L’IRM résume aujourd’hui toutes les techniques morphologiques
d’exploration des adénomes de l’hypophyse.
La radiographie standard
et le scanner ne devraient plus être aujourd’hui que des examens de
seconde intention, réalisés à titre exceptionnel, pour compléter les
données de l’IRM, par exemple en cas de malformations osseuses, de
variantes anatomiques, de calcifications, etc.
Nous décrirons l’aspect des adénomes hypophysaires en IRM selon la
taille, le sexe, l’âge, le type sécrétoire et dans certaines circonstances
particulières.
A - Aspects selon la taille
:
Il est classique de distinguer les microadénomes hypophysaires, dont le
diamètre est inférieur à 10 mm, des macroadénomes hypophysaires de
plus de 10 mm de diamètre.
Les auteurs utilisent le terme de picoadénomes pour les lésions de moins
de 3 mm de diamètre qui posent des problèmes diagnostiques souvent
différents.
1- Microadénomes hypophysaires
et picoadénomes hypophysaires
:
Ils sont presque toujours intrasellaires et entraînent donc rarement des
signes visuels.
Cependant, un adénome hypophysaire de 10 mm de
diamètre peut exceptionnellement arriver au voisinage du chiasma
optique si la selle turcique est petite ou plate. Les microadénomes
hypophysaires sont mis en évidence à l’occasion de troubles
endocriniens ou beaucoup plus rarement de façon fortuite.
Les
modifications du plancher sellaire sont plus difficilement appréciables
en IRM qu’au scanner : les dépressions, les inclinaisons, les angulations
du plancher sellaire sont certes décelables en IRM mais pas les simples
amincissements corticaux.
Les microadénomes hypophysaires sont responsables de modifications
de signal du tissu antéhypophysaire : en séquence en écho de
spin T1, les microadénomes hypophysaires se traduisent généralement
comme une lésion intrasellaire, arrondie ou ovalaire mais parfois aplatie
ou triangulaire, en hyposignal T1 par rapport à l’antéhypophyse saine.
Typiquement, en coupes coronales T1, le microadénome hypophysaire
présente un signal très proche de celui de la substance grise temporale et
l’antéhypophyse saine un signal très proche de celui de la substance
blanche temporale.
Dans un quart des cas environ, le signal du microadénome en T1 est très proche de celui de l’hypophyse saine et le
diagnostic nécessite alors d’autres investigations.
Les microadénomes
hypophysaires peuvent encore se traduire comme une plage en
hypersignal T1 résultant probablement d’une transformation
hémorragique assez fréquente dans les prolactinomes et qui peut
survenir dans tout ou partie de l’adénome.
En écho de spin turbo T2, l’aspect des microadénomes hypophysaires
est plus variable, en particulier en fonction du type sécrétoire.
Le
diagnostic de microadénome est plus simple lorsqu’il se présente sous forme d’un hypersignal T2 ; cet hypersignal peut ne représenter qu’une
partie de l’adénome hypophysaire.
Un hypersignal T2 est retrouvé dans
plus de 80 % des microprolactinomes.
On distingue ces aspects
d’hypersignaux en T2 de celui de veines latérohypophysaires.
À
l’opposé, les lésions en isosignal ou en hyposignal T2, moins évidentes,
sont observées dans les deux tiers des microadénomes à hormone de
croissance.
Les séquences en écho de spin turbo T2 sont
particulièrement utiles lors de la recherche de picoadénomes
hypophysaires inférieurs à 3 mmde diamètre et pour lesquels l’imagerie
T1, voire les séquences après injection de gadolinium peuvent être
négatives.
Lorsque le couple T1-turbo T2 affirme le diagnostic (par exemple hyposignal T1, hypersignal partiel T2), ce qui est le cas le plus habituel
dans la recherche des prolactinomes, l’injection de gadolinium n’est pas
nécessaire.
À l’opposé, lorsque le diagnostic n’est pas formel, l’injection
de gadolinium devient indispensable.
On injecte par voie
veineuse une demi-dose de gadolinium, soit 0,05 mmol/kg, voire moins
(0,03 mmol/kg) et on réalise une nouvelle séquence coronale en écho de
spin T1.
L’aspect de l’adénome est alors celui d’une absence relative de
prise de contraste qui peut être noyée dans le contraste intense de
l’hypophyse saine si l’adénome est très petit, si la dose de gadolinium
est trop élevée, ou si l’on utilise une fenêtre de visualisation trop large.
D’autres techniques sont encore disponibles : les séquences retardées,
30 à 40 minutes après injection de gadolinium qui peuvent mettre parfois
en évidence une prise de contraste tardive de l’adénome lui-même.
Il
existe une bonne corrélation entre hypersignal en turbo T2 et prise de
contraste tardive de l’adénome ; ces lésions apparaissent molles à l’intervention.
En revanche, les adénomes en hyposignal T2, volontiers
plus fermes, charnus, souvent plus sécrétants, ne présentent pas de prise
de contraste à distance d’une injection de gadolinium.
L’imagerie
dynamique est utilisée, soit de façon systématique dans la
recherche des adénomes corticotropes, soit en deuxième intention après
un premier examen négatif lorsqu’il existe une forte suspicion clinique
d’adénome hypophysaire et que le premier examen n’est pas
convaincant (microadénome hypophysaire en isosignal T1 et/ou T2).
Dans ces cas, l’imagerie dynamique peut mettre en évidence un
retard transitoire de prise de contraste du microadénome hypophysaire
par rapport à l’hypophyse saine, plus rarement une prise de contraste
précoce.
Dans notre pratique, l’imagerie dynamique n’est utilisée en
routine que dans la recherche des microadénomes hypophysaires de la
maladie de Cushing.
2- Macroadénomes hypophysaires
:
Ils présentent une extension extrasellaire, le plus souvent vers le haut,
dans la citerne optochiasmatique, ou plus haut, comprimant alors le
troisième ventricule et parfois les trous de Monro ; ou vers le bas dans le
sinus sphénoïdal, ou encore latéralement vers le sinus caverneux. Les
questions posées à l’imagerie sont ici
différentes de celles soulevées en
cas de suspicion de microadénome hypophysaire.
En présence d’une
lésion de la région sellaire à extension extrasellaire, on doit se demander
quelle est l’origine de la tumeur, hypophysaire ou non hypophysaire,
préciser son extension par rapport aux différents éléments anatomiques,
apprécier sa structure, ferme, kystique, nécrotique ou hémorragique et
sa prise de contraste.
On demande donc ici à l’IRM, plus qu’un
diagnostic positif, un diagnostic d’extension et un diagnostic différentiel.
Les macroadénomes hypophysaires sont centrés par la selle turcique qui
est généralement modifiée dans son aspect. Un topogramme de profil
optimisé peut montrer une selle turcique déformée, agrandie, au dos
amputé.
Si d’autres précisions morphologiques sont nécessaires, un topogramme obtenu de profil au scanner ou une radiographie standard
apporteront davantage de renseignements, en particulier sur les
modifications de la corticale sellaire.
Ces informations sont aujourd’hui
rarement indispensables.
Les macroadénomes hypophysaires à
extension suprasellaire ont volontiers une forme polycyclique avec
parfois une ou deux expansions bien individualisées dans la citerne
optochiasmatique.
Leur signal spontané est variable mais généralement
plus élevé en écho de spin T1 que celui des microadénomes
hypophysaires.
Un aspect hétérogène est fréquent, particulièrement net
en turbo T2 avec des plages disséminées d’hypersignal en rapport avec
des zones kystiques ou nécrotiques.
Il existe habituellement
une discrète prise de contraste du tissu adénomateux lui-même après
injection de gadolinium, mais l’injection a surtout pour intérêt de repérer
le tissu hypophysaire sain qui se présente comme une pseudocapsule
fortement rehaussée par l’injection, située à la périphérie de l’adénome :
en haut, en arrière, très rarement en bas et en avant, et latéralement le
plus souvent de façon unilatérale.
En incidence coronale T1 après
injection de gadolinium, une lame de tissu hypophysaire sain n’est
généralement retrouvée que d’un seul côté entre l’adénome et les
éléments du sinus caverneux : ces données sont importantes pour le neurochirurgien.
L’hypersignal du lobe postérieur est modifié :
aplatissement et/ou déplacement du lobe postérieur bien visible sur les
coupes axiales ou accumulation ectopique d’hormone antidiurétique
dans la tige pituitaire comprimée au niveau du pôle supérieur du
macroadénome hypophysaire.
La tige pituitaire est
fortement inclinée latéralement. Les rapports du chiasma optique et du macroadénome hypophysaire sont bien étudiés en coupes coronales,
moins bien en coupes sagittales.
Lorsque l’expansion suprasellaire est
très volumineuse, le chiasma lui-même peut être difficilement
repérable ; on pourra s’aider dans ces cas de coupes coronales turbo T2
où le chiasma apparaît clairement par son hyposignal.
Après injection de gadolinium, une discrète prise de contraste méningée
au contact du macroadénome, en particulier au niveau de l’étage
antérieur de la base du crâne, est habituelle avec parfois une image
d’épaississement triangulaire (dural tail) décrite précédemment dans les
méningiomes de la région sellaire ou au cours des hypophysites : dans
notre expérience, le rehaussement par le produit de contraste de la duremère
de voisinage n’a aucune spécificité.
B - Aspect selon le sexe et l’âge
:
Les microadénomes à prolactine de la jeune femme sont très fréquents.
ertains prolactinomes peuvent rester quiescents très longtemps, même
en l’absence de traitement.
Ils n’évoluent pas après la ménopause.
Chez l’homme, les adénomes à prolactine sont généralement découverts
au stade de macroadénomes, parce que la symptomatologie est plus
fruste que chez la femme mais aussi parce que le potentiel évolutif de
ces prolactinomes est probablement différent.
L’envahissement du sinus caverneux n’est pas rare.
Chez l’enfant, les adénomes hypophysaires sont exceptionnels et
présentent également un potentiel évolutif marqué.
On peut observer des adénomes à prolactine responsables d’un retard pubertaire ou des
adénomes corticotropes responsables d’une maladie de Cushing.
C - Aspects selon la sécrétion
:
Les prolactinomes sont généralement découverts au stade de
microprolactinome devant un tableau associant typiquement
aménorrhée, galactorrhée et hyperprolactinémie supérieure à 35 ou
40 íg/L chez une jeune femme.
Le microprolactinome se traduit le plus
souvent par une image en hyposignal T1 et dans quatre cas sur cinq en
hypersignal T2. L’hypersignal T2 peut ne correspondre qu’à une partie
de l’adénome.
Il existe généralement une bonne corrélation entre le taux
de prolactine et le volume de l’adénome.
Cependant, à volume égal, les
adénomes hypophysaires à hyposignal T2 correspondent à des tumeurs
plus sécrétantes.
Le traitement médical par la bromocriptine et ses
dérivés entraîne une diminution très rapide du volume de la lésion qui
peut devenir de diagnostic difficile, voire impossible.
Il
est donc très recommandé, en présence d’une hyperprolactinémie, de
réaliser une IRM avant que ne soit institué le traitement médical.
Dans
certains prolactinomes vus à distance de l’institution du traitement
médical par la bromocriptine, un aspect cicatriciel très particulier peut
faire évoquer a posteriori la présence de l’adénome hypophysaire, sous
la forme d’une déformation localisée très aiguë du pôle supérieur de
l’hypophyse en V.
Si les prolactinomes et les adénomes à hormone de croissance sont
habituellement latéralisés au sein de la selle turcique, les adénomes
corticotropes de la maladie de Cushing, en général très
petits, sont plutôt localisés à proximité de la ligne médiane.
Du fait de la
gravité de la maladie et des possibilités chirurgicales, il ne faut pas
hésiter ici à multiplier les séquences et à renouveler l’examen.
Les adénomes à hormone de croissance ont la particularité de
présenter un hyposignal en T2 dans deux tiers des cas.
L’involution
spontanée des adénomes à hormone de croissance par infarcissement ou
nécrose n’est pas rare : certaines acromégalies diagnostiquées
tardivement se présentent sous forme d’une selle turcique agrandie,
partiellement vide avec du tissu adénomateux d’analyse difficile
tapissant les parois de la selle turcique déformée.
Le traitement médical
par les dérivés de l’octréotide (Sandostatine, Somatuline), entraîne
une diminution de volume de l’adénome en moyenne de 35 % et
normalise la somatomédine C dans 50 % des cas.
Il est intéressant en
préopératoire.
Les adénomes thyréotropes sont très rares.
Les macroadénomes hypophysaires peuvent être non sécrétants, mais
peuvent aussi correspondre à des adénomes à prolactine, à des adénomes
gonadotropes, à des adénomes à hormone de croissance.
Ils sont d’autant
plus fréquemment hétérogènes qu’ils sont volumineux, des plages de
nécrose kystique résultant d’une vascularisation tumorale insuffisante.
Les adénomes gonadotropes sont souvent volumineux et ont une forte
tendance à la récidive.
D - Aspects particuliers
:
1- Adénomes hypophysaires hémorragiques
:
Vingt pour cent des adénomes hypophysaires présentent une
transformation hémorragique partielle ou complète au cours de leur
évolution mais ces hémorragies sont le plus souvent asymptomatiques.
Les tableaux d’apoplexie pituitaire avec céphalées, syndrome pseudoméningé, paralysie des nerfs crâniens, hypopituitarisme sévère,
correspondent en général à une hémorragie aiguë massive au sein d’un
macroadénome hypophysaire.
Beaucoup plus fréquemment, de petites
suffusions hémorragiques peuvent apparaître au sein des adénomes
hypophysaires.
La bromocriptine est tenue pour responsable d’un
certain nombre de transformations hémorragiques des prolactinomes
mais des prolactinomes hémorragiques sont parfois mis en évidence en
IRM avant que ne soit institué le traitement médical.
Les
transformations hémorragiques des adénomes hypophysaires peuvent
être récidivantes et donner lieu à des tableaux céphalalgiques à
répétition.
Les hémorragies intra-adénomateuses se traduisent par
l’apparition d’hypersignaux spontanés en T1.
La sédimentation des
parois des cellules sanguines et celle des différents dérivés de
l’hémoglobine peuvent conduire à des niveaux au sein de l’hémorragie
(désoxyhémoglobine, méthémoglobine).
Bien qu’il n’y ait pas de
barrière hématoencéphalique au sein du parenchyme hypophysaire, on
peut parfois observer à la suite d’hémorragies intra-adénomateuses de
petits hyposignaux linéaires ou curvilignes correspondant à des dépôts
d’hémosidérine.
2- Adénomes hypophysaires et grossesse
:
Au cours de la grossesse, on observe une augmentation du tissu
hypophysaire sain en hauteur (0,08 mm par semaine soit environ 3 mm
pendant la grossesse) et une augmentation de volume de l’adénome
hypophysaire lui-même.
Le signal en T1 du tissu hypophysaire
sain est plus élevé pendant la grossesse.
L’augmentation de volume du prolactinome est surtout sensible lorsque le traitement médical a été
interrompu.
Une surveillance attentive du champ visuel s’impose et une
IRM de contrôle peut être discutée.
3- Envahissement du sinus caverneux
par un adénome hypophysaire :
Il peut modifier le pronostic et le traitement mais le diagnostic entre
compression simple et envahissement vrai du sinus caverneux reste
difficile.
Le meilleur signe d’envahissement reste encore
l’encerclement complet de la carotide intracaverneuse par la tumeur.
À
l’opposé, on peut éliminer de façon pratiquement formelle un
envahissement du sinus caverneux si on met en évidence une languette
de tissu hypophysaire normal entre la tumeur et le sinus caverneux.
Le bombement de la paroi externe du sinus caverneux peut être observé
dans les gros adénomes hypophysaires refoulant les éléments du sinus
caverneux sans forcément l’envahir.
Enfin, lorsque l’envahissement est
important, le signal du sinus caverneux, en T1 avant et après gadolinium
et en T2, est identique à celui de la tumeur intrasellaire.
4- Aspects postopératoires
:
Après exérèse d’un adénome hypophysaire par voie transphénoïdale, la
cavité opératoire est souvent comblée par du matériel de bourrage.
Le Surgicel par exemple, qui est fréquemment utilisé, s’imprègne de sang et
de sécrétions.
La présence de matériel de bourrage et de sécrétions diverses
et peut-être des adhérences périadénomateuses explique qu’il n’y a le plus
souvent pas d’affaissement de la cavité opératoire dans les jours et les
semaines qui suivent l’exérèse.
La résorption lente du sang, des sécrétions
et du matériel de bourrage s’étale sur 2 à 3 mois : à ce moment,
quelques fragments de Surgicel imprégnés de sang résiduel peuvent
encore être visibles au fond de la cavité opératoire.
En cas de déchirure peropératoire du diaphragme sellaire, des fragments de graisse ou de
muscle sont mis en place par le chirurgien pour éviter une fistule de
liquide céphalorachidien : leur résorption s’effectue de façon beaucoup
plus lente : des fragments graisseux peuvent rester visibles sous forme
d’un hypersignal T1 2 à 3 ans après l’intervention.
Une IRM de contrôle et de référence entre le deuxième et le troisième mois
est très utile pour surveiller l’évolution ultérieure d’un adénome opéré.
Une
IRM de réalisation plus précoce, autour de la 48e heure, élimine une
éventuelle complication et visualise, le cas échéant, un résidu tumoral qui
apparaît sous forme d’une masse de même signal qu’avant l’intervention,
occupant généralement une région périphérique de l’adénome.
Cet examen
précoce facilite également l’interprétation de l’IRM de contrôle du
deuxième mois.
À ce stade, il est alors possible de préciser l’état du tissu
hypophysaire sain restant généralement asymétrique avec visualisation
fréquente au pied d’une tige pituitaire déviée d’un hypersignal témoignant
d’un stockage d’hormone antidiurétique en position ectopique.
L’examen IRM de référence du deuxième ou troisième mois est
indispensable pour évaluer une éventuelle récidive ultérieure qui se
traduit en général par l’apparition d’une masse sphérique ou à contour
fortement convexe, de même signal que la tumeur initiale.