L’accès maniaque est un état d’excitation pathologique.
Il peut rentrer dans le cadre d’une maladie maniacodépressive
(MMD).
Diagnostic clinique
:
A - Forme typique
:
Elle est caractérisée par une hyperthymie expansive, une
tachypsychie avec une fuite des idées, une hyperactivité
désordonnée, et des troubles de certaines fonctions
végétatives, en particulier le sommeil.
L’état maniaque est en rupture avec l’état psychologique
antérieur présenté par le sujet, qui d’ailleurs nie le
caractère pathologique de ses troubles.
Le début de l’épisode maniaque fait souvent suite à une
phase dépressive.
Ce virage de l’humeur peut être brutal.
Il est spontané ou survient au cours d’un traitement antidépresseur.
Fréquemment, l’excitation s’installe de
manière rapidement progressive.
Parfois, le sujet se sent envahi par un sentiment d’euphorie
et de facilité.
Il manifeste un besoin d’expansivité et
d’activité intense, de caractère souvent intempestif,
extravagant et décousu.
Une diminution du temps de sommeil peut révéler un
état maniaque.
Enfin, une irritabilité, un débordement pulsionnel et une
excitation, à l’origine d’incidents, tels qu’un tapage
nocturne, un outrage à la pudeur, des démarches
intempestives ou des dépenses inconsidérées, marquent
parfois l’entrée dans une manie.
Chez un malade ayant présenté plusieurs accès, c’est
souvent le même symptôme qui a valeur d’alarme d’un
épisode à l’autre et qui est reconnu par le sujet luimême.
L’âge fréquent d’apparition se situe entre 20 et 50 ans.
B - Accès maniaque confirmé
:
• La présentation du malade est caractéristique et aide
à évoquer le diagnostic.
Il est volubile, jovial, a une
physionomie hypermimique.
De contact a priori facile,
il reste superficiel. Sa tenue est extravagante, débraillée.
Son discours est bruyant, avec des propos souvent familiers,
caustiques, entrecoupés de plaisanteries, de niaiseries
et parfois de chants ou de langage étrange.
Le patient est
logorrhéique et difficile à interrompre. Son activité est
exagérée.
La présentation contraste avec le comportement
habituel du sujet, plutôt réservé et pondéré.
• Les troubles de l’humeur sont caractérisés, d’une
part, par une exaltation euphorique, gaie et expansive.
Le malade vit intensément, perçoit le monde extérieur
comme une source inépuisable de plaisir.
Il se sent infatigable,
au meilleur de sa forme. Rien ne l’intimide, ce
qui peut entraîner une familiarité et une facilité.
Cette
humeur est indépendante du contexte, c’est-à-dire non
réactionnelle à l’environnement.
La versatilité, d’autre part, s’exprime par une impatience
et une intolérance.
Le sujet s’irrite à la moindre contrariété,
il a des réactions de colère.
Il présente un optimisme
entrecoupé de bouffées d’angoisse, d’agressivité alternant
avec des moments d’exubérance, de ravissement et de
bienveillance.
Pour certains, ce deuxième trouble de
l’humeur avec versatilité, irritabilité et des moments dépressifs est plus fréquent que l’exaltation.
Il est réactif
à l’environnement.
Le débordement instinctuel enfin détermine un relâchement
des censures morales et sociales, ainsi qu’une
excitation érotique.
• Les troubles de l’activité motrice correspondent à une
agitation constante, une hyperactivité incessante, dispersée,
improductive, ludique.
Le sujet apprécie se déguiser,
jouer des rôles, s’exhiber.
Dans les formes d’intensité
modérée, l’activité peut être efficace et orientée vers un
objectif précis.
La fureur maniaque est exceptionnelle et
se traduit par des mouvements incessants, des cris ainsi
qu’une brutalité destructrice.
• L’exaltation et l’accélération des processus psychiques
sont retrouvées.
C’est principalement la fuite
des idées ou tachypsychie qui définit la pensée
maniaque.
Cette dernière est inconsistante, malgré une
apparente richesse. Le sujet ne peut freiner ses pensées ;
elles se succèdent très rapidement dans la tête.
Il existe une logorrhée, c’est-à-dire un discours rapide,
et une graphorrhée, c’est-à-dire une écriture importante.
Les images et les souvenirs défilent et surgissent en
désordre.
Les associations d’idées sont rapides, par des
jeux de mots et des formules toutes faites.
Souvent les
liens entre les pensées sont inexistants avec passage du
coq à l’âne.
Ainsi les propos peuvent être désordonnés
voire incohérents.
L’attention s’éparpille au gré des sollicitations extérieures,
empêchant une réflexion et une synthèse.
Le
sujet est hypersyntone, c’est-à-dire sensible à de nombreux
détails qui échappent aux autres personnes ; toutefois
aucun détail ne le retient plus particulièrement.
L’hypermnésie est définie par l’évocation d’anecdotes,
de souvenirs et d’acquisitions scolaires, rapportés pour
le plaisir.
Une exaltation de l’imagination permet des tendances
fabulatrices, à thèmes mégalomaniaque et parfois mystique, persécutif, revendicatif ou érotomaniaque.
Souvent le
sujet maniaque n’adhère que partiellement à cette fantaisie
imaginative.
L’orientation temporospatiale est correcte, mais le
patient ne s’en soucie guère.
• Des troubles du contenu de la pensée sont retrouvés
chez le sujet maniaque.
Il a une perception positive de
son environnement et une vision optimiste de l’avenir.
Il se perçoit de manière inadaptée avec une augmentation
de l’estime de soi et de confiance dans ses compétences.
Ainsi, il peut évoquer des idées délirantes à thèmes
mégalomaniaque, mystique, de filiation et messianique.
Il se dit être investi d’une mission pour sauver le monde.
Cette symptomatologie se rencontre dans la forme de
manie délirante.
• Les troubles du sommeil constants sont une insomnie
précoce, rebelle, non pénible et qui ne disparaît qu’à la
fin de l’accès.
Le sujet maniaque ne se sent pas fatigué.
• Des signes généraux, avec une tendance à la déshydratation
et à l’hyperthermie, dépendent du degré
d’agitation.
Une tachycardie, une hypotension artérielle,
une augmentation de la faim et de la soif avec un amaigrissement, une hypersécrétion avec des sueurs
abondantes et une hypersalivation ainsi qu’une aménorrhée
peuvent être retrouvées.
• Les troubles du comportement s’expliquent par la
symptomatologie précédemment évoquée.
La conduite
du sujet peut engendrer des risques importants avec
achats inconsidérés, dépenses excessives, troubles des
conduites sexuelles…
• L’existence d’un épisode maniaque permet de faire
le diagnostic d’une maladie maniaco-dépressive de
forme bipolaire qui se compose d’accès dépressifs et
(ou) d’accès maniaques, et a une évolution périodique,
avec tendance à la répétition des accès.
• Le diagnostic de la maladie maniaco-dépressive repose
sur de nombreux arguments : anamnestiques, sémiologiques
et évolutifs.
Il est essentiellement clinique.
Premièrement, l’accès en cours
– dépressif ou maniaque
– doit être reconnu.
Deuxièmement, il est à inscrire dans
le cours évolutif d’une maladie maniaco-dépressive, par
la recherche d’antécédents personnels de troubles
cycliques de l’humeur et d’antécédents familiaux.
L’étude des antécédents personnels permet de retrouver
des accès dysthymiques antérieurs et de distinguer les
principales formes de la maladie.
La maladie maniacodépressive
bipolaire est définie par la survenue d’au
moins un accès de chaque sorte, excitation et dépression.
Un accès maniaque dans l’évolution suffit à affirmer le
caractère bipolaire de la maladie.
La maladie maniacodépressive
unipolaire correspond à la survenue exclusive
d’états dépressifs récurrents.
Forme la plus fréquente et
prédominant chez les femmes par rapport aux hommes,
elle survient volontiers chez un sujet présentant un
trouble de la personnalité : asthénie, manque de confiance
en soi, absence de souplesse dans l’adaptation, inhibition
et caractère consciencieux.
La recherche d’antécédents familiaux est nécessaire,
devant le caractère héréditaire de la maladie.
Ce dernier
est supérieur dans les formes bipolaires par rapport aux
formes unipolaires.
• L’évolution est rarement marquée par un épisode
isolé.
Elle varie d’un patient à l’autre et d’une forme à
l’autre.
Elle est périodique, avec une récurrence des accès.
En
moyenne, on retrouve 7 à 9 épisodes dans la forme
bipolaire.
La durée des accès est variable. Elle est généralement
plus courte dans la forme bipolaire.
Le traitement diminuerait
l’amplitude de la symptomatologie mais certainement
pas la durée, contrairement au lithium.
Un cycle correspond à un épisode et l’intervalle libre le
séparant de la phase suivante.
La durée des cycles tend à
diminuer avec chaque phase successive d’environ 20%
pour la forme unipolaire et 10 % pour la forme bipolaire.
Le premier cycle dure 1 an et demi à 3 ans pour la forme
bipolaire.
• Le pronostic a été considérablement amélioré par l’efficacité
des antidépresseurs dans les accès dépressifs,
des neuroleptiques dans l’accès maniaque et de la lithiothérapie
dans la prophylaxie des rechutes.
Lors d’un accès maniaque, le pronostic est essentiellement
en rapport avec les conséquences sociales, professionnelles,
affectives, familiales et financières de l’exubérance
euphorique.
Le pronostic global de la maladie dépend du caractère
plus ou moins invalidant de certaines formes, lui-même
en rapport avec le nombre d’épisodes, la durée des
cycles et l’intensité des oscillations thymiques.
Il est
aussi fonction de la qualité de la réponse au lithium.
• Les principes du traitement associent ceux de l’accès,
c’est-à-dire maniaque ou dépressif, et la prévention des
rechutes ou la lithiothérapie principalement.
Les formes
bipolaires seraient plus sensibles aux thymorégulateurs
que les formes unipolaires.
C - Formes symptomatiques
:
Elles sont nombreuses mais posent peu de problèmes
diagnostiques. Toutefois elles ont quelques particularités.
• La manie suraiguë se manifeste par une agitation et
une agressivité majeures et incessantes.
Cette forme grave
expose à un retentissement général et à la confusion.
• La manie délirante a une symptomatologie dont la
thématique délirante est généralement congruente à
l’humeur expansive, donc de contenu positif.
Ce sont
des idées de grandeur, de puissance, de filiation.
Toutefois, des thèmes de persécution, donc non
congruents à l’humeur, peuvent exister.
Le lien de ces
dernières avec des propos mégalomaniaques doit être
recherché.
Le délire est le plus souvent le résultat de la fantaisie
imaginative, des illusions perceptives.
Les propos incohérents sont surtout mobiles et passagers.
Toutefois, la conviction délirante peut être intense ;
ainsi, ces idées sont durables et persistent, et le diagnostic
est alors plus difficile.
Cette activité délirante entraîne parfois des conséquences
graves.
En effet, elle peut persister entre les épisodes
maniaques et évoluer indépendamment du trouble de
l’humeur d’origine. Dans certains cas, un diagnostic de
délire chronique, principalement de type paraphrénique,
est posé.
La manie délirante constitue une urgence psychiatrique
et impose un traitement spécifique.
• La manie confuse impose un traitement général en
urgence.
• La forme mineure de la manie ou l’accès hypomaniaque
est la forme la plus fréquente.
L’intensité de la
symptomatologie est atténuée.
Une hyperthymie euphorique et expansive et des
troubles du sommeil à type d’insomnie sont retrouvés.
L’excitation psychomotrice entraîne un sentiment de
facilité intellectuelle, une augmentation des performances
avec créativité excessive, et une hyperactivité mal
contrôlée avec des conséquences fâcheuses aux plans
affectif, social ou professionnel.
Il existe une logorrhée,
une mémoire vive ainsi qu’une imagination brillante et
inventive.
Les troubles du caractère s’expriment par une impatience,
un autoritarisme, une instabilité, une causticité et une
agressivité à l’origine de procès ou de petites dénonciations.
Le diagnostic de cette forme mineure est facile quand
elle survient chez un patient maniaco-dépressif connu.
Elle correspond à une crise maniaque ou à des oscillations
thymiques atténuées par le traitement chez le sujet déjà
traité.
Elle signe le caractère bipolaire de la maladie
maniaco-dépressive qui nécessite quelques mesures
thérapeutiques.
Par ailleurs, le diagnostic est difficile quand l’hypomanie
est la 1re manifestation pathologique de la maladie.
Le malade a tendance à méconnaître le caractère pathologique
de ses troubles.
Ainsi il est fréquemment difficile
de le convaincre de se soigner.
La rupture de cet état par rapport à l’état antérieur du
sujet aide au diagnostic.
Cette rupture est souvent rapportée
par l’entourage du patient.
• La fureur maniaque est définie par un état de fureur
où une agitation agressive et violente domine.
Elle est
rare. Non traitée, elle peut entraîner le décès par agitation
majeure, anorexie, insomnie totale. Parfois, elle pose un
problème de diagnostic avec la fureur épileptique.
Dans
cette dernière, les accès sont plus brefs, le début et la fin
sont brusques, une amnésie de la crise existe.
L’anamnèse et l’électroencéphalogramme permettent
souvent de faire le diagnostic.
Elle nécessite un traitement d’urgence, avec souvent une électroconvulsivothérapie d’emblée.
• Les états mixtes associent des symptômes maniaques
et des symptômes dépressifs, de manière relativement
stable dans le temps.
Diverses variétés ont été décrites initialement par
Kraepelin : association d’une exaltation de l’humeur à
une inhibition psychomotrice, association de thèmes
dépressifs et anxieux à une hyperactivité, une irritabilité
et une fuite des idées ou une mélancolie agitée.
Des
fluctuations rapides de l’humeur sont possibles : des
périodes d’extase alternant avec le désespoir ou la colère,
des thèmes de grandeur et de culpabilité coexistant,
ainsi que des moments d’euphorie délirantes à thèmes
de mission, de persécution et de résurrection survenant
après des bouffées d’angoisse avec peur de la mort et
damnation.
Ces formes symptomatiques sont relativement rares et
de diagnostic assez difficile. Elles s’observeraient surtout
chez les femmes.
Leur traitement est difficile, car elles résistent aux
prescriptions médicamenteuses habituelles de l’accès
maniaque.
D - Formes étiologiques
:
La manie aiguë est une « psychose endogène » qui oriente
vers le diagnostic de maladie maniaco-dépressive.
Un accès maniaque semble relever de facteurs circonstanciels.
Ont-ils une valeur étiologique ou correspondentils
à des occasions de révélation ou de récidive d’une
maladie maniaco-dépressive ?
Certains citent la manie de deuil ou consécutive à une
vive émotion, la manie sénile ou présénile, la manie
toxique, la manie post-traumatique après une phase de
coma, ainsi que les manies puerpérale, de la puberté et
de la ménopause.
Formes cliniques entraînant
des difficultés diagnostiques
:
A - États d’excitation « atypiques »
de la schizophrénie
:
L’atypicité se caractérise premièrement par l’absence
d’hypersyntonie et d’hyperesthésie affective qui évoque
un émoussement affectif. Deuxièmement, le discours est
flou et incohérent avec des éléments délirants fréquents
à thème, tels que l’influence, congruents à l’exaltation
de l’humeur.
Une discordance intellectuelle peut être
évoquée et faire penser au diagnostic de schizophrénie,
surtout si elle survient chez un sujet jeune.
Enfin, une
euphorie discordante et une agitation plus stéréotypée,
mécanique et pauvre, caractérisent une manie atypique.
Ils peuvent être un mode d’entrée dans la schizophrénie
ou un accès d’excitation s’intégrant dans l’évolution
d’une schizophrénie dysthymique.
Certains critères permettent d’orienter vers le diagnostic
de trouble thymique : l’absence de trouble psychopathologique
antérieur, des arguments cliniques contre une
dissociation affective, la prédominance d’idées délirantes
congruentes à l’humeur par rapport aux autres, la présence
d’antécédents familiaux de trouble de l’humeur.
La résolution complète de l’épisode signe le diagnostic
de trouble thymique.
B - États maniaques symptomatiques
d’affections organiques :
Il peut s’agir d’une pathologie endocrinienne, particulièrement
la maladie de Cushing.
Des pathologies neurologiques doivent également être
éliminées : d’une part les maladies encéphaliques telles
qu’une tumeur ou une encéphalite, et d’autre part une
pathologie neurologique frontale d’origine tumorale ou
atrophique (maladie de Pick).
Le patient présentant une
symptomatologie frontale est moins syntone et plus
déficitaire que le sujet maniaque.
Enfin, un épisode maniaque peut rentrer dans le cadre
d’un état post-traumatique.
C - États maniaques toxiques
et médicamenteux :
Chez un sujet jeune, une symptomatologie confuse doit
systématiquement faire rechercher une prise de
toxiques.
Une ivresse excito-motrice est de durée plus brève
qu’une manie.
Le diagnostic est souvent fait en urgence.
Des excitations surviennent parfois après la prise de
toxiques : cocaïne, haschich ou amphétamines.
Une excitation iatrogénique peut avoir comme origines
les corticoïdes, les antituberculeux tels que l’isoniazide,
ou la L-dopa.
D - Autres états d’agitation
:
Ils correspondent à la confusion mentale, l’agitation
anxieuse, la moria frontale, les états de dysphorie névrotique,
et les épisodes d’agitation des épileptiques.
Concernant ces derniers, ce sont des accès plus courts,
de début et fin brusques, la loquacité a tendance à l’exubérance,
et l’amnésie consécutive est plus prononcée.
L’anamnèse et l’électroencéphalogramme aident au
diagnostic.
L’examen clinique d’un patient présentant un syndrome
maniaque s’impose surtout devant l’existence de signes
confusionnels (désorientation temporospatiale, trouble
de la vigilance, perplexité anxieuse), démentiels, également
chez une personne âgée, ou chez un sujet sans
antécédents personnels ni familiaux de trouble de l’humeur.
Par ailleurs la survenue d’une symptomatologie
inhabituelle d’accès maniaque chez un patient ayant des
antécédents personnels de trouble thymique nécessite un
examen somatique.
Il en est de même dans le cas d’une
maladie organique, qui peut être à l’origine de troubles
ioniques ou métaboliques.
Évolution
:
La guérison spontanée de l’accès maniaque se fait en
5 à 6 mois en moyenne.
Sous traitement, la durée de l’épisode maniaque est
diminuée de 2 mois environ.
L’amélioration de l’exaltation de l’humeur et de l’agitation
motrice est progressive.
La fabulation délirante cède
assez vite, l’excitation diminue, la logorrhée et la dispersion
de l’activité sont plus lentes à disparaître.
La normalisation du trouble du sommeil est un bon critère
de guérison. Une phase dépressive succède souvent
à l’accès maniaque.
Aperçu psychopathologique
:
L’accès maniaque peut être défini par une « régression
soudaine aux stades infantiles de l’instinct antérieurs à
toute contrainte extérieure ». Les pulsions, surtout orales
prégénitales, se libèrent.
La manie précipite le sujet dans la satisfaction de ses
pulsions, comme pour échapper à l’angoisse.
En fait, 2 aspects, respectivement négatif et positif, sont
retrouvés simultanément.
D’une part, un aspect régressif
ou déficitaire est déterminé par des troubles des
fonctions de synthèse, et une altération de la lucidité.
D’autre part, un aspect positif de libération des instances
inférieures s’exprime par un comportement de jeu, une fiction ou une fabulation au plan imaginaire, et un
déchaînement des pulsions.
Le maniaque se livre à une sorte de dilatation de son
existence.
Il se projette au-delà de l’impossible présent
et volatilise la possibilité de sa puissance d’optimisme et
d’illusion.
Le fond du problème est la mélancolie contre laquelle
la manie apparaît comme une défense « toujours
secondaire ».
L’une renvoie à l’autre, comme étant
2 modalités symétriques de refuser le deuil.
C’est une pathologie affective, rapportée aux vicissitudes
des premières relations d’objet.
Des fixations progénitales,
c’est-à-dire orales-cannibaliques ou sadiquesanales,
existent par des failles du narcissisme.
En
conséquence, la relation d’objet n’est pas « négociable
» ; elle tend à opposer pour une même « victoire
narcissique » les 2 illusions symétriques, à savoir la
négation de tout et la mégalomanie.
Selon M. Klein, la « position dépressive » primitive du
nourrisson est un phénomène normal du 6e mois.
Son
élaboration pathologique conduit à la maladie maniacodépressive
par impossibilité de rétablir les « bons
objets », c’est-à-dire une image réparatrice des parents.
Le sujet reste fragile au sentiment de perte.
Il est conduit à « incorporer » ses objets, en s’exposant
à la destruction de lui-même plutôt qu’au renoncement
du deuil.
Principes de traitement
de l’accès maniaque
:
L’accès maniaque est une urgence psychiatrique.
L’intervention doit être précoce pour protéger le malade
contre lui-même, du fait de sa non-reconnaissance
de la pathologie et pour lui éviter les excès auxquels
l’exaltation de l’humeur et l’euphorie peuvent le conduire.
Ses projets sont démesurés, jusqu’à un risque de
ruine en quelques jours de sa situation familiale
ou professionnelle.
A - Hospitalisation en milieu spécialisé
psychiatrique :
Elle est nécessaire, en dehors des formes hypomaniaques
ou d’intensité modérée.
Une éventuelle
mesure d’hospitalisation à la demande d’un tiers ou
d’office s’impose, lorsque le patient présente des
troubles du comportement et (ou) des idées délirantes et
refuse l’hospitalisation.
Pour la protection des biens, le médecin peut être amené
à établir un certificat en vue de la mise en place d’une
sauvegarde de justice.
L’hospitalisation peut être évitée devant la survenue
d’accès hypomaniaques ou d’oscillations hypomaniaques
sous lithium, si le sujet accepte une chimiothérapie
comportant des neuroleptiques avec une surveillance à
intervalles très rapprochés (chlorpromazine [Largactil]
50 à 100 mg/j, et halopéridol [Haldol] 2 à 5 mg/j).
B - Traitement médicamenteux
:
Il dépend de l’intensité de la symptomatologie de l’épisode,
de la forme clinique et de la cause.
Un thymorégulateur est parfois prescrit en monothérapie
dans les formes d’intensité modérée.
Il s’agit du carbonate
de lithium (Téralithe), de la carbamazépine (Tégrétol)
ou du valpromide (Dépamide).
Le thymorégulateur a une action antimaniaque et est
relativement bien toléré. Toutefois, il agit après 7 à 10 j
de traitement.
• Le traitement comporte des neuroleptiques.
Le choix
du produit dépend des contre-indications, des traitements
proposés lors des accès antérieurs et des habitudes du
prescripteur.
On aura tendance à administrer un produit
ayant déjà montré une efficacité durant un épisode précédent.
Un traitement par halopéridol (Haldol) ou chlorpromazine
(Largactil) peut être prescrit.
Éventuellement,
une association à visée antiproductive type Haldol et
sédative type Largactil est proposée.
La voie d’administration
initiale est généralement intramusculaire.
La
posologie nécessaire est souvent élevée et impose une
surveillance de la fréquence cardiaque, de la tension
artérielle et de la température. Les doses quotidiennes
d’Haldol se situent entre 5 et 30 mg et de Largactil entre
150 et 600 mg.
Cette posologie est maintenue pendant
4 à 6 semaines puis est diminuée progressivement par
paliers en surveillant l’évolution de la symptomatologie
maniaque.
L’arrêt définitif du traitement médicamenteux
demande 3 à 6 mois.
La posologie est fonction du produit, des doses précédemment
prescrites et efficaces, et de la réactivité
lors des premières prises en tenant compte de l’action
sédative.
La prescription de correcteurs permet, si nécessaire, de
corriger les effets indésirables extrapyramidaux.
L’efficacité thérapeutique s’instaure à partir du 5e ou
du 6e jour du traitement par voie injectable.
L’évaluation
de l’action antimaniaque d’un neuroleptique nécessite
10 à 14 j de traitement.
À partir de ce moment-là,
devant une inefficacité, un changement de traitement est
envisagé : un autre neuroleptique ou l’association à un thymorégulateur.
L’amélioration progressive débute par la diminution de
l’agitation et des troubles du sommeil.
La tachypsychie
et l’exaltation de l’humeur s’atténuent plus tardivement.
Un virage de l’humeur vers le pôle dépressif est toujours
possible dans les suites d’un accès maniaque.
• L’association neuroleptique-régulateur de l’humeur
peut être prescrite devant l’accès maniaque.
L’arrêt des
neuroleptiques, dans ce cas, est souvent plus rapide,
étant donné l’activité antimaniaque du thymorégulateur.
La prophylaxie ultérieure par le thymorégulateur nécessite
l’accord du patient pour un traitement au long cours.
L’électroconvulsivothérapie a pour indication les formes
sévères, telles que la fureur maniaque, ou résistantes aux
traitements médicamenteux.
Devant un état mixte, un thymorégulateur est prescrit,
particulièrement la carbamazépine ou le valpromide.
• La lithiothérapie a plusieurs indications. Le lithium
a des activités antimaniaques puissante et antidépressive
plus faible.
C’est le traitement prophylactique d’accès dans le
cadre d’une maladie maniaco-dépressive.
Il est
débuté au cours de l’accès ou lors d’un intervalle
libre. Au long cours et à des doses adéquates, il permet
une diminution de la fréquence et de la gravité des
accès dépressifs ou maniaques.
L’adaptation de la
dose nécessite une surveillance régulière de la lithémie, qui doit être comprise dans une fourchette
thérapeutique entre 0,6 et 1,0 mEq/L (1,2 mEq/L avec
le Téralithe LP).
Les indications de la lithiothérapie concernent surtout
les malades dont les crises sont assez fréquentes pour
invalider l’existence.
De meilleurs résultats sont obtenus
dans les formes bipolaires (70 %) par rapport aux formes
unipolaires (50 %).
Si les crises sont espacées, l’indication
de cette thérapeutique dépend de la gravité et du type
des accès, de la durée des intervalles libres, du désir du
patient de se soumettre à un traitement et d’une surveillance
au long cours.
Après un premier accès, certains thérapeutes sursoient
à la lithiothérapie, car ils ne connaissent pas le mode
évolutif de la maladie.
Si l’accès survient dans le cours évolutif d’une
maladie maniaco-dépressive confirmée, l’indication
de la lithiothérapie est justifiée.
Elle doit être
proposée dès le début de l’accès devant les propriétés
curatives du lithium, retardées par rapport à l’efficacité
des neuroleptiques ; elles demandent 10 à 15 jours.
Elle est prescrite en association secondaire aux neuroleptiques
quand ceux-ci ont permis une sédation
suffisante à l’excitation motrice pour la mise en
route du lithium.
Le délai avant l’instauration de la lithiothérapie peut être utilisé pour la pratique du
bilan préalable nécessaire.
• L’association neuroleptique-lithium est le traitement
de choix de l’accès maniaque. Les neuroleptiques
permettent la diminution de l’agitation dès les 1ers jours.
Le lithium est prescrit à des doses progressives après le
bilan systématique et sous surveillance de la lithémie.
Son action survient au cours de la 2e semaine et permet
de diminuer la posologie des neuroleptiques.
La lithiothérapie
amorce la cure d’entretien par cette même
molécule.
• À long terme, le traitement de l’accès maniaque est
celui de la maladie maniaco-dépressive bipolaire, donc
la prophylaxie des rechutes et des récidives.
Dans le cadre d’une maladie maniaco-dépressive bipolaire,
les sels de lithium type carbonate de lithium
(Téralithe), la carbamazépine (Tégrétol) ou le valpromide
(Dépamide) sont des traitements préventifs des rechutes
et des récidives.
Dans le cas d’une maladie maniaco-dépressive, ce sont
essentiellement les antidépresseurs au long cours ou les thymorégulateurs (Téralithe ou Tégrétol) qui ont cette
indication.
Dans le cadre d’une pathologie schizophrénique et plus
particulièrement d’une schizophrénie dysthymique, une
prescription au long cours de thymorégulateur peut être
associée à celle des neuroleptiques ou antipsychotiques.
Toutefois, la prophylaxie des rechutes par le régulateur
de l’humeur est inférieure à celle retrouvée lors d’une
maladie maniaco-dépressive.
Lors de la présence d’une pathologie organique, le traitement
est celui de cette dernière.
Et l’accès maniaque
nécessite les mêmes mesures que lors d’une maladie
maniaco-dépressive. Seulement, dans le cas de maladies
neurologiques, il est nécessaire de rappeler la moindre
efficacité et surtout la moins bonne tolérance des
psychotropes.
Devant un accès maniaque d’origine toxique ou iatrogénique,
la prise de la substance en cause doit être arrêtée
dans la mesure du possible. Ensuite, le traitement est le
même que celui décrit précédemment.