Introduction
:
L’oedème aigu du poumon (OAP) cardiogénique est une situation
fréquemment rencontrée en pratique de
médecine d’urgence.
La prise en charge
médicalisée doit être la plus précoce
possible.
La population touchée est
essentiellement âgée, d’autant plus dans les
pays riches où l’évolution démographique
est marquée par un vieillissement important.
Physiopathologie
:
La physiopathologie de l’OAP cardiogénique
est de mieux en mieux appréhendée.
Deux
grands mécanismes sont identifiés, à savoir
une altération de la fonction systolique
d’une part et des troubles de la relaxation
myocardique d’autre part.
Il est entendu que
ces mécanismes peuvent être intriqués en
pratique clinique.
La compréhension de ces
aspects physiopathologiques est
indispensable afin d’adapter la thérapeutique
et d’améliorer la prise en charge
globale à la phase aiguë.
A - POSITION DU PROBLÈME
:
L’OAP cardiogénique se définit comme une
augmentation de la pression hydrostatique
dans la microcirculation pulmonaire
résultant d’une hypertension postcapillaire.
En se rapportant à l’équation de Starling, les
forces qui tendent à protéger le poumon et à
le maintenir sec sont la pression oncotique
plasmatique, le coefficient d’imperméabilité
de la membrane alvéolocapillaire aux
protéines plasmatiques, la pression
hydrostatique interstitielle et le système de
drainage lymphatique.
Les forces
hémodynamiques opposées sont les
pressions capillaire pulmonaire et oncotique.
À l’état normal, la pression capillaire
pulmonaire est de l’ordre de 7 à 12 mmHg
et la pression oncotique de 25 mmHg.
Dans
ces conditions, le liquide est maintenu dans
les capillaires pulmonaires.
La survenue
d’un OAP est liée à une élévation brutale de
la pression hydrostatique dans la
microcirculation pulmonaire au-delà de
25 mmHg.
La conséquence directe est une
extravasation de liquide dans le tissu
interstitiel puis alvéolaire, conduisant à des
troubles profonds de l’hématose avec
hypoxémie et à une diminution de la compliance pulmonaire.
Cette augmentation
de la pression hydrostatique dans la
microcirculation pulmonaire résulte d’une incapacité du coeur gauche à compenser le
retour veineux pulmonaire.
La dysfonction
du coeur gauche peut être systolique,
diastolique ou mixte.
La principale étiologie
de l’OAP cardiogénique est la pathologie
ischémique myocardique.
B - MISE EN JEU DES MÉCANISMES
PHYSIOPATHOLOGIQUES :
Le débit cardiaque est le produit du volume
d’éjection systolique (VES) par la fréquence
cardiaque.
Le VES dépend de la contractilité
et des conditions de charge (pré- et
postcharge ventriculaires gauches).
Le VES
est égal à la différence entre les volumes
télédiastolique et télésystolique du
ventricule gauche.
La fonction ventriculaire
gauche se caractérise par sa fonction
diastolique (relation pression-volume
télédiastolique) et par sa fonction systolique
(relation pression-volume télésystolique).
En
pathologie, l’altération de la fonction
systolique se définit par une diminution de
la contractilité et/ou une élévation de la postcharge.
Le maintien du VES se fait au
prix d’une majoration du volume
télédiastolique ventriculaire gauche qui va
s’accompagner d’une augmentation de la
pression télédiastolique ventriculaire gauche
(interdépendance de la précharge et de la
contractilité, et/ou de la précharge et de la
postcharge).
Ce phénomène se mesure par
une élévation de la pression de l’artère
pulmonaire occluse (PAPo) lors d’un
monitorage invasif hémodynamique.
Ce
mécanisme d’adaptation est limité par
l’augmentation de la pression hydrostatique
pulmonaire responsable des signes
congestifs avec oedème interstitiel puis intraalvéolaire
de l’OAP.
L’altération de la
fonction diastolique traduit une diminution
du remplissage ventriculaire gauche liée à
une réduction de la distensibilité
(compliance) diastolique.
Le VES est alors
maintenu au prix d’une augmentation de la
pression télédiastolique ventriculaire gauche.
Cette altération de la fonction diastolique
entraîne une très mauvaise tolérance de ces
patients aux modifications des conditions de
remplissage du ventricule gauche.
Ainsi, les
tachycardies ou la perte de la systole
auriculaire par fibrillation auriculaire
altèrent le remplissage ventriculaire gauche
et conduisent à une augmentation de la
pression hydrostatique pulmonaire malgré
une contractilité normale, voire augmentée.
La compréhension de ces mécanismes
physiopathologiques a évolué récemment.
Ceci permet de les aborder sous une vision
différente ou tout au moins complémentaire.
Les données de la recherche fondamentale
permettent de mieux appréhender la
réponse cellulaire myocardique vis-à-vis
d’anomalies de fonctionnement, de
conditions de charge ou d’altérations de la
fonction pompe.
Les études animales
contribuent également à approfondir les
connaissances, en détaillant la réponse du
myocarde sur l’animal entier.
Les résultats
cliniques contribuent à l’interprétation de ces
mécanismes. Les nouveaux concepts
intègrent des phénomènes complexes neurohormonaux et inflammatoires mis en
jeu lors de la baisse de débit cardiaque.
Il
s’agit en particulier du système rénineangiotensine-
aldostérone, du système
sympathique, des cytokines, des peptides
natriurétiques, de l’arginine-vasopressine,
des facteurs endothéliaux...
Ces différents
facteurs sont intriqués de façon variable en
fonction des conditions de charge, de la
nature du facteur déclenchant et du stade
évolutif de la cardiopathie.
Le système rénine-angiotensine-aldostérone
est activé par une baisse du débit de
perfusion rénal.
Il en découle une élévation
significative des concentrations plasmatiques
de rénine et d’angiotensine II, qui est un
puissant vasoconstricteur et stimulateur de
l’activation du système sympathique et de
la sécrétion d’aldostérone.
Le résultat aboutit
à une rétention hydrosodée.
La sécrétion
exacerbée et prolongée d’angiotensine II et
d’aldostérone joue également un rôle
délétère sur le cardiomyocyte par le biais
d’une dysfonction endothéliale, d’une
toxicité cellulaire directe et d’une activité
procollagène participant au remodelage
ventriculaire.
Celui-ci constitue un des
mécanismes majeurs de réponse du
ventricule gauche.
Le système nerveux sympathique, par
l’intermédiaire de la noradrénaline, permet
au début de la phase aiguë de maintenir
une hémodynamique efficace par
augmentation de la fréquence cardiaque et
de l’inotropisme.
À terme, une stimulation
excessive est associée à une apoptose des
cardiomyocytes, une hypertrophie, une
nécrose myocardique focale aggravant le
processus de remodelage.
Les cytokines et peptides ont également un
rôle à jouer.
L’atrial natriuretic peptide,
sécrété par les oreillettes, et le brain
natriuretic peptide, relargué par les
ventricules lors d’une augmentation des
conditions de charge, sont des antagonistes
physiologiques de l’angiotensine II, de la
sécrétion d’aldostérone et de la réabsorption
sodée.
La sécrétion d’endothéline 1 par les
cellules endothéliales est un puissant agent
vasoconstricteur, notamment rénal.
Elle
intervient dans les mécanismes de rétention hydrosodée et d'aggravation de
l’insuffisance cardiaque congestive.
Enfin, le tumor necrosis factor (TNF) alpha semble
également jouer un rôle néfaste sur la
contraction des cardiomyocytes.
C - CONSÉQUENCES DE LA MISE EN JEU
DES MÉCANISMES
NEUROHORMONAUX :
Dans l’hypertension artérielle, l’augmentation
de la postcharge est responsable d’une
contrainte pariétale à l’origine de
l’hypertrophie ventriculaire gauche
concentrique.
L’hypertrophie des myocytes
est secondaire à la réactivation de
l’expression de gènes embryonnaires de
synthèse des protéines cardiaques.
En
réponse à ces contraintes hémodynamiques
et biomécaniques, des facteurs de croissance
myocardique liés à l’hypertension artérielle
sont produits. De plus, l’activation du
système rénine-angiotensine-aldostérone
favorise la synthèse du collagène
intramyocardique.
Ces modifications
(hypertrophie des myocytes et fibrose
interstitielle myocardique) sur plusieurs
années vont générer le processus de
remodelage qui associe une
hypertrophie e t une modification
géométrique du ventricule gauche.
En
conséquence, une dysfonction diastolique et
systolique s’instaure, aboutissant in fine à
une dilatation cavitaire, une insuffisance
cardiaque congestive et à l’apparition de
troubles du rythme graves, facteurs
fréquents de mort subite.
L’association d’une
dysfonction endothéliale et d’une atteinte de
la microperfusion des couches épicardiques
et sous-endocardiques est probablement à
l’origine de l’intrication de la pathologie
hypertensive et de la pathologie ischémique.
Des travaux récents montrent que les
statines, les inhibiteurs de l’enzyme de
conversion, la spironolactone, les
antioxydants, tous actifs sur la fonction
endothéliale, peuvent avoir un rôle
bénéfique. Une poussée hypertensive sur
une cardiopathie hypertensive préexistante
s’accompagne d’un trouble de la relaxation
et d’une dysfonction diastolique à l’origine
de l’OAP.
De même, la survenue d’une
fibrillation auriculaire s’accompagne à la fois
d’une aggravation de la dysfonction
diastolique, mais aussi d’une dysfonction
systolique avec baisse du débit cardiaque.
L’hypoperfusion rénale qui en résulte active
le système rénine-angiotensine-aldostérone,
aboutissant à la constitution secondaire de
signes de surcharge.
Également, une hypovolémie significative induite par un
traitement médicamenteux déplétif ou
vasodilatateur excessif sur un myocarde
compliant entraîne, par le biais de l’aldostérone et de l’angiotensine II, une
activation du système rénine-angiotensinealdostérone
avec la constitution secondaire
d’un état congestif lié à la rétention
hydrosodée.
La connaissance de ces mécanismes
physiopathologiques, intriqués, variables
dans le temps et d’interprétation difficile,
doit être appréhendée avant d’instaurer un
traitement qui peut devenir potentiellement
délétère.
Prise en charge préhospitalière
:
L’OAP cardiogénique est une pathologie
mettant en jeu le pronostic vital immédiat.
Une prise en charge optimale fait appel à
une médicalisation préhospitalière et à une
orientation adaptée dans une structure de
soins, sans discontinuité de thérapeutique ni
de surveillance.
La coordination de cette
chaîne de secours est assurée par la
régulation médicale du Service d’aide
médicale urgente centre 15.
L’OAP cardiogénique réalise une
insuffisance respiratoire et circulatoire
nécessitant une prise en charge optimisée
dès la phase préhospitalière.
Il s’agit d’une
éventualité fréquente pour les équipes de
secours, vu l’augmentation de la prévalence
de l’insuffisance cardiaque chez le sujet âgé.
A - ALERTE
:
L’appel au centre 15 permet au médecin
régulateur d’évoquer rapidement la situation
de détresse.
L’âge, le mode de vie, les
antécédents cardiovasculaires et autres sont
systématiquement recherchés.
La nécessité
d’une médicalisation est généralement
évidente.
B - ÉLÉMENTS DU DIAGNOSTIC
CLINIQUE
:
Le médecin préhospitalier se trouve devant
un patient demi-assis en insuffisance
respiratoire aiguë avec sensation de mort
imminente.
L’existence de signes de lutte
respiratoire, la cyanose, les sueurs profuses
liées au taux élevé de catécholamines, les
marbrures signant un état de choc sont des
éléments de gravité.
L’agitation et les
troubles du comportement peuvent être dus
à l’anxiété, à une atteinte neurologique
préexistante ou à l’hypoxie.
La tension
artérielle doit toujours être interprétée en
fonction des valeurs habituelles.
Une
pression artérielle systolique supérieure à
150 mmHg a une valeur pronostique
favorable, au contraire d’une hypotension
artérielle, témoignant d’un choc
cardiogénique ou d’une pathologie
iatrogène.
La tachycardie est due à
l’hypoxie ; une bradycardie est le témoin
dans la plupart des cas d’une mauvaise
tolérance de l’insuffisance cardiaque.
L’auscultation pulmonaire est souvent
aspécifique, avec des râles crépitants et souscrépitants,
plus rarement des sibilants.
La
perception de râles sibilants seuls ne doit
pas égarer le diagnostic vers une crise
d’asthme chez le sujet de 60 ans et plus sans
antécédent asthmatique.
Il s’agit d’un
authentique OAP, souvent dénommé
pseudo-asthme cardiaque.
C - MONITORAGE PRÉHOSPITALIER
:
Il est standardisé et doit permettre une
surveillance effective.
Il comprend un
monitorage de la fréquence cardiaque, de la
tension artérielle, de la saturométrie de
pouls. Dans le cas où une ventilation
mécanique est nécessaire, la mesure de la
pression téléexpiratoire de gaz carbonique
(CO2) doit être installée.
Les palettes du
défibrillateur sont prêtes à l’emploi.
De mise
en oeuvre rapide, le monitorage permet de
signaler en temps réel des complications
pouvant survenir durant le transport.
D - ÉLÉMENTS DU DIAGNOSTIC
BIOLOGIQUE PRÉHOSPITALIER :
De conception récente, les équipes
préhospitalières peuvent pratiquer certains
dosages biologiques en temps réel.
Le
dosage de la troponine est fiable et facile de
réalisation.
Il a un intérêt direct sur
l’orientation du patient présentant un
syndrome coronarien aigu.
Toutefois, ces
mesures n’ont de valeur que pour des
patients examinés au-delà de la troisième
heure, délai nécessaire à l’élévation
significative du marqueur.
Depuis 1 an,
plusieurs études tendent à démontrer
l’intérêt du dosage précoce du brain
natriuretic peptide. Hormone spécifique des
myocytes du ventricule gauche, son intérêt
réside dans son aide au diagnostic, mais
aussi à l’évaluation du pronostic.
Les sensibilité et spécificité sont proches de
95 % dans le diagnostic d’insuffisance
cardiaque congestive, avec une valeur
prédictive positive de 95 % et une valeur
prédictive négative de 98 %.
Le dosage
plasmatique du brain natriuretic peptide en
pratique préhospitalière semble constituer
un argument de poids dans l’affirmation de
l’origine cardiogénique d’un OAP ou d’une
dyspnée brutale, tout particulièrement chez
le sujet âgé.
La restriction à la pratique de
ces dosages est qu’ils ne doivent en aucun
cas retarder la mise en oeuvre d’un
traitement par définition urgent, et ce
d’autant que le tableau clinique est évident
dans une très grande majorité des cas.
La
gazométrie artérielle peut également être
pratiquée en préhospitalier. Son intérêt reste
toutefois limité, dans la mesure où elle n’a
que peu d’incidence sur la stratégie
thérapeutique ou l’évaluation de la gravité.
L’examen clinique reste la clé de voûte du
diagnostic positif, appuyé par l’électrocardiogramme
et éventuellement par des
dosages biologiques précoces.
L’ensemble
permet d’envisager avec confiance l’origine cardiogénique d’un OAP.
E - ESTIMATION PRÉHOSPITALIÈRE
DE LA GRAVITÉ
:
La gravité est appréciée sur l’existence de
troubles de la conscience, d’une saturation
artérielle en oxygène effondrée, des signes
de lutte respiratoire, un collapsus
cardiovasculaire, la constatation d’un
infarctus à la phase aiguë.
En présence d’un
ou plusieurs de ces éléments et en l’absence
d’une réponse thérapeutique rapide, une
ventilation assistée doit être envisagée.
La
classification de Killip peut
présenter un intérêt pour les équipes de
réanimation préhospitalières dans leur
stratégie d’orientation.
Les OAP classe I ou
II de Killip relèvent d’un service d’urgence,
puis d’un service de cardiologie
conventionnelle.
Les classes III ou IV de
Killip nécessitent une orientation en service
de réanimation au mieux cardiologique et
pouvant offrir dans des délais brefs des
possibilités de reperfusion instrumentale.
F - ORIENTATION ÉTIOLOGIQUE PRÉHOSPITALIÈRE
:
L’orientation étiologique s’attache à
rechercher les causes susceptibles d’être
immédiatement accessibles en préhospitalier.
Les trois étiologies le plus fréquemment
rencontrées sont les cardiopathies
ischémiques, les cardiopathies hypertensives
et les tachyarythmies.
Pour les pathologies
ischémiques, l’OAP survient souvent sur
une cardiopathie connue.
En effet, un grand
nombre de patients porteurs d’une
insuffisance cardiaque ont une maladie
coronarienne.
Les cardiopathies
hypertensives, fréquentes chez le sujet âgé,
évoluent vers un OAP essentiellement par le
biais d’une dysfonction diastolique
ventriculaire gauche.
Enfin, les troubles du
rythme peuvent être à l’origine d’un OAP.
La fibrillation auriculaire, paroxystique ou
chronique, est le mode de survenue le plus
fréquent, la pathogénie étant un trouble de
la relaxation.
Les autres étiologies des OAP
cardiogéniques sont difficilement accessibles
au diagnostic préhospitalier.
L’existence
d’une valvulopathie connue ou d’un souffle
non connu peut orienter vers une
valvulopathie aortique ou mitrale aiguë.
Les
facteurs favorisants doivent être recherchés,
notamment médicamenteux (anti-inflammatoires non stéroïdiens et anti-cyclooxygénase
2, corticoïdes, antiarythmiques de classe 1, inhibiteurs calciques bradycardisants,
anthracyclines, zidovudine...).
G - STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE PRÉHOSPITALIÈRE
:
La thérapeutique a un double objectif, à
savoir prévenir l’arrêt cardiorespiratoire et
améliorer la fonction cardiaque gauche
systolique et diastolique, en termes
d’inotropisme et de conditions de charge.
La
mise en oeuvre du traitement intègre la
bonne compréhension des mécanismes
physiopathologiques, des éventuels facteurs
déclenchants et des traitements en cours.
Toutefois, l’intrication éventuelle de ces
divers éléments rend difficile l’approche
physiopathologique de la thérapeutique de
l’OAP cardiogénique en pratique
préhospitalière.
1- Correction de l’hypoxémie
:
* Masque facial
:
La correction de l’hypoxémie se fait par
administration d’oxygène (O2) au masque à
haut débit (de 10 à 12 L/min) et à fraction
inspiratoire d’oxygène (FiO2) élevée.
Elle
doit être la première mesure à prendre.
Toutefois, son efficacité reste aléatoire en
fonction de l’hémodynamique du patient et
de l’inondation alvéolaire.
* Ventilation spontanée en pression de fin
d’expiration positive (VS-PEP) :
La VS-PEP est une technique accessible
depuis quelques années en préhospitalier, où
son efficacité a largement été démontrée.
Elle réduit le travail respiratoire en
améliorant à la fois la compliance
pulmonaire et la postcharge.
L’efficacité
de la VS-PEP est donc double, avec un effet
bénéfique à la fois ventilatoire et circulatoire.
Elle permet de réduire le recours à une
ventilation mécanique.
Ce mode ventilatoire,
bien que non systématique encore à ce jour
en pratique préhospitalière, devrait s’inscrire
dès la première intention dans le traitement
de l’OAP cardiogénique.
La valve de Boussignac permet aisément de mettre en
route une VS-PEP par simple branchement
sur une bouteille d’oxygène.
Elle génère
une pression positive grâce à une valve
virtuelle créant un régime d’air turbulent à
l’extrémité du masque qui reste ouvert.
L’utilisation de la VS-PEP peut s’avérer être
un échec par épuisement respiratoire.
L’ajout
d’une aide inspiratoire permet, en réduisant
le travail ventilatoire, d’aider le patient. Cependant, aucune étude n’a montré la
supériorité de la ventilation non invasive
(VNI) avec aide inspiratoire par rapport à la VS-PEP.
De surcroît, il apparaît que
l’incidence de l’infarctus du myocarde est
plus élevée chez les patients en OAP
cardiogénique ventilés sous VNI avec aide
inspiratoire.
La ventilation en pression
positive à deux niveaux de pression ou bilevel positive airway pressure (BIPAP)
permet d’atteindre cet objectif en améliorant
plus rapidement les paramètres
ventilatoires.
Cependant, cette technique
est très peu diffusée dans le cadre de
l’urgence préhospitalière.
La VNI se
heurte également à de nombreuses contreindications,
qui sont les troubles de
conscience, les états de choc, les
vomissements, la non-acceptation du
patient.
L’absence d’amélioration, voire
l’aggravation sous VNI, imposent l’arrêt de
cette technique.
* Ventilation contrôlée
:
L’indication d’une ventilation contrôlée est
un critère de gravité indiscutable, avec une
mortalité de 84 % pour les patients en OAP
sur infarctus du myocarde.
L’intubation est
pratiquée chez les sujets en état de choc, en
épuisement respiratoire ou présentant des
troubles de la conscience.
Elle améliore les
paramètres respiratoires et hémodynamiques
en augmentant le recrutement alvéolaire et
le rapport ventilation-perfusion, et en
mettant les muscles respiratoires au repos.
La majoration de la pression intrathoracique
exerce des effets bénéfiques sur les pressions
de remplissage et sur la fonction
ventriculaire gauche.
L’intubation endotrachéale peut se faire soit après une
induction en séquence rapide, soit après une
anesthésie locale de la glotte qui permet de
respecter la position demi-assise.
2- Traitements hémodynamiques
:
* Diurétiques
:
La correction des désordres hémodynamiques
est l’autre objectif thérapeutique à
atteindre.
Les diurétiques de l’anse sont
administrés par voie intraveineuse et à des
doses suffisantes, de l’ordre de 60 à 80 mg
de furosémide ou de 2 à 4 mg de bumétanide.
Ces doses peuvent être répétées
en l’absence d’effet escompté au bout de 15
minutes.
Toutefois, l’administration en
perfusion à débit continu semble plus
efficace et moins délétère que les bolus
répétés. De même, l’efficacité de fortes doses
de diurétiques reste discutée par rapport aux
dérivés nitrés.
L’effet natriurétique est
souvent retardé par rapport à l’amélioration
clinique, du fait d’une action veinodilatatrice.
Le furosémide augmente les résistances
périphériques, avec augmentation de la postcharge altérant le débit cardiaque et le
VES.
Ceci s’explique par une activation du
système rénine-angiotensine et du système
sympathique.
* Dérivés nitrés
:
Les dérivés nitrés présentent un double
avantage par veinodilatation et effet
vasodilatateur sélectif du réseau coronarien.
Ils améliorent la consommation d’oxygène
par réduction de la pression télédiastolique,
de la tension pariétale du ventricule gauche
et amélioration de la perfusion coronaire.
La
résultante aboutit à une amélioration de la
fonction systolique et diastolique du
ventricule gauche.
L’administration répétée
de fortes doses de dérivés nitrés en bolus
associés à des doses moindres de diurétiques
(40 mg de furosémide) semble plus
appropriée dans les formes sévères que de
fortes doses de diurétiques avec une
perfusion continue de dérivés nitrés.
L’attitude actuelle dans la prise en charge
de l’OAP cardiogénique sévère à la phase
initiale consiste en l’utilisation de bolus
répétés de 3 mg toutes les 5 minutes de
dinitrate d’isosorbide associés à des doses
limitées de furosémide ou de bumétanide.
Cette stratégie agressive permet, grâce à
l’effet supplémentaire de vasodilatation
artérielle, de limiter le recours à la
ventilation contrôlée ainsi que l’incidence de
l’infarctus du myocarde.
La pression
artérielle étant monitorée, l’objectif
thérapeutique espéré est une diminution de
30 % de la pression artérielle moyenne.
Ce
schéma ne peut être proposé pour des
valeurs de pression artérielle moyenne
inférieures à 100 mmHg.
* Amines vasoactives
:
L’existence de signes de bas débit cardiaque
ou d’hypotension artérielle indique
l’administration d’amines vasoactives.
La dobutamine est proposée en première
intention.
Les posologies en débit continu
vont progressivement de 5 à 20 μg/kg/min,
en surveillant l’éventuelle survenue de
troubles du rythme.
Devant un collapsus
rebelle ou un état de choc installé, la
dopamine ou la noradrénaline, voire
l’adrénaline, sont indiquées.
Pour une
pression artérielle systolique inférieure à
70 mmHg, la noradrénaline peut être utilisée
à des doses de 0,1 à 0,3 μg/kg/min.
La
dopamine est introduite à des posologies de
5 à 20 μg/kg/min à partir de valeurs de la
pression artérielle systolique supérieures à
80 mmHg, tout en diminuant la noradrénaline.
Dès que la pression artérielle
systolique atteint 90 mmHg, la dobutamine
est progressivement introduite, tout en
pouvant espérer diminuer la dopamine.
Le
maniement des amines vasoactives reste
délicat en médecine préhospitalière, sur des
terrains d’une extrême précarité.
Elles sont
cependant le dernier rempart thérapeutique
dans les formes gravissimes.
* Autres traitements
:
Les autres traitements n’ont pas leur place
en dehors de l’amiodarone, qui peut être
proposée en l’absence de contre-indications
dans le traitement des troubles du rythme
supraventriculaires à la posologie de
5 mg/kg/20 min.
Les digitaliques ne sont
pas indiqués dans cette pathologie.
Il en va
de même pour les effets vasodilatateurs
artériolaire et veineux des morphiniques,
jusqu’à preuve du contraire.
L’accès hypertensif est dans la majorité des
cas contrôlé par les diurétiques et les dérivés
nitrés.
La persistance d’une hypertension
artérielle sévère peut faire envisager l’adjonction d’un traitement antihypertenseur.
Celui-ci doit être prudent.
La nicardipine à débit continu (de 1 à 2 mg/h)
peut être proposée au cours d’une
cardiopathie hypertensive isolée et
décompensée.
Son emploi est donc très
limité et formellement contre-indiqué lors
d’une cardiopathie ischémique associée.
L’urapidil, par ses effets vasodilatateurs
périphériques artériels et veineux en plus
d’une action hypotensive centrale, peut
représenter une alternative.
Un bolus de
25 mg est administré avant un relais en
perfusion continue (de 9 à 30mg/h).
Son
utilisation n’a toutefois jamais été validée
dans le cadre de l’OAP cardiogénique.
Un
syndrome coronarien aigu avec OAP fait
appel aux techniques de revascularisation
coronaire, soit par thrombolyse, soit par
cardiologie interventionnelle.
L’orientation
du patient prend ici une importance
primordiale.
H - ORIENTATION DU PATIENT
:
L’orientation du patient est un élément de la
prise en charge tout aussi important que la
mise en route d’une stratégie thérapeutique
adéquate.
La décision doit être prise de
manière collégiale entre le médecin préhospitalier, le médecin régulateur du
centre 15 et le cardiologue.
Dans le meilleur
des cas, le patient est orienté directement
vers un service de cardiologie disposant
d’une unité de soins intensifs et d’une table
d’angiographie.
Toutefois, un grand nombre
d’OAP sont orientés sur les services
d’accueil des urgences.
Ceci peut se
concevoir pour des patients dont l’évolution
est favorable sans nécessité de thérapeutiques
spécifiques.
À l’inverse, les patients Killip III et IV doivent être orientés d’emblée
vers un service de réanimation.
Prise en charge
au service d’accueil
des urgences :
L’admission du patient doit être anticipée
de sorte qu’une salle de déchocage soit
réservée. Le service est prévenu par
l’intermédiaire de la régulation du centre 15.
Lors de l’admission d’un OAP, comme pour
toute autre pathologie mettant en jeu le
pronostic vital, il est impératif d’assurer une
transmission orale et écrite entre le médecin
transporteur et le médecin des urgences, et
de veiller à ce qu’il n’y ait pas de rupture de
thérapeutique lors des manipulations liées
au brancardage et à l’installation du patient.
L’objectif à atteindre est de confirmer le
diagnostic, d’adapter le traitement en
fonction de l’évolution clinique et d’orienter
le malade vers la structure de soins
compatible avec son état.
A - CONFIRMATION DIAGNOSTIQUE
:
La confirmation du diagnostic débute par
l’interrogatoire qui est repris et approfondi
auprès du patient et de son entourage, afin
de cerner au mieux un ou plusieurs
éléments étiologiques.
Parmi les facteurs de
décompensation de la fonction systolique
ventriculaire gauche, il faut rechercher les
écarts de régime sans sel, le contexte
infectieux notamment bronchopulmonaire,
les endocardites, la notion ou l’existence
d’un trouble du rythme, fibrillation
auriculaire le plus souvent.
Toutefois, les circonstances favorisantes
intéressantes sont souvent liées à
l’environnement thérapeutique.
Leur
identification est fondamentale, nombre
d’entre elles sont potentiellement réversibles
sous l’effet d’un traitement spécifique
approprié.
Le caractère délétère de l’arrêt
brutal des bêtabloquants, avec diminution
significative de la fraction d’éjection et effet
rebond, est à l’origine d’une dégradation de
la fonction ventriculaire gauche, et ce
d’autant que le patient est coronarien.
Également, l’interruption des digitaliques
favorise les poussées d’insuffisance
cardiaque gauche.
La prise régulière
d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion,
d’antagonistes de l’angiotensine II, de
digoxine, de bêtabloquants doit être connue.
L’administration concomitante de
diurétiques à fortes doses au cours de
l’épisode aigu risque d’entraîner une
mauvaise tolérance hémodynamique.
Le
reste de l’interrogatoire est axé sur
l’apparition ou l’aggravation d’une dyspnée
d'effortet/ou d'une orthopnée,
préférentiellement nocturne, l’existence de
syncopes à l’effort, la notion d’une douleur
thoracique comme facteur déclenchant.
Un
électrocardiogramme 18 dérivations doit être
réalisé.
Il va permettre de déceler les
troubles du rythme supraventriculaires ou
ventriculaires, les anomalies de la
conduction auriculoventriculaire.
Les signes
électriques faisant évoquer une pathologie
coronarienne aiguë sont mis en évidence,
sauf en cas de bloc de branche gauche
complet.
Les signes d’hypertrophie
ventriculaire gauche sont identifiés, ainsi
que les anomalies de l’onde P.
L’examen
clinique recherche à l’inspection les signes
d’épuisement respiratoire associés à des
troubles du comportement dans le cas d’une
hypoxémie sévère mal tolérée ou plus
fréquemment d’une carbonarcose.
Les
marbrures, signe de la vasoconstriction
périphérique, sont notées.
La pâleur, les
sueurs profuses, l’angoisse, sont fréquentes.
En dehors de ces signes évidents de gravité
dont vont découler des mesures urgentes, la
position assise ou demi-assise traduit
l’orthopnée, le grésillement laryngé et
l’émission d’expectorations mousseuses
saumonées témoignant de l’aspect massif de
l’OAP.
L’état d’hydratation est estimé avec
la recherche d’oedèmes déclives.
L’auscultation pulmonaire confirme le
diagnostic par l’existence de râles crépitants
et sous-crépitants des deux champs
pulmonaires.
Parfois, le diagnostic est plus
difficile, voire trompeur, si la dyspnée est asthmatiforme avec bradypnée expiratoire et
râles sibilants ou bronchiques.
Les bruits du
coeur sont d’analyse délicate avec le bruit
pulmonaire surajouté.
Il faut rechercher un
bruit de galop, un souffle d’insuffisance
mitrale ou de rétrécissement aortique.
L’examen des mollets et la recherche de
signes de thrombophlébites profondes des
membres inférieurs ne doit pas être omis.
Le
reste de l’examen somatique est bien
entendu réalisé.
B - MONITORAGE AUX URGENCES
:
Le monitorage aux urgences comprend au
minimum et sans exception un électrocardioscope,
une saturométrie de pouls, une
prise tensionnelle non invasive automatisée
(mesures toutes les 10 minutes), une mesure
continue de la pression téléexpiratoire de
CO2 si une ventilation mécanique est
nécessaire.
La température centrale est prise
en début d’examen.
C - EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
AUX URGENCES :
Les examens complémentaires accessibles
aux urgences sont de deux ordres : les
examens de laboratoire d’une part, les
examens d’imagerie médicale d’autre part.
Ces derniers doivent être pratiqués au lit du
malade et en aucun cas entraver la prise en
charge thérapeutique du patient.
1- Radiographie pulmonaire
:
La radiographie pulmonaire, de réalisation
facile et rapide, est un examen essentiel.
Un
seul cliché basse tension est réalisé de face
en position assise ou demi-assise, avec une
incidence antéropostérieure.
Il permet
d’apprécier les modifications de la trame
pulmonaire, et par là l’importance de
l’oedème interstitiel et périvasculaire par
l’existence des lignes de Kerley, l’oedème
péribronchoartériel avec flou des contours
et redistribution du flux vasculaire vers les
apex, la présence d’épanchements pleuraux.
Une cardiomégalie souvent préexistante ne
peut pas être interprétée fiablement sur des
clichés effectués en décubitus dorsal ou
demi-assis.
La radiographie pulmonaire
standard permet également d’éliminer une autre cause de détresse respiratoire, comme
par exemple une pneumopathie ou un
pneumothorax.
2- Échocardiographie
:
L’échocardiographie doppler transthoracique
présente les avantages d’être un
moyen non invasif permettant d’évaluer
rapidement la fonction cardiaque et de
fournir des arguments déterminants en
faveur de l'origine cardiaque de
l’insuffisance respiratoire aiguë.
En pratique
courante, elle met en évidence une dilatation
ou une hypertrophie cavitaire associée à une
altération de la fonction ventriculaire gauche
systolique globale ou segmentaire, ou une
anomalie de la fonction diastolique.
L’analyse des valves mitrales et aortiques à
la recherche d’un rétrécissement aortique
serré ou d’une insuffisance mitrale massive
sur rupture de cordage est essentielle pour
l’orientation ultérieure du patient vers une
structure de chirurgie cardiothoracique.
La
visualisation du péricarde permet d’éliminer
une tamponnade ou une constriction.
L’échocardiographie transoesophagienne est
plus performante, mais reste à ce jour
difficilement réalisable chez des patients
précaires sur le plan respiratoire.
En cas
de ventilation mécanique, elle présente
l’avantage d’une excellente visualisation des
valves mitrales, contrairement à la technique transthoracique.
La réalisation de
l’échocardiographie à la phase aiguë de
l’OAP doit être développée en médecine
d’urgence.
3- Examens biologiques
:
* Examens biologiques de base
:
L’ionogramme sanguin apporte des éléments
importants.
Il apprécie d’abord la fonction
rénale ; ceci amène en cas d’insuffisance
rénale avancée à augmenter les doses de
diurétiques.
La natrémie oriente sur l’état
d’hydratation cellulaire du patient.
Les dyskaliémies sont corrigées sous peine de
voir apparaître des troubles conductifs ou
rythmiques précédant l’altération de la
fonction systolique.
Une hypomagnésémie
profonde peut être à l’origine d’une
insuffisance cardiaque gauche aiguë et une
diminution de la concentration extracellulaire
en calcium ionisé peut s’accompagner
d’une altération significative de la fonction
systolique ventriculaire gauche, tout comme
une lactatémie excessive.
La numérationformule
sanguine renseigne sur le degré
d’anémie éventuel et oriente vers une
pathologie infectieuse intriquée devant une
hyperleucocytose.
Cette situation est
fréquente chez le sujet âgé en OAP.
Les
marqueurs de l’inflammation, comme la
protéine C réactive, peuvent aider dans
l’orientation diagnostique et la stratégie
thérapeutique.
* Marqueurs cardiovasculaires
:
Le dosage de la troponine Ic est très sensible
et spécifique de la nécrose myocardique.
Les créatine-phospho-kinases (CPK), enzymes
d’origine musculaire, ont également une
élévation dans les mêmes délais.
Il faut
coupler leur dosage avec leur fraction MB,
plus spécifique du muscle myocardique.
Un
rapport MB sur CPK totales supérieur à
10 % oriente vers une souffrance
myocardique ischémique.
Le dosage de la
myoglobine plasmatique ne possède pas de
spécificité cardiaque, mais présente comme
seul avantage une élévation très précoce (de
1 à 3 heures) et sensible, ce qui doit être là
aussi un élément d’orientation.
En cas de
doute, le dosage des D-dimères par méthode
enzyme-linked immunosorbent assay, indiqué
en fonction des données de l’examen
clinique, permet d’effectuer un premier
triage en éliminant le diagnostic de maladie
thromboembolique.
Un résultat de D-dimères inférieur à 500 ng/mL possède
une valeur prédictive négative très forte
(supérieure à 99 %).
* « Brain natriuretic peptid »
:
Le dosage du brain natriuretic peptide réalisé
au lit du malade présentant une dyspnée
aiguë a une valeur prédictive négative
proche de 98 % dans l’insuffisance cardiaque
congestive et permet d’identifier un sousgroupe
de patients à risque.
Tout
récemment, une étude multicentrique vient
de confirmer ces premiers résultats.
Ce
nouveau marqueur présente déjà pour
certains un intérêt certain en urgence dans
le dépistage des poussées d’insuffisance
cardiaque.
Il ne doit pas remplacer
l’échocardiographie, mais peut être un
élément diagnostique très utile en cas
d’indisponibilité de cette dernière.
Le brain
natriuretic peptide éclaire également sur
l’efficacité thérapeutique et doit pouvoir
guider une éventuelle modification ou
adaptation posologique.
* Gaz du sang
:
La gazométrie artérielle a un intérêt tout
particulier : elle renseigne fiablement sur les
altérations de l’hématose et guide
l’oxygénothérapie.
L’hypoxémie à la phase
aiguë de l’OAP est une constante.
L’apparition ou l’aggravation rapide d’une
hypercapnie est un signe de gravité.
La
valeur du pH reflète l’impact systémique de
la pathologie.
L’acidose est dans ce cadre
préférentiellement mixte (respiratoire et
métabolique).
Un dosage de la lactatémie
doit être réalisé en cas d’acidose sévère.
D - TECHNIQUES VENTILATOIRES
AUX URGENCES :
Deux modes ventilatoires sont accessibles
aux urgences, la VNI et la ventilation
conventionnelle.
La VNI est une technique qui permet dans
certains cas d'éviter l'intubation
endotrachéale et la ventilation artificielle
standard.
Les OAP cardiogéniques
asphyxiques chez des sujets conscients sont
une bonne indication de VNI en VS-PEP ou
en mode BIPAP.
La ventilation au masque
permet d’attendre que le traitement fasse
son effet et d’éviter l’épuisement initial.
Les
modalités optimales d’assistance ventilatoire
dans cette pathologie sont encore discutées
et guidées par la clinique.
Cependant, la VSPEP
ne modifie pas la mortalité hospitalière.
Le recours à la ventilation
mécanique est réservé pour les formes
réfractaires aux traitements conventionnels,
les formes asphyxiques d’emblée, les
épuisements respiratoires et les troubles de
la conscience.
À l’issue de cette prise en charge aux
urgences, le patient doit être orienté selon le
niveau de conditionnement instauré et la
gravité de l’OAP vers un service de
réanimation, de soins intensifs de
cardiologie, de médecine.
L’admission
dans la structure de soins doit permettre de
poursuivre les investigations et d’adapter ou
d’instaurer d’autres thérapeutiques plus
spécifiques.
Prise en charge
lors des premières heures
d’hospitalisation
:
Le principe de cette prise en charge va
consister à mettre en oeuvre les
investigations nécessaires au diagnostic
d’une étiologie accessible à une
thérapeutique urgente supplémentaire à
celles déjà instaurées.
A - CHOC CARDIOGÉNIQUE
SUR INFARCTUS MYOCARDIQUE :
Lors d’un état de choc cardiogénique sur
infarctus du myocarde, l’objectif est de
réduire les délais de mise en route des
traitements de reperfusion à la phase aiguë
que sont la cardiologie interventionnelle et
la thrombolyse.
La cardiologie interventionnelle,
à condition de disposer d’une table
d’angiographie, doit être privilégiée.
Dans ce
contexte, il s’agit le plus souvent d’angioplastie primaire,
sans thrombolyse préalable.
Le taux de reperméabilisation
coronaire lors de choc cardiogénique est de
75 % environ, avec un taux de mortalité
globale proche des 50 %.
Les meilleurs
candidats à la revascularisation sont les
patients âgés de moins de 70 ans présentant
un infarctus inaugural sans comorbidité
associée.
La thrombolyse dans le cadre de
l’OAP cardiogénique avec choc sur nécrose
myocardique doit être administrée en
l'absence de contre-indication si
l’angioplastie n’est pas disponible ou si
l’éloignement de celle-ci ne permet pas des
possibilités de revascularisation dans des
délais acceptables.
Cette technique est
accessible dès la prise en charge préhospitalière.
Quel que soit le thrombolytique administré (recombinenttissue-
type plasminogen activator [rt-PA] ou
tenecteplase-t-PA), le bas débit cardiaque
limite la possibilité de reperméabilisation et
l’extension de la fibrinolyse.
La correction préalable du bas débit par agents
vasopresseurs ou contre-pulsion aortique
devient un impératif.
La contre-pulsion
aortique par ballon intra-aortique fait partie
intégrante de l’arsenal thérapeutique du
choc cardiogénique.
La mise en place
précoce de cette technique dans les chocs cardiogéniques améliore le pronostic des
patients sans modifier le taux de mortalité.
La contre-pulsion aortique permet de
pouvoir espérer passer le cap de l’instant
critique et doit être couplée aux stratégies
de revascularisation coronaire.
Les
techniques d’assistance extra- ou
intracorporelles du choc cardiogénique
existent.
Leurs indications dépendent de la
sévérité de l’état de choc, du contexte
étiologique, des possibilités de récupération
de la fonction myocardique après
revascularisation.
B - LÉSIONS VALVULAIRES AIGUËS
ET CARDIOMYOPATHIES
HYPERTROPHIQUES :
1- Insuffisance aortique aiguë
:
Elle associe une hypoperfusion systémique
et un OAP.
Les deux principales étiologies
sont représentées par l’endocardite
bactérienne et la dissection aortique.
Le
diagnostic repose en urgence sur
l’échocardiographie doppler.
Le traitement
repose sur la reconnaissance du degré de
défaillance circulatoire, la diminution des
pressions veineuses pulmonaires et
l’optimisation du débit cardiaque.
L’association de diurétiques et de
vasodilatateurs est recommandée.
Les inotropes positifs type dobutamine sont
souvent utilisés pour accélérer la fréquence
cardiaque.
En effet, une tachycardie entre
100 et 120 battements par minute diminue la
fuite aortique, élève la pression artérielle
diastolique, et donc la perfusion coronaire et
le débit cardiaque effectif.
Si l’instabilité
hémodynamique persiste malgré un
traitement médical bien conduit, la mutation
vers un centre de chirurgie cardiothoracique
en urgence est la seule solution.
2- Insuffisance mitrale aiguë
:
L’insuffisance mitrale aiguë par rupture de
cordage sur processus ischémique,
endocardite, dégénérescence myxoedémateuse,
est de diagnostic échographique.
La
voie transthoracique ne visualise pas
toujours la fuite mitrale et l’échographie
transoesophagienne doit alors être pratiquée.
La conduite thérapeutique tend vers une
diminution des pressions veineuses
pulmonaires, de la postcharge ventriculaire
gauche, de manière à privilégier le flux
sanguin vers la circulation systémique.
Les
vasodilatateurs sont d’indication large.
La
mise en place dans ce contexte d’une contrepulsion
aortique diastolique peut avoir des
effets favorables de réduction de la
postcharge et d’augmentation de la
perfusion coronaire.
En cas d’hypotension
sévère, les vasoconstricteurs peuvent être
manipulés avec une grande prudence devant
le risque d’augmentation préjudiciable de la postcharge.
Parallèlement à la mise en route
du traitement médical, l’identification de la
cause, notamment ischémique, doit être
rapide.
L’association d’une chirurgie de
revascularisation coronaire au remplacement
valvulaire mitral semble améliorer la survie
à long terme.
De même, lors d’une
dysfonction de pilier sans rupture, une
angioplastie précoce peut diminuer la fuite
mitrale et différer ou annuler le recours à la
chirurgie.
La thrombolyse semble diminuer
l’incidence des insuffisances mitrales au
cours des nécroses inférieures.
Toutefois, il
paraît raisonnable d’envisager une
angioplastie primaire si les conditions
locales le permettent.
Dans le cas où une
instabilité hémodynamique persiste malgré
un traitement bien conduit, la chirurgie doit
être réalisée le plus vite possible.
3- Rétrécissement mitral
:
Il peut être dû à une anomalie congénitale, à
un rhumatisme articulaire aigu ou à une
dégénérescence avec calcifications chez le
sujet âgé. Il peut rester longtemps
asymptomatique.
Chez le sujet en OAP, il
traduit dans la très grande majorité des cas
plusieurs années d’évolution.
Il faut
rechercher à l’interrogatoire des symptômes
caractéristiques comme la syncope et la
douleur thoracique d’effort, des signes
d’insuffisance cardiaque prenant toute leur
valeur en cas de souffle méconnu.
Cliniquement, un souffle systolique crescendo-decrescendo maximal en mésotélésystolique
est retrouvé dans la région
aortique et le long du bord gauche du
sternum.
L’irradiation se fait classiquement
vers les carotides, où il est possible de palper
un thrill lorsqu’il existe un gradient de
pression significatif au travers de l’orifice
aortique.
L’abolition du deuxième bruit
traduit classiquement le caractère serré de la
sténose.
L’électrocardiogramme montre des
signes d’hypertrophie ventriculaire gauche,
la radiographie thoracique au stade tardif
de la congestion pulmonaire un
élargissement du ventricule gauche et un
aspect saillant de l’aorte ascendante.
L’échocardiographie couplée au doppler
réalisée après l’admission du patient
confirme le diagnostic.
Elle précise
l’épaississement des valvules aortiques,
détecte les calcifications, apprécie l’épaisseur
pariétale et la fonction ventriculaire gauche.
La surface de l’orifice aortique peut être
déterminée et le mode doppler évalue le
gradient de pression systolique au travers
de l’orifice.
L’approche thérapeutique de ces
patients porteurs d’un rétrécissement
aortique en OAP est très délicate.
Il faut
retenir que les dérivés nitrés ne doivent pas
être utilisés, ou alors avec une extrême
prudence, en raison du risque de baisse de
la pression artérielle et de la réduction
secondaire du débit coronaire.
Ces patients
sont orientés en réanimation ou en soins
intensifs, où une prise en charge chirurgicale
ou de cardiologie interventionnelle est
discutée.
Le rhumatisme articulaire aigu est la cause
la plus fréquente de rétrécissement mitral.
La période asymptomatique peut durer
vingt années et se terminer par l’apparition
brutale d’une insuffisance cardiaque gauche, souvent contemporaine d’un épisode de
fibrillation auriculaire.
Un traitement
associant digitaliques et amiodarone va viser
à ramener la fréquence cardiaque à des
valeurs proches de la normale.
Les troubles
du rythme paroxystique avec tachycardie
mal tolérés sur le plan hémodynamique sont
à traiter éventuellement par choc électrique.
En cas d’hypotension artérielle non liée à
une hypovolémie ou à une tachycardie, les
agents vasoconstricteurs sont contreindiqués
et les agents bêta-adrénergiques
(dopamine, dobutamine) à des doses non
tachycardisantes sont préférables.
L’hypoxie,
l’hypercapnie et l’acidose sont prévenues
afin d’éviter une poussée d’hypertension
artérielle pulmonaire avec le risque d’une
insuffisance ventriculaire droite aiguë.
4- Cardiomyopathies
hypertrophiques
:
Elles se caractérisent par une hypertrophie
ventriculaire gauche et septale avec
anomalie mitrale associée.
La résultante est
un rétrécissement de la chambre de chasse,
variable selon les conditions de charge et la
systole, et que contribue à aggraver un
mouvement anormal d’un feuillet mitral qui
se plaque contre le septum.
Le trouble
hémodynamique fondamental est la
diminution de la compliance et la lenteur de
la relaxation.
L’évolution se fait vers
l’insuffisance cardiaque congestive, les
troubles du rythme et la mort subite.
Le
traitement classique associe bêtabloquants
et/ou inhibiteurs calciques.
En urgence, il
faut éviter chez ces patients précaires toutes
les situations favorisant les arythmies
auriculaires, les poussées hypertensives,
l’augmentation de contractilité, ainsi que les
diminutions brutales de précharge et de
postcharge qui aggravent l’obstruction
dynamique.
5- Autres étiologies
:
Les autres étiologies d’OAP cardiogéniques
sont explorées dans l’unité d’hospitalisation.
Les méthodes d’étude du ventricule gauche
parviennent à détecter les anomalies des
fonctions diastolique et systolique.
L’échocardiographie est indispensable.
Elle
permet à elle seule d’évaluer la fonction
contractile et les dimensions des deux
ventricules, d’apprécier les déterminants de
la pompe cardiaque (valves, péricarde,
cinétique segmentaire) par une étude
anatomique et fonctionnelle, d’étudier
sélectivement les fonctions ventriculaires
systolique et diastolique.
Le cathétérisme
artériel pulmonaire est une autre méthode,
invasive, probablement complémentaire de
l’échographie, réalisable uniquement en
unité de réanimation ou de soins intensifs.
Par la mesure du débit cardiaque couplée à
celle de la saturation veineuse en O2, il
analyse la distribution d’O2 au niveau
périphérique et permet de juger de
l’adéquation métabolique du débit.
La
mesure de la PAPo reste le meilleur indice
prédictif de survenue de l’OAP.
En
schématisant, l’échocardiographie précise le
mécanisme physiopathologique en cause,
tandis que le cathétérisme artériel
pulmonaire quantifie la dysfonction
ventriculaire gauche et guide son suivi
thérapeutique.
Il convient néanmoins de
rappeler que le cathétérisme artériel |