Pancréatectomies gauches ou distales Cours de Chirurgie
Introduction
:
Les exérèses pancréatiques gauches sont de deux types.
Elles consistent
soit en une splénopancréatectomie corporéocaudale, où la résection
pancréatique est associée à une résection monobloc de la rate, soit en
une pancréatectomie gauche avec conservation de la rate.
Indications
:
Les pancréatectomies gauches avec conservation splénique sont
indiquées en cas de :
– pancréatite chronique avec lésions limitées à la queue du pancréas ;
– pseudokystes ;
– tumeurs kystiques (cystadénomes mucineux) ;
– tumeurs bénignes sécrétantes ou non ;
– fistule après chirurgie pancréatique ;
– traumatisme pancréatique.
Néanmoins, la conservation splénique peut s’avérer impossible dans les
cas de pancréatite chronique avec importants remaniements
inflammatoires.
Elle est souhaitable chaque fois qu’elle est réalisable
dans les traumatismes pancréatiques.
En revanche, la splénopancréatectomie corporéocaudale est indiquée en
cas de :
– tumeur maligne pancréatique résécable, ce qui représente un assez
faible pourcentage de cas (moins de 10 %) étant donné le caractère
souvent tardif du diagnostic dans cette topographie corporéocaudale des
adénocarcinomes ;
– envahissement locorégional pancréatique et splénique par une tumeur
gastrique, rénale ou de l’angle colique gauche.
Technique
:
A - Splénopancréatectomie corporéocaudale
:
1-
Incision
:
Une incision sous-costale gauche élargie vers la droite procure le
meilleur jour.
Une incision médiane peut aussi être utilisée chez les
patients longilignes.
2- Exploration
:
Dès l’ouverture de la cavité péritonéale, il faut éliminer une contreindication
à l’exérèse en recherchant une carcinose péritonéale, la présence de métastases hépatiques, un envahissement de la racine du
mésentère et l’existence d’adénopathies manifestement métastatiques.
Ces contre-indications peuvent devenir relatives en cas de tumeur
neuroendocrine.
Dans un premier temps, est réalisé un décollement coloépiploïque afin
d’ouvrir largement l’arrière-cavité des épiploons.
La section du ligament gastrosplénique par ligature des vaisseaux courts
libère la rate de la grande courbure gastrique.
L’estomac est
récliné vers le haut et le côlon transverse vers le bas, assurant ainsi une
excellente exposition du corps et de la queue du pancréas.
L’artère hépatique commune est repérée au bord supérieur du pancréas
isthmique et mise sur lacs vasculaire.
Sa dissection est menée vers le
tronc coeliaque pour retrouver l’origine de l’artère splénique qui est
également mise sur lacs.
À cette étape, afin de limiter les pertes
sanguines, l’artère splénique peut être liée et sectionnée.
L’isthme pancréatique est repéré, séparé du tronc porte sur sa face
postérieure et mis sur lacs (selon la technique décrite précédemment
pour la duodénopancréatectomie céphalique).
Une échographie pancréatique peropératoire peut être réalisée pour
localiser une petite tumeur non palpable du pancréas corporéocaudal, ou
pour s’assurer du caractère normal du pancréas céphalo-isthmique qui
sera préservé.
À l’issue de ces manoeuvres, l’exérèse est jugée possible ou non.
3- Mobilisation de la rate et de la queue du pancréas
:
La libération de la rate est poursuivie par la section du sustentaculum
lienis puis par le décollement prudent de la convexité splénique du
diaphragme, permettant de mobiliser progressivement le bloc
splénopancréatique.
Le décollement de la queue et du corps du pancréas, par rapport à la paroi
postérieure, est aisé et pratiquement exsangue après section du péritoine
pariétal postérieur au bord inférieur du pancréas.
Celui-ci est mené
jusqu’à l’aplomb du confluent splénomésaraïque.
Au cours de cette
manoeuvre, la veine mésentérique inférieure peut être rencontrée dans
les cas où elle se jette dans la veine splénique.
Elle est alors sectionnée.
4- Contrôle des vaisseaux et section de l’isthme
:
Au bord supérieur du pancréas, l’artère splénique initialement repérée
est liée et coupée.
La veine splénique est repérée à sa jonction dans la veine mésentérique
supérieure et sectionnée après ligature appuyée.
La pièce n’est plus retenue que par l’isthme dont la section est faite au
bistouri froid après mise en place de fils tracteurs.
Cette section
sera préférentiellement faite en « gueule de requin » afin de faciliter la fermeture de la tranche.
Le canal de Wirsung est repéré et suturé
électivement à l’aide d’un fil monobrin non résorbable.
L’hémostase de la tranche pancréatique est assurée par des points de fil
non résorbable 5/0.
Avant la fermeture du canal deWirsung, il est impératif de s’assurer de
son drainage vers l’extrémité céphalique.
Cela peut être déterminé en
préopératoire, par opacification rétrograde du Wirsung, ou bien en peropératoire, soit par le passage d’un cathéter dans le canal, soit par la
réalisation d’une wirsungographie peropératoire.
Si un doute persiste quant au bon drainage du canal de Wirsung vers
l’extrémité céphalique, la tranche de section pancréatique sera
anastomosée avec une anse jéjunale montée en Y selon Roux, soit en terminoterminal, soit en terminolatéral, ou bien à la face
postérieure de l’estomac.
Certaines équipes préconisent
l’injection de néoprène ou de colle biologique dans le canal deWirsung
afin de diminuer les risques de fistule pancréatique postopératoire.
La section pancréatique peut aussi être assurée par un simple agrafage à
la GIA ou à la TA, exposant toutefois à un risque accru de fistule
pancréatique.
Nous n’avons pas l’expérience de cette technique qui
nous paraît comporter un risque important de fistule.
5- Hémostase et drainage
:
Une attention particulière est accordée à l’hémostase, surtout au niveau
de la loge de splénectomie où tout suintement doit être tari afin d’éviter
la survenue d’une collection, voire d’un abcès sous-phrénique.
Le drainage est assuré par un drain en silicone multitubulé mis à
proximité de la tranche de section pancréatique.
Une épiplooplastie peut être réalisée par accolement de l’épiploon sur la
tranche pancréatique.
6- Variante : section primitive de l’isthme pancréatique
Après exposition de la glande pancréatique, une section première de
l’isthme peut être réalisée après ligature des vaisseaux spléniques, la
mobilisation puis l’exérèse du pancréas s’effectuant alors de droite à
gauche.
Cette technique présente un intérêt certain en cas de tumeur très distale
avec envahissement locorégional (diaphragme, rein).
B - Pancréatectomie gauche avec conservation
splénique :
L’intérêt de la conservation splénique a été clairement démontré en ce
qui concerne la prévention des infections postopératoires et la
diminution des risques de thromboses veineuses par thrombocytose.
Cependant, cette intervention reste peu utilisée bien
qu’elle soit particulièrement indiquée en cas de traumatisme
pancréatique, de lésions bénignes du corps ou de la queue du
pancréas, où l’énucléation d’une lésion contiguë au canal de Wirsung
expose au risque de fistule pancréatique postopératoire, et enfin de
lésions localisées de pancréatite chronique.
Deux techniques
chirurgicales permettent d’obtenir une conservation splénique.
La
première consiste à préserver les vaisseaux courts du ligament gastrosplénique ainsi que l’arcade gastroépiploïque gauche et à sacrifier
l’artère et la veine spléniques.
La seconde consiste à préserver l’artère
et la veine spléniques.
C’est cette technique que nous nous attacherons
à décrire.
Pancréatectomie gauche avec conservation splénique par respect
des vaisseaux spléniques :
La voie d’abord est identique à celle utilisée pour la splénopancréatectomie
corporéocaudale.
L’exposition est obtenue par la réalisation d’un décollement coloépiploïque et la section du ligament gastrosplénique.
L’artère
splénique est repérée par mise sur lacs.
Le péritoine au bord inférieur du
pancréas est incisé, permettant l’exposition de la face postérieure du
pancréas où la veine splénique est repérée par mise sur lacs.
La
mobilisation de la queue du pancréas peut s’effectuer :
– soit par dissection progressive et minutieuse des vaisseaux spléniques
de la gauche vers la droite, par des ligatures appuyées réalisées pas à pas,
permettant sa mobilisation jusqu’au niveau de section choisi ;
– soit par la séparation première de la veine splénique de la face
postérieure du pancréas de la droite vers la gauche, puis
séparation de l’artère splénique du pancréas de la gauche vers la droite.
Cette dernière option a l’avantage de permettre une identification plus
aisée de la queue du pancréas au sein du tissu graisseux hilaire.
La section du pancréas est réalisée selon la technique décrite
précédemment.