Physiologie de l’hémostase
Cours de Médecine Dentaire
Introduction
:
Toute rupture de l’intégrité du circuit vasculaire à
l’origine d’une fuite sanguine, déclenche une série
de processus cellulaires et biochimiques assurant
l’obturation de la brèche et le contrôle de l’hémorragie.
L’hémostase répond à l’ensemble de ces
mécanismes physiologiques et comprend plusieurs
étapes intriquées et interdépendantes qu’il
convient d’isoler par souci descriptif en :
• hémostase primaire, première étape d’urgence
du contrôle hémorragique, conduisant
au thrombus plaquettaire en une durée de 3 à
5 minutes ;
• hémostase secondaire, ou coagulation plasmatique,
dont le rôle est de consolider le thrombus
plaquettaire par la constitution d’un réseau
protéique de fibrine en une durée de 5 à
10 minutes ;
• fibrinolyse assurant secondairement la dégradation
enzymatique de la masse fibrinoplaquettaire
à l’issue de la réparation vasculaire
en une durée de 48 à 72 heures.
L’ensemble de ces processus est étroitement
régulé par la mise en oeuvre d’un système très
complexe d’activateurs et d’inhibiteurs, permettant
à l’hémostase de se développer au foyer même
de la brèche vasculaire sans extension à distance.
Hémostase primaire
:
Il s’agit de l’ensemble des mécanismes physiologiques
conduisant à l’obturation initiale de la brèche
vasculaire et aux premières étapes de sa réparation.
Le clou plaquettaire, ou thrombus blanc, est
le produit final de l’hémostase primaire qui est
secondairement consolidé par la mise en oeuvre des
processus de la coagulation.
Quatre acteurs principaux dominent cette
phase : les composants de la paroi vasculaire, les
plaquettes sanguines, et deux protéines plasmatiques
qui sont le fibrinogène et le facteur Willebrand
(VWF).
Nous allons les décrire brièvement
avant d’aborder les différentes étapes de leurs
interactions conduisant au thrombus plaquettaire.
A - Partenaires de l’hémostase primaire :
1- Paroi vasculaire :
La composition anatomique des vaisseaux repose
sur un assemblage de plusieurs couches cellulaires
et non cellulaires variant selon la nature et le
calibre vasculaire.
On retrouve, de dedans en dehors,
la monocouche de cellules endothéliales, les
cellules musculaires lisses et la couche externe de
tissu conjonctif ou adventice.
La propriété fondamentale de la paroi vasculaire,
qui sous-tend l’équilibre physiologique des
mécanismes de l’hémostase, est l’hémocompatibilité
de la cellule endothéliale au repos qui est ainsi thromborésistante en prévenant l’activation du
système de la coagulation.
En revanche, la cellule
endothéliale activée et surtout les structures sousendothéliales
sont hautement thrombogènes.
Toute rupture de l’intégrité de la couche endothéliale
met ainsi à nu les structures sousendothéliales
qui, en contact direct avec le sang
circulant, induisent les phénomènes de l’hémostase
primaire et de la coagulation à l’origine d’un
thrombus.
* Cellule endothéliale :
Les cellules endothéliales tapissent la surface interne
de la lumière vasculaire et sont agencées en
une monocouche de cellules cohésives dont les
propriétés sont nombreuses et varient en fonction
de leur état d’activation : thrombomodulation,
production protéique, perméabilité sélective assurant
les échanges entre le sang et le milieu intérieur.
Les cellules endothéliales sont arrimées sur
une couche de macromolécules qu’elles synthétisent
elles-mêmes et qui sont très thrombogènes :
collagène, fibronectine, laminine, VWF, glycosaminoglycanes.
La thromborésistance de la face interne de la
cellule endothéliale est assurée par des propriétés
actives et passives qui sont la charge ionique négative
de la membrane, l’agencement antiadhésif des
protéines de surface, la production locale de médiateurs
antiagrégants plaquettaires, d’inhibiteurs
de la coagulation ou encore d’activateurs de la
fibrinolyse.
La thrombogénicité de la cellule endothéliale
s’exprime à travers la modulation de cespropriétés
induite par divers médiateurs activateurs
tels que les endotoxines bactériennes, les
cytokines pro-inflammatoires (interleukine [IL-1],
tumor necrosis factor [TNF]) ou encore la thrombine.
La cellule endothéliale activée exprime des
protéines prothrombotiques (phospholipides, facteur
tissulaire...) à sa surface membranaire, déclenchant
ainsi les phénomènes d’adhésion/
agrégation plaquettaire ou les réactions de la coagulation.
La cellule endothéliale est par ailleurs le siège
d’une activité métabolique intense conduisant notamment
à la production de nombreuses molécules
impliquées dans les phénomènes d’hémostase :
• le collagène, une des principales protéines prothrombogène ;
• le facteur, protéine d’adhésion plaquettaire,
stocké sous la forme de multimères de haut
poids moléculaire ;
• le facteur tissulaire, récepteur du facteur VII,
initiant la voie extrinsèque de la coagulation ;
• la thrombomoduline qui, en présence de
thrombine, active la protéine C, facteur inhibiteur
de la coagulation ;
• les protéines vasoactives telles que le monoxyde
d’azote (NO) vasodilatateur ou l’endothéline
vasoconstrictrice ;
• les protéines modulant à la fois l’activité plaquettaire
et la vasomotricité telles la prostacycline
(PGI2), antiagrégante et vasodilatatrice
ou la thromboxane A2 (TXA2), proagrégante et
vasoconstrictrice.
* Cellules musculaires lisses :
Elles assurent le tonus vasomoteur, par le biais du
système nerveux autonome et de médiateurs chimiques vasoactifs synthétisés par la cellule endothéliale
comme le NO et l’endothéline.
Leur prolifération
est sous la dépendance de facteurs de
croissance d’origine endothéliale (platelet derived
growth factor [PDGF], fibroblast growth factor
[FGF]) dont le rôle est avancé dans la pathogénie
des lésions d’athérosclérose.
2- Plaquettes :
Il s’agit de cellules anucléées de 2 à 3 lm de
diamètre et d’un volume de 8 à 10 ftl, produites
dans la moelle osseuse par le biais d’une fragmentation
cytoplasmique de leurs précurseurs mégacaryocytaires.
Le taux de plaquettes sanguines varie
de 150 à 400 109/l, le tiers du pool plaquettaire
périphérique étant séquestré dans la rate ; elles ont
une durée de vie de 8 à 10 jours.
Les cellules plaquettaires, ou thrombocytes,
présentent une structure très particulière en accord
avec leurs fonctions primaires d’adhésion à
l’endothélium et d’autoagrégation :
• membrane cytoplasmique riche en glycoprotéines
fonctionnelles ;
• système membranaire complexe intracytoplasmique
;
• système microtubulaire et microfibrillaire ;
• système de granulations intracytoplasmiques.
La membrane plaquettaire est classiquement
constituée, comme toute membrane cellulaire,
d’une double couche lipidique au sein de laquelle
viennent s’arrimer des glycoprotéines hydrophobes
riches en acide sialique déterminant la charge négative.
Les phospholipides constituent 80 % des
lipides membranaires et sont polarisés au niveau du
feuillet interne lorsque la plaquette est au repos.
À
l’état d’activation plaquettaire, les phospholipides
sont exposés sur le versant externe de la membrane,
au contact des composants plasmatiques,
assurant ainsi leur fonction procoagulante.
Les glycoprotéines
ancrées dans la membrane jouent un
rôle de récepteur dont la fonction est de transmettre
un signal vers les structures cytoplasmiques,
contractiles ou sécrétrices par exemple.
Les glycoprotéines
dont les fonctions sont les mieux connues
sont le complexe gpIb/IX, récepteur de VWF impliqué
dans l’adhésion plaquettaire à l’endothélium,
et le complexe gpIIb/IIIa, récepteur du fibrinogène
impliqué dans le processus d’agrégation plaquettaire.
Un système membranaire complexe intracytoplasmique
caractérise la cellule plaquettaire et ses
fonctions de sécrétion.
Le système canaliculaire
ouvert est un réseau membranaire constitué à partir
d’invaginations de la membrane plasmique, dont
le rôle est de permettre le déversement et le
stockage des substances des granulations plaquettaires.
Le système tubulaire dense n’est pas ouvert
sur l’extérieur et consiste en un lieu de stockage du Ca++ utilisé par les structures contractiles.
Les microtubules et les microfibrilles représentent
l’appareil contractile de la cellule plaquettaire
; ils assurent le maintien de sa forme discoïde
au repos et ses mouvements et changements de
forme caractérisant son état d’activation, par le
biais des deux principales protéines contractiles qui
sont l’actine et la myosine.
Trois types de granules intracytoplasmiques sont
individualisables, dont le rôle réside dans le stockage
de nombreuses substances spécifiques à chacune
d’entre elles.
Les granules alpha sont les plus
abondants et sont mis en évidence par leur teinte azurophile en coloration par le May-Grünwald-
Giemsa en microscopie optique.
Ils contiennent des
facteurs de la coagulation et des cytokines (PDGF, transforming growth factor [TGF], epidermal
growth factor [EGF]...).
Les granules denses sont
les moins nombreux, de l’ordre de 5 à 10 par
cellule ; individualisables en microscopie électronique,
ils contiennent des substances proagrégantes et vasoactives (adénosine diphosphate [ADP], adénosine
triphosphate [ATP], sérotonine, histamine,
Ca++...).
Les lysosomes, enfin, sont le lieu de stockage
de diverses enzymes à activité antibactérienne
ou protéolytique (phosphatase acide, protéase, collagénase...).
3- Facteur von Willebrand :
Il s’agit d’une protéine synthétisée à la fois par les
cellules endothéliales et par les mégacaryocytes.
Son précurseur est un monomère de 2 050 acides
aminés d’un poids moléculaire de 270 kDa qui se
polymérise secondairement en VWF de haut poids
moléculaire pour être stocké par la cellule endothéliale,
au sein des corps de Weibel-Palade, ou par
les plaquettes, au sein des granules a, avant d’être
libéré dans la circulation.
Son rôle est double. Il permet l’adhésion des
plaquettes aux cellules endothéliales activées, ou
au sous-endothélium, via son récepteur plaquettaire
gpIb/IX.
Ce rôle s’exprime essentiellement
lors des contraintes hémodynamiques fortes.
Le VWF représente en outre la protéine transporteuse
du facteur VIII coagulant, ou facteur antihémophilique
A.
4- Fibrinogène :
Il s’agit d’une protéine soluble synthétisée par le
foie, substrat final de la coagulation qui est transformé
en fibrine insoluble par la thrombine.
Le fibrinogène exerce en outre un
rôle important au niveau de l’hémostase primaire
en assurant les ponts moléculaires interplaquettaires
à l’origine des agrégats plaquettaires.
B - Différentes étapes de l’hémostase primaire :
L’hémostase primaire met en oeuvre une barrière
hémostatique d’urgence par la constitution d’un
« clou plaquettaire », ou thrombus blanc, venant
obstruer la brèche vasculaire.
Ses caractéristiques
sont la rapidité de sa génération mais aussi sa
fragilité, requérant une consolidation secondaire
par un réseau protéique de fibrine, produit final des
processus enzymatiques de la coagulation plasmatique.
Plusieurs étapes permettent la formation du clou
plaquettaire :
• la vasoconstriction ;
• l’adhésion des plaquettes au sous-endothélium
;
• l’activation et la sécrétion plaquettaire ;
• l’agrégation des plaquettes entre elles aboutissant
au clou plaquettaire.
1- Temps vasculaire :
Le temps vasculaire est l’étape initiale secondaire
à la constitution de la brèche vasculaire : il en
résulte une vasoconstriction réduisant le calibre
vasculaire qui ralentit le débit sanguin, permettant
par là une réduction des pertes et une certaine
stase circulatoire qui favorise la mise en oeuvre des
différentes étapes de l’hémostase.
La vasoconstriction réflexe est induite par l’élasticité
de la tunique sous-endothéliale des cellules
musculaires lisses, mais aussi par le système nerveux
neurovégétatif innervant les structures vasculaires.
De nombreuses substances sécrétées par les
cellules endothéliales ou les plaquettes activées,
comme la sérotonine, l’endothéline ou le TXA2,
entretiennent ou accroissent la vasoconstriction.
2- Temps plaquettaire
:
* Adhésion plaquettaire :
Il s’agit d’un phénomène passif induit par la rencontre
des plaquettes circulantes avec les structures sous-endothéliales hautement thrombogènes
comme le collagène, mises à nu par la rupture de la
couche endothéliale.
L’adhésion plaquettaire est
permise par la fixation du VWF au collagène qui
s’arrime à la membrane plaquettaire par son récepteur,
la gpIb.
Différentes glycoprotéines plaquettaires
participent également à cette adhésion des
plaquettes, qui est un préalable indispensable à
leur activation.
En effet, l’interaction des récepteurs glycoprotéiques plaquettaires avec leurs ligands
respectifs conduit à la transduction d’un
signal intracytoplasmique déclenchant les différentes
réactions métaboliques d’activation cellulaire.
*
Activation plaquettaire :
L’activation des cellules plaquettaires est caractérisée
par deux phénomènes principaux, leur changement
de forme et leur activation métabolique.
Il
s’agit de processus actifs nécessitant de l’énergie,
sous forme d’ATP dérivant du métabolisme du glucose,
et la disponibilité intracytoplasmique des ions
calcium (Ca++) indispensables à l’activation du système
contractile actine-myosine.
Discoïdes à l’état de repos, les plaquettes activées
deviennent sphériques, émettent des pseudopodes
et s’étalent sur la surface d’adhésion.
Les
granules intracytoplasmiques fusionnent avec le
système canaliculaire ouvert et y libèrent leur
contenu, qui se déverse ainsi dans le plasma environnant.
Ce phénomène de sécrétion plaquettaire,
libère de nombreuses substances proagrégantes
(ADP, fibrinogène, sérotonine), procoagulantes
(facteur V, VWF, fibrinogène) ou vasomotrices (sérotonine,
NO, TXA2) contribuant à l’amplification du processus d’hémostase primaire et créant les
conditions favorables à la coagulation plasmatique.
Par ailleurs, la plaquette activée génère de nombreuses
substances pharmacologiquement actives à
partir de ses phospholipides membranaires comme
l’acide arachidonique.
Celui-ci est métabolisé par
la phospholipase A2 pour aboutir à la TXA2, puissant
agent vasoconstricteur et proagrégant, et à
d’autres prostaglandines modulant les activités
plaquettaire et vasculaire.
Un autre phénomène essentiel se déroulant au
cours de la phase d’activation plaquettaire est le
phénomène de « flip-flop » membranaire, permettant
aux structures internes de la membrane de se
repositionner vers l’extérieur en contact avec le
plasma.
Cette modification permet aux phospholipides
chargés négativement, et notamment la phosphatidylsérine, de s’extérioriser et de devenir
disponibles pour la fixation des facteurs de la coagulation
vitamine K-dépendants, amplifiant par là
considérablement les processus enzymatiques de la
cascade de la coagulation.
* Agrégation plaquettaire :
L’ADP et les traces de thrombine initialement produites
par les premières étapes de la coagulation
sont les principaux agonistes de l’agrégation plaquettaire,
qui est ensuite amplifiée par d’autres
substances telles que la TXA2, l’adrénaline ou la
sérotonine.
L’agrégation est permise par le fibrinogène qui
crée de véritables ponts adhésifs interplaquettaires
par le biais de sa fixation à son récepteur membranaire
spécifique, la gpIIb/IIIa.
Il s’agit d’un phénomène
actif requérant ici aussi énergie et disponibilité
de Ca++.
Si les phénomènes d’adhésion, d’activation et
d’agrégation plaquettaire sont individualisables in
vitro, ils se déroulent simultanément in vivo avec
un phénomène de recrutement amplifiant la masse
cellulaire active conduisant au clou plaquettaire
hémostatique.
Coagulation
:
L’hémostase obtenue par le clou plaquettaire est
fragile et temporaire, et doit être consolidée par la
génération d’un réseau protéique qui réalise ainsi
une hémostase permanente.
Il s’agit du processus
de coagulation du plasma sanguin aboutissant à la
transformation du fibrinogène plasmatique circulant
soluble en fibrine insoluble enserrant le clou
plaquettaire par le biais d’une série de réactions
enzymatiques dont le contrôle continu permet une
restriction locale sans diffusion à distance de la
zone lésionnelle.
Le processus central de la coagulation est la
génération de la molécule de thrombine, enzyme
clé de la coagulation, permettant la transformation
du fibrinogène en fibrine et assurant la rétroactivation
et l’amplification des différentes étapes tant
de la coagulation que de l’hémostase primaire.
A - Facteurs de la coagulation
:
On entend par facteurs de la coagulation des protéines
plasmatiques participant au processus de la
coagulation et dont on distingue trois groupes différents
: les protéines à activité enzymatique, les
protéines dénuées d’activité enzymatique mais servant
de cofacteurs et les protéines ayant un rôle de
substrat.
Ces protéines plasmatiques ont été initialement
reconnues par défaut au cours de pathologies hémorragiques
héréditaires liées à un déficit de synthèse.
Elles ont été ensuite isolées, purifiées et
leurs gènes séquencés, ce qui a permis l’étude de
leur régulation génétique et pour certaines leur
synthèse par voie recombinante.
Elles sont au nombre de 12 et bien qu’elles aient
chacune un nom usuel, un numéro en chiffre romain
leur a été attribué selon la nomenclature internationale. Le facteur activé est désigné
par son numéro suivi du suffixe « a ».
Les facteurs de la coagulation sont synthétisés au
niveau du foie par l’hépatocyte, et toute insuffisance
hépatocellulaire sévère entraîne une diminution
globale des facteurs de la coagulation par
défaut de production.
Il est essentiel de bien comprendre que chaque
facteur de la coagulation est défini par son activité
coagulante évaluée par des tests in vitro de la
coagulation, et par son activité antigénique évaluée
par le dosage de la protéine.
Un défaut fonctionnel
se traduit ainsi par une diminution de l’activité
coagulante avec conservation de l’activité
antigénique.
1- Précurseurs enzymatiques
:
Les facteurs vitamine K-dépendants II, VII, IX, X
d’une part, et les facteurs contacts XI, XII, prékallicréine
d’autre part, circulent dans le plasma sous
la forme d’un précurseur enzymatique inactif, ou
proenzyme.
Ils possèdent un site actif protéolytique
au niveau de la région C terminale, qui est
masqué tant que la molécule n’est pas activée.
Ce
domaine catalytique est caractérisé par une séquence
précise d’acides aminés comportant notamment
un résidu sérine dans une conformation spatiale
particulière, d’où leur nom de sérineprotéase.
L’activation consiste en une hydrolyse
partielle de la molécule démasquant le site sérineprotéase.
Le facteur activé a ainsi la capacité d’activer
par hydrolyse un autre facteur dans une véritable
cascade enzymatique.
La vitamine K est nécessaire à l’acquisition des
propriétés fonctionnelles des facteurs II, VII, IX et X
dénommés ainsi facteurs vitamine K-dépendants.
Le rôle de la vitamine K consiste en une carboxylation
des résidus d’acide glutamique de la partie N
terminale de la chaîne polypeptidique.
La carboxylation
est nécessaire à la fixation du calcium, véritable
pont entre la chaîne polypeptidique et la
surface phospholipidique plaquettaire ou tissulaire.
En l’absence de vitamine K, le foie libère des
facteurs décarboxylés très faiblement actifs.
La fixation des sérines protéases procoagulantes
à la surface des phospholipides confère trois types
d’avantages au processus de coagulation : un accroissement
de la concentration accélérant les interactions
entre les différents facteurs, une restriction
locale de l’activation de la coagulation, une
protection des enzymes procoagulantes vis-à-vis
des inhibiteurs circulants de la coagulation.
Les facteurs contacts (facteurs XI, XII, prékallicréine),
dont la synthèse ne dépend pas de la
vitamine K, sont essentiellement définis par leur
rôle dans le développement de la coagulation du
plasma in vitro.
En effet, leur activation est déclenchée
par le contact avec une surface non mouillable
(verre du tube par exemple), ou chargée négativement
(sous-endothélium).
Il semble que leur
rôle dans l’hémostase physiologique soit mineur,
et, bien que leur déficit congénital perturbe grandement
les tests de coagulation, les sujets atteints
ne présentent pas de manifestations hémorragiques.
En revanche, les facteurs contacts participent
aux processus de la fibrinolyse et de l’inflammation,
tous deux étroitement reliés au système de
la coagulation.
2- Cofacteurs : facteurs V et VIII
Les facteurs V et VIII sont dépourvus d’activité
enzymatique mais accélèrent les réactions entre
une enzyme et son substrat, d’où leur nom de
cofacteurs.
Ils sont activés par la thrombine (Va et VIIIa) qui réalise une hydrolyse partielle des molécules,
démasquant ainsi les sites de liaison du cofacteur
à l’enzyme et à son substrat.
Les facteurs
Va et VIIIa ont donc un rôle de potentialisateur des
interactions enzymatiques et interviennent respectivement
au sein de deux complexes enzymatiques
de la cascade de la coagulation, le complexe tenase
(VIIIa) et le complexe prothrombinase (Va).
Ces facteurs ne sont pas vitamine-K dépendants
et sont synthétisés dans l’hépatocyte.
Le facteur VIII, ou facteur antihémophilique A, circule dans le
plasma associé au VWF qui joue ainsi le rôle de
protéine transporteuse. Le gène codant pour le
facteur VIII est situé sur le chromosome X.
3- Fibrinogène
:
Le fibrinogène représente le troisième type de facteur
de la coagulation, jouant un rôle de substrat
sans activité enzymatique ou catalytique propre.
Il
s’agit du substrat final de la coagulation, hydrolysé
par la thrombine qui le transforme en chaînes insolubles
de fibrine.
Le fibrinogène est synthétisé par
l’hépatocyte et son taux plasmatique est de l’ordre
de 2 à 4 g/l, taux accru lors des états infectieux ou
inflammatoires ou bien diminué par consommation excessive dans certains états pathologiques (coagulation intravasculaire disséminée [CIVD] ou fibrinogénolyse
primitive).
Il s’agit d’un polypeptide formé de six chaînes
identiques deux à deux, reliées par des ponts disulfures.
L’effet hydrolytique de la thrombine permet
la polymérisation des chaînes de fibrinogène en gel
de fibrine.
Le fibrinogène intervient également au niveau
de l’hémostase primaire, permettant l’agrégation
des plaquettes entre elles en se fixant sur son
récepteur membranaire gpIIb/IIIa.
Le facteur XIII, ou facteur de stabilisation de la
fibrine, renforce la cohésion des molécules de fibrine
par la création de liaisons covalentes intermoléculaires,
rendant le réseau de fibrine plus
stable et plus solide.
B - Phospholipides activateurs de la coagulation
:
Ils constituent une surface moléculaire catalytique
permettant le déclenchement de la coagulation par
l’activation des facteurs procoagulants.
Il faut en
effet comprendre que la coagulation est un processus
de surface dont le déclenchement, la rapidité
d’exécution et la restriction locale sont assurés par
ces phospholipides membranaires exposés lors de
conditions pathologiques ou réactionnelles.
La fixation
aux phospholipides membranaires de l’enzyme
protéolytique, de son substrat et du cofacteur catalytique
accélère grandement leurs interactions.
Les phospholipides impliqués dans le déclenchement
et le déroulement de la coagulation comprennent
la phosphatidylsérine plaquettaire, anciennement
dénommé facteur 3 plaquettaire (F3P), et le
facteur tissulaire ou thromboplastine tissulaire.
La phosphatidylsérine plaquettaire est exprimée
à la surface de la membrane plaquettaire lors de
son activation.
Le facteur tissulaire, protéine transmembranaire,
est exprimé de façon inductible par
la cellule endothéliale activée, et de façon constitutive
par les cellules sous-endothéliales, fibroblastes
et cellules musculaires lisses.
Le facteur tissulaire
est ainsi exposé aux protéines procoagulantes
lors d’une brèche vasculaire, avec mise à nu des
structures sous-endothéliales.
Le facteur tissulaire est le récepteur du facteur VII activé et leur liaison déclenche le processus de
cascade enzymatique de la coagulation.
C - Déroulement de la coagulation in vivo :
La coagulation in vivo se déroule en plusieurs étapes
qui sont intriquées avec les différentes phases
de l’hémostase primaire.
L’ultime étape de la coagulation repose sur la
génération de son enzyme clé, la thrombine, protéine
aux multiples fonctions.
Son rôle à ce stade
repose sur la transformation du fibrinogène en un
gel de fibrine qui est la finalité même de la cascade
de la coagulation, mais la thrombine interagit aussi
sur de nombreux systèmes tels que l’hémostase
primaire, l’inflammation ou la fibrinolyse.
Phénomène complexe, la coagulation in vivo est
régie par un certain nombre de principes fondamentaux
que nous avons détaillés :
• elle est définie par une cascade de réactions
enzymatiques dont les facteurs circulent dans
le plasma à l’état de précurseurs inactifs qui
sont activés par une hydrolyse partielle de leur
chaîne protéique démasquant le site actif ;
• elle s’opère localement au contact des surfaces phospholipidiques des membranes plaquettaires
ou vasculopariétales ;
• elle est amplifiée par l’activité de cofacteurs
catalytiques et par des boucles de rétroactivation
enzymatique ;
• elle est contrôlée par un système de régulation
très précis lié à l’existence de protéines inhibitrices
de la coagulation et d’un système de
destruction secondaire du caillot de fibrine, la
fibrinolyse.
Plusieurs étapes sont identifiées :
• 1re étape : déclenchement de la coagulation
par activation du facteur VII ;
• 2e étape : activation du facteur X et formation
du complexe enzymatique prothrombinase ;
• 3e étape : formation de la thrombine ;
• 4e étape : formation du réseau de fibrine insoluble.
1- Déclenchement de la coagulation par activation
du facteur VII :
La rupture de la tunique endothéliale thromborésistante,
secondaire à une lésion vasculaire, permet
le contact du sang circulant avec les structures sous-endothéliales.
La fixation du facteur VII plasmatique
au facteur tissulaire, qui est exprimée de
façon constitutive par les cellules musculaires lisses
et les fibroblastes, représente le signal du déclenchement
de la cascade enzymatique.
La liaison du
facteur VII permet en outre son autoactivation,
amplifiant considérablement l’activité du complexe
facteur tissulaire-facteur VII (FT-FVII).
2- Activation du facteur X et formation du
complexe enzymatique prothrombinase :
Le complexe FT-FVII active très rapidement par
protéolyse le facteur X en facteur Xa.
Celui-ci active
en retour le facteur VII, rendant le complexe
beaucoup plus actif et amplifiant ainsi sa propre
production.
Le facteur Xa forme, en association
avec les phospholipides plaquettaires, le calcium et
le cofacteur Va, un complexe enzymatique
assurant le clivage protéolytique de la
prothrombine qui génère ainsi la molécule de
thrombine, d’où son nom de complexe prothrombinase.
Par ailleurs, le complexe FT-FVII active, mais
beaucoup plus lentement, le facteur IX (facteur
antihémophilique B) en facteur IXa.
Il se forme de
la même façon un complexe enzymatique, appelé
complexe tenase, associant facteur IXa, phospholipides
plaquettaires, calcium, et le cofacteur VIIIa, qui active le facteur X en facteur Xa,
amplifiant considérablement le rendement de la
production de prothrombinase.
Il existe donc deux voies d’activation protéolytique
du facteur X qui sont distinctes dans leur cinétique.
L’activation directe par le complexe FT-FVII
est très rapide, et constitue le starter de la cascade
enzymatique, pour aboutir précocement aux premières
molécules de thrombine, alors que la voie
indirecte passant par l’activation du facteur IX est
beaucoup plus lente à se mettre en place mais est
quantitativement prépondérante.
Il existe une autre voie d’activation passant par
le facteur XI qui est activé lentement par la thrombine
nouvellement formée.
Le facteur XIa active en
retour le facteur IX pour renforcer la génération du
complexe tenase.
Le facteur XI peut également
être activé par les facteurs contacts après exposition
des composants du sous-endothélium, mais
l’importance de cette voie d’activation est mineure
et les déficits en facteurs contacts n’entraînent pas
de troubles hémorragiques.
D - Formation de la thrombine :
Le complexe prothrombinase assure la protéolyse
de la prothrombine (facteur II) en thrombine (facteur
IIa), protéine clé de la coagulation responsable
de la génération du caillot de fibrine.
En outre, la
thrombine assure une amplification du rendement
de la cascade enzymatique en activant les cofacteurs
V et VIII qui accélèrent considérablement
l’activité des complexes de la prothrombinase (Va)
et de la tenase (VIIIa), conduisant à un accroissement
explosif de la production de la thrombine.
On
considère en effet que la présence du cofacteur
activé au sein du complexe enzymatique accroît
son rendement par un facteur 106.
Ce phénomène
est nommé double boucle de rétroactivation de la
génération de thrombine sur laquelle repose toute
l’efficacité et la puissance du système.
Fibrinoformation :
La dernière étape repose sur la transformation du
fibrinogène soluble par l’hydrolyse de ces différentes
chaînes polypeptidiques en monomères de fibrine,
qui s’associent les unes aux autres grâce à
des liaisons hydrogène de faible affinité pour former
un gel de fibrine, ou le caillot de fibrine, qui
est tout d’abord instable.
Le facteur XIII, facteur de
stabilisation de la fibrine, préalablement activé par
la thrombine, solidifie alors les molécules de fibrine
par l’établissement de liaisons covalentes entre les
différentes molécules conduisant à une polymérisation
des monomères de fibrine.
E - Régulation de la coagulation
:
Un système physiologique très complexe de régulation
de la coagulation est mis en oeuvre, afin de
limiter l’extension locale du caillot et d’éviter la
diffusion à distance de la fibrinoformation.
Celui-ci
a été démembré par l’identification de protéines
déficitaires chez des sujets présentant une pathologie
thrombotique récidivante dans un contexte
familial.
L’antithrombine a été la première molécule décrite
et est l’un principaux inhibiteurs physiologiques
de la coagulation.
Il s’agit d’une glycoprotéine
synthétisée par le foie mais non dépendante de la
vitamine K.
Elle neutralise préférentiellement l’activité
de la thrombine (IIa) mais aussi celle des
autres facteurs de la coagulation à activité enzymatique
(VIIa, IXa, Xa), à distance du caillot de fibrine.
Associée à son récepteur endothélial, l’héparane
sulfate, son activité inhibitrice est considérablement
accrue, de l’ordre d’un facteur
1 000.
L’antithrombine n’est pas active à la surface
plaquettaire, lieu de formation du caillot, mais neutralise les facteurs enzymatiques dès qu’ils diffusent
à distance.
Le système protéine C-protéine S est de découverte
plus récente.
Il s’agit de deux protéines synthétisées
par le foie sous la dépendance de la
vitamine K.
La protéine C est activée par la thrombine après
liaison à la thrombomoduline exprimée par la membrane
endothéliale.
La protéine C activée (PCa) en
présence de protéine S neutralise les cofacteurs Va
et VIIIa, ralentissant par là considérablement la
vitesse de génération de la thrombine.
Les personnes
présentant des déficits constitutionnels hétérozygotes
en protéine C et protéine S sont à risque
accru de thrombose veineuse spontanée ou en présence
de facteurs de risque surajoutés.
Plus récemment
a été décrite une mutation du gène du facteur
V, rendant la protéine insensible à l’action inhibitrice
de la protéine C activée : il s’agit de la
« résistance à la protéine C activée », pourvoyeur
de thromboses familiales d’identification récente.
Fibrinolyse physiologique
:
La fibrinolyse est un processus physiologique permettant
la dissolution du caillot de fibrine.
La
fibrinolyse est bâtie selon la même conception que
le système de la coagulation comprenant des molécules
à activité protéolytique, qui agissent sur un
substrat, contrôlées par un système d’activateurs
et d’inhibiteurs permettant une régulation physiologique
très précise.
L’enzyme centrale de la fibrinolyse est la plasmine
qui dérive d’un précurseur plasmatique inactif,
le plasminogène, glycoprotéine d’origine hépatique.
Le plasminogène possède une grande affinité
pour la fibrine, et s’y fixe par un récepteur spécifique
aux côtés de son activateur, permettant ainsi
la génération locale de plasmine via le démasquage
des sites protéolytiques.
La plasmine protéolyse le
fibrinogène et la fibrine en divers fragments de
tailles variables, identifiés comme les produits de
dégradation de la fibrine, ou PDF, qui sont quantifiables
dans le plasma.
Le taux de PDF plasmatiques
est ainsi un reflet de l’activité de la plasmine et
donc de l’activation de la coagulation.
Les PDF sont
emportés dans le courant plasmatique et épurés au
niveau du foie par le système macrophagique.
La fibrinolyse est contrôlée par deux systèmes
équilibrés d’activation et d’inhibition de l’activité
de la plasmine.
Les activateurs principaux du plasminogène sont
le t-PA (activateur tissulaire du plasminogène) et la
pro-urokinase.
Le t-PA est une sérine protéase
d’origine endothéliale dont l’activité protéolytique
sur le plasminogène est déclenchée lors de son
adsorption sur la fibrine.
La sécrétion vasculaire de t-PA est initiée par de nombreux stimuli d’activation
de la cellule endothéliale : thrombine, cytokines
pro-inflammatoires, anoxie, acidose, stase...
La pro-urokinase ou activateur urinaire du plasminogène
(u-PA), est le second activateur du plasminogène
présent dans de nombreux tissus mais dont
le rôle physiologique est moins connu que celui de
la t-PA.
Les inhibiteurs de la fibrinolyse comportent des
inhibiteurs de la plasmine proprement dits et des
inhibiteurs de l’activité du plasminogène.
L’alpha–2–antiplasmine est la principale protéine à activité
antiplasmine ; il s’agit d’une glycoprotéine
synthétisée par la cellule hépatique qui neutralise
la plasmine plasmatique circulante non liée à la
fibrine.
Le PAI de type 1 ou PAI-1 est le principal
inhibiteur des activateurs du plasminogène (PAI) ; il
s’agit d’une glycoprotéine synthétisée par la cellule
endothéliale qui inhibe le t-PA et l’u-PA par
formation d’un complexe covalent.
Le PAI-1 est
majoritairement localisé dans les granules a des
plaquettes, et est libéré lors de l’activation plaquettaire
qui initie le processus de l’hémostase.
Le PAI de type 2 (PAI-2) est un autre inhibiteur synthétisé
par le placenta au cours de la grossesse.
Ce système très fin de régulation de l’activité de
la plasmine et de sa restriction à la surface de la
fibrine explique le fait que la fibrinolyse physiologique
soit un processus qui reste localisé au niveau
du thrombus.
Son rôle réside en effet dans la lyse
progressive du caillot après la cicatrisation de la
brèche vasculaire, mais aussi dans la prévention de
son extension évitant par là l’occlusion de la lumière
vasculaire.
Une hyperfibrinolyse primitive pathologique
avec syndrome hémorragique peut s’observer au
décours d’interventions chirurgicales intéressant
des organes très riches en activateurs du plasminogène
(t-PA et u-PA).
Il existe par ailleurs des tableaux
de fibrinolyse secondaire à des processus
pathologiques de CIVD se développant au cours de
certaines hémopathies ou états septiques sévères.
Exploration de l’hémostase
:
Tout événement clinique hémorragique pathologique
ou tout antécédent de manifestation(s) hémorragique(
s) anormale(s) doit faire entreprendre un
bilan d’hémostase à la recherche d’une cause acquise
ou constitutionnelle.
De même, une exploration
de l’hémostase doit s’envisager à titre de bilan
opératoire pour des interventions chirurgicales présentant
un risque hémorragique.
L’interrogatoire est déterminant dans la
conduite du diagnostic, qui reposera sur un ensemble
de tests biologiques explorant l’hémostase primaire
ou la coagulation plasmatique.
L’existence
d’antécédents hémorragiques familiaux oriente
d’emblée vers une pathologie constitutionnelle.
L’interrogatoire fait par ailleurs préciser la nature
des épisodes hémorragiques, leur sévérité, leur
fréquence, les circonstances déclenchantes et
l’âge d’apparition des premiers signes.
A - Exploration de l’hémostase primaire :
1- Numération plaquettaire :
Devant l’apparition d’un syndrome hémorragique,
la numération plaquettaire à la recherche d’une
thrombopénie précède tout autre test.
Rappelons
que le taux normal de plaquettes se situe entre
150 et 400 109/l.
Un taux supérieur à 30 109/l
n’entraîne pas de risque de saignement spontané.
La découverte d’une thrombopénie requiert un
contrôle sur lame et une nouvelle numération sur
anticoagulant citraté, l’éthylène diamine tétraacétique
(EDTA) habituellement utilisé pouvant générer
une agglutination des plaquettes in vitro,
minorant par là le décompte particulaire de l’automate.
En cas de thrombopénie avérée, la démarche
diagnostique s’emploie à retrouver l’étiologie,
qu’elle soit centrale par défaut de production médullaire
ou bien périphérique par excès de destruction.
2- Temps de saignement
:
Il s’agit de la pierre angulaire de l’exploration de
l’hémostase primaire, et il est défini comme le
temps nécessaire à l’arrêt spontané d’un saignement
provoqué par une petite coupure superficielle.
Il explore les différents éléments concourant
à l’hémostase primaire, soit les plaquettes, la paroi
vasculaire et le VWF.
La standardisation des techniques
par des procédés à usage unique a amélioré
la fiabilité de ce test qui s’effectue classiquement,
selon la méthode décrite initialement par Ivy, par
une incision cutanée superficielle au niveau de
l’avant-bras sous une pression constante de
40 mmHg.
Dans ces conditions, le temps de saignement
(TS) se situe entre 4 et 8 minutes.
Avant toute
pratique d’un TS, l’interrogatoire doit rechercher
la prise de salicylés ou d’anti-inflammatoires non
stéroïdiens, qui allongent le TS par l’inhibition
pharmacologique des fonctions plaquettaires.
Rappelons
par ailleurs qu’il est parfaitement inutile de
demander un TS devant une thrombopénie, et notamment
pour un taux inférieur à 50 109/l.
En
l’absence de thrombopénie, le temps de saignement
est allongé dans les cas de thrombopathies,
acquises ou héréditaires, perturbant les fonctions
plaquettaires, ou dans la maladie de Willebrand.
La
maladie de Willebrand est la plus fréquente des
maladies hémorragiques héréditaires et est caractérisée
par un déficit, quantitatif ou qualitatif, en
VWF dont on rappelle qu’il joue un double rôle
d’adhésion des plaquettes à la paroi endothéliale et
de transporteur plasmatique du facteur VIII.
Le
diagnostic de maladie de Willebrand doit être évoqué
devant un allongement du TS associé à un
accroissement modéré du temps de céphaline activée
(TCA).
Le diagnostic est affirmé par
la diminution de l’activité fonctionnelle du VWF
(agglutination des plaquettes en présence de ristocétine)
et de son activité antigénique (dosage immunologique).
3- Tests fonctionnels
:
De nombreux tests étudient in vitro les différentes
fonctions plaquettaires telles l’adhésion, la sécrétion
ou l’agrégation.
Ils sont indiqués devant un
syndrome hémorragique sans cause évidente avec
un TS allongé et une numération plaquettaire habituellement
normale, ou modérément abaissée, à la
recherche d’une thrombopathie héréditaire.
Ils ne
sont pas de pratique courante et sont réservés aux
laboratoires spécialisés.
B - Exploration de la coagulation
:
Le TCA et le temps de Quick (TQ) sont les deux tests
de dépistage universellement utilisés pour explorer
les différentes phases de la coagulation.
Le dosage
spécifique des facteurs de la coagulation, à la recherche
d’un déficit isolé, est effectué en fonction
des résultats des tests précédents.
Le TCA et le TQ explorent chacun la voie d’activation
de la coagulation qui lui est spécifique.
En
effet, l’exploration in vitro de la coagulation a
depuis longtemps isolé deux voies distinctes d’activation,
la voie endogène mettant en jeu les facteurs
contacts et les facteurs IX et VIII jusqu’au
complexe prothrombinase, et la voie extrinsèque
d’activation par le facteur tissulaire impliquant le
facteur VII.
La voie commune comprend la thrombinoformation
et implique les facteurs V, X et II et
la fibrinoformation.
Il est dorénavant admis que ce
schéma n’est pas directement applicable in vivo
mais qu’il reste utile dans l’exploration in vitro.
Le TCA explore donc la voie dite endogène et le TQ la
voie extrinsèque, tous deux impliquant par ailleurs
le tronc commun terminal.
1- Temps de céphaline activé
:
Le TCA correspond au temps de coagulation d’un
plasma, décalcifié et déplaquetté, en présence de céphaline, d’un activateur des facteurs de la phase
contact et de calcium.
La céphaline est un substitut
des phospholipides plaquettaires dont il existe plusieurs
formes commercialisées, et l’activateur de la
phase contact le plus communément utilisé est le
kaolin.
Le TCA explore les facteurs contacts (facteurs
XII, XI, ) et les facteurs IX, VIII, X, V, II et le
fibrinogène.
Le temps normal dépend des activateurs
et de la céphaline utilisée par chaque laboratoire,
et varie de 30 à 40 secondes.
Le TCA d’un
patient donné doit être comparé au TCA témoin du
laboratoire, et on considère qu’un temps est pathologique
pour une valeur supérieure de 6 à 10 secondes
au-dessus du témoin.
Un TCA allongé de façon isolée, sans allongement
du TQ, chez un patient qui saigne, doit faire évoquer
un déficit en facteur IX (hémophilie B) ou en
facteur VIII (hémophilie A), les déficits pour les
autres facteurs de la voie endogène étant peu
hémorragipares.
2- Temps de Quick
:
Le temps de Quick correspond au temps de coagulation
d’un plasma, décalcifié et déplaquetté, en
présence de thromboplastine, source de facteur
tissulaire, et de calcium.
Le TQ explore le facteur VII, facteur de la voie
extrinsèque, et les facteurs de la voie commune, X,
V, II et le fibrinogène.
Il est compris entre 10 et
13 secondes en fonction de la thromboplastine utilisée,
et est exprimé en pourcentage par rapport à
un pool de plasma calculé selon une courbe de
référence. On le nomme alors taux de prothrombine
(TP), ce qui peut amener une certaine confusion
terminologique.
La normalité se situe entre
70 et 100 %. Le TQ pratiqué dans le cadre de la
surveillance d’un traitement anticoagulant par antivitamine
K doit s’exprimer en INR (international
normalized ratio) calculé selon un index international
permettant de s’affranchir des variations de
sensibilité des différents réactifs utilisés.
3- Dosage spécifique des facteurs
de la coagulation :
Ils doivent être demandés devant des tests de dépistage
(TCA ou TQ) anormaux à la recherche d’un
déficit, acquis ou constitutionnel, en un ou plusieurs
facteurs de la coagulation.
Il repose sur la
capacité du plasma à tester et à corriger le temps
de coagulation d’un plasma spécifiquement déficitaire
en un facteur à mesurer.
4- Exploration de la fibrinoformation :
Elle repose sur deux tests simples, le dosage du
fibrinogène et le temps de thrombine.
Le dosage du fibrinogène est effectué par diverses
méthodes et son taux est normalement compris
entre 2 et 4 g/l.
Le temps de thrombine est le temps de coagulation
d’un plasma après apport d’une quantité fixe
et diluée de thrombine.
Il est déterminé pour être
normalement compris entre 16 et 20 secondes.
Le
temps de thrombine explore spécifiquement la fibrinoformation
et est allongé en cas d’anomalie
quantitative ou qualitative du fibrinogène, ou en
présence d’inhibiteurs de la thrombine, telle l’héparine
par exemple.