Listériose et neurolistériose

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Historique :

Listeria monocytogenes est une bactérie isolée pour la première fois en 1926 au cours d’une septicémie épidémique d’animaux de laboratoire chez qui existait une monocytose sanguine.

En 1929, la bactérie fut isolée chez un patient présentant une mononucléose infectieuse, manifestation clinique exceptionnelle encore actuellement.

Les premières infections de la période périnatale furent rapportées en 1935, suivies par la description, l’année suivante, des premiers cas de méningite.

L’association avec une immunodépression fut relevée dans les années 1960, mais il a fallu attendre les années 1980 pour observer les premiers foyers épidémiques et mettre en évidence le rôle des aliments.

Ces foyers épidémiques se sont traduits par l’atteinte localisée de quelques cas ou par des épidémies pouvant regrouper plusieurs centaines de cas évoluant sur des périodes de quelques années, et responsables d’une importante mortalité.

Épidémiologie :

Listériose et neurolistérioseL. monocytogenes est une bactérie ubiquitaire à Gram positif.

Résistante dans le milieu extérieur (survie de 1 à 2 ans dans le sol, 21 mois dans du lait naturellement contaminé, de 1 à 18 mois dans les fèces, 6 mois dans la paille), elle est très largement répandue dans l’environnement (sols, végétaux, pâturages, eaux douces, eaux de mer, vase, eaux d’égouts), dans les locaux d’élevage (litière, fourrages, sol, parois, fenêtres, mangeoires, abreuvoirs, etc.) et dans les locaux d’habitation (torchons, serpillières, périphérie des conduites d’évacuation, réfrigérateurs et même brosses à dents).

Elle est présente dans les selles de nombreuses espèces animales et chez l’homme (de 1 à 3 % des humains peuvent héberger temporairement L. monocytogenes dans leur tube digestif et cette valeur peut être nettement plus élevée chez des techniciens de laboratoire). L. monocytogenes est capable de se multiplier entre 1 °C et 45 °C, en présence ou en absence d’oxygène.

Relativement résistante au sel et au dessèchement, elle est cependant aisément détruite par la chaleur.

Ces caractéristiques rendent compte de sa capacité à survivre longtemps dans l’environnement et à se multiplier à la température de réfrigération des aliments (4 °C).

Étant ubiquitaire, l’infection à L. monocytogenes peut apparaître en foyers épidémiques mais s’exprime le plus souvent de manière sporadique, rendant difficile la détermination de son incidence.

L’incidence rapportée oscille entre 2 et 11,7 cas par million d’habitants.

Depuis l’introduction d’un système de surveillance dans les pays occidentaux et l’introduction de mesures préventives, l’incidence a été réduite au moins de moitié.

L’infection à L. monocytogenes est observée à tous les âges, mais avec une fréquence plus élevée chez le foetus et le nouveau-né, ainsi que chez l’adulte de plus de 60 ans.

En dehors de la période néonatale, environ deux tiers des infections sont rapportées chez des patients immunodéprimés, dans le cadre d’hémopathies malignes, de syndrome immunodéficitaire acquis (sida), de transplantation d’organes ou de traitements avec des immunomodulateurs, comme la prednisone.

Plusieurs épidémies associées à des aliments contaminés ont été rapportées ces dernières années en Europe, comme par exemple en Suisse au milieu des années 1980, en Italie ou en France à la fin des années 1990.

Mode de transmission :

Bien que la majorité des cas de listériose humaine soient transmis par des aliments contaminés, d’autres modes de transmission sont connus, comme la transmission hématogène transplacentaire, la contamination néonatale vaginale, ou encore l’infection nosocomiale manuportée de nouveau-nés dans les nurseries ou par des produits de soins.

L’infection cutanée localisée avec ou sans bactériémie est observée occasionnellement chez les vétérinaires en contact avec des animaux infectés.

La contamination des aliments par L. monocytogenes peut survenir tout au long des filières agroalimentaires : chez le producteur, le transformateur, le distributeur et le consommateur.

Par leur origine et leur composition, certains aliments sont plus susceptibles que d’autres de contenir L. monocytogenes. Depuis 2002, en France, des recommandations d’étiquetage d’aliments ont été proposées.

La première catégorie concerne les aliments dits « sûrs ».

Les bonbons, les biscuits, les fruits, les yaourts, la vinaigrette ou encore les surgelés sont trop froids, trop acides, trop secs, trop sucrés ou trop salés pour permettre la croissance de la bactérie.

La seconde regroupe les aliments dits « sensibles ».

Si le froid limite la croissance de L. monocytogenes dans ces denrées, elle peut s’y multiplier audessus du seuil dangereux si ces aliments contaminés sont conservés dans de mauvaises conditions.

La mayonnaise, la soupe en brique après ouverture, certains fromages à pâte molle, les poissons fumés, les saucisses crues ou la charcuterie sont parmi les plus sensibles.

La troisième classe d’aliments est dite « à risque maîtrisé » et comprend, entre autres, les conserves, le lait UHT avant ouverture, les viandes et la charcuterie cuites et les plats cuisinés.

Ils ne devraient pas présenter de risque pour le consommateur si, lors de leur fabrication ou de leur préparation, ils sont soumis à des traitements bactéricides.

Pathogenèse :

En dehors des cas de transmission mère-enfant et des exceptionnels cas de transmission nosocomiale dans les nurseries, il y a pas de transmission directe chez l’adulte et la majorité des cas résultent de l’ingestion d’aliments fortement contaminés.

La dose infectante pour l’homme n’est pas connue avec certitude car elle varie en fonction du statut immunitaire des individus et de la virulence de la souche, mais les aliments incriminés contiennent généralement plus de 10 L. monocytogenes par gramme et dans la majorité des cas ils en renferment plus de 106 par gramme.

Expérimentalement, la dose infectante par voie orale est de l’ordre de 10 cellules pour la souris normale et de 10 cellules pour des singes.

Une certaine alcalinisation de l’estomac, par la prise de bloqueurs H2, d’antiacides, ou des séquelles de gastrotomie peuvent favoriser l’infection.

La période d’incubation chez l’adulte est relativement longue (quelques jours à trois semaines), ce qui complique la recherche rétrospective des aliments mis en cause lors d’un épisode clinique.

Cependant, des épisodes de gastroentérite ont été signalés 24 à 48 heures après consommation de produits très fortement contaminés.

Le nouveau-né infecté durant la gestation ou lors de l’accouchement peut développer une septicémie dès la naissance ou une méningite au-delà de la première semaine de vie.

L. monocytogenes est probablement à lui seul un pathogène, mais une infection gastro-intestinale concomitante peut favoriser l’infection.

Une colonoscopie peut être la source de l’infection.

La pathogénicité de L. monocytogenes a fait l’objet de nombreux travaux.

L’espèce L. monocytogenes rassemble des souches très virulentes et d’autres peu virulentes.

Toutefois, il n’y a pas de rapport direct entre la virulence et le typage d’une souche.

La pathogénie de L. monocytogenes implique la pénétration dans des cellules phagocytaires et non phagocytaires, une multiplication intracellulaire, un déplacement de la bactérie dans le cytoplasme et une invasion des cellules adjacentes sans libération par les cellules infectées.

Les protéines nécessaires à ces diverses fonctions sont sous la dépendance de nombreux gènes de virulence bactériens.

Lors de l’infection, les bactéries envahissent les cellules des plaques de Peyer ou les entérocytes, elles traversent la barrière intestinale, puis elles sont phagocytées par les macrophages de la lamina propria dans lesquels elles survivent et se multiplient. Ultérieurement, elles gagnent la lymphe et le courant sanguin, et infectent le foie et la rate.

Dans ces organes, la plupart des bactéries sont rapidement tuées, mais si la réponse immunitaire à médiation cellulaire ne contrôle pas l’infection, elles sont disséminées par voie sanguine. Lors de la dissémination hématogène, un tropisme pour le cerveau et le placenta est observé.

L. monocytogenes est une bactérie capable d’induire sa propre phagocytose dans des cellules phagocytaires et non phagocytaires. Plusieurs protéines de surface sont impliquées dans ce phénomène, comme la protéine InlA (codée par le gène inlA) ou internaline.

La structure de cette protéine est connue et on peut noter que son extrémité C-terminale contient une région qui constitue une séquence signature retrouvée dans de nombreuses protéines capables de s’ancrer dans la paroi des bactéries à Gram positif et qu’elle possède aussi une région riche en résidus leucine (d’où son nom de LRR pour leucine-rich repeats), impliquée dans de fortes interactions protéines-protéines.

La protéine InlA se fixe sur une molécule d’adhésion des cellules, la E-cadhérine, dont le domaine intracellulaire relie, indirectement, l’ensemble InlA-E-cadhérine à l’actine.

La pénétration se fait par un mécanisme de type « fermeture Éclair » dans lequel la membrane de la cellule hôte recouvre progressivement la bactérie jusqu’à permettre l’incorporation dans le cytoplasme.

Après pénétration, L. monocytogenes est emprisonnée dans une vacuole intracytoplasmique dont elle va s’échapper pour se multiplier dans le cytosol.

La destruction de la vacuole est principalement due à la listériolysine O codée par le gène hly (également appelé hlyA).

Les rares souches sauvages de L. monocytogenes non hémolytiques et les mutants incapables de synthétiser la listériolysine O sont aptes à pénétrer dans des cellules mais incapables de quitter la vacuole intracytoplasmique et, de ce fait, incapables de se multiplier dans le cytosol.

De telles souches s’avèrent non virulentes. L. monocytogenes colonise les tissus par diffusion de cellules à cellules.

Cette diffusion nécessite la formation d’une queue d’actine qui propulse la bactérie, de manière aléatoire, dans le cytoplasme.

Lorsque la bactérie atteint la membrane cytoplasmique, elle induit la formation de protubérances cellulaires ou protrusions qui sont phagocytées par la cellule adjacente pour donner naissance à des vacuoles à deux membranes.

Après lyse de ses vacuoles, la bactérie peut initier un autre cycle infectieux.

Cette stratégie permet aux bactéries de se disséminer au sein d’un tissu sans jamais quitter le cytoplasme, échappant ainsi aux anticorps.

Le déplacement intracellulaire de L. monocytogenes s’effectue grâce à la formation d’une queue d’actine filamenteuse associée à un pôle bactérien.

La formation de la queue d’actine est sous la dépendance du gène actA qui code pour la protéine ActA qui s’ancre dans la membrane bactérienne.

Environ la moitié de la molécule fait saillie à la surface de la bactérie et peut interagir avec des protéines de la cellule infectée.

Les mutants incapables de synthétiser ActA sont invasifs, aptes à lyser les vacuoles, mais ils ne se déplacent pas, n’envahissent pas les cellules adjacentes et leur multiplication dans le cytosol conduit à la formation de microcolonies.

La lyse de la double membrane de la vacuole nécessite une phospholipase C codée par le gène plcB.

La phospolipase C est synthétisée sous la forme d’un précurseur qui doit être clivé par une métalloprotéase (codée par le gène mpl) pour engendrer la phospholipase C active.

Les mutants incapables de synthétiser la phospholipase C s’accumulent dans les vacuoles et ne peuvent gagner le cytosol.

La métalloprotéase pourrait intervenir dans la virulence selon d’autres modalités.

En effet, cette enzyme est capable de dégrader l’actine et les produits de clivage de l’actine sont aptes à favoriser la croissance de L. monocytogenes in vitro.

Cette notion expérimentale de l’utilité de composés ferreux se retrouve cliniquement, par l’association de cas de listériose dans le cadre d’hémochromatose et chez les dialysés chroniques.

La résistance à l’infection par L. monocytogenes est médiée principalement par une immunité cellulaire, comme l’a démontré Mackaness expérimentalement par le seul transfert de lymphocytes sensibilisés.

L’immunité cellulaire T des cellules CD8+ activées joue un rôle prédominant dans les défenses de l’hôte.

Le rôle de l’immunité humorale est imparfaitement compris, bien que les immunoglobulines de classe M (absentes chez le nouveau-né) et le complément (dont l’activité est faible chez le nouveau-né) y jouent un rôle.

Ces données valident les observations cliniques du rôle favorisant de la dépression immunitaire cellulaire observée lors de lymphomes, de la grossesse, du sida et de transplantation d’organes.

La listériose est 100 à 1 000 fois plus fréquente chez les patients positifs pour le virus de l’immunodéficience humaine que dans la population contrôle : il peut apparaître surprenant que les cas de listériose ne soient pas encore plus fréquents eu égard à la pandémie de SIDA.

Une explication tient au fait que la résistance à L. monocytogenes est expérimentalement induite par des lymphocytes non CD4 ni CD8.

De plus, il est possible que la listériose soit prévenue par le traitement prophylactique d’infection à Pneumocystis par triméthoprime-sulfaméthoxazole, qui est efficace in vitro et in vivo contre L. monocytogenes.

Manifestations cliniques :

L. monocytogenes se comporte en pathogène opportuniste chez l’homme qui ingère des aliments contaminés.

Les infections à L. monocytogenes s’observent chez les femmes enceintes (quel que soit le stade de la grossesse), les nouveau-nés contaminés par leur mère et les individus présentant des troubles du système immunitaire dus à diverses causes.

Ces derniers sont classés, par le Centre national de référence des Listeria, en trois groupes avec un niveau de risque décroissant : les personnes atteintes d’hémopathies, transplantées, atteintes de sida ; les personnes atteintes de cancers solides, d’hépatopathies et les hémodialysés ; les personnes diabétiques mal équilibrées et les alcooliques.

Classiquement, les personnes âgées sont considérées comme faisant partie des sujets à risque et certains chiffres publiés dans la littérature font état d’une incidence des listérioses 11 fois plus élevée à partir de 70 ans qu’entre 20 et 40 ans.

Toutefois, selon les données de l’Institut de veille sanitaire, de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et du

Centre national de référence des Listeria, les sujets âgés bien portants n’ont pas un risque beaucoup plus élevé que celui de la population générale.

Il convient de noter que les enfants, même jeunes, ont un risque identique voire plus faible que celui de la population générale.

A – LISTÉRIOSE GRAVIDIQUE :

Il s’agit d’une septicémie qui peut survenir tout au long de la grossesse, avec une prédominance au cours du dernier trimestre, période à laquelle la femme se contamine alors que son immunité cellulaire est réduite.

L’infection s’exprime chez la mère par un épisode fébrile d’allure pseudogrippale avec de la fièvre, des frissons, des myalgies, des arthralgies avec ou sans douleurs vertébrales.

L’examen clinique n’est pas relevant, les examens paracliniques sont habituellement normaux et seules les hémocultures sont généralement positives.

L’évolution peut être variable, de spontanément favorable à une amniotite entraînant fréquemment un travail prématuré ou un avortement, la naissance d’enfants mort-nés ou la naissance d’un enfant infecté, soit par voie sanguine soit au moment de l’accouchement à partir d’un foyer endométrial.

Chez le foetus infecté, la listériose se traduit par une forme septicémique précoce avec formation de granulomes disséminés sur de nombreux organes (granulomatose septique infantile) ou par des formes méningées plus tardives.

Le diagnostic est confirmé par la culture du liquide amniotique ou du placenta.

Un diagnostic précoce à la phase bactériémique et un traitement immédiat permettent la naissance d’un enfant normal.

B – LISTÉRIOSE NÉONATALE :

Il s’agit de nouveau-nés de moins de 1 mois présentant soit une fièvre habituellement avec septicémie (formes précoces), soit les signes d’une méningite (formes retardées au-delà de 1 semaine postpartum).

La présentation clinique est variable, d’une fièvre isolée à des atteintes pulmonaires et méningées, avec raideur et bombement des fontanelles.

Le diagnostic étiologique repose sur l’isolement de la bactérie à partir du méconium, de prélèvements de la sphère oto-rhino-laryngologique ou pulmonaires, et des hémocultures.

En cas de suspicion, il est proposé un traitement par aminopénicilline associé ou non à un aminoglycoside.

C – LISTÉRIOSE DE L’ADULTE: BACTÉRIÉMIE, SEPTICÉMIE ET COMPLICATIONS LOCALISÉES :

Les manifestations cliniques sont similaires à celles observées dans d’autres causes de bactériémie et comprennent l’apparition d’un état pseudogrippal avec fièvre et myalgies précédées ou non de diarrhées et de nausées, qui peuvent être prédominantes.

La fièvre peu élevée et transitoire peut évoluer en quelques heures avec l’apparition de troubles de la personnalité ou l’apparition brutale d’une fièvre élevée suivie de troubles neurologiques focaux avec coma.

D’autres complications sont possibles mais sont exceptionnelles, comme l’endocardite, de mauvais pronostic, la coagulation intravasculaire disséminée, le syndrome de détresse respiratoire de l’adulte, la rhabdomyolyse avec insuffisance rénale aiguë, l’hépatite abcédée, la cholécystite, la péritonite, les abcès spléniques, l’arthrite ou l’ostéomyélite.

D’exceptionnels cas de réinfection ont été signalés.

Des observations isolées ont rapporté l’isolement de L. monocytogenes lors d’infections localisées, comme la conjonctivite ou l’uvéite du nouveau-né, l’infection cutanée du vétérinaire ou la lymphadénite.

Dans une étude suisse, les patients présentant une septicémie étaient plus âgés (âge moyen de 75 ans) que ceux présentant une méningite ou une méningoencéphalite (âges moyens de respectivement 69 et 55 ans) et il existait une maladie favorisante (cancer sous-jacent, alcoolisme chronique, diabète sucré), plus fréquemment dans les cas de septicémie que lors de neurolistériose.

D – NEUROLISTÉRIOSE :

Les organismes le plus fréquemment en cause lors de méningites bactériennes (Streptococcus pneumoniae, Neisseria meningitidis, Haemophilus influenzae) sont exceptionnellement à l’origine d’infections cérébrales localisées.

Au contraire, L. monocytogenes a un tropisme particulier pour le système nerveux central, notamment pour les méninges et le tronc cérébral ; on parle alors de neurolistériose.

Depuis l’introduction d’une vaccination contre H. influenzae en 1995, L. monocytogenes est devenu la quatrième cause de méningite bactérienne en nombre de cas, après S. pneumoniae, N. meningitidis ou les streptocoques du groupe B, mais la première en termes de mortalité, de l’ordre de 20 %.

Sa fréquence et ses complications varient en fonction des groupes de population infectés et du status d’immunocompétence.

L. monocytogenes représente ainsi 20 % des étiologies bactériennes chez les nouveau-nés et 20 % chez les patients âgés de plus de 60 ans.

La mortalité associée est faible (de 0 à 13 %) chez les adultes immunocompétents.

L. monocytogenes est la cause la plus fréquente de méningite bactérienne chez les patients atteints de lymphome, après transplantation d’organe ou sous un traitement immunosuppresseur.

Plusieurs manifestions neurologiques sont observées, les méningites aiguë et subaiguë, l’encéphalite sous forme de rhombencéphalite ou de cérébrite et exceptionnellement sous forme de myélite, mais trois fois sur quatre la neurolistériose se manifeste par une méningite.

Par exemple, dans une étude suisse, 20 % des cas adultes présentaient une bactériémie, 40 % une méningite et 40 % des signes de méningoencéphalite ; la moitié seulement des 57 cas avaient une maladie sous-jacente et étaient âgés de plus de 65 ans.

1- Méningite :

Dans la phase prodromique apparaissent des symptômes mal systématisés, comme une fatigue, des douleurs abdominales, des myalgies, des céphalées avec douleurs nucales, des nausées, qui sont associés à un état fébrile variant entre 37,5 et 40 °C.

La durée des prodromes varie entre 5 et 15 jours.

Le début peut être brutal et se manifester par une hémorragie sousarachnoïdienne ou un accident vasculaire cérébral. Une fluctuation de la vigilance sur 1 à 2 semaines a également été rapportée.

Dans la phase d’état, la méningite apparaît, avec ou sans atteinte des nerfs crâniens (dans 50 à 60 % des cas), souvent méconnue et attribuée à tort à une infection virale.

On peut observer une multinévrite crânienne avec diplopie, dysphagie et dysarthrie.

La paralysie faciale est la névrite crânienne la plus fréquente, étant le premier signe de maladie dans 25 % des cas. Par rapport à d’autres méningites bactériennes, il est plus souvent observé une raideur nucale, des mouvements anormaux, des crises épileptiques et une fluctuation de l’état de vigilance.

2- Rhombencéphalite :

Complication rare mais très suggestive de neurolistériose, rapportée pour la première fois par Eck, la rhombencéphalite est caractérisée par l’apparition en quelques heures à quelques jours d’un syndrome biphasique associant dans un premier temps un syndrome grippal avec fièvre, suivi par une méningonévrite crânienne fébrile.

Le seul facteur de risque reconnu à son apparition est l’âge de plus de 65 ans.

Les manifestations rapportées comme motif de consultation sont, par ordre de fréquence, une fièvre, des céphalées inhabituelles, des troubles de la vigilance, des nausées et vomissements, une dysphagie, une diplopie, une paralysie faciale et une hypoaccousie.

À l’apparition d’un trouble de la vigilance, les signes méningés peuvent être absents.

En dehors de l’atteinte des nerfs crâniens, il apparaît une fois sur deux des signes cérébelleux et pyramidaux, ou des troubles sensitifs alternes.

L’atteinte des dernières paires crâniennes et des centres pontiques expliquent la possibilité de troubles respiratoires avec perte de la respiration automatique, de fausses routes, ainsi que les troubles du rythme cardiaque.

Lors de l’apparition d’abcès de localisation parfois multiple, d’autres manifestions peuvent alors être rapportées, comme l’apparition d’une rétention urinaire aiguë, des hallucinations auditives ou d’autres symptômes associés à la cérébrite.

L’évolution peut être rapidement défavorable, avec l’apparition d’un syndrome de désefférentation motrice ou locked-in syndrome, ou d’un coma mortel.

3- Encéphalite :

La cérébrite des hémisphères cérébraux s’observe avec un début brutal dans un cadre fébrile à plus de 38 °C, des céphalées et des signes neurologiques focaux divers, tels une aphasie, une hémiparésie ou une hémianopsie ; des crises épileptiques partielles ou partielles complexes coexistent d’après une étude canadienne dans jusqu’à 26 % des cas avec une mortalité élevée (34 % versus 7 %).

Les foyers de cérébrite peuvent confluer en un abcès collecté cortico-sous-cortical. D’autres complications sont observées dans le SIDA, avec des abcès localisés dans les ganglions de la base et le thalamus.

Une méningoencéphalite subaiguë peut exceptionnellement se présenter par des accidents ischémiques transitoires, sans la notion de fièvre ni de signes méningés.

4- Myélite :

Cette complication est exceptionnelle et se manifeste par une atteinte cervicale haute avec tétraparésie et une image de grosse moelle lors des examens radiologiques, de pronostic réservé.

Examens complémentaires :

A – DONNÉES RADIOLOGIQUES :

La normalité du scanner crânien n’exclut pas le diagnostic de rhombencéphalite.

Il peut être observé initialement des foyers hypodenses sans prise de contraste dans le tronc cérébral, dans la région pontomésencéphalique, avec ou sans atteinte cérébelleuse, ou un gonflement diffus de la région pontobulbaire avec comblement des citernes péripontiques avec ou sans hydrocéphalie, puis plus tardivement l’apparition de microabcès ou d’abcès de plus grande taille dans le tronc cérébral ou le cervelet.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est l’examen de choix et permet de visualiser rapidement au stade de cérébrite des hypersignaux T2 mal délimités dans le tronc cérébral ou dans les hémisphères cérébraux, devenant mieux délimités au bout de quelques jours et visibles en T1 avec gadolinium du fait de la rupture de la barrière hématoencéphalique.

L’IRM avec technique de suppression du signal du liquide céphalorachidien (LCR) permet précocement de visualiser les signes indicateurs de la méningite.

Il est évident que toute formation abcédée à un niveau sous-cortical doit faire évoquer la possibilité de neurolistériose.

L’angiographie peut montrer des signes d’une vasculite avec rétrécissements segmentaires, dilatations ou petits anévrismes.

B – LIQUIDE CÉPHALORACHIDIEN :

L’examen direct du LCR par la coloration de Gram est généralement non contributif dans la majorité des neurolistérioses, mais, dans les cas positifs, L. monocytogenes a un aspect suggestif au microscope sous forme coccoïde à bacillaire plus ou moins allongée, à Gram positif, localisée à l’intérieur et à l’extérieur des cellules inflammatoires.

Lors de la phase aiguë d’envahissement neuroméningé, le comptage cellulaire du LCR peut être dans les normes, mais après quelques heures l’examen répété démontre une pléiocytose d’importance variable, constituée de polynucléaires (de 30 à 50 %), et de cellules lymphocytaires et plasmocytaires.

La protéinorachie est alors élevée, à plus de 0,5 g/L, et est constituée d’un profil gammaoligoclonal à l’électrophorèse, et la valeur de glycorachie est habituellement inférieure de 50 % à celle de la glycémie.

C – DONNÉES PATHOLOGIQUES :

La méningite est lymphocytaire ou purulente, à prédominance dans les leptoméninges de la base du crâne, avec des suffusions hémorragiques et des granulations inflammatoires pouvant évoluer en des microabcès de 1 à 10 mm, localisés à la partie haute du tronc cérébral ou plus diffusément au parenchyme cérébral, pouvant contenir une zone centrale nécrotique avec présence de L. monocytogenes.

La confluence de multiples abcès de petite taille entraîne une formation abcédée purulente qui peut se compliquer d’une ventriculite ou de vasculite de proximité, pouvant être à l’origine d’infarctus hémorragique.

D – DIAGNOSTIC SÉROLOGIQUE :

Le diagnostic sérologique par agglutination, fixation du complément ou immunoprécipitation est peu sensible et peu spécifique.

Les anticorps contre la listériolysine O ne sont pas utiles pour le diagnostic d’une maladie invasive à la phase aiguë.

Ces anticorps peuvent éventuellement identifier des personnes ayant présenté une atteinte non invasive, comme une gastroentérite lors d’une épidémie alimentaire.

Un test de type Dotblot, utilisant comme antigène de la listériolysine O purifiée, nécessite un traitement préalable des sérums pour éviter les réactions faussement positives dues à la présence d’anticorps antistreptolysine O.

Un test de Western-blot, faisant appel à un polypeptide de synthèse et correspondant aux 411 premiers acides aminés de la listériolysine O (partie ne présentant pas d’homologie avec la streptolysine O) est beaucoup plus spécifique, mais des réactions faussement positives ont été observées lors d’encéphalites herpétiques.

La sensibilité de ces tests reste toutefois médiocre et n’est globalement que de 50 à 60 %.

Selon l’Institut de veille sanitaire, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et le

Centre national de référence des Listeria, la sérologie est soit trop peu sensible, soit trop peu spécifique pour apporter à l’heure actuelle une aide au diagnostic.

E – DIAGNOSTIC ET DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Une neurolistériose doit être soupçonnée lors de méningite néonatale, de méningite ou d’atteinte cérébrale focale chez un patient immunodéprimé ou chez un adulte de plus de 60 ans, voire lors d’épidémie de gastroentérite.

Le diagnostic est évoqué par les examens radiologiques et confirmé par les examens microbiologiques (hémocultures et culture du LCR).

Plusieurs infections pouvant se manifestent sous forme d’une atteinte multiple des nerfs crâniens avec une fièvre doivent être évoquées dans le diagnostic différentiel : cryptococcose, tuberculose, maladie de Lyme, herpès zoster. Une méningite carcinomateuse, un lymphome du tronc cérébral, une maladie granulomateuse ou une vasculite peuvent donner un tableau clinique similaire.

Traitements :

Il n’y a pas d’études contrôlées permettant le choix de l’antibiotique le plus approprié et de la durée du traitement. L. monocytogenes est sensible à de nombreuses familles d’antibiotiques (pénicillines, aminoglycosides, quinolones, cotrimoxazole).

Une revue détaillée a été publiée récemment.

Il est important de signaler une résistance naturelle de L. monocytogenes vis-à-vis de toutes les céphalosporines, en particulier celles de troisième génération et à large spectre, souvent utilisées comme traitement empirique des méningites, comme la ceftriaxone, la céfotaxime ou la céfépime.

De rares souches ont été décrites pouvant développer une résistance vis-à-vis de la streptomycine, de la kanamycine, de la gentamicine, du triméthoprime, des tétracyclines ou de la rifampicine.

La survenue de ces souches résistantes résulte de l’acquisition de plasmides ou de transposons conjugatifs.

Ainsi, en 1988, une souche multirésistante a été isolée en France.

Selon Hof et al, la pression de sélection, due à une utilisation anarchique des antibiotiques, pourrait à l’avenir entraîner l’apparition de souches de Listeria multirésistantes, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Les recommandations de traitement sont basées sur l’étude de la sensibilité in vitro des Listeria isolées et sur l’expérience de divers centres de références.

En l’absence de documentation microbiologique, le traitement empirique d’une méningite d’allure bactérienne chez l’adulte de plus de 50 ans doit comprendre une aminopénicilline ou du triméthoprime-sulfaméthoxazole par i.v., en particulier s’il n’y a pas d’évidence clinique de pneumonie, d’otite ou d’endocardite qui suggèreraient une cause autre que L. monocytogenes.

L’ampicilline est considérée généralement comme l’antibiotique de premier choix, bien que sa supériorité vis-à-vis de la pénicilline G puisse se discuter.

En raison d’un effet synergique avec la gentamicine, ce dernier antibiotique est généralement prescrit en association avec l’ampicilline.

L’association triméthoprimesulfaméthoxazole constitue une bonne alternative chez les sujets allergiques aux bêtalactamines.

Chez l’homme, la vancomycine est parfois utilisée dans le traitement des formes septicémiques (la grande variabilité des concentrations atteintes dans le LCR conduit à émettre des réserves sur son utilisation dans les formes neuroméningées).

Le chloramphénicol ne doit pas être utilisé en raison de ses effets secondaires potentiellement graves et les céphalosporines sont contre-indiquées.

La durée du traitement antibiotique ne doit pas être inférieure à 3 semaines dans les formes neuroméningées ; dans le cas de rhombencéphalite ou d’abcès cérébraux, il est même recommandé de traiter pendant au moins 6 semaines et de suivre l’évolution des anomalies radiologiques.

Le rôle bénéfique des corticostéroïdes n’est pas documenté dans la neurolistériose, mais pourrait être utile dans des cas individuels, par analogie aux autres méningites bactériennes.

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