Le terme caractère est ambigu car il recouvre chez Mendel trois concepts différents
mais interdépendants, aujourd’hui précisés par trois termes différents, le caractère
proprement dit, le phénotype et l’allèle.
• Le caractère est un aspect ou une propriété biologique, un phénomène dont on
peut étudier le déterminisme génétique à travers les modalités de sa transmission
héréditaire, par exemple le groupe sanguin ABO ou la couleur de la fleur dans
l’exemple précédent; c’est le seul usage encore admissible du terme caractère.
• Le phénotype est l’une des formes possibles du caractère puisque l’analyse génétique
d’un caractère suppose qu’il se présente au moins sous deux formes ou phénotypes
possibles, par exemple le phénotype pourpre et le phénotype blanc (on ne
devrait donc plus dire le caractère pourpre ou le caractère blanc).
• L’allèle est une des formes possibles d’un gène impliqué dans le déterminisme du
caractère étudié (c’est le facteur causal mendélien, aussi appelé caractère par Mendel).
• Le génotype, pour un gène, est constitué de l’ensemble des allèles de ce gène
présents dans la cellule (ou l’organisme), un chez les haploïdes, deux chez les
diploïdes, etc.
Selon la nature du message qu’ils contiennent, les différents allèles d’un gène sont
responsables, en fonction de leurs combinaisons génotypiques, des différents phénotypes
observables du caractère étudié (on ne doit donc plus utiliser le terme de caractère
dans le sens mendélien de facteur déterministe puisque le terme précis d’allèle a
été défini).
2- Le phénotype sauvage et la souche sauvage de référence
:
Dans la plupart des cas l’analyse génétique d’un caractère ou d’un phénomène
débute par l’obtention de variants phénotypiques, de « mutants », qui diffèrent d’un
phénotype de référence appelé « phénotype sauvage » (traduction de wild type).
Cette appellation a été introduite par les généticiens drosophilistes au début du
siècle, car chez drosophila, les organismes des populations naturelles semblaient
identiques, au moins pour leurs caractères morphologiques, ce qui permettait de
définir une norme « sauvage » de référence.
Mais en génétique expérimentale, la souche sauvage correspond rarement à ce
qu’on pourrait trouver à l’état sauvage dans des populations naturelles, constituées
d’organismes génétiquement différents, hétérozygotes pour un grand nombre de
gènes (même pour la drosophile).
C’est une souche pure, obtenue au laboratoire,
constituée d’individus homozygotes tous identiques entre eux, pour un certain
nombre de gènes, ou pour tout le génome, et servant simplement de référentiel pour
situer les mutants dans l’analyse génétique.
C’est d’ailleurs pourquoi de nombreux généticiens utilisent le terme de souche de
référence (SR) qui a l’avantage pédagogique de préciser son utilité et de dissiper
l’ambiguïté du terme sauvage, et parfois encore le terme de « souche sauvage de
référence » (SSR).
3- Quelle est la définition du gène à ce stade ?
a) L’unité de ségrégation
:
C’est une première définition du gène. Le gène est défini par un couple de facteurs
déterministes, appelés allèles, qui ségrègent à la méiose et rendent compte des
modalités de la transmission des différentes formes du caractère étudié (par exemple
la couleur de la fleur dans l’encart 2.1), appelées phénotypes.
Les souches pures sont homozygotes pour chacun des deux allèles du gène
impliqué dans le déterminisme du caractère étudié et présentent deux phénotypes
différents pour ce caractère.
Après croisement de ces souches pures, l’hybride obtenu est hétérozygote pour ce
gène, et l’on obtient alors, parmi les produits des croisements entre hybrides, des
fréquences conformes aux fréquences attendues sous le modèle de la ségrégation 2/2
à la méiose.
b) La polyallélie
:
L’assimilation du concept de gène à celui de caractère mendélien alternatif était
simpliste car elle supposait qu’un gène ne pouvait n’exister que sous deux états alléliques.
La difficulté d’interprétation de certains résultats a vite conduit les généticiens
au concept de polyallélie : un gène peut exister sous plus de deux versions
alléliques possibles (le groupe ABO).
Cependant, comme les organismes (pour la plupart) sont diploïdes, seuls deux
allèles différents d’un même gène sont présents chez un hétérozygote, de sorte qu’il
y a toujours ségrégation 2/2 à la méiose pour ce gène.
c) Le gène ne peut être défini par son support
:
Nombreux sont ceux qui définissent le gène comme une séquence d’ADN ou un
locus chromosomique, ce qui n’a pas grand sens !
D’abord parce que le concept de gène est bien antérieur, de près de 50 ans, à la
mise en évidence que l’information génétique est constituée d’ADN, ensuite parce
qu’on ne saurait définir le gène par son support, qu’il s’agisse de l’ADN ou du chromosome.
C’est aussi contestable que de dire qu’une symphonie de Beethoven est un
fragment de cédérom ou de bande magnétique.
Pour s’affranchir de cette confusion entre le gène et son support, il faut définir le
gène par ce qu’il est, une information ou un message.
Bien sûr, comme tout message, le gène a un support, l’ADN lui-même dans le
chromosome; c’est le comportement de ce support qui permet de définir le gène
comme une unité de ségrégation permettant d’interpréter, selon la théorie mendélienne,
les fréquences des phénotypes à l’issue d’une série de croisements.
On a précisé seulement au début du siècle la nature du support cytologique, le
chromosome, puis au milieu du siècle, la nature chimique du message, l’ADN
contenu dans les chromosomes.
Puis on a identifié le contenu du message d’un gène (un gène/une chaîne peptidique)
ce qui a alors permis une autre définition du gène, fonctionnelle.
Le
gène est alors conçu comme une unité fonctionnelle définie par la fonction biochimique
de la chaîne peptidique pour laquelle il code, dont la présence active ou
l’absence retentit en aval sur les phénotypes associés à l’expression du gène, à
l’échelle moléculaire, de la cellule, du tissu, de l’organisme, de la population.
La biologie moléculaire a depuis montré les limites d’une telle définition
puisqu’une même séquence d’ADN peut renfermer plusieurs messages différents
dont l’expression dépend du sens de transcription (gènes emboîtés) ou des modalités
de la transcription (épissage différentiel).
Par ailleurs des séquences d’ADN ne sont
pas exprimées mais constituent un message puisqu’elles sont signifiantes, ayant un
rôle biologique.
La complexité du concept de gène ne sera pas développée dans cet ouvrage (pour
cela voir entre autre l’ouvrage de Rossignol et al., Génétique : gènes et génomes, Dunod, Paris, 2000).