La RNA-polymérase est formée de deux sous-unités β et β’ codées par un
opéron nommé rif. L’antibiotique rifampicine, en se fixant sur la sousunité
β de la RNA-polymérase, entraîne le blocage de nombreux promoteurs
par le complexe ainsi formé.
Certaines mutations du gène de la sous-unité β peuvent conférer la résistance
à la rifampicine en modifiant le site de fixation de la rifampicine
sur β, rendant ainsi la RNA-polymérase insensible à cet antibiotique.
Les
allèles mutés conférant la résistance sont notés rifR et entraînent le phénotype
de résistance noté [rifR] par rapport au phénotype sauvage de sensibilité
noté [rifS].
On dispose d’une souche A de génotype chromosomique (argH–; rifR;
mal–; recA–) porteuse d’un épisome F′ (argH+; rif+; mal+), lui-même
porteur des trois séquences sauvages du gène argH, de l’opéron rif et de
l’opéron maltose.
La mutation recA– bloque toute recombinaison moléculaire
éventuelle entre séquences homologues du chromosome et de
l’épisome.
1. Le phénotype de la souche A est [arg+; rifS; mal+].
Qu’en concluezvous
sur le plan génétique ? Commentez ce résultat sur le plan fonctionnel.
2. On souhaite sélectionner des mutations non-sens dans le gène β de
l’opéron rif. Pour cela, on dispose de la souche A (exempte de suppresseur
actif de non-sens) et de deux souches B et C, de type F–, dont les génotypes
sont les suivants :
– B: F– (argH+; rifR; mal–; sua ; strR; recA–) où sua est un suppresseur
actif d’un type de mutation non-sens (par exemple ambre);
– C: F– (argH–; rifR; mal+; sui ; strR; recA–) où sui est la séquence
sauvage de la séquence sua présente chez B.
Décrivez brièvement et précisément le protocole expérimental de sélection
de tels mutants non-sens dans le gène β. (Milieux sélectifs; croisements à
effectuer; milieux d’étalement, de réplique, etc.), en justifiant vos propositions,
l’utilisation de la mutation rifR et de diploïdes partiels.
➤ Niveau Licence (L3)/Définitions des objectifs.
– Crible de mutations non-sens létales récessives par démasquage d’un allèle
récessif viable.
– Test de létalité de la mutation par effet d’un suppresseur de non-sens.
Solution
1. L’épisome F′ étant porteur d’un fragment génomique, la souche est diploïde pour les
gènes inclus dans ce fragment, ce qui permet de tester la dominance, la récessivité et la
complémentation fonctionnelle.
Le test réalisé ici est un test de dominance; il permet de conclure que les trois séquences arg–,
mal– et rifR ont un effet récessif face à celui de leurs homologues sauvages.
Ce résultat est logiquement attendu pour les mutations arg– ou mal– qui sont très probablement
des pertes de fonctions pour des gènes impliqués dans une voie de biosynthèse pour le
premier, et une voie de métabolisation pour le second, de sorte que l’allèle sauvage rétablit
sans problème la fonction chez l’hétérozygote.
Pour rifR, on sait que la mutation ne saurait être une perte de fonction du gène β qui serait
létale; la mutation modifie la capacité de liaison de la sous-unité β à la rifampicine, sans
altérer sa fonction biochimique dans la transcription.
Chez l’hétérozygote, malgré la présence d’une polymérase insensible à la rifampicine, la
polymérase sensible, codée par l’opéron sauvage va bloquer des promoteurs et réaliser l’effet
létal de la rifampicine; l’effet de la mutation rifR est donc récessif face à celui de l’allèle
sauvage.
2. Une mutation non-sens dans le gène β est une perte de fonction létale; on ne peut sélectionner
de mutant non-sens que chez un diploïde pour le gène β afin que la copie non
mutée β+ puisse sauver la bactérie de l’effet létal de la copie β−.
Mais si on part d’un diploïde β +//β +, les quelques mutants non-sens apparus (dans un exemplaire
du gène, dans les deux, cela serait statistiquement improbable et létal !) ne pourront se
distinguer phénotypiquement des non-mutants.
Au contraire, si on part d’un diploïde βrifR//β +, qui est phénotypiquement sensible à la
rifampicine, toute mutation non-sens apparue dans l’allèle β + conduira à un génotype β rifR//β −
, ce qui démasquera la résistance conférée par l’allèle rifR, auparavant masquée par l’effet
dominant de l’allèle sauvage désormais muté.
C’est un moyen alors très facile d’identifier et de sélectionner par un crible positif de tels
mutants.
Il conviendra ensuite de vérifier que la mutation est bien une mutation non-sens, par
l’utilisation d’un suppresseur actif qui devrait, si la mutation est non-sens et voit son effet
supprimé, retrouver le phénotype de sensibilité à la rifampicine.
• Sélection des mutants. En partant de la souche A de génotype chromosomique (argH–;
rifR; mal–; recA–) porteuse d’un épisome F′ (argH+; rif+; mal+), on réalise une mutagenèse
avec un agent favorisant les substitutions de nucléotides, puis on étale sur un milieu
minimum avec rifampicine; les souches qui poussent ont perdu l’allèle sauvage β +, ce qui
démasque l’effet de résistance de l’allèle chromosomique β rifR.
• Caractérisation des mutants. On transfère l’épisome F′, par croisement, des souches
mutantes résistantes vers les souches réceptrices B et C.
Celles-ci sont recueillies sur un
milieu Mo(mal) additionné de streptomycine, où seules les réceptrices peuvent pousser
(résistance à la streptomycine et argH+ ou mal+ apporté par l’épisome).
Par réplique sur Mo(mal) + str + rif, on teste la sensibilité à la rifampicine; les transformées
B sensibles sont porteuses d’une mutation non-sens dans le gène β de leur épisome; les transformées
C correspondantes doivent rester résistantes.
Exercice 8.4
Chez Saccharomyces cerevisiae, une mutation de perte de fonction dans le
gène LYS2 confère une auxotrophie pour la lysine, phénotype noté [lys–] et
une résistance à l’α-aminoadipate, toxique létal pour une souche sauvage.
Un mutant LYS2 peut pousser sur une boîte additionnée d’ α-aminoadipate
et de lysine; il utilise directement la lysine sans la produire, le blocage de
la chaîne de biosynthèse rendant la cellule résistante à l’α-aminoadipate.
1. Définir un crible de sélection de mutants [lys–] mutés dans le gène LYS2.
2. Définir un crible de sélection de révertants [lys+].
3. De nombreux plasmides de levures sont porteurs d’un gène de sélection
LYS2.
Quelle est son utilité, sachant que l’expérimentateur doit pouvoir
sélectionner facilement les cellules ayant acquis ou perdu le plasmide ?
➤ Niveau Licence (L3)/Définitions des objectifs.
– Cas particulier d’un double crible positif pour les mutants directs et les
révertants.
– Utilité du gène LYS2 comme marqueur de sélection d’un plasmide.
Solution
1. On a ici un cas particulier où un mutant de perte de fonction peut être sélectionné par un
crible positif, il suffit d’étaler les cellules issues de la mutagenèse sur des boîtes Mo + lysine
+ α-aminoadipate, seuls les mutants dans le gène LYS2 peuvent pousser.
2. Il suffit de mettre en oeuvre un crible positif par étalement de cellules mutagénisées sur une
boîte de milieu minimum; les quelques colonies qui poussent sont [lys+]; on peut s’assurer
par réplique qu’elles ont recouvré la sensibilité à l’α-aminoadipate.
3. Il est souvent utile de pouvoir transformer des cellules avec un plasmide puis ultérieurement
de les « purger » de ce plasmide.
En transformant des cellules mutées dans le gène LYS2 par un plasmide porteur de LYS2+, on
a un crible positif de sélection des transformées par étalement sur un milieu Mo, l’acquisition
du plasmide apportant la prototrophie.
Pour sélectionner ultérieurement des cellules ayant perdu le plasmide, il faudrait faire un
crible négatif puisqu’il s’agirait d’une perte de fonction attestée par un phénotype [lys–],
mais on dispose avec le gène LYS2 d’un crible positif, puisqu’il suffit d’étaler les cellules
sur Mo + lys + α-aminoadipate pour sélectionner positivement toutes celles qui ont perdu le
plasmide et qui, en recouvrant un phénotype [lys–], recouvrent en même temps la résistance
à l’α-aminoadipate.
Remarque.
On dispose d’un système analogue avec le gène URA3 dont la perte de
fonction par mutation, ou l’absence de transcription, confère une résistance à l’acide fluoroacétique (FOA).
On peut ainsi tester l’activité d’un promoteur en le clonant en phase avec la séquence
codante de URA3, en testant la sensibilité ou la résistance au FOA de la souche
porteuse d’une telle construction.
Exercice 8.5
On dispose d’une souche A de Saccharomyces cerevisiae porteuse d’une
mutation ambre (codon TAG) dans un gène, noté a, de la chaîne de biosynthèse
de l’histidine, et d’un suppresseur informationnel d’ambre thermosensible
(actif à 36 °C et inactif à 42 °C).
La souche A est de génotype
(a–, suts) de phénotype [his+] à 36 °C, et [his–] à 42 °C.
On considérera que les locus du gène a et du suppresseur informationnel
sont assez liés pour qu’il n’y ait pas de crossing-over entre eux.
On sélectionne, à partir de la souche A, deux mutants thermosensibles, m1
et m2, capables de pousser sur milieu minimum Mo à 36 °C, mais incapables
de pousser sur milieu complet à 42 °C.
1. Quel type de fonction est vraisemblablement touchée chez m1 ou m2 ?
pourquoi ?
2. Deux hypothèses génétiques simples peuvent être formulées en ce qui
concerne la nature de la mutation affectant chacun des mutants m1 ou m2
(on supposera que m1 ou m2 ne sont touchés que dans un seul gène).
Hypothèse 1 : une mutation thermosensible est survenue dans un gène, le
rendant inactif à 42 °C.
Hypothèse 2 : une mutation non-sens ambre est survenue dans un gène,
abolissant sa fonction.
Justifiez la validité de ces deux hypothèses, compte tenu du protocole de
sélection des mutants.
3. Le mutant m1 est croisé avec la souche SSR.
Après méiose du diploïde,
on teste le phénotype des quatre spores de 40 tétrades, en les déposant sur
milieu complet à 36 °C.
On observe les résultats suivants (où « + » signifie
que la croissance est possible et « – » qu’elle est impossible) :
– 19 tétrades avec 4 spores [+];
– 17 tétrades avec 2 spores [+] et 2 spores [–];
– 4 tétrades avec 3 spores [+] et une spore [–].
a. Laquelle des deux hypothèses ce résultat permet-il de confirmer ?
b. Quelle conclusion en tirez-vous sur le plan cartographique ?
4. On dispose d’un plasmide navette (levure et coli) porteur du gène de
résistance à l’ampicilline et d’une souche B possédant un suppresseur
informationnel d’ambre thermostable.
Proposez un protocole simple de
clonage de ce suppresseur informationnel.
➤ Niveau Licence (L3)/Définitions des objectifs.
– Crible de mutations non-sens létales sous effet d’un suppresseur thermosensible
de non-sens.