Douleurs des membres inférieurs et des extrémités

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Introduction :

Nous essaierons dans ce chapitre de progresser de manière très pragmatique vers le diagnostic plutôt que d’établir une longue liste étiologique.

Il importe de déterminer tout d’abord si la marche est douloureuse, s’il existe ou non une claudication.

On peut classer en cinq grands cadres étiologiques l’origine d’une marche douloureuse.

Un interrogatoire minutieux peut bien souvent orienter vers une origine artérielle, veineuse, ostéoarticulaire, musculotendineuse ou nerveuse.

La claudication intermittente douloureuse n’est pas caractéristique de l’artériopathie oblitérante.

Une origine veineuse ou un canal lombaire étroit peuvent être des pièges amenant à des gestes de revascularisation parfois inutiles.

Douleurs des membres inférieurs d’origine artérielle :

L’origine artérielle d’une douleur des membres inférieurs n’est pas toujours facile à démontrer.

Si la claudication intermittente douloureuse avec crampe du mollet constitue le symptôme le plus classique, comme nous l’avons vu les pièges sont nombreux et les intrications possibles.

Douleurs des membres inférieurs et des extrémités

Si l’on découvre une sténose artérielle à l’échodoppler, la douleur alléguée par le patient n’est pas nécessairement toujours en rapport avec l’image échographique observée.

Encore faut-il que la sténose décrite soit hémodynamiquement significative.

Lorsqu’existe un doute, l’oxymétrie transcutanée dynamique fait la démonstration de l’ischémie d’effort à l’image du sous-décalage du segment ST qui peut survenir chez le coronarien à l’effort.

La topographie de la douleur artérielle aux membres inférieurs varie selon le niveau de la sténose.

On peut établir une certaine corrélation anatomoclinique qui souffre cependant de nombreuses exceptions :

– en cas d’oblitération artérielle du carrefour aorto-iliaque, la douleur est uni- ou bilatérale et localisée à la fesse ;

– en cas d’oblitération iliaque ou fémorale, la douleur est localisée à la cuisse ;

– en cas d’oblitération fémorale ou fémoropoplitée, la douleur est localisée au mollet ;

– en cas d’oblitération fémoropoplitée ou jambière, la douleur est localisée à la plante du pied.

Au stade de la douleur de décubitus (stade III de Leriche et Fontaine), la douleur survient le plus souvent en deuxième partie de la nuit, et est calmée par la position déclive jambes hors du lit.

Il s’agit d’une ischémie tissulaire de repos.

Il faut distinguer les douleurs de primodécubitus qui surviennent quelques minutes après le coucher et témoignent d’un déficit circulatoire important, le malade finissant par dormir jambes pendantes.

À côté de l’athérome le plus souvent en cause, on décrit de nombreux mécanismes différents d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs.

Douleurs des membres inférieurs d’origine veineuse :

Outre l’insuffisance veineuse profonde qui peut être à l’origine d’une authentique claudication intermittente douloureuse, une thrombose veineuse profonde peut se révéler par une douleur isolée de la jambe, une crampe ou une simple gêne du mollet.

L’insuffisance veineuse superficielle occasionne des douleurs et des lourdeurs de jambe lors de la station debout, au fur et à mesure de la journée, parfois dès le matin.

Ces douleurs sont majorées par le piétinement, augmentent en période estivale ou lors du syndrome prémenstruel ou des grossesses.

Elles régressent lors de la marche ou du décubitus mais peuvent laisser place à des crampes ou à un syndrome des jambes sans repos.

L’examen clinique complété de l’échodoppler veineux conduit habituellement facilement au diagnostic.

Douleurs des membres inférieurs d’origine neurogène :

A – SCIATIQUE :

La douleur est spontanée, siège à la face postérieure de la cuisse et descend dans le creux poplité, la jambe et le pied avec une intensité variable, du simple élancement à la douleur atroce.

Elle est exagérée par la toux ou l’éternuement (origine discale), lorsque le patient se lève ou se retourne dans son lit.

L’appui antalgique porte sur le côté sain, l’autre côté étant demi-fléchi.

Il existe souvent une raideur rachidienne, une douleur provoquée par la pression du sciatique lui-même, par élongation du nerf au cours de la manoeuvre de Lasègue ou par pression latérovertébrale.

Une hypoesthésie dans le territoire cutané correspondant, mais surtout la diminution du réflexe achilléen sont autant de signes objectifs.

Les deux types principaux de lombosciatique intéressent les racines L5 et S1 avec leur topographie respective : fesse, cuisse, face externe de jambe, dos du pied et gros orteil pour L5 ; face postérieure de la cuisse et de la jambe, talon et plante du pied pour S1.

Le diagnostic de sciatique discale est d’abord clinique.

Dans les formes typiques et d’évolution rapidement favorable, aucun autre examen n’est nécessaire.

Dans les formes atypiques ou si la symptomatologie est traînante, alors l’imagerie permet un diagnostic morphologique :

– rachis lombaire face + profil et cliché L5-S1 centré de face ;

– électromyogramme (EMG) ;

– scanner rachidien.

B – CANAL LOMBAIRE ÉTROIT :

La douleur est liée à une atteinte mono- ou plus souvent pluriradiculaire.

Rarement constitutionnel, le canal lombaire rétréci est surtout la résultante d’un conflit entre une protrusion discale ou le développement d’une arthrose interarticulaire postérieure et l’étui dure-mérien.

Ce conflit étant dynamique et la taille du canal variant avec la position de la colonne lombaire, le diagnostic de canal lombaire étroit peut être difficile. L’EMG montre de façon habituelle une souffrance pluriradiculaire.

Les radiographies standards du rachis lombaire peuvent visualiser une arthrose interapophysaire postérieure volumineuse, un trouble de la statique ou une cyphose.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et le scanner sont très utiles pour apprécier la taille du canal mais ces examens sont réalisés couché et parfois seule la saccoradiculographie réalisée debout peut révéler le site exact du rétrécissement lombaire.

C – AUTRES RADICULALGIES :

La douleur du membre inférieur est traçante et descendante, il peut exister des paresthésies, des élancements, des troubles de la sensibilité.

La distribution métamérique de la douleur reflète l’atteinte radiculaire ou tronculaire. L’EMG guide le diagnostic.

Les radiographies de rachis, la scintigraphie, le scanner rachidien, voire le scanner ou l’échographie pelvienne, permettent la plupart du temps un diagnostic étiologique rapide : neurinome, métastases osseuses, tumeur pelvienne, etc.

D – NEUROPATHIE PÉRIPHÉRIQUE :

Les caractéristiques cliniques de la douleur sont assez spécifiques.

Il existe des paresthésies des extrémités à type de picotements, de brûlures diurnes ou nocturnes.

Les symptômes surviennent plus souvent au repos et sont soulagés par la marche.

Il peut s’agir de crampes, de simples engourdissements, d’impression d’étau donnant parfois un tableau identique au syndrome des jambes sans repos.

D’abord symétriques et distales, ces symptômes peuvent progresser vers le haut du corps (membres supérieurs et thorax).

L’EMG est l’outil diagnostique de choix.

Parfois seule l’étude des petites fibres peut confirmer une atteinte neurogène périphérique chronique.

E – MALADIE DE PARKINSON :

Environ 50 % des parkinsoniens souffrent de douleurs à un stade ou à un autre de leur maladie.

Dans environ un cas sur 10, les phénomènes sont inauguraux.

Les symptômes peuvent être divers.

Il peut s’agir de douleurs articulaires, de crampes ou de paresthésies douloureuses.

Les symptômes restent d’horaire mécanique et sont peu sensibles aux antalgiques ou aux antiinflammatoires, en revanche, ils répondent rapidement à la dopathérapie.

F – SYNDROME SENSITIF PROFOND :

Lorsqu’existe une lésion sur les voies anatomiques de la douleur (pariétale, thalamique, bulbaire, médullaire)

– qu’elle soit d’origine vasculaire ou tumorale

– on peut observer des douleurs fulgurantes des membres liées à une atteinte des différentes sensibilités (musculaire, articulaire ou osseuse).

Les douleurs sont très vives, passent à travers les membres et le tronc avec la rapidité de l’éclair, surviennent par crises de quelques minutes à plusieurs heures.

Quelquefois la douleur a un caractère fixe à type de morsure ou de clou pénétrant, dans d’autres cas il s’agit d’une sensation de serrement, de broiement ou des paresthésies à type de courant d’eau chaude ou froide.

Dans ces situations, c’est l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) encéphalique ou médullaire qui aide au diagnostic étiologique.

G – NÉVRALGIES PARESTHÉSIQUES DE BERNHARDT ET ROTH :

Ce syndrome canalaire est lié à l’irritation du nerf fémorocutané.

Il s’agit d’une atteinte sensitive pure donnant des paresthésies ou un engourdissement dans la région antéroexterne de la cuisse avec hypoesthésie en raquette.

La pression du nerf au niveau de son passage juste sous le ligament inguinal, immédiatement sous l’épine iliaque antérosupérieure, peut déclencher des paresthésies.

L’infiltration locale est un test diagnostique.

Douleurs des membres inférieurs d’origine musculaire :

L’origine musculaire de douleurs des membres inférieurs est habituellement bien rapportée par le malade lui-même.

Les myalgies peuvent être spontanées ou ne survenir qu’à l’effort.

Le plus complexe est de rattacher le tableau clinique à sa cause.

L’EMG peut guider vers un syndrome myositique ou myopathique mais est assez régulièrement en défaut.

L’élévation des enzymes musculaires (créatine phosphokinase [CPK] et aldolase) peut confirmer l’origine musculaire d’une douleur atypique mais cette élévation est inconstante quelle que soit l’origine de la souffrance musculaire.

Toutes les situations envisagées ci-dessous ne sont pas nécessairement localisées électivement aux membres inférieurs mais peuvent y être prédominantes.

Outre les douleurs musculaires du sportif liées à un entraînement excessif ou mal adapté.

Les causes médicamenteuses et l’hypothyroïdie sont les deux situations les plus fréquentes.

Dans d’autres cas, il peut s’agir d’une myosite inflammatoire.

La faiblesse musculaire est ici plus fréquente que la douleur.

Les myalgies ont parfois une origine systémique.

Dans d’autres cas les myalgies ont une origine infectieuse :

– toutes les infections virales peuvent être en cause donnant des myalgies fébriles : grippe, infections à coxsackie, parvovirus B19, cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr, etc ;

– la toxoplasmose peut être à l’origine de myalgies parfois diffuses et s’accompagnant d’adénopathies superficielles cervicales qui persistent quelques semaines ou parfois quelques mois ;

– la trichinose entraîne des myalgies diffuses persistant parfois plusieurs mois, s’accompagne d’un oedème périorbitaire avec conjonctivite, d’une fièvre à 40 °C, l’ensemble survient 8 à 15 jours après l’ingestion de porc mal cuit et s’accompagne de troubles digestifs avec céphalées.

La sérologie permet souvent le diagnostic.

L’apparition de myalgies à l’effort évoque certains diagnostics plus rares liés à un déficit enzymatique de la glycogénolyse ou mitochondriale.

Douleurs des membres inférieurs d’origine ostéoarticulaire :

L’atteinte de l’appareil locomoteur est une cause fréquente de douleurs des membres inférieurs.

La marche est souvent anormale et s’accompagne de boiterie, caractère qui n’existe pas chez l’artériopathe en dehors de troubles trophiques associés.

La cause la plus fréquente est l’arthrose.

A – PATHOLOGIE DE LA HANCHE ET DU GENOU :

La topographie variable des douleurs de hanche ou du genou fait qu’il n’est pas toujours facile de rapporter une douleur de la jambe à son origine articulaire.

La hanche peut donner des douleurs de topographie variable : aine, fesse et face postérieure de la cuisse, face antérieure de la cuisse, face externe de la cuisse ou face interne dans sa partie haute.

Le genou peut aussi donner des douleurs de topographie variable : face antérieure ou postérieure du genou, face latérale du genou, voire face antérieure de la cuisse.

Les radiographies standards, voire la scintigraphie ou l’IRM, constituent des examens clés du diagnostic.

B – PATHOLOGIE DE LA CHEVILLE :

L’arthrose de la cheville est rare et souvent post-traumatique.

L’arthrite de la cheville peut être isolée et révéler une sarcoïdose ou un rhumatisme inflammatoire chronique.

L’algodystrophie est un piège car elle peut être secondaire à un traumatisme minime parfois oublié.

En phase de début pseudoinflammatoire, l’oedème, la rougeur cutanée, la douleur et la limitation articulaire sont classiques.

Plus tardivement, la rougeur fait place à une pâleur cutanée avec cyanose, la douleur reste présente avec l’oedème et une limitation de la mobilité articulaire.

Plus tardivement encore, la douleur peut avoir disparu mais l’oedème peut persister.

L’articulation garde souvent une mobilité limitée.

C’est à ce stade que le diagnostic différentiel avec un oedème veineux ou lymphatique peut être difficile. Les radiographies standards et la scintigraphie rectifient le diagnostic.

C – PATHOLOGIE ARTICULAIRE DU PIED :

Les douleurs traumatiques du pied sont fréquentes.

Plus difficile de diagnostic est la fracture de fatigue qui survient volontiers sur les métatarsiens après un effort de marche soutenu bien que chez le sujet âgé un petit effort puisse être suffisant.

Il existe initialement un oedème douloureux du dos du pied.

La radiographie est, à ce stade, normale mais la scintigraphie permet de confirmer le diagnostic en visualisant un foyer d’hyperfixation.

Plus tardivement se constitue un cal visible sur la radiographie standard.

Le pied creux est une source fréquente de douleur plantaire.

La décompensation d’un pied creux traduit un raccourcissement excessif du système suro-achilléo-calcanéo-plantaire.

À la marche, le pied se met en varus et va favoriser les entorses de cheville ou l’inconfort à porter certaines chaussures plates (la marche sur la pointe des pieds soulage souvent les symptômes).

Il peut survenir des crampes dans les mollets ou dans la plante des pieds.

Aspects particuliers des douleurs des extrémités :

Une douleur des extrémités peut avoir une origine très diversifiée.

L’atteinte peut être ostéoarticulaire, vasculaire, tendineuse, synoviale ou neurogène.

La pathomimie n’est pas nécessairement un diagnostic d’exclusion.

La tumeur glomique se définit comme une hyperplasie du glomus neuromyoartériel.

La localisation sous-unguéale est plus fréquente, les douleurs sont souvent très intenses, insomniantes et irradiantes.

La pression peut déclencher la crise douloureuse ainsi que les variations de température.

On peut observer parfois une tuméfaction violacée sous-unguéale.

Le diagnostic est confirmé par l’artériographie.

L’origine ischémique d’une douleur des extrémités est évoquée lorsqu’existe un refroidissement d’un ou plusieurs doigts ou orteils s’accompagnant de pâleur. Parfois il s’agit d’un aspect bleuté livédoïde.

La chaleur soulage souvent les symptômes. Quelle que soit la cause, le phénomène de Raynaud est inconstant. Sa présence argumente l’origine vasculaire.

L’échodoppler permet l’étude des artères proximales des membres.

Lorsqu’il y a une obstruction isolée des artères digitales, l’échodoppler est normal, seule la manoeuvre d’Allen et la mesure des pressions systoliques digitales, voire l’artériographie peuvent confirmer l’obstruction des collatérales des doigts.

L’érythermalgie est un acrosyndrome paroxystique survenant à la chaleur, caractérisé par des crises vasomotrices donnant parfois d’atroces brûlures pulsatiles avec une rougeur cutanée des doigts qui sont infiltrés et chauds.

On peut observer un battement artériel. L’aspirine constitue un véritable test diagnostique.

Les origines ostéoarticulaires peuvent être repérées par les radiographies standards, voire la scintigraphie.

Aux mains, l’arthrose digitale et la rhizarthrose sont des diagnostics faciles.

La polyarthrite se caractérise par une tuméfaction des articulations, une augmentation de la chaleur locale, un enraidissement des mobilités articulaires et surtout un réveil nocturne plus volontiers en deuxième partie de nuit, un dérouillage matinal qui dépasse 30 minutes et peut durer parfois plusieurs heures.

Les spondylarthropathies peuvent donner des douleurs des pieds à type de talalgies en couronne.

Une arthrite d’orteil s’accompagnant d’un aspect d’orteil en saucisse évoque particulièrement soit une arthrite réactionnelle soit un rhumatisme psoriasique.

Les neuropathies périphériques peuvent entraîner des douleurs distales qui débutent aux pieds ou aux mains, source de paresthésie, de picotements, de brûlures diurnes ou nocturnes.

Les syndromes canalaires sont la conséquence d’une compression localisée sur un trajet nerveux.

Le syndrome du canal carpien se caractérise par sa fréquence.

Il est parfois intriqué avec un syndrome du défilé thoracobrachial.

Le diagnostic de pathomimie est souvent difficile.

Il peut s’agir de microtraumatismes provoqués des extrémités, d’oedème lié à une position déclive prolongée d’un membre, ou lié à l’utilisation d’un garrot.

La conséquence peut être une authentique algodystrophie confortant le quidam dans sa pathologie.

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