests biologiques en vue du diagnostic.

Si une diathèse hémorragique est établie sur les données de l’interrogatoire, un premier bilan associant temps de saignement (TS), numération plaquettaire, temps de Quick (TQ), temps de céphaline activé (TCA) est recommandé.

Des examens spécialisés sont réalisés en seconde intention devant la mise en évidence d’une ou plusieurs anomalies.

Le TS est le seul test global de l’hémostase primaire réalisé in vivo.

Il faut reconnaître que la pratique du TS est de moins en moins souvent systématique, en raison de sa fiabilité jugée insuffisante par un nombre croissant de cliniciens.

Un nouveau test serait plus sensible pour détecter les causes les plus fréquentes d’altération de l’hémostase primaire : la prise d’aspirine et la maladie von Willebrand.

Il s’agit de l’étude de la capacité fonctionnelle globale plaquettaire évaluée sur sang total citraté par le PFA-100.

Ce test est mal nommé « TS in vitro », mais il permet de mimer artificiellement les conditions d’une brèche artériolaire en conditions de flux de manière, certes simple, mais son utilité dans l’évaluation du risque hémorragique clinique demande encore à être validée par des études élargies.

Pathologie de l’hémostase primaire :

Les anomalies congénitales de l’hémostase primaire sont rares et les altérations acquises sont de loin les plus fréquentes.

Il est classique de distinguer trois grands groupes d’affections :

– les altérations de la paroi vasculaire ;

– les perturbations quantitatives et/ou qualitatives des plaquettes ;

– la maladie von Willebrand constitutionnelle et les déficits acquis en facteur von Willebrand.

A – ALTÉRATIONS DE LA PAROI VASCULAIRE :

L’atteinte de la paroi capillaire peut provoquer un purpura qui peut prendre l’allure de pétéchies (ponctuations), d’ecchymoses plus ou moins étendues, ou de vibices (stries allongées).

L’origine est immunologique, infectieuse, ou le plus souvent indéterminée ou idiopathique.

Les facteurs plasmatiques, ainsi que les fonctions plaquettaires, sont normaux.

Les tests de fragilité capillaire (signe du brassard à tension, ventouse) sont souvent positifs, mais leur intérêt est en pratique très limité.

L’examen clinique suffit le plus souvent pour reconnaître la fragilité capillaire.

Le pronostic est fonction d’une éventuelle affection concomitante.

Différentes formes de purpuras sont décrites :

– purpura par vascularite leucocytoclasique, siégeant aux membres inférieurs, associé éventuellement à des myalgies, des douleurs articulaires, un oedème et/ou une néphropathie, ou une neuropathie périphérique.

Le purpura résulte du dépôt de complexes immuns circulants dans les vaisseaux du derme. Des cryoglobulines peuvent être mises en évidence, le plus souvent mixtes et rarement monoclonales.

Le purpura rhumatoïde ou syndrome de Schoenlein-Henoch (vascularite leucocytoclasique à immunoglobulines [Ig] A) apparaît avant 15 ans, surtout chez les garçons ;

– purpura fulminans méningococcique, de pronostic sévère, souvent associé à une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).

Il doit être traité en urgence ;

– purpuras de diverses origines : vascularites septiques à germes Gram positif ou Gram négatif, maladies éruptives (rougeole, rubéole, scarlatine), maladie d’Osler, fragilité capillaire (sénile, scorbut, corticothérapie prolongée).

B – ATTEINTE PLAQUETTAIRE :

1- Thrombopénies :

La thrombopénie est la diminution de la numération plaquettaire en dessous de 120 G/L.

* Thrombopénies d’origine centrale :

Elles relèvent le plus souvent d’une insuffisance médullaire globale acquise, liée à une hémopathie (état préleucémique, leucémie aiguë, aplasie, myélodysplasie…), ou d’origine toxique (sels d’or, triméthoprime…).

L’alcoolisme, les carences en vitamine B12 et en acide folique peuvent être incriminés.

À l’observation du myélogramme, les mégacaryocytes sont absents ou significativement réduits, associés à d’éventuelles anomalies des autres lignées.

Les thrombopénies familiales avec un volume plaquettaire moyen augmenté sont rapportées dans différents syndromes :

– syndrome des plaquettes grises, avec des plaquettes déficitaires en leur contenu granulaire alpha ;

– syndrome de May-Hegglin, de transmission autosomique dominante, souvent asymptomatique.

Les leucocytes renferment des inclusions bleutées aux extrémités effilées en navette (corps de Döhle) ;

– syndrome d’Epstein, avec une thrombopénie profonde à grandes plaquettes associée à une néphropathie (syndrome d’Alport) et à une surdité de transmission ;

– syndrome de Montréal, de transmission autosomique dominante ; le syndrome hémorragique est modéré et une agrégation spontanée des plaquettes géantes est visible sur les frottis sanguins.

Une altération constitutionnelle de la mégacaryopoïèse associe thrombopénie et plaquettes de petite taille.

Il s’agit du syndrome de Wiskott-Aldrich, de transmission liée au chromosome X, associant eczéma et infections répétées par déficit immunitaire.

L’amégacaryocytose avec agénésie radiale est exceptionnelle.

La thrombopénie familiale Paris-Trousseau est caractérisée par une délétion du bras long du chromosome 11, un retard mental modéré, une syndactylie et une dysmorphie faciale.

Il existe de nombreux micromégacaryocytes médullaires et les plaquettes présentent une fusion de leur granules alpha. Différents types de thrombopénies familiales de transmission autosomique dominante et à volume plaquettaire normal ou augmenté, par trouble de production, ont été rapportés.

La confusion de diagnostic avec le purpura thrombopénique idiopathique (PTI) est fréquente ; la possibilité de thrombopénie familiale et constitutionnelle doit être évoquée grâce à une enquête familiale rigoureuse, à l’absence de numération plaquettaire normale dans les antécédents personnels et même parfois devant l’inefficacité du traitement d’un PTI (corticothérapie, veinoglobulines ou parfois splénectomie).

Ce diagnostic différentiel est donc important à ne pas méconnaître.

* Thrombopénies périphériques :

Les mécanismes responsables de thrombopénies périphériques sont de trois types : hyperdestruction, anomalie de répartition (hypersplénisme), hyperconsommation (coagulopathie intravasculaire généralisée).

Le risque hémorragique ne semble important que pour une numération plaquettaire inférieure à 50 G/L.

La valeur fonctionnelle des plaquettes joue un rôle essentiel et explique la bonne tolérance clinique.

La thrombopénie doit être confirmée sur plusieurs examens afin d’éliminer un éventuel artefact.

L’observation du frottis après coloration au May-Grünwald-Giemsa (recherche d’amas en « queue de frottis ») et la numération sur des anticoagulants différents permettent d’éliminer une pseudothrombopénie par thromboagglutination plus fréquente en éthylène-diamine-tétraacétique (EDTA).

Il existe en effet des thromboagglutinines froides actives à température ambiante et dépendantes de l’anticoagulant qui sont capables de générer des agglutinats in vitro et dont l’effet disparaît à 37 °C.

Dans certains contextes inflammatoires, un satellitisme plaquettaire peut être objectivé avec une adhésion des plaquettes aux leucocytes responsables d’une fausse thrombopénie.

L’interrogatoire, l’examen clinique, la numération plaquettaire et l’évaluation des volumes plaquettaires moyens, l’étude de la coagulation, l’observation du frottis sanguin et du myélogramme associé ou non à une étude histologique de la moelle, et/ou une étude isotopique de la durée de vie plaquettaire en autologue, permettent de mieux cerner l’étiologie de la thrombopénie, avant de conclure au diagnostic de PTI, qui n’est qu’un diagnostic d’exclusion.

Les étiologies d’une thrombopénie périphérique sont nombreuses :

– hypersplénisme : il faut bien entendu l’éliminer ;

– infectieuses : virales (rougeole, rubéole, mononucléose, hépatites, infections à parvovirus ou cytomégalovirus, virus de l’immunodéficience humaine [VIH]), bactériennes (septicémie, CIVD), parasitaires (paludisme, toxoplasmose, leishmanioses) ;

– immunoallergiques : les thrombopénies induites par l’héparine sont rares (incidence 0,1 à 3 % des patients traités), mais elles entraînent des thromboses veineuses et/ou artérielles pouvant engager le pronostic vital ;

– immunologiques : dans le lupus érythémateux aigu disséminé ou autre collagénose, ou au cours d’une hémopathie lymphoïde, la thrombopénie peut être associée à un anticoagulant circulant de type antiprothrombinase et à des anticorps anticardiolipines ;

– microangiopathiques, dans le syndrome de Moschcowitz et le syndrome hémolytique urémique de l’enfant ;

– post-transfusionnelles, par allo-immunisation du receveur qui développe des anticorps antiplaquettaires. Rares, elles sont observées surtout dans le post-partum après transfusion ;

– la CIVD implique la consommation des différents facteurs de la coagulation et un syndrome de défibrination.

2- Thrombopathies :

* Thrombopathies constitutionnelles :

1- Pathologies des récepteurs glycoprotéiques :

– Dystrophie thrombocytaire hémorragipare de Bernard-Soulier.

La transmission est autosomique récessive. Au plan biologique, la maladie se caractérise par une absence d’adhésion des plaquettes au sous-endothélium vasculaire.

Les plaquettes sont de grand volume (12 à 15 fl), en nombre légèrement diminué.

Le déficit en récepteurs membranaires glycoprotéiques (GP)Ib-IX est démontré sur électrophorèse bidimensionnelle et/ou par cytométrie en flux.

L’étude fonctionnelle in vitro confirme l’absence d’agglutination en présence de ristocétine et de botrocétine, tandis que l’agrégation induite par les autres agonistes classiques (thrombine, collagène) est normale.

La biologie moléculaire permet de mettre en évidence des variants avec des mutations différentes.

– Thrombasthénie de Glanzmann.

Elle est aussi de transmission autosomique récessive.

Le syndrome hémorragique cutanéomuqueux peut s’estomper à l’âge adulte ; toutefois, une anémie ferriprive fréquente peut témoigner de la persistance de saignements occultes.

La maladie est caractérisée par une absence d’agrégation des plaquettes quel que soit l’agoniste utilisé.

Elle est liée à un déficit en sites d’amarrage du fibrinogène : les complexes GPIIb-IIIa ou intégrines a2bb3 dont il existe 40 000 à 80 000 copies par plaquette normale.

Ce chiffre est réduit à 20 % dans le type II, forme atténuée, et à 5 % dans le type I, forme sévère, la plus fréquente.

Il existe des variants où l’anomalie du complexe est strictement qualitative.

L’étude fonctionnelle in vitro montre une activation plaquettaire limitée à un changement de forme et réaction sécrétoire conservée avec une libération d’adénosine triphosphate (ATP) pratiquement normale.

La rétraction du caillot est nulle.

La biologie moléculaire permet l’étude des anomalies génétiques associées (mutations ponctuelles).

En France, la maladie est le plus fréquemment observée chez les Gitans, groupe ethnique à forte endogamie et/ou favorisée par la consanguinité.

– Anomalie de la réponse au collagène.

Dans la population asiatique, une faible proportion de sujets est déficiente en glycoprotéine GPIV (CD36), l’un des récepteurs du collagène, sans conséquence clinique ni biologique.

Des observations ponctuelles de déficit en GPIa-IIa ou en GPVI ont aussi été rapportées.

2- Altérations des voies de signalisation plaquettaire :

– Anomalies de la voie des prostaglandines (aspirin-like syndrome).

Dans les plaquettes, un déficit enzymatique de la cyclo-oxygénase 1 ou prostaglandine-H2 synthétase 1, enzyme constitutive, entrave la synthèse du thromboxane A2.

– Anomalie de la réponse à l’adénosine diphosphate (ADP).

Elle est voisine, par ses caractères biologiques, de la thrombopathie acquise induite par la ticlopidine ou le clopidogrel.

– Troubles de la microvésiculation.

Des cas d’anomalie de la génération de microparticules plaquettaires, sans altération de l’activité prothrombinasique, ont été rapportés.

3- Pathologies des granules plaquettaires ou de leur sécrétion :

– Déficit en granules denses : maladie du pool vide delta.

Le syndrome de Hermansky-Pudlak est de transmission autosomique dominante, associé à un albinisme et à l’accumulation de substance céroïde dans les cellules réticulohistiocytaires.

Le syndrome de Chediak-Higashi, de transmission autosomique récessive, est associé à un albinisme partiel et des infections récurrentes.

L’évolution est marquée par des phases de thromboet de leucopénie.

Le syndrome de Wiskott-Aldrich est aussi caractérisé par un déficit en granules denses.

– Déficit en contenu des granules alpha : maladie du pool vide alpha.

Il s’agit du syndrome des plaquettes grises (gray-platelet syndrome), car ces granules apparaissent azurophiles au sein de la plaquette.

La transmission est autosomique dominante.

4- Autres pathologies associant des anomalies des plaquettes et des facteurs plasmatiques :

– Maladie von Willebrand. Le variant type 2B et la pseudomaladie von Willebrand sont développées dans le chapitre correspondant.

– Anomalie du facteur V plaquettaire

– thrombopathie Québec.

C’est un syndrome hémorragique clinique transmis sur le mode autosomique dominant.

Les plaquettes sont en nombre relativement diminué, avec une absence de réponse à l’adrénaline, un déficit en multimérine et une protéolyse exagérée des constituants granulaires alpha (facteur V, thrombospondine, fibrinogène, facteur de von Willebrand [FVW (VWF)], fibronectine et P-sélectine).

Le déficit en facteur V plaquettaire serait responsable de la diminution de la formation du complexe prothrombinase à la surface plaquettaire, entraînant une réduction de ses propriétés procoagulantes.

La dissociation entre l’élévation significative des produits de dégradation du fibrinogène et des taux normaux de D-dimères semble un bon test de dépistage en cas d’absence de réponse plaquettaire à l’adrénaline.

Une autre particularité clinique de cette thrombopathie est l’absence d’efficacité des transfusions plaquettaires pour contrôler les épisodes hémorragiques.

– Syndrome de Scott.

Les plaquettes présentent une anomalie d’exposition des phospholipides membranaires conduisant à un défaut d’activation de la coagulation plasmatique (ralentissement de la cinétique d’activation de la thrombine).

Le test de consommation de la prothrombine permet aisément d’évaluer l’activité coagulante des plaquettes en mesurant la prothrombine résiduelle qui doit être normalement inférieure à 10 %.

Le mode de transmission est autosomique récessif.

* Thrombopathies acquises :

Elles sont très fréquentes et bien souvent découvertes fortuitement.

Le caractère acquis est à évoquer devant l’absence d’antécédents hémorragiques personnels ou familiaux signalés lors de l’interrogatoire.

Les médicaments sont le plus fréquemment à l’origine de ces altérations fonctionnelles plaquettaires avec en premier lieu, les anti-inflammatoires non stéroïdiens dont l’aspirine (souvent en automédication), puis les antiagrégants comme la ticlopidine ou le clopidogrel.

La liste des thrombopathies iatrogènes est bien entendu non exhaustive et on peut citer les antibiotiques (pénicilline, céphalosporines), les diurétiques, les inhibiteurs calciques, certaines chimiothérapies, les anesthésiques, les antidépresseurs tricycliques, le dextran, les hypolipémiants, et même l’alcool.

D’authentiques pathologies peuvent entraîner des perturbations secondaires de la réponse plaquettaire :

– syndromes myéloprolifératifs et préleucémiques ;

– dysglobulinémies ;

– myélodysplasies ;

– insuffisances rénales chroniques ;

– contextes postopératoires, surtout la circulation extracorporelle ;

– valvulopathies cardiaques ;

– maladies auto-immunes avec des autoanticorps dirigés contre les glycoprotéines membranaires ;

– hépatopathies chroniques.

Leur diagnostic est difficile et doit être effectué par des laboratoires spécialisés.

3- Thrombocytoses et thrombocythémies :

La thrombocytose est l’augmentation secondaire de la numération plaquettaire au-dessus de 500 G/L notée à plusieurs examens biologiques successifs.

La thrombocythémie est l’augmentation primitive de la production plaquettaire dans le cadre d’un syndrome myéloprolifératif.

* Thrombocytoses réactionnelles :

1- Thrombocytoses postsplénectomie :

Physiologiquement, la rate sécrète un régulateur hormonal de la production médullaire de plaquettes, et séquestre 20 à 30 % des plaquettes circulantes.

La numération s’élève 2 jours après une splénectomie jusqu’à 1 000 G/L en 7 à 15 jours, puis régresse en 1 à 2 mois (voire 6 mois) pour se stabiliser généralement entre 500 et 700 G/L.

En dessous de 600 G/L, aucune thérapeutique antiagrégante plaquettaire n’est habituellement envisagée.

2- Thrombocytoses secondaires en dehors de la splénectomie :

Les causes sont de diverses origines : anémie, hyposidérémie, réactions inflammatoires, sécrétion d’une substance thrombopoïétine-like par certaines tumeurs.

Une thrombocytose persistante, confirmée par des numérations successives, peut être révélatrice ou accompagne les cancers (30 à 40 % des cas), les maladies infectieuses aiguës ou chroniques et autres pathologies inflammatoires (17 à 30 % des cas).

* Thrombocythémies :

Elles accompagnent les syndromes myéloprolifératifs : polyglobulie de Vaquez, leucémie myéloïde chronique, splénomégalie myéloïde ou thrombocythémie essentielle elle-même.

La numération plaquettaire est parfois très élevée (jusqu’à 3000 G/L). Elle résulte d’une atteinte monoclonale de la cellule souche multipotente.

Dans la moelle, les mégacaryocytes sont souvent dystrophiques.

Des lésions ischémiques des extrémités, en rapport avec des oblitérations artériolaires par les thrombi plaquettaires, sont assez souvent observées.

Dans plus de la moitié des thrombocythémies essentielles, une thrombopathie acquise est observée, se traduisant par des altérations de l’agrégation évocatrices : absence de réponse à l’adrénaline, changement de forme important avant l’agrégation au collagène, trouble de la réaction sécrétoire.

L’allongement du TS et les manifestations hémorragiques sont en revanche inconstants.

C – MALADIE VON WILLEBRAND :

C’est la plus fréquente des anomalies constitutionnelles de l’hémostase, définie par une altération quantitative ou qualitative du VWF.

La transmission est autosomique, le plus souvent dominante.

La forme grave (type 3) et certains variants moléculaires ont une transmission récessive.

La prévalence chez les hétérozygotes se situe entre 0,6 et 1 %.

Les hémorragies sont muqueuses (gingivorragies, épistaxis…) et cutanées (ecchymoses).

Elles sont fréquentes en postopératoire.

Chez les enfants, les saignements post-traumatiques de la cavité buccale et les hémorragies amygdaliennes spontanées sont caractéristiques.

La tendance hémorragique s’estompe avec l’âge.

Les ménorragies de la jeune femme sont améliorées par la contraception orale oestroprogestative.

Pathologies hémorragiques de la coagulation :

Ces tests globaux d’une phase de la cascade enzymatique assurant la constitution du caillot permettent l’exploration de la majorité des facteurs participants.

Ainsi, l’allongement anormal de ces temps de coagulation évoque une anomalie dont le mécanisme doit être précisé par des études plus approfondies.

Nous nous limiterons aux altérations biologiques pouvant être responsables d’un syndrome hémorragique clinique, car les anomalies responsables d’un risque accru de thrombose ont été envisagées dans un autre chapitre de ce volume.

A – DÉFICITS CONSTITUTIONNELS :

Ils sont peu fréquents. Leur gravité est liée au facteur en cause et à la profondeur du déficit qui peut être parfois combiné.

En effet, chaque test de coagulation, TQ, TCA, temps de thrombine (TT), explore une partie de la série de réactions enzymatiques constituant la coagulation plasmatique.

1- Déficit en facteur II :

Il s’agit du déficit en facteur de la coagulation le plus rare.

Sa transmission est autosomique récessive.

Il peut en effet exister des déficits quantitatifs (hypoprothrombinémie), ou qualitatifs (dysprothrombinémie), ou mixtes.

Les sujets hétérozygotes sont asymptomatiques et les manifestations hémorragiques des patients homozygotes sont relativement modestes, avec des hémorragies surtout postopératoires.

Un déficit acquis doit être éliminé, tel que les autoanticorps associés aux anticoagulants circulants de type lupus ou au syndrome des antiphospholipides.

Les colles biologiques avec de la thrombine bovine peuvent aussi être responsables de l’apparition d’anticorps de réactivité croisée.

Seul, en cas de déficit sévère, l’apport de concentrés de prothrombine est nécessaire pour maintenir un taux plasmatique compris, en activité chronométrique, entre 30 et 50 %.

2- Déficit en facteur XIII :

Le facteur stabilisant de la fibrine est une protéine plasmatique ayant une activité transamidasique dont le déficit constitutionnel est exceptionnel et de transmission autosomique récessive.

Seuls les homozygotes sont symptomatiques, avec des phénomènes hémorragiques dès la chute du cordon ombilical et des hématomes profonds.

Des troubles de cicatrisation sont particuliers à ce déficit.

Le diagnostic est basé sur le dosage du facteur XIII.

Des autoanticorps anti-XIII ont été rapportés dans la littérature surtout après traitement prolongé par isoniazide. Des déficits acquis sont décrits dans certains purpuras rhumatoïdes.

Il faut moins de 5 % de facteur XIII pour assurer l’hémostase physiologique.

3- Déficit en fibrinogène :

Il est classique de distinguer les déficits qualitatifs ou dysfibrinogénémies et les déficits quantitatifs ou hypofi- brinogénémies. En fait, il existe aussi des hypodysfibrinogénémies.

L’afibrinogénémie est exceptionnelle et elle est de transmission autosomique récessive.

Elle peut être évoquée en période périnatale avec des ecchymoses faciles, des hémorragies cutanéomuqueuses, des saignements prolongés postchirurgicaux.

Le diagnostic est envisagé devant des temps de coagulation globaux incoagulables et parfaitement corrigés par l’apport de plasma normal en parties égales.

Le fibrinogène est indosable, alors que les autres cofacteurs sont normaux.

La substitution par des concentrés de fibrinogène sécurisés pour assurer un taux plasmatique aux environs de 1g/L est préconisée en période périopératoire ou hémorragique.

L’apparition d’alloanticorps est décrite dans ces contextes.

L’hypofibrinogénémie est de transmission autosomique dominante ou récessive.

En fait, le contexte clinique est lié au degré du déficit.

La dysfibrinogénémie est relativement plus fréquente, avec de nombreuses familles rapportées dans la littérature.

De transmission autosomique dominante, elle est, dans la plupart des cas, asymptomatique et de découverte fortuite.

Elle est responsable, dans près de 10 % des cas, de manifestations hémorragiques modérées surtout provoquées et postopératoires (variants Fg Metz ou Fg Détroit).

Dans moins de 20 % des cas, elle est associée à des épisodes thrombotiques veineux ou artériels, sans que la preuve formelle de sa responsabilité soit établie.

L’étude en biologie moléculaire permet d’identifier la mutation en cause et de mieux connaître la relation complexe entre les anomalies de structure et la symptomatologie clinique.

4- Déficits associés :

* En facteurs V et VIII :

Ce déficit combiné serait la conséquence d’une seule anomalie génique et serait responsable d’hémorragies provoquées et de saignement cutanéomuqueux.

* En facteurs II, VII, IX et X :

Cette combinaison est le plus souvent le résultat d’un trouble du métabolisme de la vitamine K acquis par ictère rétentionnel, sprue, maladie coeliaque ou résection intestinale étendue.

Il est rarement constitutionnel.

Il faut donc envisager une enquête digestive et métabolique plus large pour mettre en évidence les raisons d’un déficit fonctionnel des enzymes hépatiques responsables de la gamma carboxylation des facteurs de la coagulation, entraînant ainsi la génération de protéines induites en l’absence ou par un antagoniste de la vitamine K (proteins induced by vitamin K antagonist or absence) [PIVKA].

B – INSUFFISANCE HÉPATOCELLULAIRE :

En cas d’hépatopathie, les anomalies sont souvent complexes et multiples.

Elles peuvent résulter d’une atteinte vasculaire ou d’un hypersplénisme avec hypertension portale ou même d’une atteinte posthépatique avec des troubles de synthèse ou d’une coagulopathie de consommation aboutissant à des tableaux biologiques hétérogènes et de sévérité variable.

Les premiers facteurs atteints sont ceux dont la demi-vie est la plus courte, comme les facteurs VII et X, les protéines S et C.

En cas d’atteinte parenchymateuse plus importante, il apparaît alors une diminution des taux de facteur V et de fibrinogène, puis d’antithrombine et de plasminogène et de plasminogen activator inhibitor (PAI).

Des anomalies qualitatives peuvent être associées avec des dysfibrinogénémies ou des dysplasminogénémies.

C – INHIBITEURS : ANTICOAGULANTS SPÉCIFIQUES

1- Anti-VIII :

Ce sont les plus fréquemment retrouvés dans un contexte dysimmun comme le lupus érythémateux disséminé ou la polyarthrite rhumatoïde, les hémopathies malignes, le diabète, les traitements antibiotiques et le post-partum.

Ils sont, dans la moitié des cas, d’origine idiopathique, sans étiologie retrouvée. Leur nature IgG est fréquente et plus rarement IgM ou IgA.

Chez près de 90 % des patients, la symptomatologie fonctionnelle est hémorragique grave : hématomes profonds, rétropéritonéaux, intracérébraux, avec un pronostic réservé (20 % de décès).

Le diagnostic est suspecté sur un allongement significatif du TCA isolé, non corrigé par l’apport de plasma témoin en parties égales.

Les taux de facteur VIII coagulant sont effondrés.

Le titre de l’inhibiteur doit être déterminé, correspondant à l’inverse de la dilution permettant d’obtenir 50 % d’activité de VIII résiduel.

2- Anti-IX :

Plus rares que les précédents, ils sont rencontrés dans diverses pathologies auto-immunes, virales, inflammatoires, de surcharge, ou même le post-partum.

Il s’agit généralement d’IgG dont la recherche et le titrage sont effectués comme pour l’anti-VIII.

3- Anti-Willebrand :

Les maladies de Willebrand acquises sont décrites dans les dysglobulinémies, les syndromes lymphoprolifératifs ou myéloprolifératifs, les pathologies auto-immunes, les cancers, les dysthyroïdies, le diabète…

En fait, les mécanismes sont divers :

– adsorption sélective des complexes VIII-VWF sur les cellules tumorales ;

– constitution de complexes immuns avec la dysglobuline, avec une clairance accrue ;

– protéolyse accélérée du VWF par les enzymes leucocytaires ;

– anomalie de synthèse des formes multimériques du VWF.

Au plan biologique, on retrouve tous les critères de la maladie de Willebrand.

La prise en charge repose sur un traitement étiologique indispensable (chimiothérapie, hormonothérapie…) et la plasmaphérèse associée parfois à la perfusion de concentrés de FVW permettent de contrôler le syndrome hémorragique.

4- Anti-V :

Les contextes cliniques sont divers : cancers, entéropathies, dysglobulinémies, infection, antibiothérapie, colle biologique hémostatique (associée à une antithrombine).

Le syndrome hémorragique est variable selon les sujets et dépendrait de la persistance d’un pool plaquettaire de facteur V.

5- Antithrombine :

Ces inhibiteurs ont été rapportés dans les suites d’interventions chirurgicales utilisant des colles hémostatiques contenant de la thrombine bovine.

Ces anticorps de type IgG le plus souvent sont dirigés contre la thrombine humaine dans près de la moitié des cas.

Le diagnostic repose sur l’allongement du TT, non corrigé par l’apport de plasma témoin et normal en présence de thrombine humaine.

6- Autres inhibiteurs :

Des anti-II ont été rapportés dans le lupus érythémateux disséminé ou dans les syndromes lymphoprolifératifs.

Ainsi, près des trois quarts des patients ayant un anticoagulant circulant de type lupus ont des complexes immuns et parfois un authentique déficit associé en prothrombine responsable, rarement, d’un syndrome hémorragique clinique.

Des anti-VII sont aussi décrits chez des patients cancéreux ou atteints par le VIH. Un anti-X est rarement rapporté dans des circonstances analogues.

Au cours de l’amylose, la substance amyloïde, tel un inhibiteur extraplasmatique, fixe le facteur Stuart et génère un véritable déficit.

Des anti-XI, comme les anti-XII et les antiprékallicréines, sont retrouvés dans les maladies auto-immunes ou les collagénoses.

Ils ne sont pas inducteurs de complications hémorragiques.

Des inhibiteurs du fibrinogène et de la fibrinoformation ont été rapportés dans des contextes dysimmuns ou certains syndromes lymphoprolifératifs. Ils sont aussi décrits dans les déficits constitutionnels.

Ils peuvent ainsi empêcher la polymérisation des monomères de fibrine (antipolymérases du myélome).

Les anti-XIII sont exceptionnels, survenant en cas de déficit constitutionnel ou lors d’un traitement par isoniazide ou pénicilline.

D – SYNDROMES DE DÉFIBRINATION :

Les coagulopathies de consommation ou CIVD sont rencontrées dans de nombreux contextes pathologiques et sont caractérisées par une diminution de la concentration de fibrinogène et des autres facteurs de la coagulation, avec une génération accrue de thrombine et une activation importante de la fibrinolyse.

Les fibrinogénolyses primitives sont exceptionnelles avec un syndrome de défibrination exclusif.

Les étiologies des CIVD sont très nombreuses. Sur le plan étiopathogénique, plusieurs facteurs sont impliqués.

La libération de grandes quantités de facteur tissulaire à partir des lésions parenchymateuses, et même à partir des cellules mononucléées, constitue le détonateur de la cascade de la coagulation.

Certains organes sont particulièrement riches : cerveau, prostate, utérus et poumon.

Les lésions de l’endothélium vasculaire sont aussi responsables d’une hypoxie majorant la souffrance cellulaire et générant d’importantes quantités de radicaux libres (syndromes d’écrasement, traumatismes étendus, néoplasie).

Les agents agresseurs endothéliaux sont multiples : complexes immuns, endotoxines, acidose, enzymes granulaires leucocytaires (élastases, protéases).

Des CIVD sont aussi décrites dans les hémangiomes géants (syndrome de Kasabach-Merritt).

La consommation des différents facteurs de la coagulation et la mise en jeu des systèmes de régulation aboutissent à un dépassement des moyens de contrôle.

Ce véritable orage vasculaire est caractérisé au plan clinique par la coexistence de saignements en « nappe », surtout en contexte chirurgical, ou cutanéomuqueux avec des ecchymoses en « carte de géographie », d’hémorragies aux points de ponction.

Les manifestations cliniques thrombotiques de la microcirculation entraînent ainsi des comas neurologiques, une insuffisance rénale par nécrose corticale, une détresse respiratoire, des ulcérations digestives multiples, des ischémies distales des membres.

Le diagnostic biologique doit s’attacher à évaluer :

– l’hyperconsommation par l’allongement des temps de coagulation globaux (TQ, TCA, TT) et le déficit plus ou moins profond en facteurs (fibrinogène, V, VIII, II), la thrombopénie souvent marquée, et même la diminution significative des inhibiteurs physiologiques comme l’antithrombine ;

– l’activation de la fibrinolyse réactionnelle par l’accélération de l’activité fibrinolytique globale et un raccourcissement significatif du temps de lyse du caillot de sang total ou d’euglobulines (test de Fearnley ou de von Kaulla).

On a également une diminution des taux de plasminogène plasmatique ;

– la mesure des D-dimères, fragments spécifiques de la fibrine stabilisée par agglutination de particules de latex et qui sont élevés et qui sont élevés ;

– la génération de complexes solubles issus de l’association de monomères de fibrine avec des molécules de fibrinogène ou des fragments de dégradation de la fibrine et/ou du fibrinogène empêchant ainsi la polymérisation de la fibrine.

Un véritable score de la CIVD peut être établi sur les critères biologiques et cliniques pour évaluer la sévérité et l’évolution de ce syndrome complexe.

Le traitement essentiel est avant tout étiologique après avoir déterminé la cause de cette coagulopathie disséminée.

Il est bien entendu associé à la correction ponctuelle par un traitement symptomatique visant à compenser les pertes (plasma frais congelé sécurisé, fibrinogène, plaquettes), modérer l’hypercoagulabilité (concentrés d’antithrombine, héparine).

Les antifibrinolytiques (acide tranexamique, aprotinine) sont réservés au traitement des fibrinogénolyses primitives.

E – HÉMOPHILIE :

L’hémophilie A (déficit en facteur VIII) touche un cas sur 5 000 et l’hémophilie B (déficit en facteur IX) 1 cas sur 30 000 naissances de sexe masculin.

Elle est de transmission récessive liée au sexe.

Les femmes sont donc seulement conductrices et les hommes atteints cliniquement.

Les progrès des techniques de biologie moléculaire ont permis une approche plus simple et rapide de l’étude des gènes correspondants et la détection de près de 95 % des anomalies ponctuelles en se limitant aux zones d’intérêt.

En fait, de nombreuses anomalies du gène du facteur VIII sont actuellement recensées (120 délétions partielles ou totales, plus de 170 mutations ponctuelles) et l’atteinte de l’intron 22 serait responsable de la moitié des hémophilies A sévères.

Plus de 800 anomalies sont également rapportées pour le gène du facteur IX, avec essentiellement des mutations ponctuelles.

La sévérité de la maladie est liée au taux résiduel de facteur correspondant.

Il semble que la fréquence des accidents hémorragiques diminue avec l’âge.

Les femmes conductrices ont généralement un taux compris entre 15 et 50 %. Cliniquement, le syndrome hémorragique est caractérisé par sa survenue post-traumatique minime, avec essentiellement des hémarthroses, localisées surtout aux genoux ou aux coudes, et des hématomes profonds musculaires.

Elles apparaissent donc au moment de la marche, lorsque l’enfant « quitte les bras de sa mère ». Une circonstance à ne pas négliger est l’hémorragie lors d’une circoncision, d’une extraction dentaire, ou d’une amygdalectomie.

En cas d’absence de prise en charge effective et de récidives, l’évolution fonctionnelle articulaire est péjorative, avec un enraidissement, une amyotrophie importante, et un pronostic fonctionnel invalidant.

Le diagnostic est donc important sur les bases d’un bilan biologique avec dosage des facteurs VIII et IX, une enquête familiale après l’interrogatoire informatif sur les antécédents, l’existence d’une éventuelle consanguinité, l’établissement d’un arbre généalogique.

La prise en charge par un centre expert est indispensable pour l’éducation du patient, le conseil génétique, et surtout pour le diagnostic prénatal.

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