Paragangliomes tympaniques et jugulaires

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Introduction :

Tout dans l’origine, dans l’histoire naturelle, dans l’exploration ou dans le traitement confère aux paragangliomes, et singulièrement à ceux de l’extrémité cervicocéphalique, un caractère d’exception que ne partage aucune des autres tumeurs de cette sphère pourtant riche en avatars oncologiques.

Paragangliomes tympaniques et jugulairesLes mutations génétiques complexes aujourd’hui partiellement identifiées lèvent un coin du voile sur certaines des caractéristiques épidémiologiques, cliniques et paracliniques si particulières de ces tumeurs, dont on comprend désormais mieux l’incidence familiale et la multicentricité.

L’ultrastructure et les particularités immunohisto-chimiques expliquent leur capacité sécrétoire, leur intégration au sein d’un système neuroendocrinien diffus et leur visualisation scintigraphique.

Enfin, leur situation anatomique profonde aux frontières de deux mondes, leur agressivité parfois maligne, la dangerosité des structures vasculonerveuses qu’elles côtoient avant que de les envahir, en rendent l’accès difficile, l’exérèse périlleuse et le pronostic réservé.

Ce sont tous ces aspects qui font des paragangliomes jugulaires et tympaniques un sujet singulier et un objet d’envie.

Épidémiologie :

Les paragangliomes cervicocéphaliques représentent 0,6 % des néoplasies de cette région et 0,3 % des paragangliomes de l’organisme, les autres localisations étant surrénaliennes pour 90 %, abdominales extrasurrénaliennes pour 8,5 % et thoraciques pour 1,2 %.

Leur incidence est estimée à environ 1/30 000 dans la population caucasienne.

Cependant, celle-ci est vraisemblablement sous-estimée, les cas recensés n’étant dans la majorité des études que symptomatiques.

Il existe une prédominance féminine (environ 5/1), et l’âge moyen de découverte est situé entre 50 et 60 ans.

Les localisations jugulotympaniques sont les localisations les plus fréquentes après les localisations carotidiennes et avant les localisations vagales.

Elles sont les plus fréquentes des tumeurs de l’os temporal après le neurinome de l’acoustique.

Contrairement à l’incidence des paragangliomes carotidiens qui semble plus forte dans les populations vivant au-dessus de 2 000 m d’altitude, celle des localisations tympaniques et jugulaires ne semble pas influencée par l’hypoxie atmosphérique.

Nomenclature et terminologie :

Une certaine confusion sémantique existe dans la littérature.

Les paragangliomes sont parfois appelés « tumeurs glomiques ».

Ce terme fut utilisé pour la première fois en 1948 par Winship et al, probablement par analogie avec les tumeurs cutanées développées à partir de péricytes vasculaires, ce qui n’est pas le cas des paragangliomes qui dérivent des cellules des crêtes neurales.

Rosenwasser, dans sa description princeps de 1945, parlait de « tumeur du corpuscule carotidien de l’oreille moyenne et de la mastoïde » et d’autres auteurs de « chémodectomes ».

Les paragangliomes carotidiens sont effectivement des chémodectomes, mais sont les seuls avec les paragangliomes aortiques à posséder une fonction chémoréceptrice, ce qui n’est pas le cas des autres localisations.

Le terme paraît donc inapproprié pour les paragangliomes jugulaires et tympaniques.

Sont également parfois cités les termes de « glomérocytome », de « réceptome » ou de « tumeur non chromaffine ».

Ce dernier terme réfère à la capacité des granules sécrétoires contenus dans les cellules principales des paragangliomes de fixer l’hématoxyline mais non le dichromate de potassium.

Cette particularité négative ne semble pas suffisante pour caractériser les paragangliomes cervicocéphaliques, car elle est inconstante et non spécifique.

C’est donc le terme de paragangliome qui semble le mieux adapté.

Origine. Anatomopathologie. Particularités sécrétoires :

Les paragangliomes sont des tumeurs développées aux dépens du tissu paraganglionnaire, système de cellules dérivées des crêtes neurales, et qui partagent des caractéristiques cytologiques et ultrastructurelles communes.

Certains, tels les phéochromocytomes, se développent à partir de paraganglions sympathiques et sont localisés dans la région thoracoabdominale.

D’autres se développent à partir de paraganglions parasympathiques et se situent dans la région tête et cou.

Les paragangliomes jugulaires et tympaniques naissent respectivement des paraganglions situés dans l’adventice du dôme de la veine jugulaire et le long du nerf de Jacobson.

Macroscopiquement, les paragangliomes sont des tumeurs fermes et caoutchouteuses, nodulaires ou lobulées, de couleur rouge foncé, très vascularisées, ce qui leur confère leur caractère pulsatile et hémorragique.

Microscopiquement, ils sont composés de deux types de cellules :

– les cellules principales (de type I), rondes ou polygonales, regroupées en nids cellulaires, au cytoplasme éosinophile finement granuleux ; elles contiennent des granules neurosécrétoires objectivés par l’imprégnation argentique et par la coloration de Nissl ;

– les cellules sus-tentaculaires (de type II), s’apparentant aux cellules de Schwann.

L’immunocytochimie objective, dans les granules cytoplasmiques des cellules principales de type I, la présence de chromogranine et de synaptophysine (témoignant de la synthèse de catécholamines), de neuropeptides et de la neuro-specific-enolase.

L’immunomarquage de la protéine S100 est positif dans les cellules de type II, témoignant de l’origine neuroectodermique de ces cellules.

La capacité des paragangliomes à produire des amines biogènes les faisait appartenir au système amine precursor uptake and decarboxylation de Pearse.

Ce concept est aujourd’hui dépassé et élargi à celui de système neuroendocrien diffus, système dont les cellules sécrètent des neurotransmetteurs et des neurohormones et possèdent des récepteurs similaires à leur surface.

Ainsi, comme la plupart des autres tumeurs neuroendocrines, les paragangliomes expriment des récepteurs à la somatostatine avec une forte densité.

Les cellules appartenant à ce système sont, outre les cellules paraganglionnaires, les cellules C de la thyroïde (carcinomes médullaires thyroïdiens), les cellules de Merkel, les cellules endocrines hypophysaires, les cellules des îlots pancréatiques, les cellules endocrines gastro-intestinales (carcinoïdes et carcinomes neuroendocrines indifférenciés), les cellules endocrines bronchopulmonaires (cancers à petites cellules, et carcinomes neuroendocrines et/ou à cellules intermédiaires), les cellules de la médullosurrénale (phéochromocytomes, neuroblastomes et ganglioneuroblastomes), les cellules gliales (tumeurs gliales bien différenciées) et les cellules de la leptoméninge (méningiomes).

Ces considérations ont une double implication :

– des problèmes de diagnostic différentiel peuvent être soulevés ; en effet, la plupart des colorations utilisées en histopathologie sont positives pour l’ensemble de ces cellules ; la scintigraphie des récepteurs de la somatostatine utilisée dans le bilan des tumeurs neuroendocrines n’est pas spécifique d’un type tumoral donné ;

– les paragangliomes peuvent être associés à d’autres tumeurs dérivées des crêtes neurales.

Sécrétion fonctionnelle :

Si tous les paragangliomes contiennent des granules neurosécrétoires, seulement 1 à 3% s’accompagnent d’une sécrétion fonctionnelle.

Le plus souvent, il s’agit d’une hypersécrétion de catécholamines (dopamine, épinéphrine et norépinéphrine), qui doit être recherchée par des dosages biologiques devant l’existence de la triade classique (tachycardie, céphalées, sueurs).

Les taux de norépinéphrine doivent être à quatre ou cinq fois la normale pour élever la tension artérielle. Une telle hypersécrétion doit cependant faire systématiquement rechercher un phéochromocytome associé.

Elle impose la mise en route préopératoire d’un traitement par alpha- et bêta-bloquants afin de prévenir les instabilités tensionnelles peropératoires.

Des paragangliomes sécrétant de la sérotonine ont été rapportés, responsables d’un syndrome carcinoïde (diarrhée, flush, céphalées, hypertension artérielle).

Nature histologique :

Les paragangliomes sont le plus souvent des tumeurs bénignes d’évolution lente, ne mettant pas en péril le pronostic vital.

Quelques cas de tumeurs malignes ont été rapportés.

Cependant, cette notion de malignité repose sur des critères histologiques discutés, tels que mitoses multiples, polymorphisme nucléaire ou invasion capsulaire.

Pour Lack et al, trois critères seraient très en faveur de la malignité : la nécrose centrale de Zellballen, l’invasion des structures vasculaires et lymphatiques et la présence de mitoses anormales.

Deux de ces trois critères permettraient d’en évoquer le caractère malin.

Pour d’autres auteurs, la malignité se manifeste par l’agressivité particulière de certains paragangliomes dont témoignent une extension locorégionale parfois très importante et les récidives observées après chirurgie.

Pour la plupart, la malignité repose sur l’existence de métastases rapportées dans 5 % des paragangliomes jugulotympaniques, contre 6 % dans les paragangliomes carotidiens et 10 à 19 % dans les paragangliomes vagaux.

Les localisations métastatiques le plus fréquemment observées sont ganglionnaires, pulmonaires, hépatiques et osseuses.

Le taux de survie à 5 ans est de l’ordre de 60 % à 70 % en cas de métastases régionales.

Génétique et formes familiales :

L’incidence des formes familiales est estimée dans la littérature de 10 à 50%.

Une telle variabilité s’explique sans doute par la prise en compte de critères différents.

Certains auteurs, en effet, ne retiennent que l’existence d’antécédents familiaux connus. D’autres intègrent les résultats d’une enquête génétique biologique.

Les gènes responsables des formes héréditaires sont localisés sur les chromosomes 11 et 1.

Trois loci ont été isolés et dénommés PGL : PGL1 en 11q23, PGL2 en 11q13.1 et PGL3 en 1q21-q23.

Les gènes des loci PGL1 et PGL3 ont été clonés.

Ils codent pour deux sous-unités d’amarrage membranaire du cytochrome b du complexe mitochondrial II impliqué dans le cycle de Krebs : PGL1 code pour la sous-unité SDHD et PGL3 pour la sous-unité SDHC. Le gène du locus PGL2 n’a pas encore été identifié.

Récemment, la mutation du gène codant pour une autre sous-unité du cytochrome b (sous-unité SDHB) a été mise en cause par Astuti et al dans des formes héréditaires de phéochromocytomes associés à des paragangliomes.

La transmission génétique de ces formes familiales est de type autosomique dominant, à pénétrance variable.

Il existe par ailleurs pour PGL1 et PGL2 un phénomène d’« empreinte parentale », l’expression du gène chez un sujet dépendant de l’origine parentale de ce gène.

Ainsi, seule la transmission paternelle de l’allèle muté peut entraîner la maladie, les enfants d’une mère malade n’étant pas atteints par l’affection, même s’ils sont porteurs de l’allèle muté.

La mutation de PGL3 n’est pas soumise à l’empreinte parentale.

Toutes ces études impliquent des modifications du complexe mitochondrial II, modifications qui seraient associées à une surproduction de facteurs angiogéniques pouvant stimuler l’angiogenèse et ainsi la production tumorale.

Multicentricité et néoplasies associées :

Des atteintes multicentriques situées à la tête et au cou sont observées dans 30 % à 40 % des formes familiales et dans 10 % des formes sporadiques.

Bien que la multicentricité concerne le plus souvent les paragangliomes carotidiens qui sont alors bilatéraux, elle doit être systématiquement recherchée devant une lésion tympanique ou jugulaire.

L’existence d’une multicentricité modifie, en effet, la prise en charge thérapeutique.

Par ailleurs, l’apparition de ces atteintes multifocales peut être synchrone ou métachrone, ce qui justifie la surveillance prolongée de tout paragangliome.

Les paragangliomes de la tête et du cou peuvent être également associés à des paragangliomes thoraciques ou abdominaux, qu’ils soient surrénaliens (phéochromocytomes) ou extrasurrénaliens.

L’association à d’autres types de tumeurs, telles l’astrocytome, le carcinome thyroïdien ou l’adénome parathyroïdien, a été décrite.

Les paragangliomes peuvent également s’inscrire dans le cadre des néoplasies endocrines multiples de type II (NEM II) qui associent carcinome médullaire de la thyroïde, hyperparathyroïdisme et/ou phéochromocytome, du syndrome de Von Hippel-Lindau qui associe essentiellement angiomes rétiniens et hémangioblastomes cérébelleux, de la neurofibromatose de type I, du syndrome de Carney (paragangliome, léiomyosarcome gastrique et chondrome pulmonaire). Rappelons que l’existence de néoplasies associées ne démontre pas la malignité d’un paragangliome.

Modalités d’extension :

Elles dépendent du point de départ du paragangliome.

Un paragangliome tympanique s’étend de proche en proche, refoulant la membrane tympanique, comblant les espaces aériques de l’oreille moyenne et s’engouffrant dans la trompe d’Eustache.

Un paragangliome jugulaire s’étend le long des scissures et orifices de la base du crâne, des gaines vasculaires et dans les travées cellulaires osseuses labyrinthiques selon un mode Haversien.

L’extension antérieure est la plus fréquente : la tumeur suit le canal carotidien et les travées cellulaires intercochléocarotidiennes en direction de l’apex pétreux.

L’extension inférieure se fait selon trois modalités :

– intraluminale dans les sinus sigmoïde et latéral, le sinus pétreux inférieur, les veines occipitales ou surtout la veine jugulaire interne ; fait essentiel, cette extension endoveineuse se fait sans infiltration des parois ;

– nerveuse, par envahissement du compartiment antérieur du trou déchiré postérieur ou du canal condylien antérieur ; la tumeur peut atteindre l’espace sous-parotidien postérieur, en empruntant la gaine des nerfs mixtes (simulant un paragangliome vagal associé) ou celle du nerf hypoglosse (XII) ;

– osseuse, avec infiltration du compartiment infralabyrinthique et des berges du trou déchiré postérieur.

L’extension postérieure se fait vers les travées sous-faciales et mastoïdiennes par le sinus tympani, dans les travées cellulaires sous- et rétrolabyrinthiques, pouvant atteindre la méninge de la fosse postérieure.

L’extension intracrânienne se fait soit par l’intermédiaire des gaines vasculonerveuses, soit après rupture de la barrière méningée.

Le parenchyme cérébral n’est jamais envahi, mais peut être refoulé et comprimé.

Éléments diagnostiques et bilan préthérapeutique :

La biopsie étant contre-indiquée en raison du risque hémorragique, le diagnostic positif des paragangliomes tympanojugulaires repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et radiologiques.

A – CLINIQUE :

1- Symptomatologie :

Trois types de symptômes sont en règle révélateurs :

– otologiques : précoces dans les paragangliomes tympaniques, ils sont tardifs dans les lésions à point de départ jugulaire ; il s’agit d’acouphènes pulsatiles ou d’hypoacousie ; le degré et le type de celle-ci, que précise le bilan auditif, dépendent de l’extension de la tumeur à la chaîne ossiculaire et/ou au labyrinthe ; l’existence de vertiges est rare ;

– neurologiques : troubles de la déglutition, enrouement, affaissement d’une épaule, paralysie linguale, syndrome de Claude Bernard-Horner, qui traduisent une atteinte des nerfs crâniens (glossopharyngien [IX], vague [X], accessoire [XI] et XII et sympathique) ; la paralysie faciale est en principe tardive ;

– cervicaux : tuméfaction sous-angulomaxillaire qui, classiquement, traduit une extension inférieure ; en réalité, elle témoigne plus vraisemblablement d’un paragangliome vagal, voire carotidien, associé.

Exceptionnellement, une symptomatologie clinique à type de tachycardie, céphalées, sueurs, hypertension artérielle ou de diarrhée et de flush est révélatrice.

Ces symptômes, qui traduisent une forme sécrétante, doivent dans tous les cas être recherchés à l’interrogatoire.

2- Interrogatoire :

Il doit être conduit sur le patient et sa famille, et recherche une éventuelle autre localisation paraganglionnaire connue et l’existence d’antécédents familiaux de maladie paraganglionnaire.

3- Examen clinique :

L’examen otoscopique peut détecter une masse framboisée, battante, soulevant le tympan.

En ce cas, il doit préciser l’état de l’annulus et du plancher du conduit auditif externe, dont l’atteinte signe l’origine jugulaire du paragangliome.

Il n’est pas exceptionnel d’observer une tumeur extériorisée dans le conduit auditif externe et dont le point de départ est, en règle, tympanique.

La palpation cervicale bilatérale recherche une tuméfaction évoquant l’existence d’une atteinte multicentrique.

Haute, sous-angulomaxillaire, elle évoque une localisation vagale.

Moyenne, latérale, pulsatile, ferme voire légèrement sensible à la palpation, elle oriente vers une localisation carotidienne.

L’examen de la sphère oto-rhino-laryngologique recherche une voussure parapharyngée ou toute autre anomalie.

L’examen neurologique étudie la fonction du nerf facial (VII), des nerfs mixtes et du XII.

On recherche enfin des signes pouvant évoquer une néoplasie associée.

B – BIOLOGIE :

La recherche d’une hypersécrétion de catécholamines doit être effectuée dans deux circonstances :

– devant une symptomatologie évocatrice ; une éventuelle positivité oriente alors soit vers une forme sécrétante de paragangliome, soit vers un phéochromocytome associé ;

– dans la perspective d’une intervention chirurgicale, et ce même en l’absence de symptomatologie clinique, une éventuelle positivité imposant une prise en charge anesthésique adaptée.

Cette recherche repose sur le dosage des catécholamines et surtout de ses métabolites (métanéphrines, normétanéphrines et acide vanilmandélique) sur les urines de 24 heures.

Les dosages sanguins soulèvent des difficultés méthodologiques (variabilité des valeurs en cas de tumeurs à sécrétion intermittente, notamment chez les normotendus, limite supérieure de la normale difficile à définir, conditions draconiennes de prélèvement).

L’existence d’un syndrome carcinoïde doit faire pratiquer des dosages de la sérotonine sanguine et du 5-HIAA sur des urines de 24 heures.

C – BILAN COCHLÉOVESTIBULAIRE :

Comme toute tumeur du rocher, les paragangliomes jugulaires et tympaniques nécessitent un bilan des fonctions auditive et vestibulaire.

L’audiogramme tonal recherche une surdité et en précise le type : transmissionnel en cas de tumeur tympanique venant au contact de la chaîne ossiculaire, ou perceptif en cas d’érosion de la coque labyrinthique par un paragangliome issu du golfe jugulaire.

Dans ce cas, une cophose est à craindre en cas d’exérèse chirurgicale.

L’examen vestibulaire calorique est de moindre intérêt.

La présence de la tumeur gêne, en effet, la stimulation du vestibule.

Une aréflexie ne signifie donc pas obligatoirement la destruction du labyrinthe postérieur.

D – IMAGERIE :

1- Imagerie anatomique :

Le but de l’imagerie anatomique conventionnelle est d’apporter des arguments diagnostiques, de préciser les limites tumorales et l’extension aux structures avoisinantes, et de rechercher d’autres localisations paraganglionnaires.

Ses données permettent de classer la tumeur et d’en guider la prise en charge.

Les deux principaux examens sont la tomodensitométrie (TDM) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM).

Grâce à l’injection de produit de contraste, ces deux examens détectent parfaitement ces tumeurs hypervasculaires.

Ils sont complémentaires pour le bilan d’extension, l’IRM étant classiquement plus efficace dans l’exploration des parties molles et la TDM supérieure dans l’étude osseuse.

* Radiographie standard en incidence menton-vertex et en incidence de Hirtz :

Elle conserve un intérêt indiscutable dans les structures médicales ne disposant pas de TDM ou d’IRM.

Elle permet, en effet, d’objectiver une lyse des berges du foramen jugulaire de très grande valeur diagnostique.

* Tomodensitométrie :

Elle visualise la tumeur, en apprécie le volume et en étudie l’extension osseuse.

Si l’IRM a récemment surpassé la TDM pour l’étude des parties molles, le développement des nouveaux scanners hélicoïdaux multibarettes associés à l’utilisation des injecteurs automatiques redonne un intérêt indéniable à cette technique.

En effet, après injection en bolus, les lésions hypervascularisées sont parfaitement identifiables par rapport aux structures de voisinage : graisse, muscles, os et vaisseaux.

Par ailleurs, les reconstructions multiplanaires permettent leur étude dans tous les plans de l’espace.

Enfin, la TDM conserve une supériorité évidente pour l’étude osseuse du rocher en haute résolution.

Les formes tympaniques se manifestent par une masse régulière de densité tissulaire siégeant sur le promontoire et limitée à la caisse du tympan.

Au cours de son évolution, la lésion érode le promontoire, lyse la chaîne ossiculaire et se développe en arrière vers la mastoïde ou en avant vers la trompe d’Eustache.

Ces lésions sont au mieux étudiées en fenêtre osseuse en haute résolution.

Il est particulièrement important d’étudier le plancher de l’hypotympanum : la disparition de la fine lamelle osseuse qui sépare la caisse du tympan du golfe jugulaire sous-jacent permet la distinction, essentielle au plan chirurgical, entre les paragangliomes tympaniques et les paragangliomes jugulaires secondairement étendus à l’oreille moyenne.

Les formes jugulaires ont, sur les images réalisées sans injection, les caractéristiques d’une lésion isodense avec parfois des calcifications.

Après injection, la lésion se rehausse intensément, ce qui témoigne d’une hypervascularisation très évocatrice. Parfois, le rehaussement est hétérogène.

En fenêtre osseuse et en haute résolution, les structures osseuses temporales doivent être soigneusement analysées :

– les berges osseuses du foramen jugulaire dont l’érosion est caractéristique du siège jugulaire ; dès le début de l’évolution, les contours en sont irréguliers et flous, l’épine jugulaire est érodée ;

– l’os tympanal dont la lyse (suspectée sur l’otoscopie) évoque fortement un point de départ jugulaire et implique, en cas d’exérèse chirurgicale, le sacrifice du conduit auditif externe ;

– les parois du canal carotidien, dont l’atteinte revêt une grande importance pronostique et chirurgicale ;

– la coque labyrinthique, dont l’érosion doit faire craindre une atteinte auditive postchirurgicale ;

– l’apex pétreux et particulièrement la traînée cellulaire antélimacéenne (ou intercochléocarotidienne), qui représente la voie d’accès vers l’apex pétreux ; son degré de développement conditionne les facilités d’exposition chirurgicale de l’axe carotidien et de l’apex pétreux ;

– le canal de Fallope et la traînée cellulaire osseuse sous-faciale, dont l’atteinte suggère la possibilité d’un envahissement infraclinique du nerf facial ;

– le compartiment infralabyrinthique ;

– la paroi postérieure du rocher et la fosse postérieure ; une éventuelle extension dans cette zone est au mieux précisée par l’IRM.

À l’aide des reconstructions 3D, des mesures de volume peuvent être réalisées de façon plus fiable que les approximations basées sur les trois grands diamètres.

Cette méthode très reproductible permet également la surveillance du volume tumoral après traitement.

* Imagerie par résonance magnétique :

Elle permet d’évaluer au mieux les tissus mous et les structures vasculaires avoisinantes.

Elle confirme le caractère hypervascularisé de la lésion.

Elle est plus sensible que le scanner pour définir l’envahissement intradural et les structures de la base du crâne.

En T1, l’IRM montre une lésion encapsulée en hypo- ou en isosignal.

En T2, la lésion est en hypersignal modéré.

L’aspect caractéristique « poivre et sel » correspond à la juxtaposition de zones d’hyposignaux, correspondant à des vaisseaux à flux rapide, et de zones d’hypersignaux, correspondant à des zones d’hémorragie ou à des vaisseaux à flux lent.

Ce signe est évocateur de lésion hypervasculaire, mais n’est présent que pour les tumeurs de plus de 2 cm.

Après injection de gadolinium, le signal de la tumeur se rehausse fortement, mais de façon hétérogène.

Dans les extensions vers l’espace rétrostylien, la lésion est mieux délimitée par les séquences pondérées en T1 avec saturation des graisses.

Dans les tumeurs tympaniques, même de petite taille, la prise de contraste est si intense que la lésion est parfaitement visible sur des coupes fines.

L’IRM permet également de distinguer les extensions extra- ou intradurales et d’étudier le tissu cérébral. Dans le premier cas, l’aspect réalisé est souvent celui d’une image convexe et régulière, simulant un méningiome.

Dans le second, l’image est irrégulière, en doigt de gant, perpendiculaire à l’axe du rocher, traduisant l’infiltration d’un pédicule nerveux.

Une thrombose veineuse ou un bourgeon tumoral endoluminal peut également être visualisé dans la veine jugulaire interne ou le sinus latéral.

L’angio-IRM permet de visualiser les vaisseaux nourriciers de taille suffisante et les veines de drainage.

Les deux techniques principales sont le 3D time of flight et l’angio-IRM spoiled gradient echo (spgr) avec injection de gadolinium à l’injecteur.

Cette dernière technique semble plus performante pour visualiser les artères afférentes, même de petite taille, et le retour veineux précoce.

* Artériographie :

L’artériographie était encore récemment utilisée dans un but diagnostique, révélant le caractère vasculaire de la tumeur, qui s’opacifie intensément et précocement, réalisant un blush tumoral caractéristique avec retour veineux précoce.

En raison des progrès et de la moindre nocivité des autres techniques d’imagerie, elle n’a plus aujourd’hui que deux indications essentielles : guider l’embolisation et, si nécessaire, évaluer la tolérance à l’occlusion de la carotide interne.

Elle précise ainsi les pédicules nourriciers de la tumeur et son angioarchitecture, en ayant présente à l’esprit la notion de compartimentation : une tumeur monocompartimentée est totalement opacifiée par l’injection de l’un quelconque des pédicules nourriciers, alors qu’une tumeur multicompartimentée (ce qui est le cas de la plupart des volumineuses tumeurs) n’est totalement visualisée qu’après opacification de toutes ses artères nourricières.

Cette notion impose donc l’opacification des trois systèmes artériels céphaliques : carotidien externe, carotidien interne et vertébral.

Les paragangliomes tympaniques et jugulotympaniques sans extension pétreuse ou intracrânienne importante sont vascularisés constamment et presque exclusivement par les branches de la carotide externe (artère pharyngienne ascendante, occipitale surtout par ses branches stylomastoïdienne et musculaires, auriculaire postérieure, et maxillaire interne par ses branches méningée moyenne et tympanique antérieure).

Les formes plus volumineuses avec extension pétreuse ou intracrânienne recoivent un apport complémentaire de l’artère carotide interne par ses collatérales carotidotympanique ou intracaverneuses, ainsi que de l’artère vertébrale par ses branches musculaires ou méningées issues de son segment V2 ou ses branches cérébelleuses issues de son segment V3.

En cas de participation de l’artère carotide interne, il est essentiel d’opposer les tumeurs distinctes de l’axe artériel et vascularisées par ses branches intrapétreuses, et les tumeurs englobant l’axe carotidien lui-même et infiltrant ses parois.

Dans ce dernier cas, en cas d’indication chirurgicale, le sacrifice de la carotide interne peut être décidé.

Enfin, l’artériographie peut objectiver d’autres localisations qui soulignent la multicentricité de la maladie paraganglionnaire.

2- Imagerie scintigraphique :

L’imagerie scintigraphique des paragangliomes utilise deux types de vecteurs spécifiques marqués par des radioéléments émetteurs gamma :

– un analogue de la somatostatine, l’octréotide, qui se fixe sur les récepteurs de la somatostatine ;

– un analogue de la norépinéphrine, la méta-iodobenzylguanidine (MIBG), qui en partage les mécanismes de capture et se stocke dans les granules neurosécrétoires abondants dans le cytoplasme des cellules paraganglionnaires.

Du fait de sa meilleure sensibilité, l’Octréoscant tend à supplanter la classique scintigraphie à la 123I-MIBG.

* Scintigraphie des récepteurs de la somatostatine (Octréoscant) :

+ Principe :

Cette technique d’imagerie utilise la propriété que partagent les paragangliomes avec la plupart des autres tumeurs neuroendocrines d’exprimer à leur surface des récepteurs de la somatostatine.

Elle consiste en l’injection intraveineuse d’un analogue de la somatostatine (l’octréotide) préalablement marqué par un radioélément émetteur gamma, l’indium 111 (111In-pentétréotide ou Octréoscant).

Ainsi marqué, l’octréotide conserve son pouvoir de fixation sur les récepteurs sst2, 3 et 5 de l’hormone native.

La visualisation des lieux de fixation de l’hormone à ses récepteurs se fait par détection externe, grâce à une gammacaméra autorisant une exploration totocorporelle.

+ Place de la scintigraphie à l’Octréoscant dans le bilan des paragangliomes :

La scintigraphie à l’Octréoscant vient actuellement en complément de l’imagerie conventionnelle dans le bilan des paragangliomes pour les raisons suivantes.

Sa sensibilité dans la détection des atteintes paraganglionnaires est supérieure à 95 %, meilleure que celle de la TDM pour Kwekkeboom et al, en particulier dans les localisations carotidiennes (96 % versus 67 %).

La scintigraphie à l’Octréoscant est donc susceptible de détecter des localisations non visualisées par l’imagerie conventionnelle.

Cette exploration corps entier permet le dépistage des localisations multiples, cervicocéphaliques ou thoracoadominales, ou des très rares métastases, mais également des néoplasies associées qui pour la plupart surexpriment des récepteurs de la somatostatine.

Cette sensibilité ne dépend pas de la taille de la tumeur, mais de la densité des récepteurs exprimés.

Ainsi, dans notre série, la plus petite lésion visualisée avait un volume de 0,28 cm3.

D’autres équipes ont détecté des tumeurs infracentimétriques, en particulier gastro-entéro-pancréatiques, audessous des performances résolutives des détecteurs, mais ayant une densité élevée de récepteurs à la somatostatine.

Cette possibilité de dépister les lésions de petite taille peut être mise à profit chez des sujets à risque mais asymptomatiques, en particulier lors d’enquêtes familiales.

Rappelons ici que, dans 10 à 50 % des cas, les paragangliomes ont une transmission héréditaire, et qu’ils sont alors souvent multicentriques et volontiers carotidiens.

Devant de telles localisations, une enquête génétique s’avère dans un premier temps nécessaire afin de détecter les éventuelles mutations responsables de l’affection.

L’exploration génétique des membres de la famille du propositus permet dans un second temps de dépister la transmission de cette mutation et donc les sujets susceptibles d’exprimer la maladie.

Chez ces patients asymptomatiques ainsi sélectionnés, la scintigraphie à l’Octréoscant trouve ici une réelle indication, puisqu’elle permet de déceler des paragangliomes parfois infracentimétriques.

Ce dépistage précoce pourrait alors conduire soit à une surveillance ciblée, soit à une prise en charge chirurgicale plus facile, diminuant d’autant la morbidité périopératoire non négligeable dans cette pathologie.

Nous verrons enfin qu’une alternative thérapeutique peut être le traitement par octréotide.

Certains travaux ont montré une corrélation entre la présence de récepteurs de la somatostatine, détectés par la scintigraphie à l’Octréoscant, et l’efficacité thérapeutique de l’octréotide.

En effet, la fixation de l’octréotide et de l’Octréoscant aux récepteurs membranaires dépend d’un groupe de quatre acides aminés, présents sur ces deux molécules, expliquant le caractère prédictif de la scintigraphie à l’Octréoscant vis-à-vis de l’efficacité thérapeutique.

* Scintigraphie à la 123I-méta-iodobenzylguanidine :

+ Principe :

La MIBG est un analogue de la norépinéphrine, dont elle partage les mécanismes de capture.

Après captation cellulaire, la MIBG est stockée dans les granules neurosécrétoires présents dans le cytoplasme des cellules paraganglionnaires.

Le marquage de cette molécule par un radioélément gamma tel l’iode 123 permet de détecter in vivo ses sites de captation.

+ Performances :

Environ 50 % des paragangliomes sont visualisés par la 123I-MIBG.

La scintigraphie à la 123I-MIBG a une moins bonne sensibilité que la scintigraphie à l’Octréoscant pour le diagnostic et la localisation des lésions paraganglionnaires.

Pour certains auteurs, son intérêt réside essentiellement en cas de décision d’un traitement par 131I-MIBG.

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