Ostéotomies maxillomandibulaires techniques Cours de Chirurgie
Introduction
:
La correction d’une dysharmonie maxillomandibulaire ne peut se
résumer dans la réalisation d’un geste chirurgical, aussi performant
soit-il.
La restitution simultanée de la forme et de l’équilibre occlusal
impose à l’opérateur l’acquisition préalable d’une compétence en
stomatologie et une indispensable formation à la chirurgie
maxillofaciale.
Cet impératif occlusal rend compte également de la
place primordiale de l’orthodontiste qui doit réaliser, en concertation
avec le chirurgien, l’indispensable préparation des arcades à l’aide
d’un appareillage multiattaches.
Préparation orthodontique
:
La tentation est forte de se passer d’orthodontie lors d’un décalage
squelettique sans grand désordre dentaire, mais ce serait une erreur,
l’orthodontie préopératoire est incontournable.
D’une part, il faut rendre congruentes les deux arcades afin d’obtenir
une bonne occlusion dentaire après ostéotomie, ce qui assure la
stabilité du résultat.
D’autre part, la nature ayant une tendance spontanée à occulter un
défaut en créant des compensations alvéolaires (exemple : proversion des incisives supérieures et rétroversion des incisives
inférieures dans une classe III), il va falloir supprimer ces
compensations et extérioriser le défaut.
Le décalage dentaire doit
donc être mis en concordance avec le décalage squelettique.
A - OCCLUSION
:
L’occlusion, c’est-à-dire lorsque les dents mandibulaires établissent
un contact d’engrènement avec les dents du maxillaire, doit être
analysée sous ses deux aspects : statique et dynamique.
1- Statique
:
L’arcade dentaire supérieure doit circonscrire l’inférieure et avec un
petit recouvrement des incisives supérieures sur les inférieures.
En vue latérale, une occlusion dentaire est considérée
comme normale si la première molaire et la canine supérieures sont
en arrière d’une demi-cuspide de leur antagoniste.
C’est la classe I
d’Angle.
Toutefois, à la suite d’extractions thérapeutiques,
les molaires supérieures peuvent s’engrener en avant d’une demicuspide
avec les molaires inférieures.
Les contacts des dents avec
leurs antagonistes doivent être établis de manière tripodique.
2- Dynamique
:
Lors des mouvements de propulsion-rétropulsion, d’abaissementélévation
et de latéralité, certaines dents ou certains groupes de
dents protègent les autres dents (de l’abrasion notamment) et
l’articulation temporomandibulaire (ATM) (d’un déséquilibre
musculaire).
Lors des mouvements de propulsion, les incisives inférieures
glissent sur les faces palatines des incisives supérieures et doivent
provoquer une disclusion totale des secteurs latéraux et postérieurs.
Dans les mouvements de latéralité, lorsque la mandibule glisse sur
le côté, tout en gardant un contact dentaire, la canine inférieure doit
glisser sur la face palatine de la canine supérieure et provoquer une disclusion de toutes les autres dents.
C’est ce que l’on appelle la
protection canine.
Dans ces mouvements de latéralité, il est possible d’avoir un contact
des canines, prémolaires et molaires du côté du mouvement qui doit
provoquer une disclusion des incisives et du secteur latéral et
postérieur opposé.
C’est ce que l’on appelle une protection de
groupe.
On trouve souvent chez un patient deux types d’occlusions.
– La position d’intercuspidation maximale (PIM) est celle que l’on
retrouve naturellement, celle qui donne un maximum de contact
entre les dents antagonistes.
– L’occlusion de relation centrée (ORC) est la relation dentaire
obtenue lorsque les condyles mandibulaires sont situés en position
centrale, haute et non contrainte dans leur loge articulaire.
Elle est
trouvée en appuyant légèrement vers l’arrière sur le menton du
sujet, en position allongée, tout en appuyant vers le haut sur le bord
inférieur de la partie horizontale de la mandibule.
Faire correspondre ces deux occlusions est un objectif thérapeutique
de fin de traitement.
Après ostéotomie, ces relations statiques et
dynamiques doivent être établies pour obtenir une stabilité du
résultat.
Cependant, lors de décalages importants, si l’on veut tenir compte
du risque de récidive lié à des problèmes fonctionnels ou à des
facteurs résiduels de croissance, le chirurgien peut prévoir une
hypercorrection, ne faisant pas d’emblée coïncider PIM et ORC ; la
correspondance de ces deux occlusions ne se réalisant qu’à la fin de
l’orthodontie postchirurgicale.
B - OBJECTIFS ORTHODONTIQUES
:
En préalable à tout traitement orthodonticochirurgical, l’état buccal
doit être parfait ; reprise des soins endodontiques défectueux, soins
du parodonte, conseils d’hygiène.
L’objectif de l’orthodontiste est d’anticiper la future occlusion en
fonction du type d’intervention, et cette préparation doit être la plus
complète avant l’intervention.
Avec l’analyse céphalométrique des
téléradiographies, et le set-up céphalométrique (le traitement
orthodontique et les ostéotomies sont simulés par la céphalométrie),
on visualise les objectifs du traitement orthodontique.
1- Supprimer les compensations
:
En présence d’une malocclusion squelettique importante, les axes
dentaires sont orientés de manière à diminuer le défaut.
C’est ce
que l’on appelle les compensations ; il faut les supprimer,
aggraver le décalage dentaire.
L’écart entre les incisives doit être au
moins aussi important que la correction chirurgicale souhaitée au
niveau osseux. Mais les axes incisifs doivent rester en
équilibre sur leur base squelettique ; trois points sont à contrôler :
– l’axe des incisives dans le profil.
Quelques mesures angulaires
simples sur la téléradiographie de profil sont à surveiller :
– premières références : l’incisive supérieure forme avec le plan
palatin un angle d’environ 115°.
L’incisive inférieure, elle, forme
avec le plan mandibulaire un angle d’environ 90°.
Ces
angles varient avec la typologie du patient ; les incisives peuvent
être plus verticales chez les sujets à face longue et plus obliques
chez les sujets à face courte ;
– deuxièmes références : les axes incisifs supérieur et inférieur
doivent former ensemble, après chirurgie, un angle d’environ
130°.
L’incisive supérieure forme donc avec le plan occlusal de l’arcade maxillaire un angle d’environ 60° et l’incisive inférieure
forme avec le plan occlusal de l’arcade mandibulaire un angle
d’environ 70°.
Ces deux plans occlusaux sont confondus,
à la suite de l’ostéotomie ;
– l’existence d’espaces interdentaires. S’ils sont larges, leur
fermeture risque de provoquer une rétroversion importante des
incisives.
Il peut être préférable de conserver des espaces et de leur
trouver une solution prothétique ultérieurement ;
– une bascule du plan d’occlusion peut être prévue lors de
l’intervention chirurgicale.
Il faut l’anticiper en versant plus ou
moins les incisives supérieures.
2- Congruence des arcades
:
La préparation orthodontique doit être la plus précise possible avant
l’intervention.
– La courbe de Spee est aplanie, les diastèmes fermés, les rotations
corrigées, l’éventuelle dysharmonie dentomaxillaire (DDM) prise en
compte.
L’obtention d’axes incisifs comme vu précédemment peut nécessiter
des extractions.
Ce sont alors le plus fréquemment des prémolaires,
très exceptionnellement une incisive inférieure.
– Des prises d’empreintes régulières permettent une manipulation
des moulages pour mettre en évidence les interférences occlusales,
et matérialiser les futurs rapports occlusaux dans les trois sens de
l’espace, afin d’obtenir un engrènement qui satisfait aux critères
statiques et dynamiques de l’occlusion.
– Pour le sens transversal, l’expansion est réalisable, mais au-delà
de 4 à 5mm, le risque de fenestration des racines (des secteurs
latéraux) au niveau de la corticale externe ou d’une version
vestibulaire des couronnes est important ; cette version,
particulièrement récidivante, serait un facteur d’instabilité du
résultat.
– Dans les cas d’ostéotomies segmentaires, pour l’expansion (bi- ou
tripartite) ou l’impaction, dans les cas de Wassmund, une ouverture
d’espace de 1 à 1,5 mm est réalisée entre les dents, là où passera le
trait d’ostéotomie ; on s’applique à ce que les racines ne convergent
pas lors de la création de cet espace ; on tente même d’augmenter la
distance inter-radiculaire.
C - MOYENS
:
L’orthodontie est un déplacement dentaire par remodelage de l’os
alvéolaire sous l’effet d’une contrainte mécanique, transmise à la
dent par l’intermédiaire d’attachements fixés sur elle.
Le
positionnement de l’attachement sur la dent va déterminer la
position de la dent sur l’arcade dentaire. Cette technique
sophistiquée (techniques multiattaches) va permettre la préparation
des arcades dentaires en vue de l’intervention chirurgicale avec une
grande précision.
La phase préchirurgicale dure environ 1 an ½ (moins dans les cas
simples).
Lorsque les objectifs sont réalisés (congruence et décompensation),
des arcs chirurgicaux épais (à champ rectangulaire) avec des
potences soudées ou clipsées entre chaque dent sont placés.
Ils permettent un réglage rapide en peropératoire, une contention
postchirurgicale atraumatique pour le parodonte, avec un maintien
par élastiques intermaxillaires.
Lorsque la préparation orthodontique préchirurgicale est
insuffisante, qu’il reste des contacts prématurés lors de la
manipulation des moulages, ou lorsqu’il est impossible de la
parfaire, dans les cas de certaines béances, d’asymétries, de
restaurations prothétiques (couronne, bridges, implants), d’absence
de matériel dentaire, des gouttières interocclusales sont réalisées.
Elles le sont sur set-up dentaire et sur articulateur (les moulages sont
mis en articulateur, et les ostéotomies sont simulées afin d’obtenir le
futur rapport d’engrènement des arcades dentaires).
Elles doivent
être les plus fines possible, permettant à certains endroits des
contacts dent à dent.
Ces gouttières sont à différencier des gouttières de transfert qui
servent à repositionner le maxillaire supérieur à partir de l’inférieur
dans les ostéotomies bimaxillaires, et aux gouttières de contention
placées lors de la dépose du multibagues.
Lors des ostéotomies segmentaires, on utilise le plus souvent des
arcs segmentés avec potences, une gouttière est alors nécessaire,
mais une boucle d’ouverture au niveau des futurs traits
d’ostéotomie peut être réalisée sur un arc continu.
L’orthodontie postchirurgicale plus courte (environ 6 mois) corrige
les dernières imperfections dans les cas simples.
Des élastiques
intermaxillaires maintiennent le résultat.
Ils sont verticaux pour
asseoir le calage occlusal, et obliques pour lutter contre la récidive
(orientés en classe II ou classe III selon le cas).
L’orthodontie postchirurgicale est plus longue dans les cas
d’asymétrie où la gouttière est meulée progressivement pour
permettre les égressions au moyen d’élastiques intermaxillaires.
Ces élastiques sont portés 23 h/24 h pendant quelques mois (environ
3 dans les cas simples) puis diminués progressivement, jusqu’à ce
que les fonctions soient normalisées.
Lors de la dépose du multibagues, une contention par plaque ou
gouttière amovible est nécessaire à l’arcade supérieure.
Les incisives, plus fréquemment les inférieures, peuvent être
solidarisées par un fil collé sur leur face linguale afin d’éviter une
récidive de rotation.
D - CONCLUSION
:
Dans les ostéotomies unimaxillaires, la partie mobilisée est
repositionnée suivant l’engrènement obtenu par la préparation
orthodontique.
Dans les ostéotomies bimaxillaires, c’est le bloc maxillomandibulaire
qui est repositionné chirurgicalement.
L’orthodontie va déterminer
la relation du maxillaire avec la mandibule, par le biais de
l’engrènement, c’est dire son importance dans ces ostéotomies.
Dossier et simulation préchirurgicale
:
La planification d’une ostéotomie impose une triple approche,
clinique, orthodontique et céphalométrique de la dysharmonie.
Le bilan clinique va s’attacher à étudier les rapports des différents
étages de la face dans l’espace, leur symétrie et leur orientation.
Il
détaille l’articulé dentaire et les rapports dents/lèvre supérieure.
Ces
observations s’intègrent dans un examen clinique général permettant
de peser l’indication opératoire.
La deuxième étape est occlusale ; elle consiste, à l’aide de moulages
en plâtre montés sur articulateur, à simuler les déplacements osseux
et apprécier la bonne congruence des arcades dentaires en fin de
préparation orthodontique.
Une analyse sur arc facial est
préalablement réalisée, elle va permettre de positionner l’arcade
maxillaire par rapport à un certain nombre de repères
anthropométriques (la racine du nez, les conduits auditifs externes,
les rebords orbitaires inférieurs…) et de reproduire aussi exactement
que possible les rapports maxillaire/mandibule.
À partir de ce
montage sur articulateur et en tenant compte de critères cliniques et
radiologiques, les moulages en plâtre vont être découpés et déplacés
pour corriger l’occlusion dentaire.
Cette correction est
effectuée (dans les ostéotomies bimaxillaires) en deux étapes : une
première maxillaire et une seconde mandibulaire.
Chaque étape est
conclue par la réalisation d’une plaque d’intercuspidation : l’une dite
intermédiaire établissant les relations dentaires après la seule
mobilisation du moulage maxillaire, l’autre dite finale correspondant
à la correction occlusale finale après mobilisation mandibulaire
associée.
Au terme de ce set-up dentaire, le praticien dispose de deux
plaques d’intercuspidation, et d’une feuille récapitulative recensant
la direction et l’amplitude des mouvements qu’il devra faire
effectuer au maxillaire et à la mandibule au cours du geste
opératoire.
La troisième étape est céphalométrique.
Il est nécessaire de disposer
pour celle-ci des trois incidences téléradiographiques (face, profil et
Hirtz), les clichés de face et axial permettant l’analyse d’une
éventuelle asymétrie faciale.
L’analyse en incidence de profil permet de préciser le diagnostic de
la dysmorphose en utilisant comme référence, en ce qui nous
concerne, l’analyse architecturale de J Delaire.
Le chirurgien va
ensuite simuler les mobilisations osseuses, à l’aide d’un calque.
Dans
un premier temps, il reproduit sur le calque les contours de la
mandibule.
Il déplace ensuite sa feuille de façon à articuler au mieux
son dessin mandibulaire avec l’arcade maxillaire.
Il trace alors les
contours maxillaires.
Ce nouveau bloc maxillomandibulaire va
ensuite être déplacé et positionné en respectant les standards
céphalométriques : point NP (nasopalatin) sur la ligne CF1, plan
d’occlusion aligné sur CF7, rapport du point stomion (contact
bilabial) et du bord incisif supérieur …
Il mesure alors l’amplitude
et la direction du déplacement maxillaire dans les plans sagittal et
vertical. Enfin, il discute l’opportunité de réaliser une génioplastie
pour superposer le point Me avec son correspondant théorique.
Le
produit de cette simulation céphalométrique est donc un calque
spécifiant les données relatives à la mobilisation du maxillaire et
éventuellement du menton.
Les données téléradiographiques et dentaires sont alors confrontées.
Les conflits (pas exceptionnels) sont gérés subjectivement par
l’opérateur en fonction du contexte clinique (documents
photographiques) et de son expérience.
Si cela est nécessaire, les
plaques d’intercuspidation sont refaites.
L’ensemble de ces données corrigées par cette triple confrontation,
clinique, occlusale et céphalométrique, est définitivement consigné
sur un document, véritable feuille de route de l’opérateur.
Ces
informations peuvent être, aujourd’hui, transférées au bloc
opératoire sous un mode informatique dans le cadre des gestes
médicochirurgicaux assistés par ordinateur (GMCAO).
Anesthésie
:
La chirurgie orthognatique concerne le plus souvent des sujets
jeunes de classe American Society of Anesthesiologists (ASA) 1 et 2
mais également des patients présentant des syndromes d’apnées du
sommeil ou des malformations multiples.
La consultation préanesthésique doit s’efforcer de dépister le risque fréquent
d’intubation difficile, rechercher d’éventuels troubles de la crase
sanguine et faire le bilan des malformations associées.
L’anesthésiste
doit fournir une information claire sur les risques encourus au
cours de cette chirurgie majoritairement fonctionnelle, voire
morphologique qui ne doit en aucun cas engager le pronostic
vital et sur la situation postopératoire (prise en charge de la
douleur, oedème, blocage intermaxillaire, transfusion éventuelle).
Le protocole anesthésique a pour objectif de permettre le retour
rapide à une ventilation spontanée en cas de problème d’intubation
et de limiter au maximum le saignement peropératoire.
De plus,
pour ces patients porteurs d’un blocage intermaxillaire (par des
élastiques, gage d’une plus grande sécurité ou par des fils d’acier,
plus stable), il est primordial d’éviter le risque de réveil retardé,
l’hypotonie des voies aériennes supérieures et les nausées ou
vomissements postopératoires.
La prémédication est administrée par voie orale : hydroxyzine (1 à
2 mg/kg) en évitant toute benzodiazépine pour les patients porteurs
d’un syndrome d’apnées du sommeil ou présentant des critères
d’intubation difficile.
Le propofol (2,5 à 5 mg/kg) est l’élément de base de l’induction en
association avec le sufentanil (0,3 à 0,6 µg/kg) une fois la possibilité
de ventilation et d’intubation vérifiée.
L’anesthésie locale de la glotte
peut permettre d’éviter la curarisation qui n’est pas toujours
indispensable pour la chirurgie.
L’intubation est nasotrachéale avec
une sonde armée. Une attention toute particulière est apportée au
positionnement de la sonde, cousue à la cloison nasale, pour éviter
toute ulcération des ailes du nez.
Des sondes préformées de divers
types sont utilisées par certaines équipes.
Les raccords aux tuyaux
du respirateur sont placés en position céphalique par rapport au
patient mais le monitorage anesthésique et le respirateur sont
installés à ses pieds afin de libérer le champ opératoire.
En cas
d’intubation difficile prévisible, l’intubation guidée par fibroscopie
sous anesthésie en ventilation spontanée s’impose comme la
méthode offrant le plus de garanties de réussite et de sécurité
(Expertise 1996).
Si un packing est mis en place par le chirurgien
pour limiter les risques d’inhalation peropératoire de sang, son
retrait doit alors être scrupuleusement vérifié avant la réalisation du
blocage intermaxillaire.
Une sonde gastrique peut être mise en place
pour assurer la vacuité gastrique avant l’extubation.
Le monitorage anesthésique utilisé n’est pas spécifique mais, le
champ opératoire englobant les voies aériennes supérieures, la
surveillance des paramètres ventilatoires doit être très attentive pour
dépister précocement toute ouverture ou obstruction du circuit
respiratoire.
L’entretien de l’anesthésie est réalisé par des agents halogénés
(desflurane ou sévoflurane) en circuit fermé ou par du propofol en
perfusion continue (6 mg/kg/h) permettant de diminuer les nausées
et vomissements.
L’intensité des stimulations nociceptives au cours
de l’intervention étant très variable, l’analgésie est assurée par une
perfusion continue de sufentanil (0,3 à 0,6 µg/kg/h) ou de
rémifentanil (0,25 à 0,5 µg/kg/min) dont la vitesse est adaptée aux
différents temps chirurgicaux.
La réduction du saignement peropératoire, gênant sur le plan
chirurgical, est obtenue, outre la profondeur de l’anesthésie, par une
position proclive à 15°, par une ventilation visant à diminuer les
pressions d’insufflation pour améliorer le retour veineux et par une
hypotension contrôlée.
L’isoflurane, la nicardipine, les
dérivés nitrés ou le sulfate de magnésium sont utilisés par
divers auteurs pour maintenir une pression artérielle moyenne
inférieure à 65 mmHg (ou 70 % de la valeur basale du patient) mais
restant supérieure à 50 mmHg.
L’anesthésie locorégionale
(blocs des branches du trijumeau : nerfs infraorbitaires et
mandibulaires) peut aussi être associée pour atteindre plus
facilement ces objectifs tensionnels.
La lutte contre l’hypothermie,
assurée par un réchauffement externe (dispositifs à air chaud pulsé) et par le réchauffement des solutés perfusés, participe également à
la réduction du saignement peropératoire.
L’antibioprophylaxie est nécessaire, assurée par l’amoxicilline
associée à un inhibiteur de bêtalactamases.
Elle est débutée avant
l’incision, renouvelée toutes les deux demi-vies pendant
l’intervention et ne devrait pas dépasser 48 heures selon les
recommandations françaises.
Certaines équipes la poursuivent
cependant pendant 5 jours.
Une corticothérapie à visée antioedémateuse est instaurée dès
l’induction de l’anesthésie (2 mg/kg de méthylprednisolone),
répétée en fin d’intervention et poursuivie les 48 premières heures
postopératoires (1 mg/kg/j).
Trente minutes avant la fin de l’intervention, les nausées et
vomissements sont systématiquement prévenus par injection
intraveineuse d’ondansétron (4 mg) et l’analgésie postopératoire
est débutée par propacétamol (2 g) ou néfopam (20 mg).
Après une aspiration soigneuse du pharynx chez un patient bien
éveillé, l’extubation est réalisée et, en cas d’ostéotomies du maxillaire
supérieur, deux sondes nasopharyngées sont mises en place pour
prévenir toute obstruction des voies aériennes.
Une pince coupante
doit être positionnée près du patient dès le réveil en cas de blocage
aux fils d’acier.
La surveillance postinterventionnelle, en position
demi-assise, doit être prolongée, permettant d’assurer une analgésie
efficace.
Une titration par morphine intraveineuse est réalisée pour
obtenir une échelle visuelle analogique (EVA) < 4 et l’analgésie est
entretenue par du propacétamol associé pendant 48 heures à la
morphine en injections fractionnées systématiques ou par pompe
autocontrôlée (PCA).
Selon certains auteurs, l’analgésie
locorégionale pourrait jouer un rôle en fonction du terrain des
patients.
En cas de syndrome d’apnées du sommeil, l’analgésie évite les
morphiniques qui majorent le risque apnéique et utilise le néfopam
en perfusion continue (120 mg/24 h).
La surveillance oxymétrique
doit alors être poursuivie au moins 24 heures au mieux en soins
intensifs postopératoires.
La ventilation en pression positive est
impérative en préopératoire mais ne peut être poursuivie en
postopératoire immédiat sur ce type de chirurgie en raison du risque
d’emphysème sous-cutané facial.
Les complications anesthésiques spécifiques à la chirurgie des
ostéotomies sont rares, dominées par le maintien de la perméabilité
des voies aériennes supérieures et notamment le risque d’intubation
trachéale difficile ou impossible et l’inhalation.
Les hémorragies
graves sont exceptionnelles, le saignement est relativement
prédictible et ne nécessite qu’exceptionnellement le recours à la
transfusion sanguine.
Un protocole de transfusion autologue
programmé ne paraît donc pas nécessaire.
Le risque d’obstruction
des voies aériennes supérieures durant la phase de réveil est réel.
Un monitorage adapté (oxymétrie) et une surveillance attentive sont
indispensables surtout en cas de syndrome d’apnées du sommeil
associé.
Le risque d’infection du site opératoire est inférieur à 5 % et
les complications chirurgicales les plus fréquentes sont représentées
par les lésions nerveuses des branches trijéminales, généralement
temporaires.
Au total, quel que soit le protocole anesthésique choisi, il doit être
facilement réversible en cas de difficultés d’intubation, permettre un
bon contrôle tensionnel et un réveil rapide sans hypotonie des voies
aériennes supérieures.
Cette chirurgie fonctionnelle de la face
impose, plus qu’ailleurs, une parfaite collaboration entre les équipes
anesthésique et chirurgicale pour éviter la survenue de
complications rares mais potentiellement graves.
Installation, asepsie et matériel
:
Le patient est installé en décubitus dorsal.
La ventilation est assurée
par une intubation nasotrachéale suturée au septum membraneux.
Le système de ventilation est disposé sagittalement vers le haut,
solidaire et aussi près que possible du front du patient (filtres à
distance).
Le chirurgien (droitier) se place à la droite du patient, son
premier aide est en face de lui, le second aide, s’il y a lieu, est à la
tête du patient.
L’instrumentiste est à la droite de l’opérateur,
l’anesthésiste au pied du patient à sa gauche.
L’asepsie concerne le tégument facial et cervical, la cavité buccale et
les fosses nasales.
La disposition des champs opératoires libère
l’ensemble de la face et de la partie antérieure du cou. La sonde
d’intubation est enveloppée d’une bande stérile tout le long de sa
traversée du champ opératoire.
L’instrumentation comporte, outre les instruments habituels destinés
à la chirurgie endobuccale :
– un moteur électrique sur lequel s’adapte une pièce à main
standard et une scie va-et-vient ;
– des rugines courbes ;
– une grosse pince sans griffe de type « Rochester » pour prendre
appui sur le coroné ;
– des écarteurs spécifiques ;
– une pince de Rowe et Killey (ou un équivalent) pour mobiliser le
maxillaire ;
– des ciseaux à frapper droits et courbes de tailles différentes et un
maillet ;
– un nécessaire à blocage bimaxillaire ;
– des pinces gouges et/ou de Kérisson.
Ostéotomies
:
Le traitement des dysharmonies maxillomandibulaires poursuit
deux objectifs :
– changer la situation spatiale des bases osseuses pour restituer la
forme ;
– rétablir une relation maxillomandibulaire dans le respect absolu
de l’équilibre occlusal, critère de référence et de stabilité des
résultats.
Cet impératif rend compte de la place actuelle de l’orthodontiste qui
va réaliser l’indispensable préparation des arcades à l’aide d’un
appareillage multiattaches.
Les performances actuelles de
l’orthodontie, à même de lever les compensations alvéolodentaires
et de niveler les arcades, limitent considérablement les indications
des ostéotomies segmentaires.
Le geste chirurgical le plus
fréquemment indiqué consiste dans la mobilisation globale des
arcades à la rencontre d’une intercuspidation correctement préparée
lors du temps orthodontique.
A - SITE MAXILLAIRE
:
1- Ostéotomies totales
:
Inspirées des connaissances acquises de la traumatologie, leurs
tracés sont classiquement calqués sur les lignes de séparation craniofaciale selon Le Fort.
Elles ont en commun la mobilisation
monobloc de l’arcade dentaire supérieure, par le biais d’une
disjonction ptérygomaxillaire, mais varient, par la hauteur et
l’orientation du tracé supérieur choisi, à la demande de la
déformation.
* Ostéotomies de type Le Fort I
:
La première description faite par Wasmund en 1927 comportait la
section des apophyses ptérygoïdes. Schuchardt en 1942 réalise une
disjonction ptérygomaxillaire.
+ Voies d’abord
:
L’incision bivestibulaire est réalisée à travers la muqueuse libre, audessus
de la ligne de réflexion, d’un secteur prémolaire à l’autre.
Elle s’infléchit vers le haut sur la ligne médiane, esquivant ainsi
l’insertion du frein labial.
La rugination sous-périostée doit être large ; elle conditionne la
bonne exposition du squelette sans traction excessive sur les
commissures, facilite la mobilisation osseuse, permet enfin une
redistribution harmonieuse des parties molles sur les nouveaux
reliefs osseux.
La libération atteint ainsi le rebord orbitaire en haut,
le zygoma en dehors, l’apophyse montante et l’orifice piriforme en
dedans, en libérant largement la muqueuse nasale et le bord caudal
du septum.
Toute rugination de la berge inférieure est proscrite, pour garantir la
vascularisation du parodonte.
+ Découpe osseuse
:
Menée à la scie depuis la tubérosité maxillaire, elle traverse
délibérément le sinus maxillaire pour se terminer sur le rebord de
l’orifice piriforme 4 mm au-dessus de l’apex canin et au-dessous du
cornet inférieur.
La hauteur du tracé conditionne l’effet du
déplacement sur la base du nez.
La libération de la maxillectomie nécessite :
– l’ostéotomie du vomer sur la ligne médiane au ciseau boutonné ;
– l’ostéotomie sagittale paramédiane de la paroi interne de chaque
maxillaire au ciseau droit en préservant en arrière l’intégrité des
vaisseaux palatins descendants, lesquels assurent la vitalité avéolodentaire à travers la fibromuqueuse palatine ;
– la disjonction interptérygomaxillaire est réalisée à la rugine ou au
ciseau courbe par la voie vestibulaire ;
– des manoeuvres de mobilisation à l’aide d’un davier de Rowe-
Killey peuvent être complétées par une traction antéropostérieure
sur un appui tubérositaire ;
– le contrôle du pédicule palatin descendant et la libération de son
conduit osseux évitent sa striction lors des mobilisations verticales.
+ Contention
:
Contrôlée par blocage intermaxillaire, de part et d’autre d’une
plaque d’intercuspidation, elle est temporairement assurée par une
suspension sous-orbitaire.
La contention définitive après contrôle
des différents mouvements maxillomandibulaires fait appel à des
microplaques vissées dont la tolérance et la fiabilité sont
unanimement reconnues.
Les greffes osseuses d’interposition ou d’apposition ne sont
indiquées que dans les grands déplacements verticaux et
antéropostérieurs.
Un certain nombre de variantes ont été décrites, adoptant un tracé
quadrangulaire vers le haut (Bell), ou oblique vers l’apophyse
orbitaire externe (Souyris).
Ces ostéotomies dites intermédiaires sont
à nos yeux rarement indiquées.
2- Ostéotomies segmentaires
:
La mobilisation d’un ou plusieurs groupes alvéolodentaires du
maxillaire, décrite il y a de nombreuses années, se résume en fait à
deux descriptions : celle de Wasmund (1935) pour le recul du secteur
incisivocanin dans les proalvéolies, celle de Schuchardt (1959) pour
l’impaction du secteur prémolomolaire dans les béances avec
supraclusion molaire.
Plus récemment Bell, Epker et Schendel, après
avoir démontré la sécurité vasculaire procurée par l’intégrité de la
fibromuqueuse palatine, décrivent la segmentation d’un Le Fort I en
trois ou quatre fragments.
En pratique, il apparaît qu’une bonne préparation orthodontique dispense aujourd’hui le chirurgien de ce
découpage de l’arcade en bloc ostéodentaire.
Seule la disjonction
médiane ou paramédiane d’expansion transversale peut encore
trouver sa place dans les endognathies sévères du maxillaire, parfois
instables après expansion orthodontique.
Le tracé de Le Fort I est de loin le plus employé en chirurgie orthognathique courante.
Cependant il y a lieu de ne pas
méconnaître dans certaines situations de dysmorphoses à
composantes nasale ou orbitaire, les possibilités de mobilisation plus
globale du massif facial selon des tracés de Le Fort II et Le Fort III.
* Ostéotomies de type Le Fort II
:
Elles ont pour objectif la mobilisation du tiers médian nasomaxillaire
selon un tracé plus ou moins proche de la fracture pyramidale.
+ Voies d’abord
:
L’accès vestibulaire supérieur précédemment décrit est complété par
un abord de la jonction nasofrontale, par voie coronale.
La libération du maxillaire se poursuit par celle des orbites,
contournant par en arrière les voies lacrymales, repérant l’artère
ethmoïdale antérieure dont on réalise l’hémostase.
La dissection extramuqueuse des fosses nasales est particulièrement minutieuse
pour se mettre à l’abri d’une porte d’entrée septique.
+ Découpe osseuse
:
Elle débute en haut, à la jonction frontonasale, rejoint la paroi interne
des orbites en arrière de l’appareil lacrymal, puis le plancher en dedans du pédicule sous-orbitaire.
La hauteur de la coupe sur la
paroi interne doit se trouver à distance du crible ethmoïdal,
préalablement repéré par une imagerie préopératoire.
Le tracé
s’infléchit ensuite vers le bas à travers le maxillaire pour atteindre la
jonction ptérygomaxillaire.
La libération de la pyramide osseuse
ainsi délimitée est complétée par la section de la lame
perpendiculaire et du vomer, réalisée à travers le foyer d’ostéotomie nasofrontal élargi, suivie d’une disjonction ptérygomaxillaire par
voie endobuccale et la mobilisation prudente au davier.
* Ostéotomies selon Le Fort III
:
Elles réalisent une séparation totale du massif facial.
Elle procure une
excellente exposition de l’auvent nasal, de l’orbite interne, du
plafond orbitaire jusqu’à la fente sphénoïdale, des parois externes
jusqu’à la fente sphénomaxillaire, de la coulisse
temporozygomatique après libération du muscle temporal.
– Une contre-incision sous-orbitaire ou transconjonctivale peut aider
à l’exposition du rebord infraorbitaire, du plancher de l’orbite ; la
rugination rejoint ainsi les secteurs précédemment exposés.
– La dissection extramuqueuse endonasale est identique à celle de
l’ostéotomie de type Le Fort II.
– Une courte incision vestibulaire aborde la jonction ptérygomaxillaire, à laquelle on peut également accéder par voie
haute temporale surtout chez l’enfant.
+ Découpe osseuse
:
– L’ostéotomie nasofrontale et sa retombée orbitaire interne sont
identiques à celles du tracé de Le Fort II.
– En dehors, la découpe de l’orbite externe se prolonge sur le
frontal, soit par un éperon vertical de transposition autobloquant,
soit un croissant frontal tranversal d’avancée du rebord orbitaire
supérieur, sous couvert d’un trou de trépan foré en dehors
de la crête temporale (méthode « à crâne semi-ouvert » de P Tessier).
Un ergot sphénofrontal peut également participer à la stabilité du
montage.
La disjonction temporozygomatique puis ptérygomaxillaire permet
enfin la mobilisation et la projection du massif facial au davier et
aux distracteurs.
+ Contention
:
Par ostéosynthèses aux fils d’acier ou microplaques, elle est
utilement renforcée par les greffes osseuses interfrontonasale et
ptérygomaxillaire.
Des greffons orbitaires, zygomatiques et glabellaires assurent la continuité entre les pièces osseuses et
modèlent les contours.
Le contrôle de l’occlusion, chez l’adolescent et l’adulte, est obtenu
par blocage intermaxillaire qui peut être levé avant l’extubation, grâce à l’autocontention du montage.
Chez le jeune enfant, une
hypercorrection sagittale du trouble occlusal est recommandée.
3- Ostéotomies combinées
:
Les discordances qui peuvent exister entre la malocclusion et le
degré de rétrusion du massif facial ne permettent pas toujours la
correction du désordre par une ostéotomie monobloc, mais
nécessitent la combinaison de deux tracés (Le Fort III plus Le Fort I
par exemple) autorisant des déplacements différentiels (P Tessier).
De même, une hypoplasie orbitaire externe peut faire l’objet d’une
ostéotomie orbitomalaire en C indépendamment du tracé maxillaire
sous-jacent.
B - SITE MANDIBULAIRE
:
La mandibule se présente à l’ostéotomie sous un jour totalement
différent en raison de :
– sa structure osseuse à corticale épaisse, traversée par le pédicule
dentaire inférieur ;
– sa mobilité et la puissance des muscles masticateurs qui l’animent,
soumettant les foyers d’ostéotomie à d’importantes forces de flexion
et de torsion.
Du point de vue chirurgical, la mandibule peut être sectorisée en
trois territoires :
– l’antérieur, en avant du trou mentonnier ;
– le moyen qui chevauche avec le précédent pour se terminer à
l’angle mandibulaire ;
– le postérieur correspond au ramus ou branche montante.
1- Territoire antérieur
:
Il peut être le siège d’ostéotomies segmentaires portant sur la
projection du relief mentonnier ou la position du secteur incisivocanin.
* Génioplasties
:
Fréquemment associées aux ostéotomies maxillomandibulaires, elles
permettent la reposition spatiale exacte du point menton.
+ Voie d’abord univoque
:
Elle est menée par voie vestibulaire inférieure, en portant l’incision
sur le versant labial, pour conserver un appui à la suture et prévenir
une récession gingivale par rétraction de la fibromuqueuse attachée.
La rugination antérieure conduit à l’émergence des nerfs
mentonniers que l’on contourne pour atteindre le rebord basilaire,
libéré sur sa partie antérieure, repectant les insertions musculaires
sus-hyoïdienne, digastrique et génioglosse, lesquelles assurent la
vascularisation de la pièce ostéotomisée et participent à la
morphologie de l’angle cervicomentonnier.
+ Découpe osseuse
:
Elle est horizontale, ménage 4 mm sous les apex dentaires, en tenant
compte de la résection éventuelle d’une tranche osseuse
intermédiaire, pour réduire une hauteur verticale excessive.
Le tracé
oblique en bas et en arrière passe sous les trous mentonniers pour
rejoindre le rebord basilaire.
Le bloc ostéotomisé peut être déplacé :
en avant, en arrière, en haut, à la faveur de la résection d’une
tranche osseuse, en bas en comblant le diastème vertical par un
substitut osseux.
Des tracés spécifiques à l’avancée des géniotubercules ont été décrits
par Powell et Rilley dans le cadre de la prise en charge chirurgicale
du syndrome d’apnée obstructive du sommeil ; ils sortent du cadre
de cet exposé.
+ Ostéosynthèse
:
Double, paramédiane, elle fait appel indifféremment aux sutures
métalliques, au vissage de pleine épaisseur ou aux plaques vissées
chantournées.
* Ostéotomies segmentaires du secteur incisivocanin inférieur
:
Elles représentent les tracés les plus anciennement connus (Hullihen
1848) mais ne conservent aujourd’hui que des indications
exceptionnelles :
– ostéotomie interruptrice (Converse, 1952) selon un tracé en
« marche d’escalier », esquivant le trou mentonnier et assurant la
stabilité du montage ;
– ostéotomie non interruptrice (Köle, 1959) le plus souvent susjacente
à une génioplastie.
2- Territoire moyen
:
La branche horizontale n’est pas un site d’ostéotomie très favorable
en raison de la présence :
– du pédicule alvéolaire inférieur qu’il faut esquiver ou dérouter à
travers une tranchée osseuse ;
– des germes dentaires et de leurs parodontes qu’il faut préserver ;
– de la fibromuqueuse gingivale inextensible lors des mouvements
d’avancée, et dont l’étanchéité est difficile à assurer en fin de course.
Mehnert (1967) et Delaire (1970) décrivent le clivage sagittal de la
branche horizontale qui peut trouver indication dans de rares
inframandibulies antérieures, sans modification de l’occlusion
molaire.
3- Territoire postérieur
:
Le ramus mandibulaire représente le site chirurgical par excellence.
La multitude des tracés d’ostéotomies qui ont pu lui être appliqués
au fil du temps peuvent se résumer en fait à trois modalités.
* Clivage sagittal
:
Il réalise une séparation de la branche montante en deux valves :
l’une externe solidaire de l’ATM et portant le coroné, l’autre interne
solidaire du pédicule vasculonerveux et de l’arcade dentaire.
Imaginé par Schuchardt en 1954, le tracé est modifié par Dalpond et
Obwegeser de 1955 à 1959.
+ Voie d’abord
:
L’incision vestibulaire postérieure tracée sur le versant jugal ménage
un lambeau commissural utile pour faciliter la suture.
La
traversée du buccinateur permet d’atteindre aisément le plan osseux
libéré sur son bord antérieur jusqu’au coroné mais respectant en
dehors les insertions massétérines pour préserver la vascularisation
de la valve externe.
En dedans, la libération sous-périostée susspigienne,
après avoir repéré l’échancrure sigmoïde, expose sous le
feuillet périosté le pédicule avéolaire inférieur.
+ Tracé
:
Conduit à la fraise et à la scie, il débute horizontalement au-dessus
de l’épine de Spix (lingula mandibulaire), se poursuit sur le bord
antérieur puis sur la face externe.
En dehors, la direction du trait
peut varier : il rejoint la région préangulaire si l’on doit effectuer un
recul mandibulaire, ou se prolonge en avant pour allonger la valve
externe et favoriser le contact osseux lors d’une avancée.
Le clivage
est effectué à l’ostéotome fin, dirigé en dehors, en évitant les
mouvements de torsion à l’origine de traits de refend difficilement
contrôlables.
L’entrebâillement des valves permet la visualisation du
pédicule que l’on peut libérer, si utile, de la valve externe à l’aide
d’un décolleur.
L’ostéotomie se poursuit en arrière du pédicule
franchissant le bord postérieur, libérant les deux tables osseuses.
Ce clivage mené sur toute la largeur du ramus peut se
terminer plus précocement sur la valve interne pour éviter un trop
grand débord de celle-ci dans un recul mandibulaire.
La réduction et l’immobilisation du clivage sagittal sont délicates en
raison de l’instabilité du fragment externe portant le condyle, dont
la situation est d’appréciation difficile.
Après stabilisation de la valve
interne par blocage intermaxillaire dans l’occlusion choisie, la valve
externe est portée en haut et en arrière dans sa cavité glénoïde.
Différents procédés de contrôle peropératoires ont été imaginés ;
aujourd’hui les techniques dites des gestes chirurgicaux assistés par
ordinateurs (GMCAO) apportent leur aide à ce réel problème de
chirurgie orthognathique.
Après aménagement de la valve externe, la contention est
habituellement assurée par un vissage bicortical réalisé par voie
transjugale.
Une triangulation, de part et d’autre du
pédicule, offre une très bonne résistance.
Dans les avancées de
longue portée, une plaque vissée corticale externe peut s’avérer
utile pour renforcer le montage.
La vérification de l’occlusion en peropératoire, après libération du blocage intermaxillaire, est une
obligation.
* Ostéotomie en potence ou en « L inversé »
:
Décrite par Trauner en 1955, modifiée par Schuchardt en 1958, elle
autorise de plus grandes avancées mandibulaires et nécessite
l’apport d’une greffe osseuse.
+ Voie d’abord
:
Cutanée sous- et rétroangulaire de Sébileau, elle procure un jour
excellent sur toute la face externe du ramus.
Après la traversée du peaucier et la protection du rameau cervical du nerf facial, on atteint
l’angle mandibulaire dont on incise le périoste en arrière des
vaisseaux faciaux.
La face externe est exposée jusqu’à l’échancrure,
en ruginant largement le masséter, puis la face interne en arrière de
l’épine de Spix.
+ Ostéotomie
:
Bicorticale, réalisée à la fraise ou à la scie, elle comporte une branche
verticale rétrospigienne, parallèle au bord postérieur ; elle
s’interrompt 1 cm avant l’échancrure pour se prolonger par une
branche sus-spigienne selon un trajet légèrement ascendant vers la
base de l’apophyse coronoïde qui reste solidaire du fragment
postérieur.
P Tessier décrit un tracé à branche antérieure descendante dessinant
un tracé en V inversé.
Après séparation des fragments et blocage intermaxillaire, une greffe
osseuse habituellement iliaque est interposée dans le foyer
d’ostéotomie et immobilisée par ostéosynthèse.
* Reconstruction du ramus par greffe costale ostéochondrale
(Rowe 1972, Poswillo 1974)
:
Elle est justifiée dans les grandes dysplasies latérales avec
hypoplasie ou absence du ramus dans certaines séquelles d’ankylose
temporomandibulaire.
+ Voie d’abord
:
Double, prétragienne et cervicale, elle expose les rudiments
temporomandibulaires à la recherche d’un appui glénoïdien, puis
l’angle mandibulaire.
+ Greffon ostéochondral
:
Il provient du sixième ou septième arc costal controlatéral en
préservant périoste et périchondre au niveau de la synchondrose,
pour ne pas la fragiliser.
Il est solidement encastré est synthésé sur
la mandibule restante, après avoir contrôlé son orientation
et sa position au niveau d’une glène rudimentaire qu’il faut parfois
reconstruire.
Déroulement de l’intervention
:
Nous prenons comme description type la réalisation d’une
ostéotomie bimaxillaire associée à une génioplastie.
L’intervention débute par une infiltration muqueuse, à la Xylocaïnet
adrénalinée, de l’ensemble des abords, de la muqueuse nasale et des
pédicules trijéminaux (V2 et V3).
La génioplastie est le premier temps opératoire. Les modalités
pratiques sont celles décrites précédemment.
On procède ensuite à l’abord de la branche montante de la mandibule,
après mise en place d’une cale molaire du côté opposé à l’abord.
La muqueuse est incisée au bistouri électrique en regard du bord
antérieur du coroné, selon le tracé décrit plus haut.
L’exposition est
assurée par un écarteur coudé à 90°.
On réalise dès lors la dissection sous-périostée de la branche montante et du coroné selon les limites
précisées antérieurement.
L’exposition est assurée par une pince type
« Rochester » clampée sur le coroné, et par une rugine ou un écarteur
courbe, posé en appui à la face interne du bord postérieur du ramus.
Les deux côtés sont abordés de façon identique.
L’abord maxillaire se fait au travers de l’incision vestibulaire labiale
supérieure déjà décrite.
La muqueuse et les muscles sont incisés au
bistouri électrique jusqu’à l’os afin de réaliser la libération des
structures osseuses par un décollement sous-périosté (selon les
limites déjà décrites) jusqu’aux sutures ptérygomaxillaires qui sont
disjointes.
Sur la ligne médiane, le septum nasal est libéré de même
que le plancher des fosses nasales. Une suspension sous-orbitaire
est mise en place immédiatement en dehors du pédicule de chaque
côté.
Le développement des ostéotomies se déroule en trois temps :
l’amorce de l’ostéotomie mandibulaire, l’ostéotomie maxillaire, la
totalisation de l’ostéotomie mandibulaire.
– L’amorce de l’ostéotomie mandibulaire selon le tracé
précédemment décrit débute par la réalisation d’une tranchée
horizontale, à la fraise boule, quelques millimètres au-dessus de
l’épine de Spix.
Elle se poursuit ensuite par la section de la corticale
antérieure (au-dessus du nerf), pour se terminer par une section de
la corticale externe de la branche horizontale jusqu’au bord basilaire
à la scie va-et-vient.
Le clivage est ensuite poursuivi au ciseau à
frapper, jusqu’à pouvoir dissocier les deux valves osseuses pour
contrôler le nerf sans pour autant les séparer complètement de sorte
à conserver une référence mandibulaire stable lors du
positionnement du maxillaire au temps suivant.
Le même geste est
réalisé des deux côtés.
– L’ostéotomie maxillaire suit le tracé de Le Fort I décrit dans le
chapitre précédent.
Elle est bilatérale et symétrique et elle est
effectuée à la scie va-et-vient.
Elle est complétée au ciseau à frapper
au niveau des piliers molaires et canins, et au ciseau boutonné au
niveau du septum nasal.
La disjonction maxillaire s’effectue ensuite
au davier de Charles Freidel ou de Rowe et Killey.
Les tranches
osseuses sont régularisées, voire retaillées en fonction du
déplacement à effectuer.
L’intégrité des pédicules palatins
descendants est contrôlée.
Le maxillaire est enfin mobilisé dans la
direction souhaitée en faisant référence à la plaque
d’intercuspidation intermédiaire.
L’ensemble maxillomandibulaire est ensuite solidarisé au reste du
crâne à l’aide des fils de suspension sous-orbitaires, ce qui permet
de stabiliser le maxillaire en bonne position pendant que l’opérateur
réalise les synthèses à l’aide de quatre plaques en titane (vis
monocorticales de 5 mm).
Après déblocage, la plaque
d’intercuspidation intermédiaire et les suspensions sont déposées.
Les ostéotomies mandibulaires sont complétées en totalisant la
séparation osseuse au ciseau à frapper.
La sangle musculaire ptérygomassétérine est affaiblie.
Le patient est à nouveau bloqué aux
fils d’acier, sur la plaque d’intercuspidation finale.
L’étape suivante consiste à replacer le condyle dans sa position
préopératoire.
Cette position est assurée, soit par l’aide, soit grâce à
un davier solidarisant les deux valves osseuses.
Trois ou quatre vis bicorticales, mises en place par voie transjugale comme cela a été
décrit précédemment, pérennisent la synthèse. Après déblocage,
l’occlusion est contrôlée.
Si elle n’est pas conforme au projet, les
synthèses doivent être réajustées, après avoir rectifié la position du
fragment condylien.
Les sites opératoires sont abondamment lavés au sérum
physiologique.
Les abords sont suturés en deux plans au fil
résorbable.
L’occlusion est contrôlée par quelques élastiques
d’orthodontie correctement orientés.
La perméabilité des fosses
nasales est assurée par la mise en place de deux sondes nasopharyngées.
Le tégument du menton est rappliqué par une
mentonnière confectionnée avec de l’Élastoplastet.
PROBLÈME DU CONDYLE
:
Le replacement du condyle mandibulaire dans la chirurgie orthognathique est un réel problème.
Gateno, avance un
pourcentage de malposition condylienne après chirurgie variant de
1 à 75 %.
La moyenne semble se situer aux alentours de 9 %.
Epker avance trois grandes raisons pour contrôler la position du
condyle mandibulaire en chirurgie orthognathique :
– assurer la stabilité du résultat chirurgical à long terme, surtout
depuis l’avènement des ostéosynthèses rigides ;
– réduire l’incidence des dysfonctionnements de l’articulation ;
– optimiser l’efficacité masticatoire.
Même si certaines données sont contradictoires, il paraît prudent de
maintenir le condyle aussi près que possible de sa position
préopératoire lors des ostéotomies, surtout si l’ostéosynthèse est
rigide.
Les principaux arguments retenus sont les suivants :
– la corrélation entre récidive squelettique et malposition
condylienne ;
– les contraintes articulaires imposées par le serrage des vis ;
– les modifications radiologiques à long terme (résorption osseuse
condylienne).
Depuis le système de Leonard, les méthodes de positionnement
citées dans la littérature se sont multipliées.
On peut
schématiquement les regrouper en quatre grandes classes.
La
première regroupe toutes les méthodes empiriques qui permettent
au chirurgien, grâce à son expérience, de placer le condyle dans la
position adaptée.
Le second groupe de méthodes comprend celles
qui consistent à effectuer un certain nombre de mesures in vivo à
partir de points de repères dentaires ou osseux.
Le troisième groupe
représente toutes les méthodes basées sur des données radiologiques
et plus récemment sur des éléments échographiques.
Mais
l’ingéniosité et l’imagination des auteurs se sont surtout
développées dans le quatrième groupe de méthodes où le
repositionnement du condyle est effectué à l’aide d’appareillages
plus ou moins sophistiqués qui se différencient par leur ancrage,
soit dentaire, soit osseux.
La plupart de ces systèmes, en dehors des
plus récents, ne permettent pas un repositionnement tridimensionnel
et, comme le souligne Ellis, la précision du repérage est souvent
très aléatoire.
De plus ces méthodes encombrent le champ opératoire
de nouvelles pièces pouvant gêner le temps de l’ostéosynthèse.
Nous avons proposé et validé cliniquement une méthode originale
développée dans le cadre des GMCAO...
Elle utilise trois
émetteurs infrarouges, deux sont fixés sur les apophyses coronoïdes,
le troisième, servant de référence, est fixé sur l’arcade sourcilière
gauche.
La position spatiale de ces émetteurs est repérée de façon
interactive et par un capteur optique tridimensionnel, et transmise à
l’opérateur sur l’écran d’un moniteur (station Orthopilote Société
Aesculap).
Cette méthode permet de réaliser le repérage et le
positionnement du fragment condylien dans les trois directions de
l’espace avec une précision inférieure au degré et au dixième de
millimètre.
Le contrôle positionnel est interactif, c’est-à-dire qu’il
s’effectue en temps réel et n’impose aucune modification de la
technique opératoire.
Suivi
:
L’antibioprévention est la règle.
Les corticoïdes sont poursuivis 48
heures à la dose de 1 mg/kg/24 h.
Les sondes nasopharyngées et la
mentonnière sont laissées en place 24 à 48 heures.
L’alimentation est
reprise le lendemain de l’intervention.
Elle est liquide les 10 premiers
jours puis mixée pendant 6 semaines.
Le régime est normalisé
progressivement vers le deuxième mois.
Le guidage élastique est habituellement maintenu jour et nuit en
dehors des repas les 3 premiers mois puis seulement la nuit les
3 mois suivants.
Les contrôles cliniques sont programmés à 15 jours,
1 mois, 3 mois, 6 mois, 1 an.
Le bilan radiologique comprend
l’orthopantomogramme et des téléradiographies dans les trois
incidences.
Il est reproduit à 8 jours, 6 mois et 1 an.
Distractions
:
L’ostéogenèse par distraction est une alternative à la chirurgie orthognathique surtout dans le cadre des malformations graves.
Elle
permet une résolution plus précoce des déformations sans faire
appel aux techniques de greffes osseuses.
L’utilisation de cette
technique en substitution de la chirurgie orthognathique
traditionnelle est plus discutable.
Le principe repose sur la création d’un foyer d’ostéogenèse (par une corticotomie ou une ostéotomie), en préservant au maximum la
vascularisation périostée.
Une période de latence est respectée pour
permettre à l’hématome de s’organiser et notamment de s’enrichir,
via l’angiogenèse locale, en facteur de croissance (entre autres
plaquettaires).
Cette période dure de 5 à 7 jours.
Puis le système est
activé au rythme moyen de 1 mm/j.
Il faut ensuite prévoir une
période de consolidation de 6 à 8 semaines avant de déposer
l’appareillage.
L’os néoformé n’acquiert les propriétés mécaniques
d’un os normal qu’après environ 2 ans.
Tous les étages de la face peuvent être concernés :
– la distraction mandibulaire est la plus répandue.
Elle relève
essentiellement d’appareillages endobuccaux, les indications
devant se limiter aux fortes rétromandibulies symétriques et surtout
asymétriques de l’enfant avant l’âge requis pour une chirurgie
orthognathique ;
– la distraction maxillaire trouve son indication principale dans les
séquelles de fente sévères.
Elle est possible en théorie avec des
systèmes endobuccaux.
Mais l’importance des entraves
cicatricielles fait préférer les systèmes externes à appui péricrânien ;
– la mobilisation de l’étage moyen par des systèmes enfouis
ou par des casques est de plus en plus répandue dans les syndromes
malformatifs comme les syndromes de Crouzon.