Introduction : la théorie chromosomique de l'hérédité
:
W. Flemming observe, en 1879, un composant nucléaire fortement colorable qu’il
nomme chromatine. En 1882, Flemming, chez la salamandre, E. Strasburger, chez
plusieurs plantes, et E. van Beneden, chez Parascaris, décrivent la mitose, au
cours de laquelle la chromatine se condense en un certain nombre de blocs que
W. Waldeyer nomme chromosomes en 1888.
Les différents stades de la méiose sont progressivement mis en évidence entre
1883 et 1905.
Mais dès 1883, van Beneden établit la réduction chromatique, en
montrant que les gamètes de Parascaris n’ont que deux chromosomes quand les
autres cellules de l’organisme en ont quatre.
En 1887, Flemming, travaillant sur le
pollen, met lui aussi en évidence la succession rapide de deux divisions à la suite
desquelles le nombre de chromosomes est réduit de moitié.
Parallèlement, Theodor Boveri montre, en 1889, par des expériences de suppression
ou d’échange de noyau chez l’oursin, l’importance capitale du noyau, non
seulement dans le développement de l’oeuf, mais aussi dans le déterminisme des
caractéristiques du test.
La cytologie a donc préparé les esprits à l’idée que le noyau renferme la substance
qui gouverne l’hérédité, ce germ-plasm dont August Weissman postule le caractère
inaltérable et dont il a fait le centre de sa théorie.
Et quels meilleurs candidats pour ce germ-plasm que ces chromosomes dont le
nombre est réduit de moitié chez les gamètes, mais rétabli lors de la fécondation ?
Cette alternance bien ordonnée de la méiose et de la fécondation maintient la ploïdie
spécifique à chaque espèce, exactement la propriété que Weissman attend du support
matériel au germ-plasm.
Enfin, T.H. Montgomery, en 1901 et Walter Sutton, en 1902 montrent, chez les
insectes, que les deux chromosomes appariés à la méiose sont l’un d’origine paternelle
et l’autre d’origine maternelle.
Dès lors il n’est pas étonnant qu’en 1902, au moment où l’universalité des lois de
Mendel devient évidente, les deux cytologistes Sutton et Boveri soient frappés par
l’identité de comportement à la méiose, des chromosomes qu’ils connaissent bien, et
des facteurs mendéliens, désormais appelés gènes, au point qu’ils supposent que les
premiers constituent le support des seconds.
L’hypothèse de Sutton-Boveri donne enfin une base objective, cytologique, aux
lois de Mendel qui semblent devoir être aussi universelles que la méiose et la fécondation.
Toutefois, la théorie chromosomique de l’hérédité ne sera définitivement
admise par tous les biologistes qu’après plusieurs observations ou expérimentations
décisives, notamment celles de Elinor Carothers (1913), puis Thomas Hunt Morgan
et Calvin Bridges (1916).
La
ségrégation 2/2 :
L’analyse génétique reprise dans le cadre de la théorie chromosomique de l’hérédité
s’appuie sur les mêmes protocoles expérimentaux que ceux définis par Mendel, mais
interprète la causalité génétique sur la base de la réduction de ploïdie à la méiose qui
sépare, dans des gamètes haploïdes différents, chacun des deux exemplaires, donc
des deux allèles, de chacun des gènes.
Si on ne considère qu’un seul gène, la méiose, chez un hétérozygote A//a, aboutit
à quatre gamètes, deux gamètes porteurs de A et deux gamètes porteurs de a.
Il y a
ségrégation 2/2 (fig. 2.1).
Figure 2.1 Ségrégation 2/2
La méiose chez un diploïde A//a donne quatre gamètes haploïdes;
deux contenant
un allèle parental A et deux contenant l’autre allèle parental
a.
En inversant la proposition précédente, on peut conclure que la différence phénotypique
entre deux souches pures ne dépend que d’un seul gène si l’analyse de la
méiose, chez les individus F1 issus du croisement entre ces deux souches, révèle une
ségrégation 2/2 typique d’un seul couple d’allèles (encart 2.1).
Remarque
:
Afin de bien comprendre la définition et le sens des termes utilisés
dans la génétique formelle et leur filiation par rapport aux expérimentations
de Mendel, l’encart 2.1 montre comment les observations d’un croisement
entre deux souches pures de Pisum, différant par la couleur des fleurs, sont
interprétées, en mettant en parallèle les concepts et la terminologie de Mendel
et ceux de la génétique formelle d’aujourd’hui.
La ségrégation 2/2 d’un couple d’allèle d’un gène à la méiose est déduite de la
ségrégation 3/4 1/4 des phénotypes parentaux dans la F2 issue du croisement
F1 × F1 (encart 2.1).
On en déduit alors que la différence phénotypique des deux souches pures parentales
analysées par croisement n’est due qu’à un seul gène, la descendance F1 étant
alors hétérozygote pour ce seul gène.
Remarque
:
Le fait que la différence phénotypique entre deux souches pures
ne dépende que d’un seul gène ne signifie pas que le caractère étudié à travers
cette différence phénotypique ne dépende que d’un seul gène; bien évidemment
plusieurs gènes peuvent être impliqués dans la réalisation du caractère,
mais les deux souches pures ne diffèrent entre elles que pour un seul des gènes
impliqués dans le déterminisme du caractère étudié.
Si l’analyse de la F2 issue du croisement F1 × F1 exclue la ségrégation 2/2, on
conclut alors que les deux souches diffèrent pour plus d’un gène.
L’hypothèse minimaliste
étant qu’elles diffèrent pour au moins deux gènes.
Il convient de tester la
validité de cette hypothèse avant d’envisager une hypothèse plus complexe.