Les classes II division 1
Cours de Médecine Dentaire
Historique et évolution des concepts
:
En 1899, Angle, ainsi que le rappelle Izard dans son ouvrage intitulé
Orthodontie, établissait sa propre classification des malocclusions, basée sur
les rapports mésiodistaux des premières molaires.
Jusqu’à cette date, des classifications avaient été proposées qui ne tenaient
compte que des relations interincisives.
Les termes exacts de cette classification nous ont été transmis en 1923 grâce
à l’exposé de son élève Stallard : « Quand, pour une cause ou pour une autre,
la première molaire inférieure s’engrène en arrière de sa position normale, et
quand cette maléruption atteint ou dépasse la largeur d’une cuspide de chaque
côté, il en résulte que toutes les dents permanentes faisant ultérieurement leur
éruption à la mâchoire inférieure ont une position distale.
C’est la
malocclusion de classe II. »
Angle distingue deux divisions :
– la division 1 est caractérisée par une arcade supérieure rétrécie avec des
incisives allongées et saillantes, des lèvres courtes, l’inférieure entre les
incisives supérieures et inférieures, les incisives inférieures allongées ; le
menton est en retrait ;
– dans la division 2, l’arcade présente une largeur normale ; de plus, il existe
une linguodentie incisive au lieu d’une vestibulodentie.
Dogme de la fixité de la position de la première molaire supérieure, constance
de la « ligne d’occlusion », variabilité de l’occlusion normale entre dentures
temporaire, mixte et permanente, absence de prise en compte du sens
transversal et du sens vertical, toutes les critiques possibles ont été formulées
sur les deux rives de l’Atlantique à l’encontre de la classification d’Angle... et
pourtant elle perdure.
Elle perdure parce que d’une part elle est commode, et d’autre part,
indépendamment du fait que la classification d’Angle ne constitue pas un
diagnostic, les deux tableaux « division 1 et division 2 » correspondent à deux
types cliniques parfaitement observés et qui méritent d’être conservés.
L’école européenne avec Villain en 1903 et De Coster en 1929,
pressentant leurs étiopathogénies différentes, préférait les appeler les
« malocclusions distales inférieures ».
Chateau, cité par Heskia, suggérait
dans la « Question mise en discussion » de la Société française d’orthopédie
dentofaciale en 1962, de tenter de les identifier comme des « maladies
orthodontiques » précises, incluant, pour certaines, la rétrognathie
mandibulaire.
Jean Delaire, pour sa part, constatant que le symptôme « distocclusie
molaire inférieure » concerne des anomalies morphologiques très diverses,
considère alors à juste titre les classes II comme un syndrome, un syndrome
étant « la réunion d’un groupe de symptômes (ou de signes) qui se
reproduisent en même temps dans un certain nombre de maladies.
Puisqu’il
peut avoir des origines diverses, le syndrome se distingue alors de la maladie
due, en principe, à une cause spécifique ».
Il ajoute : « Toutes les classes d’Angle, individualisées à partir des seules
particularités de l’occlusion des molaires (mais pouvant en fait provenir de
plusieurs anomalies morphologiques et de causes diverses) sont, en fait, des
syndromes médicaux. »
Aujourd’hui, grâce aux progrès de la céphalométrie, et en particulier aux
renseignements apportés par l’analyse architecturale de Delaire, nous
savons que les caractéristiques squelettiques des divisions 1 et 2 sont
complètement différentes.
Dans la division 2, la mandibule est soit normale, soit hyperdéveloppée,
exceptionnellement hypodéveloppée et le comportement musculaire
particulier.
En revanche, dans la division 1, la mandibule (à l’exception d’une forme
clinique bien particulière que nous verrons plus loin) est toujours hypodéveloppée.
Les classes II-1 sont le domaine de la « rétrognathie mandibulaire » appelée
de nos jours rétromandibulie.
Ce sont elles que nous étudierons.
Analyse clinique des classes II-division 1
:
Nous les étudierons chez l’enfant en période de dentition mixte car cette
période est à la fois la plus riche d’enseignement et celle où les thérapeutiques
sont, non seulement les plus efficaces, mais à même, par les modifications des
formes et des fonctions qu’elles entraînent, d’améliorer, voire de normaliser,
le cours de la croissance.
Le diagnostic de classe II-1 est fréquemment porté dès que le patient pénètre
dans le cabinet de consultation : c’est un sujet au profil fuyant qui, le cas
échéant, exécute des mimiques avec ses lèvres pour dissimuler ses incisives
supérieures, sans toujours y parvenir.
Cette déformation est tellement symptomatique d’un tic de succion, présent
ou passé, que l’on s’en assure aussitôt, ce que la famille, avant l’enfant,
confirme en général.
En revanche, quelquefois, tout le monde nie farouchement.
Il faut alors
s’informer plus avant des habitudes de l’enfant : s’endort-il en tripotant
rituellement une étoffe, une peluche ou tout autre objet, mouille-t-il son
oreiller la nuit, exécute-t-il une mimique avec ses lèvres en produisant un
léger bruit ?
Et on va découvrir un tic de succion que tout le monde ignorait
mais, cette fois-ci et dans le cas qui nous préoccupe, de la lèvre inférieure dans
sa totalité ou seulement de sa partie muqueuse.
On pourra le constater en demandant à l’enfant d’avoir la gentillesse de bien
vouloir mimer son geste pour nous, ce qu’il fait le plus souvent.
Lorsque cette investigation est positive, on tient déjà une partie de
l’étiopathogénie.
Mais il est des cas où n’existe aucune habitude nocive et il
faudra rechercher une autre cause.
A - Examen exobuccal :
L’examen exobuccal est une étape très importante de l’observation de ce
syndrome, non seulement parce qu’il oriente le diagnostic positif, mais aussi
parce qu’à chaque pas il met en évidence des symptômes qui suggèrent la
présence de troubles fonctionnels pouvant être à l’origine de la malocclusion
ou, tout au moins, à même de l’entretenir.
Ces deux points de l’examen étant indissociables, nous les traiterons dans le
même temps.
1- Étude du profil - Signification fonctionnelle éventuelle
:
Les deux signes pathognomoniques de ces dysmorphoses sont :
– l’obliquité du profil sous-nasal, quelquefois considérable ;
Très souvent, la lèvre supérieure s’avance en découvrant plus ou moins les
incisives supérieures, et la lèvre inférieure reste en retrait de ces dents.
Alors,
la tentation est grande de préciser où se situe l’altération du profil.
Classiquement, la détermination du type facial cis-, ortho- ou transfrontal, qui
garde tout son intérêt esthétique, est utilisée à cette fin.
En fait, sauf dans les
cas bien caractérisés, une proalvéolie supérieure, le volume propre du
menton, voire une posture spontanément avancée de la mandibule, fréquente
dans ces dysmorphoses lorsque l’enfant est au repos, risquent d’entraîner des
conclusions hâtives.
En revanche, l’examen des autres particularités du profil ainsi que la gravité
des symptômes observés méritent toute notre attention, pour deux raisons.
La première est celle, déjà évoquée, des dysfonctions essentiellement nasales
et labio-linguo-jugo-mentonnières qui, par les adaptations dentofaciales
qu’elles entraînent, vont laisser leur empreinte sur le visage de l’enfant et nous
aider à orienter à la fois le diagnostic étiopathogénique et la thérapeutique.
Rappelons que la classe II-1, tout en n’étant pas la seule, représente une des
adaptations squelettiques et dentoalvéolaires fréquentes à l’insuffisance de
ventilation nasale.
La deuxième raison est que ces malocclusions sont, moins rarement qu’on ne
le croit, la conséquence de « malformations » qu’il convient de déceler, ou
bien encore représentent des séquelles de pathologies acquises
antérieurement et révolues.
On examinera donc attentivement :
– la hauteur de la face et sa profondeur, la hauteur relative des étages
supérieur et inférieur, ainsi que celle de l’étage postérieur.
Cette estimation
est importante car les excès de hauteur de l’étage inférieur vont souvent de
pair avec des insuffisances de ventilation nasale ; inversement, les
diminutions trop importantes de la hauteur postérieure doivent suggérer la
possibilité d’une malformation ;
– la forme et le développement antéropostérieur du nez, l’aspect de la narine
vue de profil ;
– l’orientation et la forme, précisées par la palpation, du bord inférieur de la
mandibule qui peut être arrondi ou, au contraire, présenter un changement
d’orientation vers son tiers postérieur, ainsi que la forme de l’angle, précision
importante si l’on sait que l’ouverture de l’angle mandibulaire représente une
des adaptations osseuses aux dysfonctions ventilatoires, ou bien encore
témoigne d’une insuffisance de développement du ramus dont il faudra, autant
que possible, préciser l’origine ;
– l’aspect des lèvres, leur morphologie, leur longueur, leur situation et leur
rapport ; d’un point de vue fonctionnel, le contact interlabial est important à
considérer car « les informations extéroceptives et proprioceptives transmises
par ce contact permettent à la mandibule de se situer sagittalement, non
seulement lors de la déglutition mais en posture d’inocclusion des arcades
(position de repos) » ; et nous ajouterons : permet de régler sa croissance ;
l’inocclusion labiale étant habituelle, il faut noter les rapports des lèvres avec
les incisives ; le plus souvent, la lèvre inférieure s’insinue plus ou moins
profondément derrière les incisives supérieures et la lèvre supérieure, selon
sa longueur, les découvre alors plus ou moins largement ; quelquefois, au
contraire, chaque lèvre est bien située par rapport aux incisives, mais il existe
une véritable béance labiale d’importance variable ; lorsqu’on demande à
l’enfant de fermer la bouche, on peut apprécier l’effort que ce geste lui
demande ; on observera aussi le sillon labiomentonnier, dont la profondeur
est très accentuée quand la hauteur de l’étage inférieur du visage est diminuée
et la saillie mentonnière bien marquée, réalisant ainsi le classique signe de la
« lippe » ou, au contraire, pratiquement effacé ;
– le volume, la forme et le relief du menton ; la crispation éventuelle du carré
du menton et de la houppe entraînant une déformation des téguments en
« peau d’orange » lorsque l’enfant ferme la bouche volontairement, témoigne
d’une dysfonction labiomentonnière liée à la fois au recul et à l’abaissement
du menton dont il faudra tenir compte dans la thérapeutique ;
– enfin, le volume des téguments sous-mentonniers, la façon qu’a l’enfant de
tenir sa tête et, après lui avoir demandé de se lever, son tonus de posture
global.
2- Étude de face - Signification fonctionnelle :
L’examen de face va permettre de compléter la séméiologie relevée sur le
profil.
L’harmonie et la dysharmonie des étages supérieur et inférieur vont être
retrouvées et leur association à un bon développement transversal ou, au
contraire, à une étroitesse éventuelle du visage, surtout dans sa partie
antérieure, va nous permettre d’orienter le diagnostic étiologique.
D’un point de vue fonctionnel, deux points doivent retenir notre attention :
les lèvres et l’ensemble des signes cliniques pouvant évoquer des troubles de
la ventilation nasale.
Rappelons que, chez l’enfant de 8 à 11 ans, toutes les adaptations osseuses
aux dysfonctions n’ont pas atteint leur expression maximale ; les signes
cliniques peuvent être frustes et doivent donc être recherchés avec d’autant
plus de soins.
* Lèvres
:
L’enfant que nous avons sous les yeux peut avoir un visage euryprosope, bien
proportionné, avec un nez développé et efficace.
Dans ce cas, ce sont les lèvres, leur morphologie et leur posture qu’il faut
observer attentivement.
Souvent, la lèvre inférieure s’interpose entre les incisives supérieures et
inférieures.
Il peut se faire qu’elle remonte très haut, semblant fermer
hermétiquement la cavité buccale.
On essaiera alors de préciser le tonus de posture de ces lèvres en les pinçant
légèrement entre le pouce et l’index ; on se souviendra que ce tonus est très
souvent dissocié, ce qui implique de tester chacune d’entre elles séparément.
Souvent, l’inférieure est très résistante et s’appuie fortement contre les
incisives inférieures.
Il faut alors regarder l’état de la gencive en regard de ces
dents pour déceler les signes éventuels de souffrance parodontale sous forme
de rétraction gingivale et d’inflammation.
Il convient de se méfier, ainsi que l’avait déjà signalé Ballard, de ces lèvres
inférieures tendues en « sangle » contre les incisives inférieures.
Si,
après avoir pris conscience de cette hypertonie, on essaie de préciser où se
situerait le stomion si ces lèvres n’avaient pas entre elles la barrière
infranchissable des incisives supérieures, on s’aperçoit qu’il serait assez haut
placé.
Il faut craindre, dans ce cas, qu’après la correction orthopédicoorthodontique,
lorsque les incisives seront à leur tour soumises à l’influence
de cet orbiculaire, ne s’installe une linguoversion des incisives supérieures et
inférieures avec supraclusie, c’est-à-dire un syndrome hypertonique antérieur.
Seule une fonction de mastication efficace et alternée étant capable de
s’opposer à l’action pathogène de cette musculature, sa restauration devra
constituer un des objectifs prioritaires du traitement.
Le tonus de la lèvre inférieure peut, au contraire, être normal, voire diminué.
Dans ce cas, seule la partie muqueuse s’interpose entre les incisives, réalisant
pour Deffez « l’étanchéité labiale inférieure du rétrognathe ».
D’autres fois, les lèvres sont seulement en inocclusion complète et on ne
remarque aucune interposition dentaire.
Il faut alors noter
l’importance de cette béance et vérifier :
– si la langue s’avance et la comble complètement, réalisant ainsi « le
verrouillage antérieur » de Ballard ;
– ou bien si ce comblement ménage un petit espace à sa partie supérieure, ce
qui témoigne d’une ventilation partiellement orale ;
– ou bien encore si cette langue cherche un contact avec la lèvre inférieure,
ce qui témoigne très souvent d’un tic de succion ; dans ce cas, il suffit
d’éloigner très délicatement la lèvre inférieure pour voir la langue se rétracter
instantanément dans la cavité buccale, comme le fait celle d’un enfant à qui
on enlève sa tétine ; pour en obtenir la confirmation, on interroge l’enfant et
sa famille.
Ces comportements sont importants à préciser car ils appellent des approches
thérapeutiques différentes ainsi que des pronostics différents sur le long
terme.
* Signes cliniques évoquant des troubles de la ventilation nasale
:
Cette sémiologie clinique a été très bien étudiée par Quinn en 1983.
Ricketts également, en 1968, a décrit les manifestations intéressant les
tissus mous à partir de l’étude de téléradiographies de profil.
Sans entrer dans le détail, on retiendra l’étroitesse du visage dans sa partie
antérieure, fréquemment la petite taille du nez et des orifices narinaires, déformés parfois, tout au moins pour l’un des deux, par une luxation de la cloison nasale.
On notera aussi, outre l’inocclusion labiale
habituelle, la sécheresse des lèvres, parfois fissurées et enfin, ainsi
que le conseille Talmant, l’aspect des structures péribuccales, les tensions
et les rétractions tant des régions paranasales que de la lèvre supérieure et des
muscles du menton dans les cas de ventilation buccale prédominante.
Il faut savoir qu’une inocclusion labiale habituelle n’est pas nécessairement
le témoin d’une ventilation buccale.
En revanche, un écart minimal de 1 mm
entre les lèvres suffit à l’assurer.
B - Interrogatoire
:
Cet examen sera complété par un interrogatoire patient et minutieux qui
prendra en compte jusqu’à la petite enfance, voire la naissance, de l’enfant.
On recherchera bien sûr les tics de succion mais aussi tous les symptômes
pouvant évoquer une gêne à la ventilation nasale, puisque ce qui importe pour
notre thérapeutique, ce n’est pas tant que l’enfant ventile un peu par le nez,
mais qu’il ventile exclusivement par le nez, afin que se trouve réalisée une
« ventilation nasale optimale ».
On recherchera donc les épisodes infectieux rhinopharyngés (otites,
amygdalites, etc).
Il faut remarquer que souvent ces enfants ont déjà subi une
adénoïdectomie, voire une tonsillectomie.
On se renseignera aussi sur l’état
de leur audition, les manifestations allergiques, la qualité de leur sommeil,
leurs résultats scolaires et sportifs (nous avions décelé une insuffisance de
ventilation chez un enfant parce qu’il n’arrivait jamais à dépasser la mitemps
d’un match de football ; la durée du jeu nous a servi, par la suite, de test
thérapeutique).
Les causes des dysfonctions respiratoires sont tellement variées que cet
interrogatoire peut réserver bien des surprises.
La matérialisation de ce
trouble ventilatoire à l’aide du miroir de Glatzel est toujours conseillée.
Cependant, il faut savoir que « les ventilations exclusivement buccales
n’existant pas », la recherche de plages de buée en regard des narines est
largement insuffisante.
Bien préférable est l’utilisation de l’aérophonoscope,
expérimenté dans le service du professeur Delaire, au centre hospitalier
universitaire de Nantes.
On s’enquerra enfin de pathologies générales éventuelles. Ainsi, un jeune
enfant présentait un syndrome de Steiner dit « non évolutif » que les parents
ne nous signalaient pas car ils pensaient « que çà n’avait rien à voir avec les
dents ».
Cette étiopathogénie a, bien sûr, complètement changé notre
approche de sa dysmorphose.
C - Examen endobuccal :
1-
Forme des arcades
:
L’arcade maxillaire est le plus souvent étroite et cette insuffisance de largeur,
plus accentuée dans la région des prémolaires et des canines, donne à cette
arcade une forme en V.
Elle témoigne d’une insuffisance de développement
transversal du maxillaire dans sa région antérieure.
Très souvent, en dépit de l’augmentation du périmètre antérieur de l’arcade
entraînée par la vestibuloversion des incisives, on relève un encombrement.
On notera en particulier l’emplacement des incisives latérales.
Pour Talmant, leur situation palatine signe l’étroitesse de la région du
prémaxillaire et donc témoigne d’une impotence respiratoire.
Nous
remarquerons que cette situation est encore plus évocatrice si les dents ont un
petit volume.
L’arcade inférieure présente la plupart du temps une forme plus arrondie dans
la région antérieure, voire plus « carrée », mais donne l’impression d’être «
courte ».
À noter qu’il existe aussi des arcades étroites, mais elles sont moins
fréquentes.
2- Occlusion :
D’emblée on remarque, bien sûr, la vestibuloversion plus ou moins accentuée
des incisives maxillaires et le surplomb incisif, de grandeur
variable, qu’il faut mesurer au pied à coulisse, même s’il s’accompagne d’une
béance.
Dans certains cas, il peut atteindre 1,5 cm.
Il est important de noter cette valeur dans l’observation car elle servira
ultérieurement de point de repère pour apprécier les progrès du traitement.
L’occlusion dans le sens transversal peut être normale, ou inversée
d’un côté seulement, voire des deux côtés, ce qui témoigne
d’emblée d’une endognathie sévère du maxillaire supérieur.
Dans ce cas, on
observera la forme du palais qui peut apparaître plicaturé dans les
insuffisances de développement de la « zone nasale du palais », c’est-àdire
médiane haute.
Sagittalement, outre le surplomb incisif, on retrouve le symptôme
caractéristique des syndromes « classes II », soit la distocclusion des molaires
inférieures.
Cette distocclusion peut être identique des deux
côtés.
En fait, assez souvent, elle ne l’est pas et cette différence, si la denture
est intacte, est liée à une dysfonction masticatrice.
La fonction de mastication est très facile à examiner chez les sujets atteints de
classe II-1.
En effet, les incisives étant trop avancées, elles sont exclues de ce
geste qui est exécuté uniquement par les dents des parties latérales de l’arcade.
La détermination des angles fonctionnels de mastication de Planas
(AFMP) montre que, dans les cas où l’occlusion molaire est asymétrique, ils
sont inégaux.
Celui qui présente la valeur la plus basse, témoignant du côté de
mastication préférentiel, est immanquablement celui où se situe la distocclusion la plus importante.
Ceci s’explique aisément puisque, au
décalage squelettique, vient s’ajouter l’avancée de l’hémimaxillaire supérieur
habituellement triturant, conséquence de l’action morphogénique de cette
fonction.
L’occlusion des canines, également influencée par la fonction masticatrice,
suit habituellement l’occlusion des molaires, à ceci près que la présence ou la
perte unilatérale de molaire temporaire peut introduire une dissymétrie
supplémentaire.
La perte de molaire temporaire supérieure, en permettant une mésioversion,
voire une mésiogression des premières molaires permanentes, peut être à
l’origine d’une distocclusion molaire inférieure.
Celle-ci est cependant
rarement symétrique et la fermeture de l’espace occupé autrefois par la
molaire temporaire permet très rapidement d’en faire le diagnostic.
Les rotations axiales des premières molaires maxillaires, quand la denture est
intacte, entraînent rarement des distocclusions molaires caractérisées.
Enfin, l’occlusion dans le sens vertical est très importante à préciser.
Quand il existe une supraclusion, il est moins important de chiffrer
la profondeur du recouvrement que de préciser s’il existe un contact entre les
incisives mandibulaires et la structure antagoniste, que celles-ci soient
indifféremment les incisives supérieures ou la muqueuse palatine quand le
surplomb est important.
En effet, s’il existe un contact, on peut être assuré que l’enfant qui avait un tic
de succion l’a abandonné et que la posture habituelle de l’apex lingual n’est
pas à redouter, quels que soient les reliquats de dysfonction.
Pour notre part, nous n’envoyons jamais chez l’orthophoniste les enfants
présentant une telle occlusion verticale.
En revanche, il peut exister une supraclusie incisive sans contact entre les
structures antagonistes, voire une normoclusion, ou bien encore une
infraclusie.
Toutes ces occlusions verticales méritent des investigations soignées, tant des
fonctions linguales, déglutition, articulation du langage et postures, que
respiratoires, car toutes sont à redouter sur le plan du pronostic.
Négligées, ces dysfonctions sont à l’origine de rechutes post-thérapeutiques
dont la symptomatologie ne sera pas forcément identique à celle de la
dysmorphose initiale.
Nous observerons aussi le comportement des bords latéraux de la langue.
Ils
peuvent s’interposer latéralement et largement entre les arcades.
En fait, ce
comportement est assez inhabituel dans les classes II-1 et se retrouve bien plus
fréquemment dans les syndromes hypertoniques antérieurs où il contribue à
la constitution d’une forme clinique.
Nous terminerons cet examen intrabuccal en observant le volume lingual dans
son ensemble, l’aspect des muqueuses et des gencives, celles-ci étant souvent
turgescentes dans le cas de ventilation buccale, l’aspect et la longueur
du voile et, puisqu’elles sont faciles à examiner, l’aspect des amygdales.
On remarquera enfin que, plus fréquemment que dans les autres
dysmorphoses, ces enfants présentent des fractures de leurs incisives centrales
supérieures, plus exposées car ne bénéficiant pas de l’abri des lèvres.
Ce fait constitue à lui seul un argument en faveur des traitements
précoces.
D - Examen radiologique :
Après l’examen clinique, morphologique et fonctionnel, l’examen
radiologique est un temps capital dans le diagnostic des classes II-1.
Le dossier radiographique comporte habituellement une téléradiographie du
profil, mais une incidence basale ou frontale, propre à apporter des
renseignements sur le sens transversal trop négligé jusqu’à ce jour, le
complète utilement.
En ce qui nous concerne, nous utilisons depuis des années l’incidence basale
de Bouvet qui nous apporte des renseignements sur l’orientation transversale
des procès alvéolaires latéraux, ainsi que sur le développement transversal du
maxillaire et de la mandibule.
Un cliché panoramique vient compléter ce dossier.
1- Analyses céphalométriques :
Les analyses céphalométriques peuvent être classées en deux groupes :
– les analyses dimensionnelles, les plus nombreuses ;
– les analyses structurales.
Les analyses dimensionnelles ont été établies à partir de moyennes
statistiques tenant compte de la typologie du sujet.
Les valeurs servant de base
ont été calculées à partir de points aisément repérables.
Les analyses structurales comparent « les proportions des
différentes structures craniofaciales du sujet examiné et tendent à les situer
dans le cadre d’une typologie faciale et mandibulaire ».
La plus ancienne d’entre elles est celle de De Coster dite des « réseaux »,
et la plus aboutie est l’analyse architecturale et structurale que Delaire a
décrite en 1978.
Fondée sur la notion d’équilibre architectural craniofacial,
cette analyse strictement individuelle permet, par l’étude des différentes
structures osseuses, de préciser le siège des anomalies squelettiques.
Nous ne rentrerons pas dans le détail de cette analyse ; nous n’évoquerons que
les points particuliers nécessaires au diagnostic des classes II-1.
Mais nous
invitons ceux qui s’intéressent à l’orthopédie dentofaciale à l’étudier
attentivement et surtout à s’en servir, car c’est l’unique manière de savoir à
quel point elle éclaire la compréhension des cas que nous avons sous les yeux.
2- Analyse du profil :
Sur la téléradiographie de profil, les facteurs architecturaux doivent être
analysés sur quatre niveaux : le niveau crânien, le niveau maxillaire, le niveau
mandibulaire, et enfin le niveau alvéolodentaire.
À chacun de ces niveaux, les variations de dimension, proportion, situation et
angulations mutuelles des éléments constituants peuvent soit favoriser
l’apparition de classes II, soit constituer la forme anatomique de la
dysmorphose du patient examiné.
Parmi les modifications des facteurs architecturaux favorisant l’apparition des
classes II, ces auteurs citent :
– au niveau crânien :
– l’allongement de la base du crâne dans sa totalité ;
– l’allongement de sa moitié antérieure, ou champ craniofacial
(comprenant les champs maxillaire et mandibulaire), par rapport à sa partie
postérieure ou champ craniorachidien ; cet allongement peut concerner la
partie maxillaire seule ou mandibulaire seule ;
– la fermeture de l’angle antérieur et l’ouverture de l’angle postérieur de
la base du crâne.
– au niveau maxillaire :
– l’allongement du champ frontal ;
– la rotation antérieure du pilier maxillaire (promaxillie) d’origine
fonctionnelle ;
– l’allongement vertical du maxillaire ;
– l’abaissement du plan d’occlusion, d’origine maxillaire ou alvéolaire ;
– l’allongement de la base palatine : dolichomaxillie affectant
particulièrement le post- ou le prémaxillaire ;
– enfin la proalvéolie globale de l’arcade alvéolodentaire supérieure avec
avancée des apex, toujours d’origine fonctionnelle pour les auteurs ;
– au niveau mandibulaire :
– le raccourcissement du ramus ou hyporamie, d’origine constitutionnelle
pour Delaire, sa version postérieure, fonctionnelle au contraire ;
– le raccourcissement du corpus mandibulaire ou brachycorpie d’origine
fonctionnelle ;
– le raccourcissement du corpus et du ramus associé, donnant les
micromandibulies ;
– la rétroalvéolie inférieure globale avec recul des apex, toujours d’origine
fonctionnelle ;
– l’ouverture ou la fermeture de l’angle mandibulaire sans autorotation
antérieure mandibulaire ;
– la position trop reculée des cavités glénoïdes.
Les auteurs insistent sur le fait que ces facteurs architecturaux ne sont jamais
isolés (mais au contraire associés en plus ou moins grand nombre) et peuvent
s’aggraver ou se compenser mutuellement.
Ceci explique la multiplicité des
variétés anatomiques des dysmorphoses dentomaxillaires.
Il existe d’autre
part des variétés étiopathogéniques en rapport avec l’origine primaire
(constitutionnelle ou pathologique), secondaire (fonctionnelle) ou mixte
(prédisposition primaire + aggravation secondaire) des anomalies.
Enfin, une analyse des tissus mous et des structures sous-jacentes dite
« analyse structurale » est effectuée à la recherche de troubles posturaux (de
la langue, du voile).
Elle donne également des renseignements sur la filière nasopharyngée (adénoïde, etc).
Cette analyse vient compléter l’analyse architecturale ainsi que l’examen
clinique pour tenter d’établir le diagnostic étiopathogénique.
Nous avons volontairement reproduit la liste exhaustive des anomalies
anatomiques rencontrées dans les classes II-1 pour montrer l’extrême
diversité de celles-ci.
Si on ajoute aux anomalies squelettiques les anomalies d’inclinaison et
d’égression des procès alvéolaires de ces dysmorphoses, on se rend compte
de la multiplicité des formes anatomocliniques que les classes II-1 peuvent
revêtir.
La schématisation en matière de diagnostic orthodontique ne nous paraît plus
de mise.
On aura remarqué au passage le nombre de fois où les auteurs précisent
l’origine secondaire, c’est-à-dire fonctionnelle, de l’anomalie constatée.
Or, il faut savoir en matière de dysmorphoses (et non pas de malformation) que
les facteurs constitutionnels, qui ne résultent pas d’une pathologie acquise
mais relèvent de la typologie, ne sont que des facteurs favorisants.
Si les
fonctions sont normales, elles entraînent, outre des compensations alvéolaires
bien connues des orthodontistes, des compensations osseuses dont
l’importance parfois nous étonne.
Ces adaptations traduisent les capacités de
croissance adaptative du squelette d’origine membraneuse.
À l’opposé, si une dysfonction survient, la présence de facteurs favorisants
va non seulement permettre, mais aggraver la dysmorphose.
Une hyporamie
par exemple peut parfaitement être compensée par l’allongement du corpus
mandibulaire ou, au contraire, si une dysfonction labiolinguale survient à
même de gêner la croissance du corpus, aboutir à la constitution d’une
micromandibulie dont le pronostic sera d’autant plus sombre que le traitement
aura été plus tardif.
Les dysfonctions, quand elles sont reconnues, étant le plus souvent
réversibles, on notera tout l’intérêt qu’il y a à traiter ces patients le plus tôt
possible.
Le siège des déformations osseuses étant reconnu, on peut chiffrer
globalement ce décalage à l’aide du téléradiomètre de Chateau, le noter
sur le dossier afin, ici encore, de suivre les progrès du traitement sur le plan
squelettique.
De plus, celui-ci a l’avantage, lorsque cette mesure est prise sur le plan
d’occlusion et non sur le plan palatin, d’objectiver les plans d’occlusion dysfonctionnels, c’est-à-dire susceptibles d’aggraver la dysmorphose.
Enfin, on mesurera l’inclinaison des procès alvéolaires antérieurs.
Ils sont
importants à considérer. Ainsi, lorsque la lèvre inférieure est située derrière
les incisives supérieures en position de repos, une vestibuloversion incisive
supérieure qui excède 120° doit faire redouter une hypertonie de l’orbiculaire
inférieur.
Dans ce cas, si le décalage squelettique sous-jacent est important,
on observe une inclinaison normale des incisives inférieures et, quand ce
décalage est modéré, une linguoversion de ces dents apparaît.
Inversement, une vestibuloversion compensatrice des incisives inférieures
trop importante peut faire craindre une hypotonie de l’orbiculaire inférieur
qui, en cas de lèvres courtes, pourra gêner ultérieurement la bonne fermeture
buccale.
En conclusion, grâce à l’analyse architecturale et structurale de Delaire,
appliquée aux classes II-1 de l’enfant entre 6 et 11 ans, nous avons appris que :
– la mandibule est presque toujours concernée par la dysmorphose ; elle peut
présenter un ou plusieurs facteurs de raccourcissement ; dans les cas les plus
favorables, seul le corpus est de longueur insuffisante, mais le ramus peut
également être trop court ; associées, brachycorpie et hyporamie engendrent
les micromandibulies dont le pronostic est beaucoup plus réservé ; lorsque le
ramus est vraiment très court, il faut évoquer l’éventualité d’une pathologie
ou d’une malformation, vérifier la mobilité mandibulaire et pousser plus loin
les investigations ; enfin, l’angle goniaque peut être trop ouvert ; l’association
des trois déformations donne naissance aux formes les plus sévères ;
– le maxillaire est moins régulièrement concerné ; il peut être normal, voire
court : les rétromaxillies sont loin d’être rares dans ce syndrome ; mais il peut
aussi présenter une promaxillie par autorotation antérieure ou allongement
basal.
Chez l’enfant, ces déformations restent en général modérées.
Elles s’accentuent chez l’adolescent et l’adulte jeune, ce qui prouve
l’évolutivité de la plupart des dysmorphoses craniofaciales non traitées et,
encore une fois, l’utilité des traitements précoces.
Il est cependant une forme clinique qu’il faut bien connaître : ce sont les
classes II-1 qui s’accompagnent d’un syndrome squelettique de type classe II- 2.
Ces sujets présentent une mandibule normale mais le maxillaire, voire
le prémaxillaire, et la base du crâne sont trop longs.
La malocclusion de classe II- 1 est alors apparue à la faveur d’un tic de succion qui, en vestibulant les
incisives supérieures, a entraîné dans son sillage l’interposition permanente
de la lèvre inférieure derrière ces dents.
Cette interposition, qui perdure
obligatoirement après l’arrêt de la succion, entretient et aggrave la
dysmorphose.
Comme, par ailleurs, cette lèvre est souvent hypertonique, elle
entraîne les plus grandes vestibuloversions incisives et très souvent des
rétroalvéolies inférieures, voire des proalvéolies supérieures globales.
Cette
forme clinique a déjà été signalée au moment de l’examen des lèvres.
Salagnac, dans son étude sur les classes II-2, signale également que « s’il
est vrai que les sujets porteurs d’un syndrome de face profonde ou deep face
syndrome présentent le plus souvent une occlusion de type classe II-2, ils
peuvent présenter aussi quelquefois des occlusions de type 1 ou classe II-1 ».
Dans une statistique personnelle, sur 100 cas de nouveaux jeunes patients,
nous avons recensé 47 classes II squelettiques, soit près d’un patient sur deux.
Parmi ces 47 cas, 77 % présentaient des rétromandibulies, l’atteinte
maxillaire étant inexistante ou modérée.
C’est sans doute cette fréquence qui
était autrefois à l’origine de l’association classe II rétrognathie mandibulaire.
3- Analyse basale :
Rappelons que, pour apprécier les rapports transversaux maxillomandibulaires,
nous utilisons l’analyse de Bouvet.
Le cliché est effectué avec un rayon incident perpendiculaire au plan de
morsure des molaires temporaires.
La méthode utilisée par l’auteur est
directement inspirée de la construction que Ballard avait imaginée pour
objectiver les décalages squelettiques dans le sens sagittal.
Dans une étude statistique des décalages maxillomandibulaires, il a mis en
évidence, pour une population orthodontique de 1 243 enfants, 591 cas de
classe II, soit 47,5 %. Remarquons que ce résultat est identique au nôtre.
L’étude des rapports transversaux maxillomandibulaires de ces 591 cas a
montré que :
– chez 195 d’entre eux, soit 33 %, la mandibule est plus large que le
maxillaire ;
– dans 82 cas au contraire, soit 13,9 %, la mandibule est non seulement plus
courte mais aussi plus étroite que le maxillaire, réalisant ainsi une vraie micromandibulie globale ;
– pour un enfant sur deux environ (314 cas, soit 53,1 %), les rapports
transversaux sont normaux.
Pour Delaire, il va de soi qu’une mandibule courte et large n’a pas la même
signification qu’une micromandibulie globale.
Le potentiel de croissance de
cette dernière, et donc le pronostic du traitement orthopédique, est bien moins
favorable.
Lorsque le décalage transversal des bases osseuses est inverse du décalage
sagittal, c’est-à-dire avec un maxillaire étroit et une mandibule large, il est le
plus souvent compensé par une exoalvéolie molaire supérieure, telle que
l’occlusion transversale des molaires est cliniquement normale.
La compensation alvéolaire supérieure peut aussi être insuffisante, voire
inexistante.
L’occlusion transversale est alors croisée, en général d’un côté
seulement.
Il se peut même que ce décalage squelettique transversal soit décompensé par
une endoalvéolie molaire supérieure.
Cliniquement, l’occlusion est alors
inversée des deux côtés.
L’usage de cette analyse nous a appris que les compensations alvéolodentaires
aux décalages squelettiques transversaux sont l’apanage des
molaires supérieures qui présentent, soit une variation de leur inclinaison, soit
et c’est le cas le plus fréquent une vestibuloposition globale, apex compris,
réalisant ainsi une expansion apicale supérieure.
Au contraire, les procès
alvéolaires molaires inférieurs présentent beaucoup moins souvent de
troubles d’inclinaison, voire de position dans le sens transversal.
Lorsqu’il
existe, ce trouble est habituellement localisé.
4- Cliché panoramique
:
Volet important du dossier radiologique, il permet, outre les renseignements
concernant le système dentaire, l’étude séparée de chacun des deux condyles,
impossible sur les autres clichés.
La tête du condyle, en particulier, est
beaucoup plus visible que sur un téléprofil où les superpositions des images
osseuses peuvent l’occulter partiellement.
Les hypoplasies, voire les agénésies, de cette structure sont également mieux
repérables.
Leur reconnaissance changeant complètement le diagnostic étiopathogénique, et donc le plan de traitement, il est indispensable de les
repérer.
On appréciera également les capacités de croissance du condyle : une
petite tête, associée à un col court et grêle et à un axe condylien oblique en
avant, constituent les caractéristiques des hypocondylies à l’origine
d’hyporamie qui influent sur la durée du traitement, voire dans les cas sévères
sur le pronostic.