Diagnostic des douleurs abdominales aiguës
(Suite) Cours de
réanimation - urgences
O - PATHOLOGIE DE L’OMBILIC :
Un syndrome douloureux abdominal
périombilical associé à des signes locaux
(ombilic boursouflé, inflammatoire) doit
faire évoquer, en dehors de la hernie
étranglée, un kyste épidermoïde surinfecté,
une surinfection d’un kyste de l’ouraque, un
canal omphalomésentérique persistant.
L’échographie est très précieuse pour
apprécier le type et l’étendue des lésions
avant l’exploration chirurgicale le plus
souvent nécessaire.
P - AFFECTIONS VASCULAIRES
:
1- Anévrismes
:
* Anévrisme de l’aorte abdominale
:
Sa rupture chez un homme athéromateux
dont l’anévrisme est parfois connu se traduit
par la survenue très brutale d’une douleur
abdominale extrêmement violente, diffuse, transfixiante, associée à des signes de choc
et de spoliation sanguine majeure ; l’examen
trouve une masse profonde, battante.
Le
patient doit être opéré en urgence.
Mais l’anévrisme peut être petit, et le patient
obèse ; les douleurs peuvent égarer vers
d’autres diagnostics lorsqu’elles irradient
dans les lombes, la région inguinale,
s’associent à des sciatalgies.
Les signes de
choc peuvent être absents lorsque
l’hématome est contenu, le choc initial
compensé ou lorsque l’anévrisme est très
douloureux, inflammatoire mais non encore
rompu.
L’abdomen sans préparation montre des
calcifications arciformes et la disparition de
l’ombre des psoas.
Une échographie ou un
scanner en urgence précisent la taille et
l’extension de l’anévrisme, l’importance de
l’hématome.
C’est une urgence chirurgicale
précédée parfois d’une artériographie.
* Dissection aortique
:
Elle est plus fréquente que la rupture
d’anévrisme.
Le diagnostic est souvent
difficile et la mortalité est très lourde.
La
dissection débute le plus souvent au niveau
de l’aorte ascendante mais la symptomatologie
abdominale est due à l’hématome rétropéritonéal et à l’extension de la
dissection aux branches viscérales.
Si
classiquement la douleur, d’une rare
violence, est d’abord thoracique postérieure
puis abdominale postérieure, elle est parfois
réduite à des irradiations atypiques et peut
s’associer à des signes abdominaux non
spécifiques.
Le choc n’est pas constant au
début.
On recherche une inégalité tensionnelle, une asymétrie des pouls, un
déficit neurologique.
Le cliché thoracique
montre un élargissement du médiastin.
Le
scanner spiralé et l’artériographie s’imposent
en milieu spécialisé.
* Dissection des artères viscérales
:
Une dissection peut atteindre les artères
digestives et donner un tableau ischémique.
Le scanner et l’artériographie font le
diagnostic.
* Anévrismes des artères digestives
:
Ils sont rares et sont souvent dysplasiques,
athéromateux ou infectieux.
Ils intéressent
l’artère splénique dans 60 % des cas (souvent
rupture dysplasique lors d’une grossesse),
l’artère hépatique dans 20 % des cas et plus
rarement l’artère mésentérique et ses
branches, les arcades pancréaticoduodénales
et l’artère mésentérique inférieure.
La
rupture dans le péritoine ou un viscère creux
avec hémorragie digestive, la thrombose et
l’embolie, sont souvent révélatrices.
Le contexte clinique est le plus souvent celui
d’un hémopéritoine massif imposant
l’intervention d’urgence.
Lorsque cela est
possible, un scanner et une artériographie
précisent le diagnostic et permettent dans
certains cas une embolisation.
Le contexte clinique peut faire parfois
suspecter une lésion de pancréatite connue
récente qui peut éroder les vaisseaux
adjacents le plus souvent dans un faux kyste
(pseudoanévrisme).
2- Ischémie mésentérique
:
* Ischémies artérielles
:
La thrombose ou l’embolie de l’artère
mésentérique supérieure et de ses branches
se traduit par un tableau aigu.
Le diagnostic
est difficile, même dans la forme typique de
l’infarctus du mésentère à la phase aiguë.
La douleur est violente, diffuse, continue,
associée à des vomissements et à un arrêt
du transit ou une diarrhée.
L’hémorragie
digestive est inconstante et tardive, la fièvre
également.
Un état de choc est fréquent :
extrémités froides, membres inférieurs
marbrés, pouls petit et filant souvent
arythmique, tension artérielle basse et
pincée.
L’abdomen est ballonné, se défend ; il est
silencieux et on note une matité déclive.
Biologiquement, on constate souvent une
acidose sévère et une élévation des LDH.
L’abdomen sans préparation montre une
grisaille diffuse sans niveaux hydroaériques,
un épaississement des parois des anses,
rarement la présence d’air dans la veine
porte.
L’échographie, idéalement échodoppler, doit permettre d’orienter vers
le diagnostic et de réaliser rapidement un
scanner.
L’angioscanner, surtout en mode spiralé,
montre au temps artériel l’absence
d’opacification de l’artère mésentérique
supérieure.
Une artériographie, geste peu
agressif par voie veineuse, est alors réalisée.
C’est la seule attitude permettant de réaliser,
lorsque cela est possible, une désobstruction,
voire une revascularisation.
* Thromboses veineuses
:
Elles se manifestent par un tableau souvent
moins aigu précédé d’une longue phase
prodromique.
Le scanner est ici très
précieux, montrant un caillot veineux hypodense cerclé par la paroi veineuse
rehaussée après bolus.
En l’absence
de choc ou de signes pariétaux faisant évoquer une nécrose, le
traitement est médical (héparine).
La prise de
contraceptifs et des anomalies de la coagulation sont à
rechercher.
3- Vascularites
:
Elles sont responsables de douleurs
abdominales par le biais de lésions
vasculaires, inflammatoires (vascularites) ou
thrombotiques : ischémie, infarctus artériel
ou veineux.
La toxicité du traitement de ces affections
(anti-inflammatoires non stéroïdiens surtout)
est également responsable de manifestations
digestives.
Lorsque celles-ci sont révélatrices, la
présence de signes généraux (fièvre,
amaigrissement, asthénie), une atteinte multiviscérale (cutanée, rénale ou
articulaire), un syndrome inflammatoire ou
une hyperéosinophilie peuvent orienter le
diagnostic et faire rechercher des signes
spécifiques.
Si la vascularite est connue, le problème est
de rapporter les douleurs à une poussée de
la maladie, réversible sous traitement, ou à
une de ses complications.
Il peut s’agir de
pancréatite, d’occlusion du grêle, de
perforation du grêle ou du côlon, d’infarctus
mésentérique, d’appendicite ou de
cholécystite.
Toutes les collagénoses peuvent être en
cause : lupus érythémateux disséminé
(anticorps antinucléaires et anti-acide
désoxyribonucléique [ADN]), périartérite
noueuse (hyperéosinophilie, anévrismes
viscéraux), embolies de cholestérol (atteinte
cutanée), myxome de l’oreillette gauche,
angéite allergique de Churg et Strauss,
maladie de Kawasaki (hydrocholécyste), maladie de Horton (biopsie de l’artère
temporale), maladie de Behçet (atteinte
oculaire et génitale), cryoglobulinémie,
maladie de Still de l'adulte,
dermatopolymyosite.
Citons à part les embolies cholestéroliques
provoquant par pluie d’emboles des
syndromes abdominaux parfois trompeurs.
* Thrombose cave et phlébites pelviennes
:
Elles sont en général révélées par leur cause
mais peuvent avoir au début comme seuls
signes des douleurs pelviennes et une fièvre.
L’échodoppler est l’examen performant de
première intention.
Q - LÉSIONS PARIÉTALES
:
De nombreuses atteintes pariétales peuvent
provoquer des douleurs abdominales parfois
très violentes.
1- Hernies inguinales et éventrations
:
Le diagnostic est en général aisé car la
douleur apparaît à la toux ou à l’effort.
Un
gonflement apparaît au niveau de l’orifice
pathologique.
L’étranglement est caractérisé
par l’irréductibilité et l’absence d’expansion.
La douleur au collet peut se voir sans
étranglement.
Cependant, souvent le
diagnostic est plus difficile, qu’il s’agisse
d’une petite hernie crurale étranglée chez
une femme obèse, d’une éventration
postopératoire déjà connue comme
irréductible ou d’une hernie atypique
obturatrice ou de Spiegel (bord externe du
grand droit). Un segment intestinal peut être
incarcéré sans signes d’occlusion, surtout au
début.
C’est souvent le scanner ou
l’intervention exploratrice qui corrige le
diagnostic.
Les petites hernies de la ligne blanche
peuvent être très douloureuses lorsqu’un
segment épiploïque est incarcéré.
2- Autres lésions
:
Certaines lésions pariétales font évoquer une
atteinte plus profonde : hématome du grand
droit spontané chez un patient sous
anticoagulants.
Une fausse contracture et
une masse empâtée peuvent égarer.
Les douleurs abdominales pariétales sans
lésion identifiable peuvent être dues à des
névromes en cas d’antécédent de
laparotomie ou à un zona ou des lésions
radiculaires.
3- Syndrome de Cyriax
:
Il correspond à la subluxation traumatique
des articulations chondrocostales des fausses
côtes.
Les huitième, neuvième et dixième
nerfs intercostaux sont irrités et cette
irritation provoque des douleurs
abdominales hautes très trompeuses
pouvant faire porter le diagnostic de
cholécystite, d’ulcère gastroduodénal, de
pancréatite, de colique néphrétique.
C’est l’examen clinique qui conduit au
diagnostic, retrouvant une douleur élective
en un point précis du rebord costal.
La
pression réveille la douleur spontanément
ressentie.
La traction vers le haut du rebord
costal déclenche la douleur.
La cause est un traumatisme du rebord
costal direct ou indirect qui est souvent
passé inaperçu.
Le traitement par
infiltrations évite le plus souvent le recours
à la chirurgie (résection de l’extrémité du
cartilage costal).
4- Syndrome de Tietze, xiphodynie
:
La douleur siège au niveau de l’articulation
sternoclaviculaire ou de la xiphoïde.
Ils correspondent à des lésions du même
type.
5- Éventration diaphragmatique
:
À part la hernie embryonnaire par agénésie
partielle ou totale d’une coupole qui est très
rarement diagnostiquée chez l’adulte, on
peut rencontrer la hernie rétro-costoxiphoïdienne
et les éventrations
traumatiques.
La hernie de la fente de Larrey ou rétrocosto-
xiphoïdienne est rare mais le côlon
transverse ou l’estomac peuvent s’incarcérer,
donnant un tableau d’occlusion colique très
atypique.
L’image médiastinale antérieure
sur le cliché de thorax doit alerter.
Les hernies traumatiques sont parfois
méconnues initialement et se révèlent après
le traumatisme par la torsion d’un viscère.
Ce risque de complication (torsion de
l’organe hernié) impose une chirurgie
préventive.
6- Tumeurs de la paroi abdominale
:
Elles sont rares (tumeur desmoïde, fibrome,
sarcome).
Elles peuvent saigner, se nécroser
et donner un tableau de contracture.
L’examen soigneux et l’imagerie corrigent le
diagnostic.
R - LÉSIONS UROLOGIQUES
:
1- Colique néphrétique
:
Le tableau typique est bien connu.
La
douleur siège dans le flanc, à type de colique
et de torsion, violente, impossible à calmer
par une position antalgique. Elle irradie en
arrière et en bas vers les organes génitaux
externes.
Le patient n’est pas fébrile mais
pâle et couvert de sueur.
La palpation est
douloureuse mais ne retrouve pas de
défense.
Des antécédents de ce type sont
fréquemment retrouvés chez le patient,
souvent un homme jeune.
La douleur peut
cependant être atypique, réduite à une
irradiation antérieure ou inguinale, associée
à des vomissements et à un météorisme
abdominal.
La recherche de signes
fonctionnels urinaires, d’une hématurie,
d’une opacité sur le trajet des voies urinaires
à l’abdomen sans préparation orientent.
L’échographie est très utile car elle montre
une dilatation des voies excrétrices.
Une
urographie intraveineuse est alors indiquée.
Elle visualise le calcul et montre
l’importance de la distension. Parfois, elle
met en évidence une rupture de la voie
excrétrice sur calcul nécessitant un geste de
décompression d’urgence.
2- Infections urinaires du haut
appareil :
* Pyélonéphrite aiguë
:
Elle peut être primitive ou secondaire
(obstacle lithiasique ou tumoral, reflux).
Le tableau de la forme typique associe des
signes généraux nets : fièvre élevée, frissons ;
des signes fonctionnels francs : douleurs
lombaires et du flanc, dysurie, pollakiurie,
brûlures mictionnelles ; une douleur
provoquée avec parfois défense.
La présence
d’une infection urinaire (leucocyturie et
bactériurie à Escherichia coli le plus souvent)
permet d’écarter d’autres diagnostics
(cholécystite, appendicite, infection génitale).
Il faut alors traiter par antibiothérapie
intraveineuse et rechercher, par des examens
complémentaires, l’existence d’un obstacle et
son retentissement et une complication
(abcès rénal et périrénal).
* Abcès rénal
:
Il peut être d’origine hématogène ou canalaire ascendante.
Le tableau est celui
d’une pyélonéphrite sévère.
Les urines
peuvent être stériles.
C’est l’imagerie qui
révèle l’abcès : zone hypoéchogène
échographique à paroi hyperéchogène, zone
hypodense à contenu hétérogène au scanner,
syndrome de masse à l’urographie
intraveineuse.
Un traitement anti-infectieux
à large spectre doit être longtemps
poursuivi.
La persistance d’un abcès collecté
impose un drainage le plus souvent
percutané.
* Pyonéphrose et phlegmon périnéphrétique
:
Dans la pyonéphrose, il y a suppuration du
parenchyme et des cavités rénales.
Dans le
phlegmon périnéphrétique, la suppuration
siège surtout dans l’atmosphère celluleuse
périrénale.
Le tableau d’infection urinaire haute est ici
majeur.
C’est l’imagerie qui diagnostique la pyonéphrose ; le phlegmon est évoqué
cliniquement devant des signes pariétaux
lombaires avec défense, voire contracture, et
des urines stériles.
Sous traitement
antibiotique efficace, un drainage percutané
ou chirurgical doit souvent être envisagé.
* Infarctus rénal
:
L’embolie cruorique dans une artère rénale
ou la thrombose sur dissection ou anévrisme
provoque un infarctus rénal en quelques
heures.
La symptomatologie aiguë lombaire
à irradiations vers le bas peut faire évoquer une colique néphrétique ou une
pyélonéphrite aiguë.
Le diagnostic doit être
très vite porté par le scanner et
l’artériographie afin de réaliser une
désobstruction en urgence.
3- Infections urinaires du bas
appareil
:
* Cystite
:
Fréquente chez la femme, la cystite associe
douleurs hypogastriques, pollakiurie,
brûlures mictionnelles, parfois pyurie ou
hématurie, sans fièvre ni frissons.
Le germe
est en général un colibacille d’origine
intestinale.
L’examen cytobactériologique
des urines confirme le diagnostic.
S’il y a
récidive après traitement antibiotique, il faut
pousser les investigations.
* Rétention urinaire
:
C’est un piège diagnostique classique.
Le
tableau peut être très algique et une urgence
chirurgicale est évoquée.
Le test du sondage
avec la prudence et les précautions
nécessaires doit être effectué au moindre
doute.
* Prostatite
:
Associant classiquement fièvre élevée,
douleurs pelviennes et signes fonctionnels
urinaires, elle est confirmée par le toucher
rectal qui palpe une prostate grosse, très
douloureuse.
* Atteintes des organes génitaux externes
:
L’orchiépididymite aiguë et la torsion
testiculaire se manifestent parfois par une
symptomatologie algique abdominale basse
pouvant égarer lorsque la bourse est peu
douloureuse.
La palpation soigneuse et
l’échographie en cas de doute corrigent le
diagnostic.
S - LÉSIONS DES SURRÉNALES
ET RÉTROPÉRITONÉALES :
Certains syndromes abdominaux aigus sont
dus à des lésions rétropéritonéales qui se
compliquent : l’hémorragie, la nécrose,
l’infection, la compression provoquent un
syndrome douloureux, parfois fébrile,
occlusif ou péritonéal.
L’abdomen sans
préparation évoque la lésion du rétropéritoine (disparition de l’ombre du
psoas) ; le scanner est essentiel.
Les
principales étiologies sont les tumeurs
surrénales ou les tumeurs de l’espace rétropéritonéal.
* Fibrose rétropéritonéale
:
Cette maladie rare peut se révéler de façon
aiguë, notamment par une compression
pyélocalicielle.
T - AFFECTIONS GYNÉCOLOGIQUES
:
Elles représentent environ un cinquième des
urgences abdominales chirurgicales.
1- Salpingite
:
Elle constitue un problème majeur de Santé
publique.
Sa fréquence reste très élevée et
l’enjeu est de la différencier d’une affection
chirurgicale aiguë et de ne pas l’éliminer car
l’absence ou le retard du traitement sont
lourds de conséquences.
Le tableau peut être typique, associant
douleurs hypogastriques violentes, fièvre et
leucorrhées abondantes et malodorantes.
L’examen retrouve une douleur provoquée
en mobilisant le col et des culs-de-sac
empâtés et douloureux.
L’échographie peut
être normale ou montrer des signes
d’endométrite et des trompes distendues,
hétérogènes.
Malheureusement, bien souvent l’affection
prend un masque trompeur simulant une
appendicite pelvienne, une grossesse extrautérine,
une pyélonéphrite, voire une
cholécystite dans le cadre du syndrome de
Fitz-Hugh et Curtis.
Certaines formes sont graves d’emblée avec
péritonite généralisée.
Correctement traitées, les salpingites
guérissent sans séquelles.
Sinon vont
apparaître des complications : pyosalpynx,
abcès de l’ovaire ou du cul-de-sac de
Douglas et des séquelles : stérilité, grossesse
extra-utérine, algies pelviennes rebelles.
Les difficultés du diagnostic et l’importance
de la bactériologie conduisent à proposer
très largement la coelioscopie qui est à la
fois diagnostique, pronostique e t
thérapeutique. Les germes sont le plus
souvent le gonocoque et les Chlamydiae.
2- Autres infections
:
* Endométrites
:
Survenant notamment après accouchement,
avortement spontané ou provoqué, elles se
traduisent par des douleurs pelviennes
aiguës, des métrorragies et leucorrhées, une
fièvre élevée, un utérus douloureux et mou
au toucher vaginal.
Le risque de thrombose
pelvienne est majeur.
L’antibiothérapie est
débutée très vite après prélèvements.
3- Grossesse extra-utérine
:
C’est un diagnostic qu’il ne faut éliminer
qu’avec certitude chez une femme en
période d’activité génitale.
Il est facile en cas de rupture cataclysmique.
Après une douleur syncopale survient un
état de choc avec hémopéritoine.
L’urgence
chirurgicale est absolue.
Dans la forme typique, sont associés un
retard de règles, des métrorragies, une
douleur pelvienne souvent unilatérale.
L’examen retrouve un abdomen douloureux
et le toucher sent une masse douloureuse
d’un cul-de-sac.
Cependant, aucun de ces
signes n’est constant ni spécifique et c’est le
dosage de l’hCG qui est décisif avec
l’échographie.
L’hématocèle enkystée est une forme plus
rare associant douleurs, métrorragies, pâleur, subictère, masse latéro-utérine.
Au terme de ces investigations sont éliminés
un kyste ovarien, une appendicite et une
salpingite lorsque les hCG sont élevées et
l’échographie évocatrice (utérus vide, sac
tubaire, épanchement du cul-de-sac de
Douglas).
Il faut éliminer alors avant la
coelioscopie une grossesse intra-utérine
débutante ou une interruption de grossesse
cliniquement atypique.
Le traitement est idéalement coelioscopique
et parfois médical dans les cas très précoces.
4- Kystes ovariens
:
Les ruptures de kystes sont le plus souvent
des ruptures postovulatoires.
Le tableau
clinique évoque une appendicite à droite.
L’échographie évite nombre d’explorations
chirurgicales inutiles.
Il peut s’agir d’une
rupture de corps jaune en cours de
grossesse.
Après traitement par inducteurs de
l’ovulation peuvent survenir des ruptures de
volumineuses masses ovariennes stimulées
avec un risque d’hémopéritoine et
d’épanchement ascitique difficiles à
contrôler.
Les torsions sont fréquentes et peuvent être
plus ou moins complètes.
Le risque de
nécrose est majeur, surtout dans les formes
cliniquement bâtardes.
Le tableau typique associe douleur brutale
hypogastrique, vomissements, parfois signes
de choc.
L’examen retrouve une douleur et
parfois une défense sus-pubienne et une
masse douloureuse.
Le toucher vaginal peut
percevoir une masse tendue très
douloureuse ou une douleur du cul-de-sac.
L’échographie en urgence confirme le
diagnostic et conduit à la coelioscopie en
urgence.
Les signes peuvent cependant être
trompeurs et la torsion méconnue va évoluer
vers une masse plus ou moins nécrotique,
infectée, faisant évoquer d’autres diagnostics
avant la laparotomie.
L’étude histologique
de l’ovaire peut méconnaître une tumeur
maligne du fait de la nécrose.
5- Endométriose
:
Elle se manifeste assez rarement par un
syndrome douloureux aigu dû en général à
la complication d’un kyste ovarien endométriosique.
C’est souvent une
coelioscopie réalisée en urgence qui découvre
les lésions et les traite.
6- Avortements spontanés
:
Des douleurs hypogastriques aiguës peuvent
précéder l’hémorragie génitale. Le dosage
des hCG et l’échographie permettent surtout
d’éliminer d’autres diagnostics.
7- Fibromes
:
La torsion d’un fibrome sous-séreux
pédiculé réalise le même tableau que la
torsion de kyste ovarien.
Souvent, la
coelioscopie redresse le diagnostic.
8- Nécrobiose aseptique
:
Ischémie favorisée par une grossesse ou un
traitement progestatif, elle se traduit
cliniquement par trois signes : fièvre à
38,5 °C, douleurs pelviennes aiguës associées
à des signes occlusifs ou péritonéaux, utérus
augmenté de volume, ramolli et très
douloureux.
Le traitement est avant tout
médical, sauf en cas de doute diagnostique
imposant la coelioscopie.
Causes médicales
:
A - CAUSES PARASITAIRES
:
Les parasites susceptibles d’entraîner des
douleurs abdominales sont parfois suspectés
par une hyperéosinophilie (nématodes,
cestodes, bilharzioses, dystomatoses) ou un
contexte clinique évocateur : séjour en pays
d’endémie, contamination alimentaire.
Elles sont reconnues par un isolement du
parasite ou des oeufs dans les selles ou le
sang (paludisme), parfois par une sérologie
spécifique (bilharziose, dystomatoses, larva
migrans), la biopsie du foie ou du rectum
(bilharziose).
B - DOULEURS ABDOMINALES
D’ORIGINE PARIÉTALE :
1- Zona
:
Il est lié à une activation du virus du groupe
herpès responsable de la varicelle et resté
latent dans les ganglions sensitifs des nerfs
rachidiens.
L’éruption érythématovésiculaire,
de siège métamérique, est précédée
pendant 5 à 7 jours de douleurs unilatérales,
de topographie radiculaire avec
hyperesthésie cutanée et éventuel discret
syndrome infectieux.
L’apparition d’un érythème puis de
vésicules, à rechercher très attentivement,
parfois réduit à un élément, vient corriger
un diagnostic hésitant.
La racine D7 correspond à l’épigastre, la
racine D10 à l’ombilic et la racine D12 à la
région sus-pubienne.
Après dessiccation des vésicules puis
guérison, les douleurs peuvent persister
plusieurs semaines ou mois.
2- Compression radiculaire
:
Elle complique une lésion rachidienne
sensitive de la région dorsale secondaire à
des causes variées : affections rhumatismales
chroniques, hernies discales, tumeurs de la
moelle bénignes ou métastatiques, subluxations postérieures traumatiques,
fractures...
La douleur a une topographie métamérique
en hémiceinture, généralement unilatérale.
La survenue de la douleur à l’effort, à la
mobilisation du rachis, lors de certains
mouvements, la découverte d’une
pathologie rachidienne sur les radiographies
standards, parfois sur la simple radiographie
pulmonaire face et profil, peuvent orienter
le diagnostic.
Celui-ci est confirmé par un
scanner rachidien ou mieux une IRM.
C - DOULEURS ABDOMINALES LIÉES
À DES AFFECTIONS MÉTABOLIQUES,
GÉNÉTIQUES OU ENDOCRINIENNES :
1- Maladie périodique ou fièvre
familiale méditerranéenne :
Il s’agit d’une maladie héréditaire d’étiologie
inconnue intéressant les sujets du pourtour
méditerranéen, préférentiellement les
Arméniens et les Juifs séfarades.
Elle est caractérisée par la survenue dès
l’enfance d’épisodes fébriles et d’accès
inflammatoires des séreuses, durant
quelques jours, de survenue aléatoire.
La fièvre est constante, d’élévation brutale
entre 38 et 40 °C, parfois accompagnée de
frissons et s’atténuant généralement en 24 à
48 heures.
Les crises douloureuses abdominales
constituent le mode de révélation le plus
fréquent (55 % des cas) et sont pratiquement
constantes au cours de l’évolution.
Les
douleurs, brutales et intenses, débutent dans
la région sus-ombilicale et diffusent
rapidement à tout l’abdomen, accompagnées
de fièvre, de vomissements et d’un arrêt du
transit.
L’examen retrouve un abdomen
tendu avec une défense, voire une
contracture simulant une urgence
chirurgicale.
La radiographie d’abdomen
peut montrer des niveaux liquides et la numération formule sanguine une
hyperleucocytose à polynucléaires qui
égarent le diagnostic et conduisent
volontiers, notamment lors de la première
crise, à une laparotomie.
Celle-ci découvre
un péritoine congestif, avec un exsudat
modéré.
L’évolution des crises douloureuses est
spontanément favorable en 2 à 3 jours.
Le diagnostic de la maladie repose sur le
contexte familial et ethnique, la répétition
des crises douloureuses abdominales et leur
évolution spontanément favorable en
quelques heures, l’association avec d’autres
manifestations cliniques : crises
douloureuses thoraciques par atteinte
pleurale ou péricardique, manifestations
articulaires : arthrites des grosses
articulations des membres inférieurs,
érythème des dos des jambes et du pied,
méningite périodique.
Le problème est difficile lors de la première
crise abdominale chez un sujet jeune, faisant
discuter une urgence chirurgicale :
appendicite aiguë, cholécystite...
Les critères du diagnostic génétique à
l’intérieur des familles atteintes sont en
cours d’identification.
L’efficacité remarquable de la colchicine (1 à
2 mg/j) dans la prévention des accès (90 %
des cas) est un gros argument diagnostique.
Elle est inefficace pour traiter une crise
aiguë.
2- Maladie sérique
:
Elle complique une injection de protéines
étrangères et en particulier un vaccin
(anatoxine).
Les douleurs abdominales,
parfois très violentes, s’accompagnent de
diarrhées, de vomissements et de signes
allergiques : oedème labial ou oral.
Dans les
formes tardives, des douleurs éventuelles
s’associent à de la fièvre, des myalgies, des
arthralgies et des adénopathies.
3- Porphyries
:
Il s’agit de maladies autosomiques
dominantes à pénétrance variable (environ
deux tiers des porteurs du gène n’ont
aucune anomalie clinique ou biologique).
Elles sont caractérisées par un déficit d’une
enzyme de la synthèse de l’hème
responsable de l’accumulation de produits
intermédiaires de cette synthèse : les
porphyrines.
Les porphyries hépatiques (porphyrie aiguë
intermittente, coproporphyrie héréditaire,
porphyrie variegata et porphyrie de Doss)
peuvent entraîner des crises aiguës
dominées par un syndrome abdominal.
Celui-ci comporte des douleurs diffuses,
intenses, des vomissements abondants et
répétés, une constipation opiniâtre.
Ce
tableau contraste avec la normalité de
l’examen clinique et des radiographies de
l’abdomen.
Dans 20 à 30 % des cas, une insomnie, une
fébricule, des sueurs et des troubles de
l’humeur (dépression, anxiété, délire,
confusion mentale) égarent le diagnostic
vers un sepsis abdominal.
L’évolution peut
être grave, en particulier sur le plan
neurologique : coma, tétraplégie, paralysie
respiratoire.
Le plus souvent elle est
favorable en quelques jours sans séquelles,
en particulier grâce à un traitement
(hydrates de carbone et hématine).
La survenue du tableau abdominal chez une
femme jeune en période prémenstruelle ou
à la suite de la prise de certains
médicaments (contraceptifs oraux, alcool,
anesthésiques, benzodiazépines) ou surtout
la constatation de la classique coloration
rouge porto des urines observée 1 à 2 heures
après la miction doivent orienter le
diagnostic.
Le dosage des porphyrines (acide delta-amino-lévulinique et porphobilinogène)
dans les urines et les selles confirme
le diagnostic et précise la variété de la
porphyrie.
En France, la porphyrie aiguë
intermittente est la plus fréquente.
L’intoxication par le plomb ou l’hexachlorobenzène
est responsable d’une porphyrie acquise.
4- OEdème angioneurotique
héréditaire
:
Il s’agit d’une affection héréditaire à
transmission autosomique dominante liée à
un déficit en inhibiteur de la C1 estérase
synthétisée par le foie.
Elle se révèle dans
75 % des cas avant 13 ans et évolue par
crises d’intensité et de fréquence variables.
L’atteinte digestive est faite de douleurs
abdominales avec nausées, vomissements et
diarrhée sans fièvre, mais pouvant orienter
vers une urgence chirurgicale et conduire à
une laparotomie exploratrice d’autant que
l’abdomen sans préparation peut objectiver
un syndrome occlusif.
À l’intervention, on
découvre un oedème diffus des muqueuses
et une ascite.
Ces manifestations digestives s’accompagnent
d’oedème touchant les extrémités, le
visage, parfois d’une éruption cutanée : rash,
érythème polymorphe.
L’oedème laryngé
peut engager le pronostic vital.
L’interrogatoire recherche des circonstances
déclenchantes : traumatismes, activité
sportive, période menstruelle.
Le diagnostic biologique est fait par le
dosage du complément et de ses fractions :
baisse de l’inhibiteur de la C1 estérase, du
C4 avec C3 normal.
Les crises douloureuses
abdominales sont prévenues par les
stéroïdes anabolisants permettant une
reprise de la synthèse hépatique de la C1
estérase.
5- Drépanocytose
:
La drépanocytose est liée à une hémoglobine
anormale provoquant une polymérisation
des globules rouges déformés en « faucille »
(anémie falciforme ou sickle cell anemia des
Anglo-Saxons) responsable d’ischémie et
d’infarctus.
Il s’agit d’une maladie
autosomique récessive rencontrée
préférentiellement en Afrique noire, aux
Antilles, en Amérique du Sud et du Nord,
mais également au Maghreb ou en France
chez les migrants.
La forme hétérozygote est le plus souvent
asymptomatique. Elle expose aux infarctus
spléniques dans les situations d’hypoxémie
sévère (altitude, voyages en avion).
La forme homozygote se révèle chez l’enfant
(anémie, splénomégalie).
Elle expose aux
crises douloureuses drépanocytaires,
dominées par une fièvre et des douleurs.
On
peut retrouver un facteur déclenchant :
fièvre, exposition au froid, hypoxémie. Le
malade est en règle familier de ces crises
aiguës.
Au niveau abdominal, la baisse du débit
circulatoire est responsable d’une ischémie,
source d’angor intestinal, d’infarctus
splénique ou du mésentère.
L’association
d’une anémie à un iléus paralytique avec
météorisme et vomissements peut orienter
le diagnostic lors d’une première crise.
L’origine géographique du sujet fait
demander une électrophorèse de
l’hémoglobine qui objective la présence
d’hémoglobine S.
Il n’y a pas d’hémoglobine
A normale.
Le test de falciformation des
hématies en hypoxie est indispensable au
diagnostic.
Dans la drépanocytose, la lithiase biliaire
secondaire à l’hémolyse est particulièrement
fréquente, exposant à ses complications
propres, source de difficultés diagnostiques
compte tenu de l’ictère sous-jacent et de la
possibilité d’hyperbilirubinémie importante
correspondant à des épisodes de cholestase
intrahépatique.
D - DOULEURS ABDOMINALES
D’ORIGINE ENDOCRINIENNE
ET MÉTABOLIQUE
:
1- Insuffisance surrénalienne aiguë
:
Elle met en jeu le pronostic vital.
Il peut
s’agir de la décompensation d’une
insuffisance surrénale chronique connue ou
non à l’occasion d’un stress (infection,
traumatisme, chirurgie), de la prise d’un
diurétique ou de l’arrêt d’un traitement
substitutif, ou bien il s’agit d’une
insuffisance sur rénalienne aiguë
compliquant une hémorragie bilatérale des
surrénales (traitement anticoagulant,
méningite fulminante) ou un infarctus
hypothalamopituitaire.
Les douleurs abdominales sont diffuses, pseudochirurgicales, associées à des nausées,
des vomissements et une diarrhée.
Il s’ajoute
une asthénie majeure, une hypotension, une
fièvre et dans les formes chroniques, une
mélanodermie.
Le ionogramme sanguin peut orienter le
diagnostic en retrouvant une hyponatrémie
avec hyperkaliémie, une hypoglycémie.
La natriurèse est élevée avec kaliurèse basse.
Il
existe une insuffisance rénale fonctionnelle
avec acidose métabolique.
Le dosage du cortisol vient confirmer le
diagnostic, pratiquement certain si
l’évolution est favorable en quelques heures
sous réanimation : réhydratation, hémisuccinate d’hydrocortisone intraveineux
et minéralocorticoïdes (acétate de
désoxycorticostérone).
2- Hypertriglycéridémies
:
Les hypertriglycéridémies, surtout de types
1 et 5, sont des causes rares de douleurs
abdominales aiguës.
Celles-ci peuvent être
dues à la survenue d’une pancréatite aiguë
mais de façon inconstante.
Elles sont de
siège épigastrique, accompagnées de
troubles du transit, d’anorexie et de
vomissements. Les triglycérides sont en
règle supérieurs à 10 g/L et souvent à 30 g/L.
Les douleurs disparaissent avec la correction
de l’hypertriglycéridémie.
3- Hypercalcémie
:
Quelle que soit sa cause (hypercalcémie
maligne des métastases osseuses,
hyperparathyroïdie, sarcoïdose, intoxication
médicamenteuse), l’hypercalcémie est une
source de douleurs abdominales parfois pseudochirurgicales.
Les symptômes associent nausées,
vomissements, constipation, anorexie,
polyurie et douleurs abdominales diffuses.
Celles-ci peuvent être dues aux effets du
calcium sur la musculature lisse de l’intestin
mais aussi à une lithiase rénale, à une
pancréatite chronique en poussée aiguë ou à
un ulcère gastroduodénal.
L’évolution doit être rapidement favorable
après correction de l’hypercalcémie.
3- Hypokaliémie
:
Elle est responsable d’une distension
gastrique, d’une constipation, voire d’un
iléus (étiologie éventuelle d’un syndrome
d’Ogilvie) par atteinte des fibres musculaires
lisses.
4- Diabète insulinodépendant
:
Un diabète, connu ou non, est susceptible
de provoquer des douleurs abdominales
aiguës en cas d’acidocétose.
Les douleurs
sont rapportées à une distension digestive.
Elles sont diffuses, sans fièvre, mais avec
hyperleucocytose fréquente, et doivent
régresser avec la correction de l’hyperglycémie.
La mesure digitale de la glycémie, la
dyspnée de Kussmaul, l’acidose métabolique
et la recherche de corps cétoniques urinaires
orientent le diagnostic.
En l’absence d’acidocétose, le diabète peut
être source de douleurs abdominales aiguës
et/ou chroniques s’il complique un cancer
du pancréas ou simplement par la
constipation habituellement associée.
5- Hyperthyroïdie
:
La crise aiguë thyrotoxique associe
hyperthermie, tachycardie, insuffisance
cardiaque, agitation, déshydratation et
manifestations abdominales compatibles
avec une urgence chirurgicale :
vomissements, douleurs, diarrhées.
Un
goitre, une exophtalmie peuvent être
présents.
Le résultat des dosages hormonaux
confirme le diagnostic après la mise en route
du traitement substitutif en urgence.
6- Hypothyroïdie
:
Elle peut entraîner des douleurs
abdominales essentiellement par la
constipation qu’elle provoque, pouvant
confiner à l’iléus paralytique.
7- Purpura rhumatoïde
(purpura de Henoch-Schoenlein)
:
Il s’accompagne de douleurs abdominales
dans 60 % des cas environ.
Elles peuvent
évoquer une appendicite ou une cholécystite
aiguë et régressent en quelques heures ou
quelques jours, parfois associées à des
hémorragies digestives (méléna avec
purpura muqueux en endoscopie).
L’invagination intestinale aiguë, la
perforation, la pancréatite aiguë ou la
sténose duodénale ont été décrites.
L’association des douleurs à un purpura
cutané, pratiquement constant, dominant
aux membres inférieurs, à des arthralgies
touchant les grosses articulations des
membres et à une atteinte rénale (hématurie,
protéinurie) dominant le pronostic doit
évoquer le diagnostic.
E - DOULEURS ABDOMINALES
D’ORIGINE TOXIQUE
:
1- Plomb
:
L’intoxication au plomb est la plus bruyante.
– Il peut s’agir d’une intoxication aiguë lors
d’un accident du travail. Les troubles
digestifs sont révélateurs : vomissements,
douleurs abdominales paroxystiques,
violentes, suivies d’agitation et de
convulsions, d’atteinte rénale. L’évolution
est parfois mortelle.
– Intoxication chronique : saturnisme.
Elle
est beaucoup plus fréquente.
Le plomb est
ingéré ou manipulé par certains employés
de l’industrie.
Les intoxications domestiques
surviennent volontiers chez l’enfant :
ustensiles ménagers, jouets, débris de
peinture.
Les troubles digestifs sont chroniques :
douleurs abdominales banales et surtout
coliques de plomb (violentes douleurs
abdominales paroxystiques avec
vomissements et constipation contrastant
avec un examen clinique normal).
Le diagnostic peut être orienté par :
– un liseré grisâtre gingival près du collet
des dents (liseré de Burton) ;
– des atteintes nerveuses centrales et
périphériques (paralysie radiale) ;
– une anémie modérée avec classiquement
hématies ponctuées ;
– la plombémie, la plomburie, ainsi que les
coproporphyrines urinaires sont très élevées
(inhibition de la synthèse de l’hème par le
plomb).
2- Mercure
:
Sous forme de chlorure, il provoque une
néphropathie grave précédée de signes
digestifs : brûlures épigastriques,
vomissements et diarrhée.
3- Intoxication alcoolique aiguë
:
Elle entraîne une gastrite aiguë, source de
douleurs et de vomissements volontiers
hémorragiques, associée à une dépression
du système nerveux central.
Le terrain, l’interrogatoire et les dosages
biologiques peuvent orienter le diagnostic.
4- Intoxication aiguë par le fer
:
Volontiers dans un but d’autolyse, elle
s’accompagne d’une gastrite aiguë avec
hémorragie massive et parfois perforation
viscérale.
5- Syndrome de sevrage aux opiacés
:
Il complique électivement l’utilisation
d’héroïne par voie intraveineuse, mais
également les produits de substitution :
sulfate de morphine, buprénorphine.
Le syndrome de sevrage survient dans les
24 heures suivant la dernière injection :
crampes abdominales, contractions
musculaires, insomnie, anxiété ; puis
s’installent des vomissements, une diarrhée,
une tachycardie.
Le diagnostic est facile si la toxicomanie est
connue et le sevrage programmé.
Dans le
cas contraire, la recherche de points de
piqûres, les autres manifestations du sevrage
(rhinorrhée, larmoiement, mydriase) ou le
terrain peuvent orienter le diagnostic.
Chez les sujets présentant des douleurs
chroniques, notamment dans les cancers
évolués, surtout digestifs et traités par la
morphine, la survenue de douleurs
abdominales doit faire évoquer un
surdosage morphinique responsable d’une
constipation et d’un iléus.
Ces manifestations
douloureuses entraînent une escalade
thérapeutique qui ne fait qu’accentuer les
douleurs volontiers rapportées à tort à une
extension de la maladie initiale.
5- Intoxication par les métaux
:
L’intoxication aiguë par l’arsenic
(insecticides, acétoarséniate de cuivre) ou
l’antimoine (drogue antiparasitaire, aliments
acides conservés dans de la faïence émaillée)
sont responsables de douleurs abdominales
intenses associées à des vomissements, une
diarrhée puis un collapsus circulatoire.
Le
diagnostic est difficile, orienté par les
dosages spécifiques.
6- Ingestions de caustiques
:
Elles surviennent en règle dans un contexte
suicidaire ou accidentellement chez l’enfant.
On distingue les produits alcalins (soude
caustique) et les acides.
Les produits alcalins
lèsent préférentiellement l’oesophage, les
acides plus volontiers l’estomac.
Des manifestations oropharyngées ou
pulmonaires peuvent accompagner les
signes oesogastriques : hémorragie gastrointestinale,
nécrose pariétale, voire
perforations digestives.
L’endoscopie digestive, pratiquée tôt, peut
confirmer le diagnostic et surtout préciser
l’étendue des lésions.
7- Intoxication par les plantes
et les champignons
:
De multiples substances peuvent être en
cause, soit en raison de la quantité ingérée,
soit de leur toxicité propre.
Les signes digestifs sont souvent au premier
plan et inaugurent l’intoxication : douleurs
abdominales, vomissements, diarrhée.
Des manifestations spécifiques peuvent
accompagner ces signes digestifs fonction
des propriétés pharmacologiques éventuelles
des substances ingérées ou de leur toxicité
propre : cardiovasculaire, hépatique
(champignons)...
On en rapproche les intoxications
alimentaires compliquant des aliments
infectés, avariés ou contaminés par des
additifs. Ils sont responsables de tableaux
abdominaux variés, souvent bruyants, mais
en règle facilement reconnus par
l’interrogatoire.
F - CAUSES NEUROLOGIQUES
:
1- Syphilis
:
Au stade de tabès, après une incubation de
10 à 20 ans, la syphilis est source de
douleurs abdominales fulgurantes (90 % des
cas) associées à une ataxie, une aréflexie ostéotendineuse.
Le diagnostic est d’autant
plus difficile que les réactions syphilitiques
peuvent être négatives dans le sang et le
liquide céphalorachidien.
2- Épilepsie abdominale
:
Elle est une cause exceptionnelle de
douleurs abdominales paroxystiques, en
règle diffuses et dont l’étiologie reste
indéterminée après de multiples
explorations.
Les douleurs abdominales sont à début
brutal, de durée brève.
Il s’agit d’un
diagnostic d’exclusion, sauf si l’électroencéphalogramme
(EEG) révèle la
présence de signes d’activité (pointes ondes)
dans le lobe temporal et que les
antiépileptiques préviennent la survenue de
nouvelles douleurs tout en corrigeant
d’éventuelles anomalies de l’EEG.
3- Hystérie et simulation
:
Il s’agit de causes éventuelles de douleurs
abdominales, de diagnostic d’exclusion sur
certains terrains.
La permanence des douleurs, sauf la nuit,
leur évolution et la négativité des multiples
examens sont les meilleurs éléments pour
conforter le diagnostic qui reste d’autant
plus difficile à porter que la prise en charge
et le soulagement des malades est difficile.
4- Migraine abdominale
:
La migraine peut être précédée ou
accompagnée de symptômes annonciateurs :
nausées, vomissements, douleurs
abdominales.
La céphalée est constante et la
crise, parfois déclenchée par des facteurs
alimentaires, peut être à symptomatologie
digestive prédominante.
Diagnostic en fonction
du syndrome :
A - SIGNES D’OCCLUSION INTESTINALE
:
L’occlusion est un syndrome défini par
l’arrêt du transit intestinal par obstacle ou
blocage du péristaltisme.
C’est une cause
très fréquente d’admission en urgence.
La
démarche diagnostique comprend quatre
temps : diagnostic positif et différentiel, de
siège, du mécanisme et enfin étiologie.
1- Diagnostic positif
:
Il repose sur une triade fonctionnelle
associant douleurs, vomissements, arrêt des
matières et des gaz.
Les douleurs brutales ou progressives
naissent dans la région ombilicale ou le
flanc, diffusent rapidement, à type de
crampe avec paroxysmes rythmiques.
Les
vomissements surviennent en même temps
et ne soulagent pas la douleur.
Ils sont
d’abord alimentaires puis bilieux et enfin
fécaloïdes.
L’arrêt des matières et des gaz
est parfois tardif et plus ou moins net.
Des signes généraux sont recherchés : fièvre
et signes de choc, tachycardie, pli cutané,
oligurie traduisant une déshydratation
extracellulaire.
L’examen retrouve un météorisme variable
selon l’étiologie et le type d’occlusion.
L’abdomen sans préparation montre des
images hydroaériques caractéristiques.
On
réalise des clichés debout de face, couché de
face, centrés sur les coupoles et ,
éventuellement, de face en décubitus latéral
et de profil couché si le malade ne peut être
debout.
La distension de l’intestin en amont de
l’obstacle est gazeuse sur les clichés en
position couchée et hydroaérique sur les
clichés debout se traduisant par des niveaux
liquides qui ne sont pas constants, surtout
au début.
Il n’y a pas de gaz en aval de
l’obstacle.
Les niveaux hydroaériques
diffèrent selon le siège de l’occlusion : petits,
centraux, plus larges que hauts, à paroi
mince, marqués d’anneaux concentriques du
grêle, images plus grosses, périphériques,
plus hautes que larges avec haustrations du
côlon.
Il est parfois plus difficile de préciser la
nature des images.
L’échographie et surtout le scanner sont
alors très utiles. Dans certaines séries
récentes, la sensibilité et la spécificité
dépassent 90 %.
Le transit du grêle par entéroclyse (infusion
régulière et progressive de produit de
contraste dans une sonde duodénale) et
l’opacification colique aux hydrosolubles
fournissent des images directes du siège et
du type de l’obstacle.
2- Diagnostic différentiel
:
Il faut éliminer avant tout une affection
médicale : colique néphrétique, colique
hépatique, acidocétose diabétique, nécrose
myocardique, affection pleuropulmonaire.
On évoque ensuite les affections
chirurgicales :
– la hernie étranglée dont le diagnostic n’est
pas toujours évident car une occlusion met
en tension une hernie déjà connue mais il
n’y a pas de douleur au collet ;
– les suppurations abdominales qui
provoquent un iléus réflexe ;
– la pancréatite aiguë ;
– l’ischémie mésentérique aiguë.
3- Diagnostic du siège
:
On oppose classiquement les occlusions
hautes et basses.
Dans l’occlusion haute, les douleurs sont
brutales, les vomissements précoces, la
déshydratation rapide.
Les niveaux hydroaériques sont multiples, plus larges
que hauts, centraux.
Dans l’occlusion basse, le début est
progressif, l’arrêt du transit précoce, les
vomissements tardifs.
Le météorisme est très
net.
Les niveaux sont peu nombreux,
périphériques, en « cadre », plus hauts que
larges.
4- Diagnostic du mécanisme
:
Il est essentiel de différencier, d’une part les
occlusions mécaniques et fonctionnelles, et
d’autre part les occlusions mécaniques par
obstruction ou strangulation.
* Occlusions fonctionnelles
:
Elles correspondent à une paralysie du
péristaltisme et représentent à peu près 10 %
des syndromes occlusifs.
Il s’agit le plus souvent d’un iléus
paralytique réflexe à une lithiase urétérale,
un hématome rétropéritonéal ou au contact
d’un foyer inflammatoire, voire septique de
voisinage (appendicite, cholécystite,
salpingite, épanchement de bile, de liquide
gastrique, pancréatique).
Il peut s’agir aussi d’une ischémie
mésentérique aiguë ou d’une atteinte
inflammatoire de la paroi (mégacôlon
toxique).
– Mettons à part la pseudo-obstruction
intestinale.
Elle peut être métabolique
(hypokaliémie, hypercalcémie, acidose),
médicamenteuse (opiacés, neuroleptiques, anticholinergiques, sympathomimétiques).
Il
peut s’agir aussi d’une maladie générale
(diabète, hypothyroïdie...).
Des atteintes neurologiques et motrices de
la paroi provoquent des occlusions entrant
dans le cadre du syndrome de pseudoobstruction
intestinale idiopathique
chronique, syndrome individualisé
cliniquement : épisodes de subocclusion sans
obstacle lésionnel, séparés par des périodes
de diarrhée avec altération de l’état général.
On la distingue de la maladie de Hirschsprung (aganglionose distale du côlon
et du rectum), des pseudo-obstructions
secondaires (collagénoses, maladies
endocriniennes, neurologiques, médicaments,
syndromes paranéoplasiques).
– Pseudo-occlusion colique aiguë : le
syndrome d’Ogilvie est une dilatation
colique sans obstruction mécanique touchant
un côlon sain, se présentant comme une
colectasie aiguë sans obstacle.
Il s’agit le plus
souvent d’un homme après 60 ans dans un
contexte médical ou chirurgical : chirurgie
urologique ou de la hanche, affection grave
respiratoire, cardiaque ou neurologique.
La
coloscopie de décompression a transformé
le pronostic.
* Occlusions mécaniques
:
Elles sont dues à un obstacle organique.
– Occlusion par strangulation : c’est une
grande urgence du fait de l’ischémie
tissulaire.
Il s’agit en général d’un volvulus du grêle
ou plus rarement du côlon, surtout droit.
Une douleur de début brutal, continue,
associée à une défense localisée, à une
tachycardie et à une fièvre modérée doit
rendre vigilant.
Classiquement, on retrouve
le météorisme immobile, rénitent et
tympanique de l’anse volvulée mais ce signe
est loin d’être constant.
L’abdomen sans
préparation montre l’arceau gazeux de l’anse volvulée rapidement noyé dans l’aéro-iléite
généralisée.
– Occlusion par obstruction : ici, les
douleurs surviennent par crises, atteignant
un paroxysme en quelques minutes, puis
décroissant lentement jusqu’à une période
d’accalmie.
Durant les crises sont souvent
visibles des ondulations péristaltiques sous
la paroi.
– Invagination intestinale aiguë : elle associe
à la fois une obstruction et une ischémie par
gêne au retour veineux.
Elle est rare chez
l’adulte (de 5 à 15% des cas) et survient sur
un obstacle (tumeur, diverticule de Meckel,
hyperplasie lymphoïde ou lymphome).
Elle
n’est pas spontanée comme chez l’enfant.
Elle peut être iléo-iléale, iléocæcale ou
colocolique uniquement en cas de défaut
d’accolement du côlon.
Cliniquement, un
début très brutal et la palpation d’un boudin
sont évocateurs.
5- Diagnostic étiologique
:
* Occlusions du grêle
:
– Occlusions sur brides et adhérences
postopératoires.
– Occlusions sur bride congénitale
(diverticule de Meckel, mésentère commun
à 180°).
– Hernies étranglées externes et internes.
– Invagination (adénopathie mésentérique,
diverticule de Meckel, duplication du grêle,
tumeur).
– Tumeurs du grêle bénignes ou malignes.
– Compression extrinsèque : carcinose
péritonéale, tumeur du mésentère).
– Diverticules du grêle.
– Sténoses du grêle inflammatoires et
cicatricielles.
– Autres causes : corps étrangers, iléus
biliaire, bézoards, parasitoses (ascaris),
hématomes intramuraux.
– Occlusions fébriles : il s’agit ici, soit d’une
strangulation avec ischémie, soit d’une
suppuration abdominale (appendicite mésocoeliaque, sigmoïdite, cholécystite,
suppuration génitale, diverticule de Meckel).
– Antécédents néoplasiques et antécédents radiques : la cause peut être une récidive
tumorale locorégionale, une carcinose
péritonéale, une lésion intestinale radique,
une simple bride chirurgicale.
Le scanner
complète très utilement l’abdomen sans
préparation.
– Occlusion et anticoagulants : on évoque
avant tout l’hématome intramural du grêle
ou un hématome intra- ou rétropéritonéal
diagnostiqué à l’échographie et au scanner.
B - SIGNES DE PÉRITONITE
:
L’irritation péritonéale provoque, par arc
réflexe, la défense et la contracture
abdominales qui sont localisées ou
généralisées.
Leur présence, et surtout celle
de la contracture, est un signe majeur de
péritonite.
Il faut se méfier des fausses
contractures rencontrées parfois chez un
patient atteint de pneumonie, dans certaines
hystéries, devant un hématome volumineux
des droits.
Le contexte est ici essentiel ainsi
que la qualité de la palpation, mains
réchauffées, à plat, chez un patient apaisé,
en confiance.
Ces signes peuvent malheureusement
manquer là où ils seraient particulièrement
précieux : patient ventilé en réanimation,
sujet âgé, fatigué, immunodéprimé.
Des
signes pariétaux discrets doivent alors
alerter.
Le toucher rectal est une aide
précieuse lorsqu’il retrouve un cul-de-sac de
Douglas bombant et douloureux.
L’interrogatoire et l’examen clinique
permettent bien souvent d’approcher
l’étiologie.
L’essentiel est de
savoir poser l’indication opératoire et de
débuter la réanimation après contrôle de
l’état hémodynamique.
Pour mieux préciser l'indication
thérapeutique, l’imagerie est très précieuse.
L’existence d’un pneumopéritoine signe la
perforation d’un organe creux. Son absence
ne saurait l’éliminer (perforation bouchée).
Évident lorsqu’il se traduit par un
volumineux croissant gazeux interhépatodiaphragmatique
droit sur un cliché
de coupoles debout, il peut être plus difficile
à déceler lorsqu’il est discret sous forme
d’une petite image gazeuse extradigestive
parfois seulement vue sur un cliché en
décubitus latéral gauche.
Le scanner, plus largement utilisé, découvre
les pneumopéritoines discrets et apporte des
éléments importants en cas de doute
diagnostique et lorsque l’on suspecte une
collection localisée pouvant être drainée
électivement ou un plastron qui peut être
traité médicalement.
C - SIGNES DE CHOC
:
Ils peuvent être discrets au début et leur
recherche est essentielle : pouls petit, rapide,
filant ; tension artérielle basse et pincée,
vasoconstriction avec marbrures et oligurie.
Le choc ici est septique ou hypovolémique
par hémorragie (hématocrite basse) ou
déshydratation extracellulaire (hématocrite
élevé).
Il ne peut être cardiogénique que si
s’y associe une défaillance cardiaque.
Le choc hypovolémique par déshydratation
extracellulaire associé à un syndrome
abdominal aigu évoque avant tout la
pancréatite aiguë hémorragique et l’ischémie
mésentérique sévère.
Le choc hémorragique associe les signes
d’anémie (pâleur, dyspnée) aux signes
d’hémopéritoine (douleurs à irradiations
scapulaires, abdomen ballonné avec
défense).
L'essentiel est de vite
diagnostiquer une rupture d’anévrisme ou
une dissection aortique.
Le choc septique associé le plus souvent au
choc hypovolémique traduit un foyer parfois
peu important, surtout chez un patient âgé,
fragile, immunodéprimé.
La fièvre peut être
remplacée par une hypothermie.
Après
prélèvements et hémocultures, on débute le
traitement médical et on recherche
activement l’étiologie.
D - MASSE ABDOMINALE
:
Lorsqu’on palpe une masse, il convient de
bien étudier cliniquement ce signe
important : la masse était-elle déjà connue,
est-elle le siège de la douleur la plus
intense ?
On apprécie sa position souscutanée,
intrapariétale ou profonde intra- ou
rétropéritonéale, de même que ses
caractères : taille, consistance, fixité,
pulsatilité, réaction inflammatoire cutanée.
1- Masse de l’hypocondre droit
:
La grosse vésicule de cholécystite sur
laquelle s’accole l’épiploon pouvant former
un plastron est une tuméfaction arrondie,
mobile avec le foie.
L’hépatomégalie tumorale présente un bord
inférieur irrégulier et dur ; celle du foie
cardiaque est homogène et douloureuse.
Une masse empâtée, mal limitée,
douloureuse, évoque un plastron qui peut
être vésiculaire, appendiculaire ou
néoplasique (carcinome colique droit).
Une tumeur rénale ou surrénale peut se
révéler brutalement par thrombose veineuse,
hémorragie ou nécrose.
On retrouve alors
un contact lombaire net.
2- Masse épigastrique
:
Une masse dure évoque un gros foie gauche
tumoral ou cirrhotique ou une tumeur
gastrique.
Si elle est battante et surtout expansive (se
méfier des battements transmis), c’est un
anévrisme de l’aorte nécessitant une prise
en charge immédiate spécialisée.
Une masse rénitente évoque un faux kyste
pancréatique (contexte clinique de
pancréatite chronique ou pancréatite aiguë
récente) ou une lésion plus r a re
(lymphangiome).
3- Masse sous-ombilicale
:
Une masse médiane évoque un kyste
ovarien ou du mésentère si elle est rénitente
et mobile ; une tumeur maligne (carcinose
ou sarcome) si elle est dure et fixe.
Une masse droite évoque une appendicite pseudotumorale, une tumeur appendiculaire
ou du cæcum ; une masse gauche évoque
une sigmoïdite pseudotumorale ou un
cancer du sigmoïde.
Une masse sus-pubienne peut être un globe
vésical, voussure sus-pubienne mate à la
percussion.
Le diagnostic peut être difficile
si le patient est âgé, obèse et présente des
mictions par regorgement.
L’échographie et
le sondage prudent rectifient le diagnostic
d’urgence chirurgicale ou de tumeur
pelvienne.
Chez une femme, on évoque avant tout une
torsion d’annexe ou une nécrobiose de
fibrome.
Diagnostic d’une douleur
abdominale aiguë en
fonction de son siège :
Cette classification aide le clinicien, même si
elle est fort schématique et d’une précision
insuffisante.
A - DOULEURS
DE L’HYPOCONDRE DROIT
:
1- Causes extra-abdominales
(pneumopathies de la base droite)
:
Embolie pulmonaire.
Pleurésie.
Pneumothorax.
Foie cardiaque.
Arthrite chondrocostale.
Zona.
2- Causes biliaires
:
Radiculalgie.
Colique hépatique.
Cholécystite.
Angiocholite.
Cancer.
Volvulus.
Parasitose.
3- Causes hépatiques
:
Tumeur maligne.
Tumeur bénigne.
Abcès du foie.
Kyste hydatique et autres parasites.
Syndrome de Budd-Chiari.
Hépatites.
4- Autres causes
:
Périhépatite.
Abcès sous-phrénique ou sous-hépatique.
Ulcère perforé bouché.
Pyélonéphrite, abcès du rein, phlegmon périnéphrétique.
Deux étiologies médicales doivent être
évoquées : les affections de la base droite et
le foie cardiaque.
– Une pneumopathie ou une pleurésie
peuvent ne pas être évoquées si les signes
respiratoires sont très discrets (toux,
dyspnée).
L’auscultation peut orienter mais
souvent, c’est le cliché thoracique qui montre
la lésion.
L’échographie, à la recherche d’une
lithiase, peut révéler la pleurésie.
Les signes
thoraciques peuvent cependant être dus à
une lésion sous-phrénique.
– Le volumineux foie cardiaque de stase
peut être le signe prédominant d’une
insuffisance cardiaque droite en poussée.
Il
donne cliniquement un tableau de
cholécystite.
La découverte d’un reflux hépatojugulaire, d’un gros foie douloureux,
de signes d’insuffisance cardiaque (cliniques,
radiologiques et électriques) et l’échographie
(gros foie congestif avec dilatation veineuse,
absence de lithiase, paroi vésiculaire fine)
orientent mais une lithiase peut être
présente, la paroi vésiculaire peut être
épaissie par l’oedème.
Le danger est surtout de méconnaître une
affection abdominale aiguë (cholécystite
gangreneuse, ulcère perforé).
– Parmi les autres étiologies, citons le
carcinome de l’angle colique droit qui donne
un tableau de cholécystite lorsqu’il est
infecté.
La palpation d’une masse
indépendante du foie et l’échographie
peuvent orienter, mais au moindre doute,
on réalise une opacification aux
hydrosolubles plutôt qu’une coloscopie.
– L’appendicite sous-hépatique est de
diagnostic difficile ; lorsqu’elle est évoquée,
l’échographie et le scanner font souvent le
diagnostic avant la coelioscopie.
B - DOULEURS ÉPIGASTRIQUES
:
1- Causes médicales
:
Angor.
Infarctus du myocarde.
Péricardite.
L’angor d’effort atypique et l’infarctus du
myocarde doivent toujours être évoqués en
premier.
* Infarctus du myocarde
:
Dans sa forme postérieure, les manifestations
abdominales sont parfois au premier
plan : douleurs épigastriques, nausées,
vomissements.
En l’absence de complications
cardiovasculaires (choc, troubles du
rythme...) et si la douleur reste modérée et
brève, le diagnostic d’infarctus peut être
méconnu, d’où l’importance d’un ECG
systématique et des dosages hormonaux
(ASAT, CPK) devant une douleur
épigastrique.
Parfois, le dosage des
transaminases, révélant une élévation des ASAT supérieure aux ALAT, permet un
diagnostic a posteriori confirmé par l’ECG.
Chez l’angineux connu, le diagnostic est en
règle facile.
En revanche, l’angor atypique peut être
méconnu et il ne faut pas hésiter à
demander dans le doute une épreuve
d’effort.
2- Autres causes
:
Gastroduodénite.
Ulcère gastroduodénal.
Perforation d’ulcère.
Pancréatite aiguë.
Tumeur pancréatique.
Faux kyste pancréatique.
Colique hépatique, cholécystite.
Anévrisme aortique ou splénique
compliqué.
Hernie de la ligne blanche.
C - DOULEURS
DE L’HYPOCONDRE GAUCHE
:
1- Causes médicales
:
Affections de la base pulmonaire : embolie,
pneumopathie, pleurésie, pneumothorax.
Lésions digestives : appendicite pelvienne,
lésion colique bénigne ou maligne,
diverticule de Meckel.
Diagnostic selon
le terrain :
A - FEMME ENCEINTE
:
Toute douleur abdominale est suspecte chez
la femme enceinte.
Le diagnostic et la
conduite à tenir dépendent de l’âge de la
grossesse.
1- En début de grossesse
:
Des pesanteurs pelviennes associées à des
vomissements peuvent évoquer une
affection digestive.
Il faut toujours chercher
un retard de règles, des signes sympathiques
de grossesse, et doser les bêta-hCG.
Une
grossesse extra-utérine doit toujours être
évoquée ainsi qu’un avortement spontané en
se méfiant d’une forme pseudoabortive de
grossesse extra-utérine.
2- Après le premier trimestre
:
On évoque les causes extragynécologiques
et obstétricales.
* Causes extragynécologiques
:
L’infection urinaire est très fréquente et doit
être toujours évoquée devant des signes
vésicaux ou une douleur lombaire.
L’examen
cytobactériologique des urines affirme
l’infection et identifie le germe.
Si
l’amélioration n’est pas rapide, il faut
évoquer une lithiase obstructive ou une
pyélonéphrite plus fréquentes chez la femme
enceinte du fait des modifications
anatomiques.
L’échographie est le premier
examen à demander.
L’appendicite aiguë est difficile à
diagnostiquer car la région iléocæcale est
plus profonde et plus haute.
La douleur
siège dans l’hypocondre droit.
Il est
intéressant d’examiner la patiente en décubitus latéral gauche pour refouler
l’utérus et rechercher des signes pariétaux
qui sont souvent moins nets en raison des
modifications hormonales.
L’éloignement de
l’épiploon et des anses grêles rend le
cloisonnement difficile et les péritonites sont
plus fréquentes et plus graves. L’imagerie et
la coelioscopie au moindre doute évitent de
trop temporiser.
La lithiase biliaire peut être favorisée par la
grossesse ; les occlusions sur brides après
laparotomie sont favorisées par la croissance
de l’utérus.
Signalons des complications rares mais
graves (tableau de collapsus hémorragique) :
rupture d’un anévrisme, ou d’une dysplasie
artérielle splénique ou rénale, d’une tumeur
hépatique.
* Causes obstétricales
:
Les contractions utérines font évoquer
l’avortement spontané avant la 28e semaine,
la menace d’accouchement prématuré entre
la 28e et la fin de la 38e semaine, le début de
travail après la 38e semaine.
L’hématome rétroplacentaire survient chez
une multipare au troisième trimestre.
Le
tableau aigu associe douleurs abdominales
violentes, vomissements, état de choc,
métrorragies.
L’interrogatoire recherche une
hypertension artérielle, une prise de poids,
des oedèmes ; l’examen clinique retrouve une
contracture utérine permanente.
Les bruits
du coeur sont le plus souvent absents.
Au
toucher vaginal, le segment inférieur est
tendu, le col est rigide, plus ou moins dilaté,
les membranes sont tendues.
Le diagnostic
est vite évoqué mais le tableau peut être
moins typique.
La rupture utérine survient plus souvent lors
du travail mais pendant la grossesse, il faut
l’évoquer devant des douleurs avec signes
de choc, disparition des bruits du coeur et
changement de forme de l’utérus.
Dans les suites de couches, les douleurs
pelviennes accompagnées de métrorragies
doivent inquiéter si elles persistent et
s’accompagnent de fièvre.
Il faut alors
évoquer infection ou rétention placentaire.
B - SUJET ÂGÉ
:
L’erreur et le retard diagnostiques sont bien
sûr préjudiciables mais des difficultés
spécifiques aux sujets âgés rendent la tâche
difficile.
Cela est dû à cinq raisons : l’étendue
des pathologies possibles, l’importance des
antécédents souvent chargés et des
thérapeutiques souvent lourdes, le délai
entre le début des troubles et la consultation,
la difficulté de l’interrogatoire et le caractère
atypique des signes cliniques.
La pathologie biliaire est très fréquente
(20 %).
L’appendicite revêt une forme
volontiers occlusive ou tumorale ; une
tumeur colique droite peut souvent se
révéler ainsi.
Des douleurs non spécifiques
doivent être soigneusement explorées car la
pathologie néoplasique est fréquente (cancer
du pancréas) et il faut penser aux
complications vasculaires (infarctus du
mésentère, anévrisme).
– L’échographie abdominale est difficile
chez les sujets âgés, soulignant l’intérêt du
scanner abdominal d’indication large.
– Le lavement baryté ou le lavement aux
hydrosolubles est parfois préféré à la
coloscopie si une indication est posée en
urgence.
C - PATIENT SOUS ANTICOAGULANTS
:
Les accidents sont favorisés par un
surdosage (selon les cas : temps de céphaline
supérieur à quatre fois le témoin, anti-Xa
supérieur à 2 UI/mL, taux de prothrombine
inférieur à 15 %) et notamment par les
polymédications : anti-inflammatoires non
stéroïdiens ou hypocholestérolémiants qui
potentialisent les effets des antivitamines K.
Même en l’absence de surdosage, il faut
évoquer un hématome des parties molles,
de la gaine des droits ou du psoas, intramural du grêle ou du côlon,
rétropéritonéal.
L’hématome rétropéritonéal se révèle
brutalement par une violente douleur de la
fosse iliaque irradiant vers la fosse lombaire,
associée à un météorisme e t des
vomissements.
L’examen retrouve un
empâtement et un contact de la fosse
lombaire.
L’anémie est importante et une
instabilité hémodynamique peut survenir
vite.
L’échographie et le scanner font le
diagnostic et recherchent une tumeur rénale,
surrénale ou rétropéritonéale à l’origine du
saignement.
L’hématome de la gaine du psoas se révèle par
une douleur iliaque ou inguinale irradiant
vers la face interne de cuisse, la hanche et la
fosse lombaire.
On note un psoïtis, une
masse ilio-inguinale, des signes d’atteinte
crurale : troubles moteurs (paralysie du
quadriceps, abolition du réflexe rotulien,
troubles sensitifs).
C’est une urgence
thérapeutique (décompression).
Hématome de la gaine des droits : sa survenue
rapide peut évoquer un tableau pseudochirurgical.
L’hématome siège
préférentiellement entre l’ombilic et la
symphyse pubienne.
Il complique
électivement les troubles de la crase
sanguine et les traitements anticoagulants au
long cours, surtout en cas de surdosage en antivitamines K.
Cependant, il peut
compliquer un traumatisme abdominal ou
des efforts répétés de toux ou de
vomissements.
L’examen clinique trouve une douleur
élective à la palpation des droits pouvant
simuler une défense.
C’est surtout la
palpation d’une masse ferme, inchangée par
la contraction volontaire, qui oriente le
diagnostic.
L’échographie peut être très
évocatrice.
Le scanner fait le diagnostic en
montrant une masse hyperdense en arrière
des muscles droits.
L’IRM est parfois
nécessaire dans les formes chroniques où
l’hématome est en voie de résorption.
Hématomes digestifs intramuraux : survenant
au cours d’un traitement par les antivitamines K, ils se développent dans la
paroi duodénale ou jéjunale.
Les signes
d’occlusion haute s’associent à une anémie.
C’est l’opacification et le scanner qui font le
diagnostic.
Le traitement est médical.
Des précautions sont à prendre en cas
d’intervention d’urgence.
D - ÉTHYLIQUE CHRONIQUE
:
Diagnostics à évoquer :
– ulcère gastroduodénal aigu ou perforé ;
– ascite de début brutal ou infectée ;
– hépatite alcoolique aiguë ;
– pancréatite aiguë ou chronique ;
– hépatocarcinome ;
– thrombose portale ;
– traumatisme de l’abdomen (rupture de
rate).
L’interrogatoire et l’examen sont souvent
difficiles.
Les pièges les plus fréquents sont :
– l’hépatite alcoolique aiguë qui peut
simuler une urgence chirurgicale
(cholécystite aiguë) ;
– la poussée d’ascite avec iléus et tension
pariétale douloureuse ;
– l’hématome sous-capsulaire du foie ou de
la rate par trouble de coagulation ou
traumatisme méconnu ;
– le diagnostic entre infection spontanée
d’ascite et péritonite.
E - INSUFFISANT RÉNAL
:
Les douleurs abdominales qui sont
fréquentes sont liées à la cause, l’insuffisance
rénale elle-même, le type d’épuration, les
thérapeutiques, tout cela sur un terrain
fragile (anémie, troubles de la coagulation,
immunodépression).
Citons d’abord les complications rénales :
hémorragie ou infection d’un kyste, colique
néphrétique par lithiase, caillot ou nécrose
papillaire, pyélonéphrite, phlegmon périnéphrétique, pyonéphrose.
Complications de la dialyse : chez le dialysé,
les troubles métaboliques, les gastrites et le
reflux gastro-oesophagien fréquents
expliquent bon nombre de douleurs
abdominales.
Peuvent également survenir
des pancréatites, des ulcères coliques, des
perforations digestives.
Des péritonites encapsulantes ont été
décrites après dialyse péritonéale.
F - SYNDROME D’IMMUNODÉFICIENCE
ACQUISE
:
Le tube digestif est fréquemment atteint.
Les
lésions sont infectieuses ou tumorales. Les
infections sont mycotiques (oesophagite à
Candida) ou virales (herpès, cytomégalovirus) provoquant oesophagite , gastroduodénite, pancréatite, hépatite,
cholécystite, entérocolite nécrosante.
Les tumeurs sont soit des lymphomes
provoquant occlusions et perforations, soit
des sarcomes de Kaposi qui se compliquent
souvent d’hémopéritoines.
Chez ces patients immunodéprimés, des
tableaux pseudochirurgicaux doivent être
étroitement surveillés avant toute décision
chirurgicale hâtive.
G - PATIENT SOUS TRAITEMENT
PARTICULIER :
1- Chimiothérapie
:
Des épisodes de vomissements fréquents
provoquent des oesophagites parfois sévères.
Certains produits comme l’adriamycine
provoquent des réactions pancréatiques
variables.
Les complications les plus graves
sont surtout les perforations intestinales sous
chimiothérapie et les problèmes septiques ou
hémorragiques chez des patients aplasiques.
2- Corticothérapie
:
Chez les patients sous corticoïdes peuvent
se compliquer des affections latentes telles
une cholécystite, une sigmoïdite, dont le
tableau abâtardi risque d’égarer.
L’ulcère gastroduodénal
doit être prévenu mais la perforation de diagnostic difficile
est un risque réel.
3- Antiretrovirus
:
Tous les traitements sont potentiellement
responsables de douleurs abdominales.
Les
inhibiteurs de la reverse transcriptase peuvent
se compliquer de pancréatite aiguë, parfois
mortelle.
H - ANTI-INFLAMMATOIRES
NON STÉROÏDIENS :
La survenue de douleurs épigastriques ou
abdominales parfois associées à des troubles
du transit doit orienter vers :
– une gastroduodénite aiguë ;
– un ulcère gastroduodénal ou une
perforation d’ulcère ;
– une sigmoïdite diverticulaire ;
– des complications intestinales : ulcère
colique, diaphragme ou sténose dans les
traitements chroniques.
I - DIABÉTIQUE
:
Nous avons déjà évoqué l’acidocétose.
Des atteintes neurologiques polyradiculaires
peuvent se traduire par un syndrome sensitif
algique mimant un zona ou une urgence
chirurgicale.
La cholécystite et la pyélonéphrite
emphysémateuse à Clostridium sont assez
spécifiques du diabétique.
Conclusion
:
L’interrogatoire et l’examen clinique menés
par un praticien expérimenté sont essentiels et
permettent très souvent un diagnostic avant
tout examen complémentaire.
Quinze pour
cent des patients hospitalisés en urgence
nécessitent un geste chirurgical.
Ce sont eux
qu’il faut vite explorer pour éviter tout retard
aggravant le pronostic.
Dans les cas difficiles,
l’imagerie, notamment le scanner, prend une
plus grande place.
Une grande partie de ces syndromes sont
spontanément résolutifs et plus de 90 % sont
dus à des affections peu nombreuses et bien
connues.