Mécanismes et expression clinique du rejet de la greffe et de la maladie du greffon contre l’hôte Cours d'Immunologie
Les mécanismes immunologiques complexes du rejet d’une
allogreffe et de la maladie du greffon contre l’hôte font
intervenir les différents éléments du système immunitaire
qui concourent au rejet du non-soi par deux processus complémentaires
:
l’immunité cellulaire, dépendant principalement
des cellules T et des cytokines, et l’immunité humorale,
médiée par les anticorps produits par les cellules B.
Le système immunitaire, dont le rôle est de protéger l’individu
contre toute substance étrangère, est caractérisé par
sa spécificité pour l’antigène, sa capacité à distinguer les
antigènes du soi et du non-soi et enfin par sa mémoire pour
permettre une réponse anamnestique plus forte lors de la
réintroduction de l’antigène initial.
Parmi les nombreuses
substances antigéniques faisant l’objet d’un polymorphisme
au sein de l’espèce (allotypes), la principale cible
du rejet de greffe est l’ensemble des antigènes itssulaires,
codés par des gènes exprimés à la surface des membranes
cellulaires, définissant les systèmes d’histocompatibilité.
Trois principaux systèmes interviennent dans le rejet de
greffe :
1) le système des groupes sanguins ABO et Lewis
correspond à des molécules tissulaires très fortement antigéniques
;
2) le système HLA (Human Leucocyte Antigen) code pour l’identité du soi (HLA classe I) et le contrôle du
rejet du non-soi (HLA classe II) ;
3) un ensemble d’autres
systèmes d’histocompatibilité appelés mineurs qui codent
pour des antigènes de transplantation présentés sous forme
de peptides en association avec les produits du complexe
majeur d’histocompatibilité (CMH) du donneur ou du receveur.
L’expression clinique du rejet d’allogreffe est étroitement
liée à la nature de l’organe greffé, à l’intensité du rejet (suraigu,
aigu ou chronique) et aux possibilités de manipuler
la réponse immunologique du receveur afin d’éviter la réaction
de rejet par le receveur en cas de greffe d’organe, ou
par le greffon lui-même vis-à-vis de son hôte en cas de
greffe de moelle.
Principaux éléments
du système immunitaire impliqués
dans le rejet de greffe
et de la maladie du greffon
contre l’hôte
:
A - Cellules :
1- Cellules présentant l’antigène
:
Les cellules de la lignée monocytes-macrophages, comprenant
les monocytes du sang circulant et les macrophages tissulaires, constituent les principales cellules présentatrices
d’antigènes aux lymphocytes T.
L’antigène étranger
est capté, internalisé, puis dégradé par une action enzymatique.
Cette transformation produit des peptides allogéniques,
qui sont ensuite exprimés à la surface des monocytes-
macrophages en association avec les molécules HLA
de classe II.
Cette étape s’accompagne, entre autres, de la
sécrétion de cytokines (tumor necrosis factor a, interleukine
1, interleukine 6) et d’enzymes (protéases, lysozyme)
par le monocyte-macrophage.
D’autres cellules non phagocytaires
peuvent intervenir dans la présentation de peptides allogéniques, notamment les cellules dendritiques du
thymus et des tissus, les cellules de Langerhans de l’épiderme
et des lymphocytes B.
2- Lymphocytes
:
Ils ont un rôle majeur dans la réponse immunitaire cellulaire
et agissent directement comme cellules effectrices.
Chez l’homme, tous les lymphocytes T expriment le récepteur
CD2, mais la voie majeure d’activation lymphocytaire
T dépend de l’acquisition d’un récepteur TCR (T Cell
Receptor) spécifique de l’antigène et couplé au CD3 sous
la forme d’un complexe CD3/TCR à la surface cellulaire,
qui rend les cellules T immunologiquement fonctionnelles.
Le complexe CD3 transmet à l’intérieur de la cellule un
signal d’activation lorsque le TCR est stimulé par l’antigène.
• Trente pour cent des lymphocytes T circulants expriment
le récepteur CD8, qui reconnaît les antigènes d’histocompatibilité
de classe I.
Deux types de lymphocytes T
portent le marqueur CD8 : les lymphocytes T cytotoxiques
exerçant une cytotoxicité directe sur les cellules cibles sans
l’intermédiaire d’une cellule présentatrice d’antigènes et
les lymphocytes T suppresseurs qui modulent l’activité des
cellules B et T.
• Soixante-dix pour cent des lymphocytes T circulants
expriment le marqueur CD4.
Ils sont appelés lymphocytes
T auxiliaires ou « helper » et reconnaissent les antigènes
d’histocompatibilité de classe II.
Ils participent à la transformation
des lymphocytes B en cellules productrices d’anticorps
et à la différenciation des cellules T cytotoxiques.
On distingue 2 types de sous-populations lymphocytaires
CD4+ selon leur profil de sécrétion de cytokines après stimulation
antigénique :
1) les CD4+ Th1 sécrètent de l’interleukine
2 (IL-2), de l’interféron g (IFg), activent les
macrophages et sont également responsables de l’hypersensibilité
retardée ;
2) les lymphocytes CD4+ Th2 secrètent
de l’IL-4, de l’IL-5 et de l’IL-10, entraînent la production
d’IgE, la stimulation des éosinophiles et des
mastocytes.
Les lymphocytes T CD4+ Th1 exercent une
action inhibitrice sur les Th2 et réciproquement.
• Molécules d’adhésion : les interactions cellulaires font
intervenir avec l’adhésion des lymphocytes T, différents
types de cellules : les macrophages, les cellules B avec lesquelles
ils coopèrent, et les cellules-cibles d’une réaction
de cytotoxicité.
Le CD3/TCR établit une liaison spécifique
avec ces différentes cellules, mais d’autres molécules ou
adhésines favorisent l’adhésion en se fixant sur leurs
ligands spécifiques : LFA I (lymphocyte function associated antigen) avec ICAM 1 (inter cellular adhesion molecule),
CD2 avec LFA3, CD4 avec HLA II et CD8 avec HLA
I.
3- Lymphocytes B
:
Les lymphocytes B matures expriment à leur surface des
immunoglobulines IgM ou IgD, qui jouent le rôle de récepteurs
spécifiques de l’antigène, et différents marqueurs de
surface, dont les molécules HLA de classe I et de classe II.
Après stimulation antigénique, ils prolifèrent en présence
d’IL-4, puis se différencient en plasmocytes en présence
d’IL-6.
Le plasmocyte sécrète initialement des immunoglobulines
de type M, de même spécificité que l’IgM de
surface exprimée par le lymphocyte B, puis lors d’une
seconde stimulation antigénique (réponse secondaire) des
IgG ou d’autres immunoglobulines d’isotype différent (IgA
ou E) exprimant la même région variable qui caractérise la
reconnaissance de l’antigène.
4- Cellules NK (natural killer)
et cellules K (killer)
:
Les cellules NK représentent environ 2 % des lymphocytes
périphériques circulants.
Non restreintes par le système
majeur d’histocompatibilité, elles nadhèrent pas et ne phagocytent
pas, mais peuvent reconnaître par leur récepteur
pour le fragment Fc des immunoglobulines, différentes cellules
cibles recouvertes d’anticorps.
Leur cytotoxicité correspond
alors au phénomène de cytotoxicité dépendante
des anticorps (ADCC : antibody dependent cellular cytotoxicity),
à médiation cellulaire en l’absence de complément.
Ces cellules sont alors appelées cellules K.
B - Cytokines
:
Les cytokines, glycoprotéines solubles, sont sécrétées par
certaines sous-populations lymphocytaires T et par les monocytes.
Elles agissent à distance lors d’une réaction
inflammatoire mais surtout permettent l’activation des cellules
du système immunitaire (lymphocytes B, T, macrophages),
des cellules responsables des réponses cytotoxiques
et de celles liées à l’hypersensibilité retardée.
• L’interleukine I (IL-1), sécrétée par les monocytesmacrophages,
est la première cytokine intervenant dans la
maturation et l’activation des lymphocytes B et T après
contact antigénique et contrôle l’induction des récepteurs
de l’IL-2.
• L’interleukine 2 (IL-2) est au centre de la réaction de
rejet de greffe et représente la cible de plusieurs traitements
immunosuppresseurs (ciclosporine, anticorps monoclonaux).
Elle est produite par les lymphocytes T CD4+ Th1
après stimulation antigénique en présence d’IL-1.
L’IL-2
n’agit que sur les lymphocytes T activés exprimant un
récepteur de haute affinité pour cette cytokine (IL-2 R).
Elle stimule leur prolifération, ainsi que la production de
cytokines par les lymphocytes T CD4+ et la cytotoxicité
des lymphocytes T CD8+.
Elle est indispensable à l’expression
de l’hypersensibilité retardée. Elle stimule également
la prolifération des lymphocytes B et la production
d’immunoglobulines.
• L’interleukine 4 (IL-4) synthétisée par les lymphocytes
T CD4+ Th2, agit sur la prolifération des lymphocytes B,
la production d’immunoglobulines et induit l’expression
des antigènes de classe II. L’IL-4 peut également agir sur
les macrophages en augmentant leur cytotoxicité.
• L’interleukine 6 (IL-6) synthétisée par les monocytesmacrophages
et les lymphocytes B et T, induit la prolifération
des lymphocytes B et la différenciation en plasmocytes
avec production d’immunoglobulines.
Elle active les
lymphocytes T, induit la différenciation des lymphocytes
cytotoxiques et des monocytes en macrophages avec augmentation
de la phagocytose.
• L’interféron g(IFN g), produit par les lymphocytes T activés,
est un puissant activateur des macrophages.
Il augmente
l’expression des molécules de classe II à la surface des macrophages et des lymphocytes B.
Il augmente également
l’activité des lymphocytes cytotoxiques et des cellules NK ainsi que sa propre synthèse.
C - Antigènes exprimés
par les cellules du greffon :
Trois groupes d’antigènes exprimés en abondance à la surface
des membranes cellulaires sont impliqués dans les
mécanismes immunologiques du rejet de greffe.
1- Antigènes du complexe pajeur
d’histocompatibilité (CMH)
:
Les gènes codant les antigènes d’histocompatibilité, qui
interviennent dans l’identité du soi (HLA classe I) et le
contrôle du rejet du non soi ou régulation de la réponse
immune (HLA classe II), sont situés sur le bras court du
chromosome 6 et réunis dans le complexe majeur d’histocompatibilité
(CMH) découvert par Jean Dausset en 1958.
Le typage HLA d’un individu, initialement par technique
sérologique ou de microlymphotoxicité et maintenant par
biologie moléculaire, permet de définir les produits
géniques issus de chaque chromosome parental et donc ses
2 haplotypes.
Les antigènes HLA de classe I, sont la cible
de la lymphototoxicité due aux cellules T CD8+.
Les antigènes
HLA de classe II, qui présentent l’antigène aux cellules
T CD4+, induisent la transformation blastique des
cellules T dans la réaction lymphocytaire mixte.
Les antigènes HLA de classe I sont constitués de 2 chaînes
polypeptidiques : une chaîne lourde de 45 kDa, codée dans
le CMH, qui porte la variabilité et est associée de façon non
covalente à une chaîne légère, codée en dehors du CMH
(chromosome 5), identique pour toutes les molécules : la b2
microglobuline.
Les antigènes HLA A et B sont les principaux
antigènes HLA de classe I et correspondent aux produits
des 2 locus majeurs de classe I du CMH: HLA A et
HLA B.
Il existe un troisième locus de classe I, HLA C, situé
entre HLA A et B.
Les antigènes HLA C sont moins immunogéniques et, en pratique, ont une importance moindre dans
les typages tissulaires réalisés.
Les antigènes HLA de classe
I sont exprimés par toutes les cellules nucléées de l’organisme.
Les cellules lymphoïdes expriment beaucoup plus
d’antigènes HLA de classe I que les cellules parenchymateuses.
À ce jour, plus de 120 allèles de HLA classe I ont été
mis en évidence.
De nouveaux gènes appartenant au système
HLA classe I ont été récemment mis en évidence : E,
F, G, H, J et pourraient avoir un rôle dans le rejet de greffe.
Les antigènes HLA de classe II sont des glycoprotéines
transmembranaires, hétérodimériques comportant une
chaîne a et une chaine b associées de manière non covalente.
La région du CMH codant les antigènes de classe II,
appelée HLA D, est subdivisée en 3 sous-régions : HLA
DP, DQ et DR.
Les antigènes HLA de classe II sont exprimés
par certaines types cellulaires seulement : lymphocytes
B, macrophages, cellules endothéliales et cellules dendritiques.
À ce jour, plus de 150 allèles ont été mis en évidence.
L’expression des antigènes HLA, notamment de
classe II, est augmentée pendant le rejet.
Les infections
virales associées à un rejet jouent le rôle d’inducteur puissant
pour l’expression des antigènes HLA par l’intermédiaire
d’une sécrétion d’IFNg.
2- Antigènes des groupes sanguins
:
• Système ABO : les antigènes de groupes sanguins érythrocytaires
ABO sont de puissants antigènes de transplantation.
Le locus ABO a 3 allèles A, B et O : gènes A
et B condominants, gène O récessif avec 4 génotypes possibles
(A, B, AB, O).
Les antigènes A et B sont présents
sur les hématies, mais aussi sur certaines cellules épithéliales
et endothéliales.
Des anticorps anti-A ou anti-B
immuns, encore appelés allo-anticorps, peuvent apparaître
à la suite d’une immunisation (grossesse, transfusions).
La
compatibilité dans le système ABO doit être rigoureusement
respectée pour toute transplantation d’organe.
• Autres systèmes antigéniques des groupes sanguins : de
nombreux autres alloantigènes sont portés par les globules
rouges notamment antigène Rhésus, antigènes des groupes
Kell, Duffy et Kidd.
À la différence des antigènes A et B,
il n’existe pas d’anticorps naturels contre ces autres systèmes
antigéniques érythrocytaires, qui peuvent être néanmoins
responsables d’allo-immunisation.
En pratique, la
compatibilité dans tous ces autres systèmes antigéniques
des groupes sanguins n’est pas requise pour réaliser une
transplantation d’organe.
3- Antigènes mineurs d’hostocompatibilité
:
Le rôle de certains antigènes indépendants du CMH et du
système ABO dans le rejet des greffes est démontré par la
survenue de rejet chez des receveurs d’allogreffe HLA
identiques.
La nature des antigènes mineurs d’histocompatibilité
est encore mal connue.
Il s’agit principalement
d’antigènes exprimés par les cellules endothéliales vasculaires
et par les monocytes du donneur.
Les cellules endothéliales
qui expriment les antigènes de classe I et II, les
antigènes du système ABO sont des cibles privilégiées des
réactions de rejet.
Le rôle des antigènes mineurs d’histocompatibilité
est variable selon l’organe greffé.
L’antigène érythrocytaire Lewis et des antigènes mâles, codés par le
chromosome Y, pourraient être impliqués dans le rejet de
greffe d’organe et dans la maladie du greffon contre l’hôte.
Mécanisme du rejet de greffe
:
L’étape initiale majeure de la réaction de rejet est la reconnaissance
des antigènes étrangers du greffon par les éléments
du système immunitaire après présentation par les cellules
présentatrices d’antigènes aux lymphocytes T CD4+ qui permet
alors l’activation en cascade et la différenciation des différentes
cellules du système immunitaire.
L’importance relative
des différents mécanismes effecteurs du rejet est difficile
à apprécier, mais tous concourent à l’apparition des lésions
histologiques caractéristiques du rejet d’allogreffe.
A - Anticorps et complément :
mécanisme humoral :
Les anticorps présents chez le receveur se fixent sur un antigène
du greffon.
Le complexe antigène-anticorps active le
système du complément, avec afflux et activation des polynucléaires
neutrophiles et des macrophages, aboutissant à la
lyse cellulaire qui représente l’étape finale.
Ce mécanisme
explique le rejet vasculaire suraigu.
Les anticorps préformés
après sensibilisation préalable aux alloantigènes (notamment
HLA de classe I et groupes sanguin A, B, O) sont détectés
par la positivité du cross match avant la transplantation
(sérum du receveur mis en présence avec les lymphocytes B
et T du donneur) qui contre-indique la greffe.
B - Cellules t cytotoxiques :
Les cellules T CD8+, en collaboration avec les cellules T
CD4+ qui sécrètent de l’IL-2, détruisent les cellules du
greffon par reconnaissance des antigènes HLA de classe I
(ou parfois de classe II), après contact, synthèse de perforine
et lyse de la membrane de la cellule-cible, ou bien par
induction d’une apoptose (mort cellulaire programmée).
Ce type de rejet, fréquent, avec infiltration du greffon par
des cellules mononucléées, notamment des cellules T activées,
peut entraîner une fibrose mutilante.
C - Cytotoxicité dépendante des anticorps :
ADCC
Les cellules NK sont en nombre très important dans le greffon
au cours des réactions de rejet.
Les cellules K du receveur
se fixent, par l’intermédiaire de leur récepteur du fragment Fc, sur les cellules du greffon recouvertes d’anticorps
et entraînent leur lyse sans intervention du complément.
Ce mécanisme pourrait être mis en jeu dans les lésions de vascularite observées au cours du rejet chronique.
D - Hypersensibilité retardée :
Les lymphocytes CD4+ reconnaissant les antigènes HLA
de classe II du greffon permettent de recruter et d’activer
des macrophages.
Ces derniers libèrent des enzymes lysosomiales
et entraînent la luse de la cellule cible du greffon.
Peu de lymphocytes T sont nécessaires pour recruter un
grand nombre de macrophages et entraîner des dégâts cellulaires
importants.
Expression clinique
du rejet d’allogreffe d’organe :
Le rejet est un phénomène constant, sans périodicité, dont
le diagnostic est avant tout histologique.
L’expression clinique
du rejet de greffe varie selon des facteurs génétiques
et la nature de l’organe transplanté.
A- Rejet suraigu
:
Il se manifeste dans les heures qui suivent le rétablissement
de la continuité vasculaire par un infarctus du transplant,
parfois associé à une coagulopathie de consommation.
Des
rejets suraigus peuvent survenir en l’absence d’anticorps
préformés détectés par le cross match.
B - Rejet aigu :
Il survient à partir du 4e jour après la greffe et se traduit par
des signes généraux, fonctionnels et biologiques qui varient
selon l’organe transplanté.
1- Après transplantation rénale
:
Le rejet aigu précoce plus fréquent au cours des premiers
mois peut associer : fièvre, augmentation du volume ou de
la sensibilité du greffon, prise de poids avec chute de la
diurèse, apparition ou majoration d’une hypetension artérielle.
Biologiquement, apparaissent une insuffisance
rénale, une baisse de la natriurèse et parfois une protéinurie.
La biopsie rénale affirme le diagnostic et apprécie la
gravité et l’étendue des lésions.
2- Après transplantation cardiaque
:
Le rejet aigu, plus fréquent dans les 6 premiers mois, est
le plus souvent asymptomatique diagnostiqué par la surveillance
échographique (diminution de la contractilité segmentaire
ou globale) et histologique systématiques.
Les
signes cliniques ou électriques, beaucoup trop tardifs,
témoignent d’un rejet aigu gravissime.
La biopsie endomyocardique
permet d’affirmer le diagnostic et de classer
le rejet selon sa gravité histologique.
3- Après transplantation pulmonaire
:
Le rejet reste souvent asymptomatique et est diagnostiqué
par la surveillance systématique clinique, spirométrique
(baisse du peak-flow et les débits distaux) et radiologique
(infiltrats interstitiels parfois seulement visibles au scanner).
Les biopsies transbronchiques avec lavage bronchioalvéolaire
permettent de différencier l’infection du rejet,
qui peuvent coexister, et d’apprécier la sévérité histologique
des lésions.
4- Après transplantation hépatique
:
Le rejet aigu peut être asymptomatique ou se traduire cliniquement
par une asthénie, une fièvre, une hépatomégalie,
une ascite ou un ictère.
Souvent, seules des anomalies
biologiques isolées, cholestase ou cytolyse, motivent la
biopsie qui va confirmer la diagnostic.
5- Après transplantation pancréatique
:
La survenue du rejet pose un problème diagnostique en
l’absence de marqueur précoce du rejet du pancréas endocrine.
En cas de greffe combinée rein-pancréas, l’élévation
de la créatininémie est considérée comme le marqueur le
plus fiable du rejet pancréatique.
La biopsie à l’aiguille,
délicate techniquement et non dénuée de risques, reste d’interprétation
difficile.
C - Rejet chronique
:
Le rejet chronique, d’étiologie multiple mais avant tout
immunologique, est responsable d’une altération progressive
et irréversible de la fonction du greffon.
Histologiquement,
il réalise une vasculopathie chronique spécifique
de l’organe greffé, essentiellement fibrosante et proliférante.
Les lésions d’artériosclérose accélérée du greffon
diffèrent de celles de l’athérome classique, car elles sont
diffuses et circonférentielles, avec hyperplasie concentrique
de l’intima, respectant la limitante élastique interne et
d’évolution rapide en quelques mois.
La symptomatologie du rejet chronique varie selon l’organe
greffé.
Après transplantation rénale, il se traduit par
une insuffisance rénale lentement progressive et une hypertension
artérielle parfois associées à une protéinurie.
Après
transplantation cardiaque, se développe une coronaropathie
chronique indolore, car l’angor est asymptomatique
sur un coeur dénervé.
L’apparition de signes cliniques d’insuffisance
cardiaque est très tardive.
Après transplantation
pulmonaire, apparaissent des lésions de bronchiolite oblitérante
avec symptômes d’insuffisance respiratoire chronique
(dyspnée, surinfection).
Après transplantation hépatique,
le rejet chronique se traduit par une cholestase
biologique isolée, puis par un ictère progressif évoluant
vers une insuffisance hépatocellulaire.
Après transplantation
pancréatique, réapparaissent une insulinodépendance
et (ou) une insuffisance rénale en cas de transplantation rein-pancréas.
Dans tous les cas, le seul traitement du rejet chronique est
la retransplantation avec un risque de récidive accrue sur
le deuxième greffon.
Le meilleur traitement est avant tout
préventif par le diagnostic et le traitement précoces des épisodes
de rejet aigus et la lutte contre les autres facteurs de
risque de la maladie athéromateuse.
Mécanismes et expression clinique
de la maladie du greffon contre l’hôte :
Lorsque le receveur est incapable de rejeter une greffe allogénique,
par déficit immunitaire pathologique ou consécutif
à l’immunosuppression, et si le greffon contient des
lymphocytes T, ces derniers peuvent reconnaître les antigènes
du receveur et induire une réaction du greffon contre
l’hôte (GVHD : graft versus host disease).
La GVHD
nécessite :
1) une différence d’histocompatibilité entre donneur
et receveur ;
2) la présence de cellules immunocompétentes
dans le greffon capables de réagir contre les antigènes
d’histocompatibilité de l’hôte et
3) une impossibilité
du receveur de rejeter la greffe.
Les mécanismes immunologiques sont incomplètement
connus, mais la GVHD est liée à l’activation des lymphocytes
T matures du greffon (donneur) qui reconnaissent les antigènes majeurs et mineurs différents du système HLA
du receveur.
L’activité cytotoxique est, soit directe par les
lymphocytes CD8+, soit indirecte par le recrutement
d’autres cellules effectrices et la sécrétion de cytokines
(IFNg, IL-1, TNF).
Certains agents microbiens, notamment
à partir de la flore digestive, pourraient avoir une antigénicité
croisée avec des alloantigènes de l’hôte ou causer
une activation non spécifique des macrophages ou des cellules
présentatrices d’antigènes.
A- GVHD aiguë
:
Elle survient généralement dans les 100 jours suivant la
greffe, la plupart du temps entre 2 et 5 semaines, avec une
fréquence de 30 à 70 % selon la greffe considérée malgré
le traitement préventif.
Les trois organes cibles sont : la
peau, le foie et le tube digestif.
La GVHD aiguë est classée
en 4 grades de gravité croissante, selon le degré d’atteinte
des 3 organes-cibles et avec altération plus ou moins
marquée de l’état général : grades I et II de pronostic favorable,
grade III de pronostic réservé, grade IV presque toujours
mortel.
1- Peau
:
Il s’agit d’une éruption maculopapuleuse, puririgineuse,
inflammatoire, d’évolution fluctuante, touchant le visage,
la paume des mains et la plante des pieds, doulouruse dans
les deux derniers territoires.
Elle peut s’étendre au tronc,
à la racine des membres puis à l’ensemble du tégument.
Toutes les formes sont possibles depuis l’éruption localisée
jusqu’au syndrome de Lyell.
Les muqueuses peuvent
être atteintes (conjonctive, organes génitaux externes).
Le diagnostic de certitude est histologique : foyers de nécrose,
vacuolisation des cellules basales de l’épiderme, oedème et
infiltration du sous-épiderme et habituellement mais
inconstamment e immunomarquage, des lymphocytes T
CD8+.
2- Tube digestif
:
L’atteinte du tube digestif est souvent retardée.
Elle s’exprime
typiquement par une diarrhée à quantifier, avec douleurs
abdominales et vomissements. Des hémorragies
digestives sont possibles.
En cas d’atteinte colique basse,
un syndrome rectal peut être au premier plan.
Les biopsies,
rarement indiquées, peuvent révéler une atrophie villositaire,
une destruction des cryptes intestinales et une infiltration
lymphocytaire de la lamina propria.
3- Foie
:
L’atteinte hépatique se traduit par un ictère d’intensité
variable, avec dytolyse initiale régressant progressivement
alors que se développe une cholestase sans insuffisance
hépatocellulaire.
L’histologie retrouve des foyers de
nécrose éosinophile, une destruction des canaux biliaires,
une hypertrophie des cellules de Küpffer et des infiltrats
lymphocytaires péribiliaires.
Elle est indispensable au pronostic
et guide le traitement.
B - GHVD chronique
:
Par définition, la GHVD chronique, généralement mais non
constamment précédée par une GVHD aiguë, apparaît plus
de 100 jours après la greffe, mais ses manifestations peuvent
être plus précoces.
Elle survient chez environ 50 % des patients et atteint, à des degrés variables, la peau, les
muqueuses et le foie.
Elle est classée en formes limitées
(peau et (ou) maladies hépatiques) ou extensives.
La symptomatologie
de la GVHD chronique évoque certaines maladies
systémiques, dites « auto-immunes » (sclédermie, syndrome
de Gougerot-Sjögren ou cirrhose biliaire primitive).
La GVHD chronique entraîne la persistance d’un déficit
immunitaire responsable d’infections tardives potentiellement
mortelles (infections à CMV, aspergillose).
1- Peau et muqueuses
:
L’atteinte cutanée est quasi constante avec des zones d’hyper
ou d’hypopigmentation, planes (type lichen plan) ou
associées à des papules, avec de formes lichéniennes ou
scléreuses.
Il peut s’agir d’une éruption érythémateuse diffuse
avec desquamation survenant après exposition solaire,
sur un territoire irradié ou sur des lésions infectieuses
(zona).
L’atteinte muqueuse entraîne un syndrome sec buccal
et oculaire de type syndrome de Gougerot-Sjögren.
Histologiquement,
existent une nécrose péithéliale, un infiltrat
mononucléé riche en cellules CD8+ et une fibrose
épithéliale et sous-épithaliale.
2- Foie
:
L’atteinte hépatique, très fréquente (95 % des cas), se traduit
par une cytolyse hépatique d’intensité variable et une cholestase parfois responsable d’un ictère.
Elle peut mimer
une cirrhose biliaire primitive.
Le diagnostic est surtout
histologique : atteinte des canaux biliaires mejure avec parfois
leur destruction complète, infiltrats inflammatoires
péribiliaires avec différenciation plasmocytaire et destruction
hépatocytaire au contact des lymphocytes.
3- Autres manifestations
:
La GVHD chronique s’accompagne de l’apparition d’autoanticorps
dans 10 à 60 % des cas : anticorps antinucléaires,
anticorps anti-DNA et anti-muscle lisse, plus récemment
anticorps anticytosquelette et antinucléolaires.
Des
tableaux évolués peuvent être observés avec différentes
atteintes évocatrices d’une maladie systématique proche
de la sclérodermie.
L’atteinte oculaire, parfois asymptomatique
dépistée par le test de Shirmer, est caractérisée par
une kérato-conjonctivite sèche avec irritation et photophobie.
L’atteinte pulmonaire grave réalise un tableau de
bronchiolite oblitérante avec pneumopathie obstructive résistante aux bronchodilatateurs, qui assombrit le pronostic
vital.
L’atteinte digestive est rare au cours de la GVHD chronique, mais peut entraîner des troubles de la
motricité oesophagienne.
Des neuropathies périphériques, polymyosites voire myasthénies sont possibles.
Les arthropathies
sont secondaires aux rétractions tendineuses et à
l’amyotrophie d’origine mixte, spécifique liée à la GVHD,
et cortisonique.