Stratégie et technique dans le traitement chirurgical des tumeurs endocrines duodénopancréatiques Cours de Chirurgie
Introduction
:
Il s’agit de tumeurs.
Le fantôme de l’hyperplasie du pancréas endocrine
a été la hantise des chirurgiens endocriniens jusqu’au début des années
1980.
On sait aujourd’hui qu’une éventuelle hyperplasie ne peut être
responsable d’aucun syndrome clinique chez l’adulte et sécrète
l’hormone antagoniste des tumeurs hypersécrétantes, qu’elles soient
sporadiques ou génétiquement déterminées dans le cadre des
polyendocrinopathies de type NEM I.
Il n’y a pas d’observation dans la littérature d’un seul cas de Zollinger
Ellison guéri par résection d’un pancréas hyperplasique immunoréactif
à la gastrine.
D’exceptionnelles observations de nésidioblastose de
l’adulte ont été rapportées avec un syndrome clinique déterminé par
l’hypersécrétion des cellules endocrines claires de l’épithélium des
canaux pancréatiques.
Diagnostic préopératoire des tumeurs
endocrines duodénopancréatiques :
Les tumeurs endocrines duodénales et pancréatiques constituent, de par
leur origine embryologique, deux entités bien distinctes, même si leur
proximité anatomique peut être à l’origine de problèmes communs pour
le chirurgien.
Leur prise en charge chirurgicale implique une certitude ou quasi
certitude diagnostique préalable.
Cette certitude est obtenue grâce aux dosages biologiques.
En cas d’insulinome, le diagnostic repose sur la constatation d’une
hypoglycémie dont le caractère pathologique peut être accentué par une
épreuve de jeûne prudente.
Cette hypoglycémie sera corrélée à une hypersécrétion d’insuline ou une sécrétion à des taux considérés comme
normaux mais inappropriés à l’importance de l’hypoglycémie.
Il existe
également une élévation parallèle du peptide C.
Le dosage du peptide C permet de déceler les hypoglycémies factices
par auto-injection d’insuline où il est à des taux très bas.
Il ne permet pas
en revanche de mettre en évidence les hypoglycémies factices en rapport
avec la prise volontaire de sulfamides hypoglycémiants dont le profil
biologique est strictement superposable à celui des insulinomes.
Cette notion d’hypoglycémie factice est souvent méconnue et le risque
sous-évalué.
Dans notre expérience, de 7 à 15%des patients qui nous ont été adressés
pour cure chirurgicale d’un insulinome correspondaient en fait à des
hypoglycémies factices.
Dans le cas du gastrinome, le diagnostic repose sur la coexistence d’une
hypersécrétion acide basale avec hypergastrinémie.
Elles s’élèvent
toutes deux paradoxalement lors du test à la sécrétine qui inhibe
physiologiquement la sécrétion acide et de gastrine.
Avant la prise en charge thérapeutique d’une tumeur endocrine du
pancréas, la recherche d’une polyendocrinopathie, type NEM I, est un
préambule indispensable, puisque son identification amènerait dans tous
les cas à une stratégie chirurgicale différente et pour certains à
reconsidérer l’indication opératoire en cas de gastrinome.
Il n’existe pas de marqueur biochimique spécifique de laNEMI comme
l’est la calcitonine dans les NEM II.
Cependant les antécédents
familiaux, la multifocalité des tumeurs endocrines et surtout la mise en
évidence d’une hyperparathyroïdie presque toujours préexistante même
si elle est latente, grâce au dosage de calcémie corrélé au taux de
parathormone intacte, permettent d’affirmer le diagnostic.
Ces dernières années, l’intérêt d’un repérage préopératoire grâce à
l’imagerie a été discuté en raison des résultats médiocres obtenus par les
examens radiologiques conventionnels non invasifs (échotomographie,
scanner) en comparaison des données d’une exploration chirurgicale
rigoureuse du pancréas.
Cependant, les progrès récents de l’échoendoscopie et de la
scintigraphie à la somatostatine ont fourni un regain d’intérêt au
repérage préopératoire.
L’échoendoscopie peut mettre en évidence de petites lésions nettement
infracentimétriques au niveau du pancréas, voire millimétriques au
niveau de la paroi duodénale.
Dans les rares cas d’insulinome malin, l’échoendoscopie peut mettre en
évidence des adénopathies péripancréatiques permettant d’orienter
d’emblée le geste à visée carcinologique.
Cet examen peut également être l’ultime recours pour la mise en
évidence d’une polyendocrinopathie jusqu’alors méconnue en mettant
en évidence des lésions intrapancréatiques multiples, caractéristiques
des NEM I.
Cependant, si remarquable soit-elle, l’échoendoscopie ne
découvre pas toutes les lésions que l’exploration chirurgicale mettra en
évidence lors d’une intervention pour NEM I.
La scintigraphie à la somatostatine est particulièrement intéressante
dans le gastrinome, puisqu’elle est positive dans plus de 90 % des cas.
La constatation dans ce cas d’images multiples doit faire évoquer la
possibilité de métastases ganglionnaires fixantes.
À l’inverse, en
présence d’insulinome, la scintigraphie à la somatostatine ne présente
guère d’intérêt puisqu’elle n’est positive que dans environ 40 %des cas.
L’échographie conventionnelle associée au scanner ne sera donc
réalisée, non pas tant pour mettre en évidence une lésion pancréatique
ou duodénale toujours de petite taille, mais surtout pour rechercher
d’éventuelles métastases hépatiques qui pourraient amener à
reconsidérer l’indication opératoire.
En cas de certitude biologique, la négativité de l’imagerie préopératoire
ne constitue pas une contre-indication à l’exploration chirurgicale qui
demeure encore parfois la seule façon de repérer ces petites tumeurs.
Conditions préalables à la prise en charge
chirurgicale des tumeurs endocrines duodénopancréatiques :
La prise en charge chirurgicale des tumeurs endocrines du duodénum et
du pancréas implique de disposer, lors de l’intervention, d’un
environnement technique adapté à ces lésions : l’échographie
peropératoire doit être disponible, utilisant des sondes de 7,5 MHz, pour
rechercher la tumeur si elle n’a pas été mise en évidence avant
l’intervention, pour rechercher d’autres tumeurs pancréatiques qui
auraient pu passer inaperçues lors du bilan préopératoire d’une lésion
considérée jusqu’alors unique et pour préciser les rapports de la tumeur
avec le canal deWirsung.
La transillumination duodénale par endoscopie haute réalisée en cours
d’intervention est un appoint précieux dans la chirurgie du
microgastrinome duodénal.
La nécessité de réaliser des dosages peropératoires rapides par méthode
radio-immunologique de l’insuline ou de la gastrine impose de
programmer l’intervention en collaboration avec un laboratoire adapté.
Compte tenu de la courte durée de vie tant de la gastrine que de
l’insuline, il est possible, sur des prélèvements effectués 15 à 20 minutes
après l’exérèse, de vérifier le caractère complet de celle-ci.
Il est important d’obtenir la disponibilité d’un anatomopathologiste
expérimenté, compte tenu des multiples examens extemporanés
prévisibles lors de ce type d’intervention.
D’un point de vue strictement technique, l’utilisation d’un dissecteur à
ultrasons peut s’avérer particulièrement utile pour faciliter l’énucléation
d’un insulinome.
La détection isotopique peropératoire demeure, quant à elle, du domaine
de la recherche.
Voies d’abord et explorations
:
L’abord chirurgical classique d’une tumeur endocrine du duodénum ou
du pancréas nécessite une large voie d’abord afin de pouvoir explorer le
bloc duodénopancréatique et la totalité de la glande.
En pratique, l’intervention comportera soit une médiane sus-ombilicale
débordant de quelques centimètres l’ombilic vers le bas, soit une grande
incision bi-sous-costale donnant un jour particulièrement étendu sur la
région en cas d’obésité, ce qui est un phénomène fréquent chez les
patients porteurs d’insulinome et compensant leur hypoglycémie par des
apports alimentaires répétés.
La mise en place d’un écarteur sous-sternal, en réclinant les côtes vers le
haut, facilite l’exploration de l’extrémité caudale du pancréas loin située
en haut et en arrière, au contact du hile splénique.
L’angle colique droit est progressivement abaissé, libérant toute la partie
antérieure du bloc duodénopancréatique.
Pour avoir une vue idéale sur la totalité de la glande pancréatique, nous
préférons le décollement coloépiploïque d’un angle colique à l’autre à
une simple ouverture du ligament gastrocolique.
Le deuxième duodénum saisi par une ou deux pinces atraumatiques, est
attiré en avant pour effectuer la manoeuvre de Kocher après incision du
péritoine postérieur.
Ce temps permet de libérer toute la partie
postérieure du bloc duodénopancréatique jusqu’à la face antérieure de
la veine cave.
À ce stade, l’exploration visuelle et palpatoire de la tête, du corps et de
la queue du pancréas est possible.
Lorsque l’extrémité caudale de la
glande ne peut être parfaitement contrôlée, le décollement du mésogastre postérieur après section péritonéale au niveau du bord
convexe de la rate permet de libérer et d’extérioriser en monobloc la rate
et toute la partie gauche du pancréas.
Le plus souvent, la simple incision du péritoine pariétal postérieur au
bord inférieur du pancréas permet une bonne exploration du corps et de
la queue par une palpation douce entre deux doigts.
L’exploration de la région isthmique peut nécessiter le passage d’un lacs
tracteur entre la glande et la face antérieure de la veine porte pour bien
évaluer la région postérieure du pancréas à ce niveau.
En fonction du type sécrétoire, l’exploration pourrait connaître quelques
variantes mais la nécessité d’une exposition complète de la glande
demeure dans tous les cas.
Cette palpation et mobilisation du pancréas doit toujours être d’une
extrême douceur qui constitue la meilleure prévention d’une poussée de
pancréatite aiguë postopératoire.
Dans le cas du gastrinome, l’exploration concernera plus
particulièrement le triangle du gastrinome.
Aspects techniques en fonction
du type tumoral :
A - Tumeurs endocrines sécrétantes
:
Si l’insulinome est une tumeur pancréatique, le gastrinome est une
tumeur duodénale.
En conséquence, les gastrinomes
pancréatiques doivent être considérés comme des tumeurs ectopiques
donc malignes.
Le pancréas adulte ne produit en effet pas de gastrine à la différence du
pancréas foetal.
Chez l’adulte, la gastrine est exclusivement d’origine antroduodénale.
1- Insulinome sporadique
:
Il s’agit d’une lésion unique, bénigne dans plus de 90 % des cas.
Si elle est extrapancréatique, elle siège probablement sur un pancréas
aberrant, éventualité exceptionnelle.
Si l’exploration révèle des lésions multiples, on doit alors fortement
évoquer la possibilité d’une polyendocrinopathie NEM I jusqu’alors
méconnue.
En dehors de métastases hépatiques évidentes sur le bilan préopératoire,
la malignité pourra être envisagée devant une tumeur volumineuse
d’autant plus qu’il existera des adénopathies décelables au voisinage de
la glande.
Après un large abord, l’exploration première sera sous-mésocolique, à
la recherche d’une exceptionnelle métastase ovarienne, d’un diverticule
de Meckel, d’un pancréas aberrant.
On palpera également par cette voie sous-mésocolique le bord inférieur de la queue du pancréas permettant
parfois dès ce stade de percevoir l’insulinome.
Puis, l’exploration concernera l’étage sus-mésocolique et, après
vérification de l’absence de métastase hépatique, elle intéressera la
totalité de la glande comme décrit précédemment.
Après l’exploration visuelle et palpatoire de la glande, l’échographie
peropératoire est réalisée.
Elle permet le plus souvent de confirmer les
données de l’exploration conventionnelle, parfois de déceler une lésion
passée jusqu’alors inaperçue (10 % des cas) ou de petites lésions
multiples méconnues, profondément enchâssées dans le parenchyme et
permettant de porter le diagnostic de polyendocrinopathie type NEM I.
L’échographie peut cependant fournir des faux positifs révélant de
véritables « incidentalomes pancréatiques » : rate accessoire
intrapancréatique, adénopathie, foyers de cytostéatonécrose, tumeurs
endocrines ne sécrétant pas l’hormone responsable de la
symptomatologie, par exemple du polypeptide pancréatique.
En cas d’adénome superficiel de petite taille (moins de 2 cm), non
adhérent au Wirsung (données échographiques), l’énucléation est
l’intervention de choix qui permet au mieux de ménager le parenchyme
pancréatique et d’éviter le diabète postopératoire.
Si l’insulinome est périphérique, on peut poser un clamp vasculaire sur
le pancréas normal adjacent, ou s’aider d’un fil tracteur placé dans
l’adénome permettant de l’isoler progressivement.
La mise en place
d’un doigt postérieur rétropancréatique est particulièrement utile en
faisant billot pour faciliter cette énucléation.
De même l’utilisation du dissecteur à ultrasons peut simplifier ce temps.
L’hémostase de la loge d’énucléation sera effectuée progressivement par
électrocoagulation bipolaire, ou utilisation de petits clips.
Après énucléation, l’exploration de la loge est effectuée de façon
minutieuse à la recherche d’une brèche du Wirsung ou d’une fuite de
liquide pancréatique.
On peut s’aider de l’injection peropératoire de
sécrétine (deux unités par kilo de poids) qui entraîne une sécrétion
intense du pancréas exocrine et permet de mettre en évidence des
brèches canalaires qui seraient restées inaperçues.
Ce contrôle après
exérèse est essentiel compte tenu du risque de fistule postopératoire.
En cas d’insulinome profondément enchâssé dans la glande ou
volumineux et adhérent au Wirsung ou situé à l’extrémité caudale de la
glande, on effectuera selon le siège de la lésion, soit une résection
caudale avec conservation splénique, soit une résection segmentaire.
En cas d’exérèse gauche après section première de la glande au niveau
de l’isthme ou à gauche de celui-ci selon le siège de la lésion, la face
postérieure du pancréas est progressivement libérée de droite à gauche
et les petits vaisseaux spléniques à destinée pancréatique sont liés ou clipés à la demande.
Si le pédicule splénique ne peut être préservé, son exérèse n’implique
pas la réalisation d’une splénectomie dans la mesure où l’abord du
pancréas a été effectué par décollement coloépiploïque ménageant ainsi
les vaisseaux courts et la vascularisation de la rate.
La tranche de section pancréatique peut être fermée à la pince TA, ou
mieux après section sur clamp vasculaire, traitée par trois ou quatre
points en U de fil à résorption lente après oblitération sélective du
Wirsung lorsqu’il est identifiable.
Lorsque l’insulinome est corporéal ou isthmique et juxtawirsungien, la
résection segmentaire avec fermeture de la tranche d’aval comme
précédemment et anastomose de l’extrémité caudale du pancréas, soit
dans une anse en Y, soit en l’intubant à travers la face postérieure de
l’estomac comme après duodénopancréatectomie céphalique permet la
conservation maximale de parenchyme pancréatique.
Ces anastomoses s’effectuent sur un pancréas sain et fragile, coupant
sous le fil et en cas de difficulté technique, l’exérèse gauche peut être
indiquée pour des raisons de sécurité.
Même en cas d’insulinome céphalique profondément enchâssé,
l’énucléation reste indiquée et la duodénopancréatectomie céphalique
pour insulinome sporadique est d’indication exceptionnelle.
Une tumeur
paraissant profonde à l’exploration de la face antérieure paraîtra
superficielle lorsqu’elle sera abordée par en arrière au niveau de la face
postérieure de la tête.
La duodénopancréatectomie céphalique est réservée aux volumineux
insulinomes malins de la tête et sera complétée systématiquement par
un curage rétropancréatique, de l’artère hépatique commune et du
pédicule hépatique.
Toute l’intervention depuis l’induction anesthésique doit être réalisée
sous monitorage de la glycémie dans le sang périphérique toutes les
10 minutes.
Cette surveillance constante met le patient à l’abri de toute neuroglycopénie sans traduction clinique sous anesthésie générale, qui
pourrait aboutir à des dommages cérébraux irréversibles.
L’apport de
glucose par les perfusions est arrêté immédiatement après l’ablation de
la tumeur mais la remontée franche de la glycémie peut être différée.
Dès le début de l’intervention, des prélèvements périphériques
d’insuline sont réalisés.
Ils seront répétés 15 à 20 minutes après exérèse.
L’insulinémie devrait être redevenue à la normale, sa demi-vie étant de
cinq minutes.
La réalisation de prélèvements directement dans le sang veineux portal,
simultanément à la réalisation du prélèvement veineux périphérique
permet de mettre en évidence un gradient physiologique de 2
1
entre les
taux d’insulinémie portale et périphérique, mais n’apporte pas
d’élément supplémentaire quant à la confirmation du caractère complet
de l’exérèse.
La fermeture s’effectue sur drainage au contact de la loge d’énucléation
ou de la tranche pancréatique.
La pulvérisation d’une colle biologique au contact a souvent été
proposée sans qu’un réel intérêt ait pu être démontré.
Lorsque l’exploration chirurgicale a été négative, ne retrouvant pas de
tumeur pancréatique, y compris après échographie peropératoire, il n’y
a pas d’indication à réaliser des pancréatectomies « à l’aveugle » en
invoquant une hypothétique « hyperplasie ».
La possibilité d’hypoglycémie factice doit être envisagée et la
laparotomie sera refermée sans exérèse pancréatique, le patient sera
particulièrement surveillé cliniquement et biologiquement lors des
premières heures et jours postopératoires.
2- Gastrinome apparemment sporadique
:
Il faut toujours insister sur le caractère « apparemment sporadique du gastrinome ».
En effet, si 8 % des insulinomes seulement s’intègrent
dans le cadre d’une polyendocrinopathie (NEM I), c’est le cas de 40 %
au moins des gastrinomes.
Dans l’expérience de Zollinger, il a fallu jusqu’à 39 ans pour
qu’apparaisse l’endocrinopathie métachrone signant la polyendocrinopathie
NEM I.
Le risque de malignité du gastrinome est également beaucoup plus
élevé, de l’ordre de 40 %.
C’est une tumeur extrapancréatique, essentiellement duodénale. Les
gastrinomes pancréatiques peuvent être considérés comme des tumeurs
ectopiques et donc malignes.
La voie sera d’abord la même que pour l’insulinome, mais la technique
toute différente.
Le préambule d’exploration sous-mésocolique est particulièrement
impératif pour rechercher les gastrinomes ectopiques : ovariens,
mésentériques, jéjunaux.
À l’étage sus-mésocolique, la constatation d’une tumeur hépatique
unique n’est pas systématiquement synonyme de métastase.
De rares
observations ont été rapportées de gastrinomes primitifs hépatiques,
traités et guéris par résection.
Cette possibilité s’explique par
l’embryologie et, dans 8 % des autopsies de routine, du tissu
pancréatique hétérotopique a été retrouvé le long des canaux biliaires.
Plus que le pancréas, l’exploration concerne le classique triangle du gastrinome décrit par Passaro et Stabile où se situent au moins
80 % des gastrinomes, essentiellement duodénaux.
En pratique, ce triangle comprend la tête du pancréas, la jante duodénale
et la région immédiatement rétroduodénopancréatique ainsi que le
pédicule hépatique depuis le bord supérieur de D1 jusqu’au hile du foie.
Des gastrinomes ganglionnaires primitifs ont été décrits au niveau du
triangle.
Il s’agit en fait de métastases de microcarcinomes duodénaux
occultes méconnus par l’imagerie préopératoire et l’exploration
chirurgicale.
Dans le triangle du gastrinome, la fréquence du gastrinome duodénal va
en diminuant, du premier au quatrième duodénum.
L’exploration comporte un décollement rétropancréatique selon la
manoeuvre de Kocher.
Un des temps essentiel est le curage systématique
de tous les ganglions de ce triangle du gastrinome (région
rétropancréatique, pédicule hépatique) qui seront confiés à
l’extemporané.
Une exploration minutieuse est réalisée au niveau du petit pancréas, de
la face postérieure de la queue où se trouvent 10 % des gastrinomes.
Toute la glande est explorée et palpée. Une échographie pancréatique et
duodénale est effectuée, pouvant découvrir 10 %des gastrinomes ayant
échappé à la palpation.
Tout gastrinome pancréatique céphalique est énucléé. Une possible
hypertrophie diffuse du pancréas est la conséquence de la sécrétion de
gastrine, par ses effets trophiques et non pas sa cause.
Si les ganglions du triangle confiés pour examen anatomopathologique
extemporané sont envahis et qu’il n’existe pas de gastrinome
pancréatique évident, il est certain que le gastrinome est duodénal mais
la guérison n’est pas certaine.
S’ils ne le sont pas, le gastrinome est sans
doute de même origine et son exérèse devrait permettre la guérison.
On effectue alors la transillumination peropératoire qui permet de voir
des gastrinomes de quelques millimètres dont on effectuera l’exérèse en
barquette avec un lambeau de paroi duodénale.
La transillumination ne
dispense pas de réaliser une duodénotomie systématique car elle ne
permet pas d’objectiver les gastrinomes situés contre la jante
pancréatique.
Cette duodénotomie est large, du genu superius au genu
inferius.
Elle peut être complétée par une jéjunotomie en aval de l’angle
de Treitz.
Ainsi, entre le pouce et l’index qui aura été introduit dans la
lumière digestive, peut-on palper un microgastrinome de quelques
millimètres, toujours en situation sous-muqueuse et souvent camouflé
par l’hypertrophie brunérienne réactionnelle à l’hyperacidité.
Si elle est possible, la fermeture directe du duodénum se fera par surjet
ou points séparés en un plan extramuqueux de fil à résorption lente, 3/0
ou 4/0.
Si l’exérèse a été large, en raison du risque de suture sténosante,
une plastie duodénale ou un patch jéjunal pédiculisé, prélevé au niveau
de la deuxième anse, sera utilisé.
Il paraît raisonnable de terminer l’intervention par une cholécystectomie
de principe : elle éviterait la réintervention au cas où apparaîtraient
secondairement des métastases justifiant un traitement au long cours par
la somatostatine ou une chimioembolisation.
Les indications de duodénopancréatectomie céphalique dans le
gastrinome sont également exceptionnelles.
Elles sont réservées aux
gros gastrinomes périampullaires, aux adénopathies métastatiques
confluentes de la jante duodénopancréatique mais aussi dans le cas des
polyendocrinopathies aux gastrinomes duodénaux multiples.
3- Cas particuliers des polyendocrinopathies NEM I
:
Dans ces cas, l’indication opératoire aura été posée, soit en raison de
troubles liés à une hypergastrinémie prédominante sur le plan clinique,
soit d’un hyperinsulinisme à l’origine de la symptomatologie.
Dans ces cas, la parathyroïdectomie aura été faite préalablement à
l’intervention abdominale.
* Gastrinome et NEM I
:
En cas de NEM I prouvé, la cure chirurgicale de l’hyperparathyroïdie
précédera toujours celle du gastrinome car l’hypercalcémie réalise un
test de stimulation endogène de ces tumeurs, et le retour à la
normocalcémie peut diminuer notablement leur potentiel sécrétoire.
La localisation duodénale multiple d’un gastrinome est caractéristique
des NEM I.
Mais d’autres tumeurs endocrines, de siège
pancréatique, coexistent souvent.
Elles ne sécrètent pas de gastrine et
sont souvent les seules repérées par l’imagerie préopératoire ce qui
constitue un piège pour un chirurgien non averti.
Ces lésions pancréatiques sont multiples, associant micro- et macroadénomes et sécrètent des peptides divers, polypeptide
pancréatique, somatostatine, insuline, glucagon, etc.
La stratégie chirurgicale est la suivante, en l’absence de métastase
hépatique qui contre-indiquerait l’intervention.
– Pancréatectomie gauche de principe pour enlever la majorité des
tumeurs endocrines bénignes ou plus souvent malignes gastrino- ou non
gastrinosécrétantes.
– Énucléation de toutes les tumeurs pancréatiques céphaliques
détectées à la palpation et l’échographie peropératoire.
– Curage du triangle du gastrinome.
– Dans tous les cas, duodénotomie et excision des microgastrinomes
multiples retrouvés dans 60 à 90 % des cas, complétées par une
jéjunotomie proximale permettant de bien explorer le quatrième
duodénum et l’angle de Treitz.
– Contrôle hormonal peropératoire extemporané avant et après exérèse,
à l’état basal et après stimulation peropératoire par la sécrétine selon la
technique d’Imamura.
Cette stratégie complexe a conduit à l’eugastrinémie 91 %des patients,
avec un recul de 1 à 13 ans, dans l’expérience de N Thompson.
Nos
résultats confirment le bien-fondé de cette attitude plutôt que
l’abstention pure et simple ou l’intervention décidée seulement en cas
d’imagerie positive qui en général ne met en évidence, quel que soit le
procédé, que des adénopathies, des métastases ou d’autres tumeurs mais
pas la microtumeur elle-même.
* Insulinomes et NEM I
:
La stratégie est beaucoup plus simple : la pancréatectomie caudale avec
exérèse de toutes les tumeurs céphaliques palpées ou détectées par
l’échographie peropératoire sera réalisée et complétée par un dosage
extemporané d’insuline pré- et postexérèse.
Cette exérèse large et macroscopiquement complète donne les meilleurs
résultats et diminue au maximum les risques de reprise ultérieure
d’accident hypoglycémique.
* Autres tumeurs sécrétantes
:
Les glucagonome, vipome, tumeur à polypeptide pancréatique, à
Growth hormone realeasing factor (GRF), somatostatinome, sont très
rares et ne posent pas de problèmes chirurgicaux particuliers.
Ce sont des tumeurs malignes, d’évolution lente, développées plus
souvent à gauche qu’à droite du pancréas.
À la différence des insulinomes ou gastrinomes, il s’agit de lésions
volumineuses avec évolution locorégionale majeure signant la malignité
lors du diagnostic.
Les métastases hépatiques sont relativement tardives.
C’est à ce type de tumeur que s’adressent les exérèses réglées à but
carcinologique, soit droite, soit gauche, parfois étendues aux structures
adjacentes, en particulier la veine porte comme pour les tumeurs
endocrines, apparemment non sécrétantes ou non fonctionnelles.
B - Tumeurs endocrines apparemment non sécrétantes
ou non fonctionnelles :
Il s’agit habituellement de tumeurs volumineuses, souvent malignes et
l’on évoque en premier lieu des adénocarcinomes à marche lente.
Il n’y
a pas de signe clinique évoquant une éventuelle sécrétion hormonale et
les dosages hormonaux ne révèlent pas d’anomalie.
Dans ces cas, la réalisation d’une scintigraphie à la somatostatine
permet, si elle est positive, d’affirmer la nature endocrine de la
tumeur.
Ces tumeurs présentent souvent une extension veineuse, splénique,
mésentérique ou porte qui, à la différence des tumeurs exocrines, ne
représentent pas en elles-mêmes une contre-indication à l’exérèse.
Selon le siège et l’extension, l’intervention sera, soit une duodénopancréatectomie céphalique, une splénopancréatectomie
gauche, une duodénopancréatectomie totale ou subtotale conservant le
cadre duodénal et la voie biliaire principale.
Dans tous les cas, un large curage péripancréatique et du pédicule
hépatique sera effectué, parfois associé à un curage du tronc coeliaque.
S’il existe un thrombus isolé de la veine splénique, en rapport avec un
tumeur caudale, la résection de la veine avec suture par un surjet de fil
vasculaire 5.0. du confluent splénoportal est indiquée.
Si le thrombus atteint l’axe portal, une résection de la veine porte peut
être envisagée, terminée par une anastomose mésentéricoporte,
terminoterminale par deux hémisurjets de fil vasculaire 5.0. ou par un
greffon saphène en prévision duquel un champ opératoire aura été
préparé de façon adéquate avant l’intervention.
Compte tenu des possibilités de tractions sur le mésentère, une résection
veineuse mésentéricoportale est accessible à une suture directe sans
tension excessive, tant qu’elle n’excède pas 4 à 5 cm.
Ces tumeurs ne présentent pas de caractère spécifiquement chirurgical
lié à leur nature endocrine et leur traitement s’apparente plus au
traitement des tumeurs malignes du pancréas exocrine.
Compte tenu de
leur lenteur d’évolution, leur pronostic est meilleur et les limites de
l’exérèse doivent être poussées jusqu’aux limites du possible et du
raisonnable.
La mise en évidence de métastases hépatiques reste compatible avec une
survie prolongée sur plusieurs années.
Laparoscopie et traitement des tumeurs
endocrines du pancréas
:
Récemment, quelques tentatives ont montré la faisabilité du traitement
chirurgical laparoscopique des tumeurs endocrines du pancréas.
Dans ce cas, l’exploration de la glande par palpation manuelle fine ne
peut être réalisée.
Il est essentiel de disposer d’une imagerie
préopératoire multiple dont les résultats soient convergents, et de
pouvoir effectuer, lors de la laparoscopie, une exploration
échographique.
L’exploration de la partie antérieure de la tête du pancréas est possible
en décubitus dorsal ou latéral gauche après abaissement de l’angle droit.
Le décollement du bloc duodénopancréatique est réalisable mais
l’exploration de la face postérieure de la glande reste limitée et moins
satisfaisante que par le procédé conventionnel.
L’exploration du corps et de la queue du pancréas est tout à fait réalisable
en décubitus dorsal après large ouverture du ligament gastrocolique et
hémostase des vaisseaux par clips ou agrafages à l’endo-GIA.
En cas de tumeurs caudales très distales, l’intervention serait menée au
mieux en décubitus latéral droit, comme pour les surrénalectomies
laparoscopiques au cours desquelles après décollement splénique, on
voit très bien la queue du pancréas.
Une courte pancréatectomie caudale peut être réalisée par cette voie, en
utilisant l’endo GIA après libération de la queue par microcoagulation
bipolaire et clips.
L’utilisation
d’une suspension mécanique (Laparolift) dont les branches
sont glissées en arrière de l’estomac, facilite l’exploration de la glande
chez un patient en décubitus dorsal.
L’énucléation laparoscopique d’un adénome superficiel est
envisageable après que l’écholaparoscopie ait mis en évidence le canal
deWirsung à distance de l’adénome.
Cette énucléation est aujourd’hui plus délicate à réaliser que par
chirurgie conventionnelle ouverte.
La nécessité d’obtenir des contrôles peropératoires par dosage rapide
d’insuline est dans ces cas absolue.
L’abord laparoscopique nous paraît légitime pour les insulinomes
sporadiques, très discutables pour les gastrinomes, eu égard à la
spécificité de l’exploration duodénale, au risque de malignité et contreindiquée
en cas de polyendocrinopathie, où compte tenu de la
complexité du geste à réaliser devant les lésions multiples, la chirurgie
conventionnelle garde tous ses droits.
La chirurgie laparoscopique mini-invasive dont l’indication aurait pu
sembler dans tous les cas discutables, compte tenu des limites qu’elle
impose lors de l’exploration complète de la glande pancréatique, a
bénéficié du développement, de l’échoendoscopie fournissant une
imagerie préopératoire fiable et performante.