Les porphyries héréditaires sont un groupe de maladies liées
chacune au déficit d’une des enzymes intervenant dans la
biosynthèse de l’hème.
Il en résulte une accumulation des
porphyrines et/ou de leurs précurseurs dans certains tissus et dans
les milieux d’excrétion.
Selon le tissu où prédomine le trouble métabolique, on distingue
actuellement deux groupes de porphyries :
– les porphyries hépatiques : porphyrie aiguë intermittente, coproporphyrie héréditaire, porphyries aiguës, porphyrie variegata,
porphyrie de Doss, porphyrie cutanée ;
– les porphyries érythropoïétiques : porphyrie érythropoïétique
congénitale (maladie de Günther), protoporphyrie.
Ce sont ces dernières que nous envisageons ici, après un bref rappel
métabolique.
Biosynthèse de l’hème :
A - STRUCTURE DES PORPHYRINES :
Les porphyrines sont des pigments rouges de structure cyclique,
tétrapyrrolique, chaque noyau pyrrole (A, B, C, D) étant lié à deux
homologues par un pont méthène (-CH =) placé entre deux
carbones a Des substituants variables placés sur les carbones b permettent de
définir des types de porphyrines : URO = acétyl et propionyl ;
COPRO = méthyl et propionyl ; PROTO = méthyl et vinyl, etc.
Bien que ces substituants puissent eux-mêmes être disposés selon
quatre modes, les uns par rapport aux autres, seuls les types I et III
sont trouvés dans la nature.
Dans le type I, les substituants alternent régulièrement.
Dans le type III, il y a inversion des substituants sur le noyau pyrrole D.
La liaison d’un atome de fer à un noyau protoporphyrique donne
naissance à un noyau « hème », groupement prosthétique de
l’hémoglobine ainsi que de nombreuses protéines (hémoprotéines)
telles la myoglobine, les cytochromes, la catalase, la peroxydase, etc.
B - BIOSYNTHÈSE DE L’HÈME :
Chaque étape est catalysée par une enzyme spécifique : tandis que
la première et les trois dernières étapes ont lieu dans la
mitochondrie, les autres ont lieu dans le cytoplasme.
Il faut souligner
que les isomères du type I ne peuvent être métabolisés au-delà de la coproporphyrine et que, par conséquent, ils ne sont pas transformés
en hème.
C - RÉGULATION DE LA BIOSYNTHÈSE DE L’HÈME :
1- Foie :
C’est dans le foie qu’elle est le mieux connue.
La chaîne métabolique
conduisant à l’hème possède deux enzymes limitantes (c’est-à-dire
déterminant l’activité du reste de la chaîne) in vitro : l’acide deltaaminolévulinique
(ALA) synthétase et la porphobilinogène (PBG)
désaminase.
Cependant, nous n’envisageons que la régulation de
l’activité de l’ALA synthétase, car la PBG désaminase ne semble pas
avoir in vivo un rôle limitant dans les conditions habituelles.
L’hème, produit final de la chaîne de biosynthèse, exerce un
rétrocontrôle négatif sur l’ALA synthétase ; plusieurs mécanismes
interviennent.
– L’inhibition de l’enzyme a été démontrée in vitro, mais à des
concentrations d’hème très élevées (10–4 M), ce qui n’a pas de
signification sur le plan physiologique.
– La répression de la synthèse de l’ALA synthétase par l’hème a, en
revanche, une importance fondamentale : c’est à des concentrations
physiologiques (10–8 à 10–7 M) que l’hème s’oppose à l’induction de
l’ALA synthétase par certaines drogues.
Certains auteurs ont
démontré le mécanisme suivant pour expliquer ce rétrocontrôle :
l’ALA synthétase est synthétisée dans le cytoplasme puis transférée
dans la mitochondrie ; l’hème inhiberait ce transfert ou empêcherait
la transformation de la forme cytoplasmique en une forme de plus
petite taille susceptible de pénétrer dans la mitochondrie.
– D’autres auteurs ont montré que l’hème agissait, soit au niveau
de la transcription (diminution de la synthèse de l’acide
ribonucléique [ARN] messager), soit au niveau de la traduction comparablement au rôle joué par la cycloheximide dans le blocage
de la synthèse des protéines.
– Enfin, de nombreuses drogues liposolubles (barbituriques,
sulfamides, etc) ou des hormones stéroïdiennes (notamment de
structure 5-bH tel l’étiocholanolone) peuvent induire une
augmentation considérable de l’activité de l’ALA synthétase.
Cet
accroissement d’activité est lié à une hypersynthèse de l’enzyme par
diminution de rétrocontrôle exercé par l’hème : en effet, le pool
d’hème libre dans la cellule a diminué, que ce soit par
consommation trop importante (synthèse de cytochrome P450 par
exemple) ou par diminution de la synthèse de l’hème.
2- Moelle osseuse
:
Les nombreuses différences constatées dans les mécanismes de
régulation de la biosynthèse de l’hème entre le foie et la moelle
osseuse ont maintenant une explication logique : il a été démontré
qu’il existe deux formes isozymiques d’ALA synthétase : une forme
hépatique et une forme érythroïde.
Ces deux formes ont une grande
part de leur structure pratiquement identique ; le gène de cette part
commune est sur le chromosome 3 ; le gène de la part spécifique de
l’enzyme du globule rouge est sur le chromosome X.
Un mécanisme de rétrocontrôle de l’ALA synthétase par l’hème
existe certainement aussi.
Il jouerait très probablement non pas au
niveau de la transcription, mais à celui de la traduction.
Le rôle du fer semble en fait majeur dans le contrôle posttranscriptionnel
de la biosynthèse de l’ALA synthétase : un motif
structural répondant spécifiquement au fer (iron responsive element
[IRE]) a été identifié sur l’ARN messager de l’ALA synthétase
érythrocytaire ; il est absent pour l’ALA synthétase hépatique (ce
motif est semblable à ceux qui ont été démontrés pour la ferritine
ou la transferrine).
On peut donc être pratiquement certain que la
traduction de l’ARN messager de l’ALA synthétase érythrocytaire
est contrôlée par le fer disponible dans la cellule pendant
l’érythropoïèse : quand le fer intracellulaire est trop peu concentré,
une protéine fixée sur le motif IRE empêcherait la traduction de
l’ARN messager.
Si le fer augmente, la traduction s’amplifie et la protoporphyrine est synthétisée proportionnellement au fer présent,
pour aboutir à l’hème.
L’hème détermine à son tour la synthèse des
chaînes de globine.
Signalons enfin que la plupart des inducteurs (médicaments
liposolubles notamment) de la biosynthèse de l’hème dans les
cellules hépatiques sont sans effet sur les cellules érythropoïétiques ;
en revanche, l’hypoxie et l’érythropoïétine sont efficaces sur ces
dernières.
Les hormones stéroïdiennes (5-bH) sont les seuls
inducteurs communs aux deux systèmes.
En conclusion, les mécanismes de régulation semblent différents
dans le foie ou la moelle osseuse.
Ces différences sont
vraisemblablement liées à l’existence d’enzymes non similaires
(isoenzymes).
Porphyrie érythropoïétique
congénitale (maladie de Günther)
:
C’est une affection exceptionnelle : une centaine de cas confirmés
ont été décrits depuis 1915, et il faut savoir être prudent avant
d’affirmer ce diagnostic, encore trop souvent utilisé pour décrire une
porphyrie cutanée familiale infantile.
La répartition de cette
porphyrie est universelle, et elle atteint également les deux sexes.
A - DONNÉES CLINIQUES :
C’est la constatation d’urines rouges dès les premières heures, ou en
tout cas les premiers mois de la vie qui va faire évoquer ce
diagnostic, d’autant que les premières expositions au soleil font
apparaître une éruption bulleuse de photosensibilisation.
Cette éruption est caractéristique par sa topographie (parties découvertes) et son aspect : les bulles, le plus souvent de la taille
d’une lentille, contiennent une sérosité claire, rarement
hémorragique.
Après 5 à 7 jours, les bulles se dessèchent et sont
remplacées par une croûte noirâtre ; plusieurs semaines peuvent
s’écouler avant la chute de la croûte, qui laisse une cicatrice souvent creusante et pigmentée, parfois au contraire blanchâtre.
Les bulles
apparaissent par poussées, avec coexistence d’éléments d’âges
différents.
Il est souvent difficile d’éviter une surinfection des bulles
qui, outre son retentissement sur l’état général de l’enfant, peut
entraîner des ulcérations déformantes, des pertes de substance
aboutissant à des mutilations plus ou moins importantes touchant
surtout l’extrémité des doigts et les oreilles, mais aussi le nez et les
paupières.
Les placards d’alopécie, les cicatrices chéloïdes, la
sclérodermie des extrémités ne sont pas rares.
Cette éruption bulleuse est en règle associée aux éléments suivants :
– une hypertrichose (comparable au lanugo) prédominant sur la
face et parfois les extrémités ;
– une érythrodontie, frappant la première dentition (l’aspect des
dents, plus noires que rouges, désole particulièrement les parents) ;
il faut éviter de faire le test de fluorescence classique (les dents sous
lumière ultraviolette [UV], émettent une fluorescence rouge intense)
car il déclenche automatiquement une violente éruption bulleuse sur
la face ;
– une pigmentation brune de la peau sur les régions découvertes ;
– plus rarement, on peut noter une hépatomégalie, une
splénomégalie dont l’importance et la date d’apparition sont très
variables ; des lésions oculaires (bulles sur la conjonctive, la cornée,
les paupières) avec parfois des séquelles fonctionnelles graves.
La gravité de cette maladie était autrefois surtout liée à deux
facteurs : la surinfection des lésions cutanées et la survenue
imprévisible d’une anémie aiguë par hémolyse.
Si, grâce aux
antibiotiques, la surinfection cutanée a considérablement perdu de
sa gravité, il n’en va pas de même pour les poussées hémolytiques :
l’âge de leur apparition et leur fréquence sont variables, elles sont
souvent précoces (première enfance) pouvant se répéter pendant les
premiers mois pour disparaître parfois pendant plusieurs années.
Nous verrons les données hématologiques actuelles sur ce
point.
Quoi qu’il en soit, le pronostic vital de ces malades s’est en
moyenne nettement amélioré.
Quelques cas de maladie de Günther d’apparition tardive (âge
adulte) ont été décrits : il s’agit là de formes atténuées, souvent
prises pour des porphyries cutanées symptomatiques.
Le syndrome
hémolytique reste infraclinique.
L’hypothèse, la plus répandue, était
qu’il s’agissait de formes hétérozygotes.
Il a en fait été démontré
qu’il s’agissait là aussi d’homozygotes.
L’apparition relativement
tardive et l’atténuation des manifestations cliniques ont été
attribuées à des mutations moins délétères que celles trouvées dans
la forme grave de l’enfant.
B - DONNÉES HÉMATOLOGIQUES :
Il est assez fréquent de constater, chez ces malades, une hémolyse
chronique intermittente entraînant une anémie normochrome avec
augmentation du taux des réticulocytes et des normoblastes
circulants.
Dans la moelle osseuse, l’anomalie majeure est la constatation sous
UV de la fluorescence rouge intense des globules rouges nucléés, un
peu moins marquée dans les réticulocytes : les porphyrines sont
réparties essentiellement dans le noyau des normoblastes (surtout
les plus âgés).
Les normoblastes fluorescents présentent des anomalies
morphologiques :
– inclusions nucléaires plus ou moins nombreuses, colorées en noir
par la benzidine et fluorescentes sous UV ;
– dans leur cytoplasme, on constaterait une vacuolisation et la
présence de granulations basophiles, de granites ferreux et de
cristaux de porphyrines en forme d’aiguille.
C - DONNÉES BIOCHIMIQUES :
– Urines : tandis que les précurseurs sont normaux, l’URO et la
COPRO sont très élevées (on note également une discrète élévation
des porphyrines à 3, 5, 6 et 7 -COOH).
Ces porphyrines sont
essentiellement du type isomérique I (90 à 98 %), bien qu’en valeur
absolue on constate souvent une augmentation discrète du type III.
– Autres milieux : le même type d’anomalies est constaté dans les
autres milieux (selles, plasma).
Dans les globules rouges, on constate
également une élévation importante de l’URO (type I), plus discrète
de la COPRO.
La PROTO est à un taux rarement plus élevé que
dans les anémies hémolytiques habituelles. Toutes ces anomalies
subissent des variations saisonnières (renforcement en été), voire
journalières.
D - ANOMALIE ENZYMATIQUE :
Romeo et Levin ont démontré qu’il existe en fait chez ces malades
un déficit important (au moins 80 %) en URO cosynthétase, ce qui
rend logique l’élévation très grande du taux des isomères du type I.
Ce déficit serait compensé par une augmentation du flux
métabolique sur cette voie (augmentation d’activité de la PBG
désaminase) et un allongement du temps de maturation des cellules
érythrocytaires, d’où le maintien d’un taux normal d’hémoglobine.
Ces auteurs ont également démontré que l’URO cosynthétase avait
un taux intermédiaire chez les porteurs hétérozygotes et que ce
déficit se retrouve dans la porphyrie similaire des bovins, de
l’écureuil, du chat, du porc, etc.
E - GÉNÉTIQUE
:
Rappelons que la maladie de Günther est (avec la porphyrie de Doss) la seule porphyrie de transmission récessive et autosomique.
On a décrit, chez les parents hétérozygotes (cliniquement toujours
normaux), un taux intermédiaire de cosynthétase et une discrète
augmentation des porphyrines érythrocytaires.
L’étude des
porphyrines du liquide amniotique et la mesure de l’activité de
l’URO cosynthétase des cellules amniotiques permettent
actuellement d’établir un diagnostic prénatal de cette maladie.
En
cas de foetus atteint, le liquide amniotique est très riche en URO I et
l’activité de l’URO cosynthétase des cellules amniotiques est
effondrée.
F - ÉVOLUTION ET TRAITEMENT :
Le pronostic de cette maladie a été considérablement amélioré par
la survenue des antibiotiques, qui limitent d’une façon efficace les
surinfections des lésions cutanées.
Il faut savoir détecter une poussée
hémolytique, mais cet accident reste souvent limité et ce n’est
qu’exceptionnellement que son intensité et sa fréquence amènent à
pratiquer des transfusions répétées et/ou une splénectomie.
La
greffe de la moelle osseuse est très prometteuse ; bien qu’elle
comporte aussi des risques importants, plusieurs cas traités avec
grand succès ont déjà été décrits : la disparition de la
photosensibilité est spectaculaire et s’accompagne d’un retour à la
normale des anomalies biologiques.
G - BIOLOGIE MOLÉCULAIRE :
Il faut signaler que la plupart des malades sont des doubles
hétérozygotes (porteurs d’une mutation différente sur chaque allèle),
à l’exception bien sûr des malades issus de parents apparentés, qui
sont de « vrais » homozygotes.
Il semble exister une certaine
corrélation entre le type de la mutation (génotype) et la gravité de la
maladie (phénotype) : par exemple, les malades homoalléliques pour
la mutation C73R (remplacement d’une cystéine par une arginine)
ont une maladie très grave, en revanche certains malades
hétéroalléliques semblent plus ou moins protégés par la mutation
associée.
H - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL : PORPHYRIE HÉPATOÉRYTHROPOÏÉTIQUE
En 1973, Hofstad et al publièrent un cas cliniquement semblable à
une porphyrie érythropoïétique congénitale qui présentait des
anomalies biologiques très différentes de celles habituellement
rencontrées dans ce cadre : dans les urines, les métabolites
intermédiaires entre l’uro- (8 carboxyles) et la coproporphyrine-
(4 carboxyles) étaient très augmentés, en particulier le dérivé
heptacarboxylique ; 50 % des porphyrines étaient du type
isomérique III.
Un isomère de la coproporphyrine (isocoproporphyrine)
était présent non seulement dans les porphyrines
fécales et urinaires, mais aussi dans la moelle osseuse, le plasma et
le foie ; les érythrocytes ne contenaient que de la protoporphyrine.
Ces données étaient très proches de celles qui sont rencontrées dans
une porphyrie hépatique appelée « cutanée ».
Le nom de cette
porphyrie (hépatoérythropoïétique) fut choisi puisque tous les
auteurs décrivant ces cas suggèrent que les porphyrines étaient
synthétisées en excès à la fois dans la moelle osseuse et le foie.
En 1981, Elder et al démontrèrent que ces cas étaient en fait des
porphyries cutanées homozygotes, avec un déficit de 80 % de
l’uroporphyrinogène III décarboxylase, tandis que l’on retrouvait
cette enzyme déficitaire de 50 % chez les deux parents.
La similitude clinique avec la porphyrie érythropoïétique
congénitale impose donc un bilan biologique et enzymatique très
complet avant d’affirmer le diagnostic : la notion du type isomérique
des porphyrines et la détermination du déficit enzymatique
spécifique sont essentielles.
Protoporphyrie :
Cette porphyrie, encore appelée protoporphyrie érythrohépatique ou
érythropoïétique, est la dernière porphyrie individualisée, en 1961.
Contrairement aux précédentes, elle serait (pour certains auteurs) à
la fois hépatique et érythropoïétique, et, fait majeur qui explique
pourquoi elle a été individualisée relativement tard, les urines des
malades ne présentent aucune anomalie dans leur taux de
porphyrines.
A - CLINIQUE
:
Il s’agit d’une photosensibilité dont l’expression est couramment
étiquetée « urticaire solaire » ; quelques minutes après
l’exposition à la lumière solaire surviennent sur les parties
découvertes un prurit plus ou moins intense et surtout une sensation
de brûlure très vive, suivis d’un érythème discrètement oedémateux.
L’évolution des lésions est variable, pouvant aller de la régression
rapide sans cicatrice au passage à des lésions eczémateuses
persistantes et laissant des cicatrices plus ou moins déprimées.
Ces
lésions peuvent être obtenues expérimentalement en irradiant la
peau avec un faisceau lumineux d’une longueur d’onde voisine de
400 nm (proche UV), correspondant à la bande d’absorption
lumineuse maximale des porphyrines.
Les lésions surviennent le plus souvent chez le sujet dès l’enfance,
parfois même pendant la première année ; mais il n’est pas rare de
découvrir la maladie chez des sujets adultes présentant une très
discrète photosensibilité, voire même au cours d’une exploration
familiale systématique.
L’évolution de cette porphyrie est
habituellement bénigne, cependant, on a décrit quelques
complications :
– la plus fréquente est la survenue d’une lithiase biliaire : les calculs
sont constitués alors presque essentiellement de protoporphyrine
(PROTO) ;
– une cirrhose est également à craindre chez ces malades (1 à 2 %),
avec souvent une évolution rapidement défavorable : à l’autopsie, le
foie apparaît noir, finement nodulaire.
Des dépôts massifs de
pigments (PROTO) sont retrouvés dans les cellules de Küpffer, les
canalicules biliaires, parfois même le cytoplasme parenchymateux
et les espaces porte ;
– une anémie hypochromique discrète n’est pas rare ; on a
également décrit un processus hémolytique et une anémie
sidéroblastique.
Cependant, le métabolisme du fer est presque
toujours normal dans ces cas.
B - DONNÉES BIOLOGIQUES :
– Sang : l’élévation importante de la PROTO érythrocytaire est le
caractère le plus constant de cette maladie ; cette élévation est
variable chez le même malade, avec souvent une accentuation
notable pendant la belle saison.
Une fluorescence rouge sous UV est
décelable dans quelques normoblastes, mais surtout dans les
réticulocytes et dans la fraction la plus jeune des cellules
érythrocytaires ; les cellules plus mûres ne sont pas fluorescentes,
car la PROTO est déversée facilement dans le plasma.
Contrairement
aux deux autres cas d’élévation de la PROTO érythrocytaire (anémie
en voie de réparation et saturnisme), la PROTO est libre, alors
qu’elle forme un complexe avec le zinc dans les autres cas.
Les
érythrocytes riches en PROTO sont facilement hémolysés sous
irradiation lumineuse à 400 nm.
– Selles : une élévation nette de la PROTO fécale est souvent
retrouvée chez ces malades, mais ce caractère n’est pas constant.
– Urines : leur normalité est habituelle. Une élévation de la coproporphyrinurie devrait faire rechercher systématiquement une
complication hépatique.
C - ANOMALIE ENZYMATIQUE :
Plusieurs équipes ont démontré le déficit enzymatique spécifique de
cette maladie : que ce soit dans la moelle osseuse, les lymphocytes,
le foie ou les fibroblastes, la ferrochélatase (ou hème synthétase) a
une activité de 30 à 50 % par rapport à la normale.
Le point non résolu pour cette porphyrie est celui de la source du
taux anormal de la PROTO : tandis que certains auteurs affirment
que la majeure partie de cette porphyrine est synthétisée dans le
foie (la PROTO fécale serait parfois plus élevée journellement que la
quantité comprise dans l’ensemble des globules rouges circulants ;
certains sujets auraient une PROTO fécale élevée sans élévation
notable dans les érythrocytes ; l’ALA synthétase hépatique serait
assez souvent modérément élevée), d’autres considèrent que seule
la moelle osseuse est ici en jeu (la PROTO fécale peut être estimée
avoir été synthétisée dans les réticulocytes, puis déversée dans le
plasma d’où elle est captée par le foie ; les anomalies hépatiques
vues chez certains malades peuvent être secondaires à
l’accumulation de la PROTO d’origine érythrocytaire) ; il serait donc
en fait inutile de postuler l’existence d’une hypersynthèse hépatique
dans cette maladie.
L’utilisation récente de la transplantation hépatique pour sauver
des malades en insuffisance terminale a permis de confirmer
l’origine médullaire très prédominante (si ce n’est exclusive) de la PROTO en excès dans l’organisme : en effet, le taux de la PROTO
érythrocytaire reste chez tous les malades au moins dix fois
supérieur à la normale, malgré l’apport d’un tissu hépatique
fonctionnel et non enzymatiquement déficitaire.
D - GÉNÉTIQUE :
La protoporphyrie est transmise chez l’homme en général selon le
mode dominant et autosomique ; on a décrit une maladie identique
chez le bovin, de transmission récessive.
La pénétrance de la maladie
est variable, et les sujets « porteurs », sans traduction phénotypique,
ne sont pas rares.
Il a été démontré récemment que la plupart des
malades présentent non seulement un gène délétère mais aussi un
gène normal « faible » (reçu du parent sain) ; ainsi s’explique leur
activité enzymatique, presque toujours nettement inférieure à 50 %
de la normale, et le fait que beaucoup de porteurs ne présentent pas
d’expression clinique s’ils n’ont reçu que le gène délétère.
Plusieurs cas homozygotes ont été publiés : cliniquement et
biochimiquement rien ne permet de les distinguer des autres cas,
sauf l’effondrement de la ferrochélatase lymphocytaire (10 % de la
normale).
E - TRAITEMENT :
Le bêtacarotène administré per os exerce un effet relativement
efficace dans la protection de ces malades contre les effets de la
lumière solaire.
Il formerait un complexe avec la PROTO de la peau,
empêchant ainsi sa transformation en produit phototoxique. Aucun
effet toxique du bêtacarotène n’a été relevé, en particulier pas
d’augmentation de la vitamine A.
La transplantation hépatique
semble actuellement le seul traitement efficace dans les formes avec
atteinte sévère du foie.
Le chirurgien doit éviter les complications
liées aux brûlures profondes peropératoires.
F - BIOLOGIE MOLÉCULAIRE :
L’hétérogénéité des mutations semble très importante comme
dans toutes les porphyries.