Métabolisme du fer : physiologie et pathologie
(Suite) Cours
d'hématologie
Pathologie
:
A - CARENCE EN FER :
Hercberg, en 1985, a proposé de distinguer trois stades selon
l’importance de la déficience en fer :
– la simple déplétion des réserves tissulaires, caractérisée par une
baisse isolée de la ferritinémie, inférieure à 12 µg/L, sans déficit de
l’érythropoïèse ;
– la déplétion des réserves s’accompagnant d’une déficience de
l’érythropoïèse.
À l’hypoferritinémie s’associe une baisse de la
sidérémie et de la saturation de la transferrine.
À ce stade, plusieurs
paramètres érythrocytaires sont anormaux : une diminution du
volume globulaire moyen (VGM) et de la concentration
corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCHM), avec une
augmentation du taux de protoporphyrine érythrocytaire et une
diminution du taux de ferritine érythrocytaire ;
– l’anémie ferriprive stricto sensu, caractérisée par une diminution
du taux d’hémoglobine.
La carence martiale est de loin la cause la plus fréquente d’anémie
microcytaire hypochrome sidéropénique.
La sidéropénie peut relever
d’une insuffisance d’apport, d’une malabsorption digestive ou de
pertes excessives, notamment hémorragiques, le plus souvent
répétées et distillantes.
L’insuffisance d’apport en fer est rencontrée
fréquemment chez le nourrisson recevant une alimentation
exclusivement lactée ne couvrant pas les besoins en fer d’un enfant
de moins de 1 an.
Chez l’enfant de plus de 1 an, une alimentation
pauvre en fer conduit progressivement à l’installation d’une anémie
microcytaire, d’autant plus que la croissance est rapide.
La grossesse
multiplie par trois les besoins en fer chez la femme, puisque le foetus
en prend lui-même 300 mg. De même, la lactation demande de
supplémenter l’alimentation.
La carence d’apport est rarissime chez
l’homme adulte sous nos climats, mais elle est possible chez le
vieillard isolé et socialement démuni.
Les carences en fer dues à une
malabsorption digestive sont souvent mixtes (par exemple : fer,
protéines, vitamine B12 et/ou folates).
Elles sont d’origine gastrique
ou intestinale.
La géophagie, encore appelée « pica », est une
perversion des habitudes alimentaires, rencontrée dans certaines
ethnies (par exemple Afrique du Nord, Égypte, Iran, Turquie, etc).
Les régimes alimentaires trop riches en phytates (par exemple la
rhubarbe), en phosphates (par exemple l’alimentation lactée) ou en
tanins (par exemple le thé) ont à un degré moindre un effet similaire,
en chélatant le fer.
À côté des hémorragies cliniquement évidentes,
source de perte importante de fer, des hémorragies minimes
chroniques, distillantes, de l’ordre de 10 à 20 mL/j de sang, peuvent
facilement passer inaperçues du malade.
Elles s’accompagnent
néanmoins à long terme d’un épuisement des réserves martiales.
Les hémorragies génitales chez la femme sont parmi les causes
majeures d’anémie hypochrome, qu’il s’agisse de ménorragies ou
de métrorragies.
Les causes les plus fréquentes de saignements
digestifs sont les hémorroïdes, les hernies hiatales, les gastrites
hémorragiques, les ulcères gastroduodénaux, les varices
oesophagiennes, la rectocolite hémorragique, les angiodysplasies
intestinales, les polypes coliques et les cancers gastro-intestinaux.
Dans les pays chauds, l’ankylostomiase doit être évoquée devant
une anémie microcytaire.
Les épistaxis récidivantes sont une cause
classique d’anémie microcytaire, notamment au cours de la maladie
de Rendu-Osler ou télangiectasie héréditaire hémorragique.
Les
hémorragies intra-alvéolaires dans le cadre d’une hémosidérose
pulmonaire idiopathique s’observent essentiellement chez l’enfant.
La perte de fer est également observée dans les hémolyses
chroniques intravasculaires par hémosidérinurie et/ou
hémoglobinurie.
Les signes cliniques d’une anémie microcytaire hypochrome sont en
rapport d’une part avec son origine, d’autre part avec son degré et
sa vitesse d’installation.
Une fatigabilité anormale avec une dyspnée
d’effort est généralement le premier signe fonctionnel, et la pâleur le
premier signe physique objectif amenant le patient à consulter.
Lozoff et al ont signalé une altération modérée des fonctions
cognitives supérieures chez les enfants carencés en fer pendant leur
très jeune âge, mais ces travaux sur le retentissement du déficit en
fer dans la petite enfance sur les acquisitions intellectuelles et le
comportement demandent confirmation.
L’hémogramme montre une diminution du taux d’hémoglobine en
dessous de 12 g/dL chez la femme et 13 g/dL chez l’homme.
Le
nombre de globules rouges n’est pas toujours diminué, du moins
dans les premiers temps de la carence.
La microcytose peut
descendre jusqu’à des valeurs de VGM de 50 fl.
L’hypochromie
(TCMH < 25 pg et CCMH < 28 g/dL) est toujours présente.
Le
dosage du FS est l’examen de première intention.
Les valeurs
normales sont de 18 ± 6 µmol/L, légèrement plus élevées chez
l’homme que chez la femme et l’enfant.
Le FS est abaissé (< 12) en
cas de carence en fer.
La capacité totale de fixation de la transferrine
(CTF) est mesurée en additionnant au taux de FS celui de la capacité
latente de fixation (CLF) en fer de la transferrine (CTF = FS + CLF).
Le coefficient de saturation de la transferrine (rapport FS/CTF) est
nettement abaissé.
Les valeurs normales sont de 55 ± 10 µmol/L
pour la capacité totale de fixation et de 15 à 40 % pour le coefficient
de saturation.
La capacité totale de fixation varie en sens inverse de
la sidérémie, d’autant plus qu’une hyposidérémie stimule la
synthèse hépatique de transferrine.
Elle est donc à la fois augmentée
(> 65 µmol/L) et désaturée (< 15 %) en cas de carence martiale.
La ferritine plasmatique est dosée par des méthodes radioimmunologiques
ou enzymo-immunométriques.
Les valeurs
normales sont plus élevées chez l’homme (40 à 280 µg/L) que chez
la femme (20 à 80 µg/L).
Son taux est abaissé dans les anémies sidéropéniques par carence martiale.
Le traitement a deux objectifs : réparer la carence martiale et traiter
sa cause chaque fois que possible.
Le traitement substitutif consiste
à apporter des sels ferreux, mieux absorbés que les sels ferriques,
par voie orale (par exemple : ascorbate, citrate, fumarate, gluconate,
etc) à la dose de 150 à 200 mg/j de fer métal chez le grand enfant et
l’adulte, et sera adapté à l’âge et au poids chez le nourrisson et le
petit enfant (10 mg/kg).
La forme injectable (intramusculaire ou
intraveineuse) doit rester exceptionnelle en raison du risque de
collapsus décrit avec cette voie d’administration, et n’est donc
prescrite qu’en cas d’intolérance digestive absolue et sous strict
contrôle médical.
Le traitement doit être poursuivi au-delà de la
correction de l’anémie, afin de restaurer pleinement les réserves en
fer de l’organisme.
B - SURCHARGES EN FER
:
1- Syndrome clinique de la surcharge en fer
:
Le syndrome clinique de la surcharge en fer intéresse le coeur, le
foie, les glandes endocrines, les os et les articulations. Les
complications sont potentiellement graves puisqu’elles peuvent
provoquer le décès des patients.
Les complications cardiaques
s’expriment à un stade tardif de la surcharge en fer.
Il s’agit
d’hypertrophie ventriculaire gauche, d’épanchement péricardique,
de troubles du rythme ou de la conduction et d’insuffisance
cardiaque congestive.
La surcharge martiale du coeur rend compte
aujourd’hui de 60 à 70 % des décès dans la thalassémie.
L’excès
de fer hépatocytaire induit des lésions de fibrose qui peuvent
évoluer vers une cirrhose dans les formes les plus avancées, voire
de cancers, en particulier lorsqu’une contamination par un virus de
l’hépatite est survenue lors de transfusions sanguines ultérieures.
La cirrhose de l’intoxication martiale n’engage pas le pronostic vital
à court terme, mais contribue à alourdir la morbidité chez les
patients surchargés et participe aux principales causes de décès dans
l’hémochromatose génétique comme dans la thalassémie.
Le
retentissement endocrinien dépend de l’âge.
Chez la femme, il
s’agit d’une ménopause précoce et chez l’homme, d’une diminution
de la libido associée à une impuissance et une atrophie testiculaire.
Chez les adolescents, la puberté est souvent retardée, voire absente ;
les signes pubertaires progressent lentement et demeurent souvent
incomplets.
Parfois, une régression est constatée après un
développement pubertaire complet ; ainsi, les aménorrhées
secondaires chez la femme.
Le fréquent retard statural, majoré par
le retard pubertaire, paraît secondaire à une insuffisance des somatomédines puisque la sécrétion d’hormones de croissance est
normale chez la plupart des malades.
Les signes d’hypothyroïdie
manifestes ou compensés sont fréquents chez les malades surchargés
en fer, de même que l’hypoparathryroïdie dont la symptomatologie
peut être sévère.
Le diabète insulinodépendant peut compliquer la
surcharge en fer.
Il s’agit d’une complication tardive de
l’hémochromatose génétique, très souvent associée à une cirrhose,
dans 80 % des cas.
Chez les malades thalassémiques polytransfusés
depuis l’enfance, ce diabète, insulinodépendant, constitue une cause
de mortalité par coma acidocétosique.
Enfin, l’atteinte ostéoarticulaire se caractérise par une ostéoporose, le plus souvent
asymptomatique, et une arthropathie, parfois révélatrice.
L’atteinte
caractéristique est une arthrite chronique intéressant les articulations métacarpophalangiennes dans l’hémochromatose génétique.
Chez
les malades thalassémiques polytransfusés, l’atteinte ostéoarticulaire
intéresse plus volontiers le rachis et les têtes fémorales à l’origine de
fractures pathologiques et de nécroses de hanche.
Enfin, la surcharge
en fer serait un facteur favorisant le développement de certaines
infections, notamment la tuberculose au cours de l’hémochromatose
africaine.
De la même façon, les patients contaminés par le virus
de l’immunodéficience humaine (VIH) semblent évoluer d’autant
plus rapidement vers le stade sida de la maladie que leur degré de
surcharge en fer est important.
2- Étiologies des surcharges en fer :
Outre l’hémochromatose génétique, maladie héréditaire récessive
fréquente dans les pays occidentaux, la surcharge en fer survient
principalement chez les malades recevant des transfusions répétées
de concentrés érythrocytaires pour le traitement d’une anémie
chronique.
Elle est aussi observée dans des circonstances plus rares
telles l’acéruloplasminémie et l’atransferrinémie.
* Hémochromatose génétique :
L’hémochromatose est une maladie héréditaire, de transmission
autosomique récessive.
On estime la fréquence des porteurs
hétérozygotes du gène muté à environ 10 % de la population.
La
liaison entre le gène de l’hémochromatose et le complexe majeur
d’histocompatibilité du chromosome 6p21.3 a été mise en évidence
par Simon et al en 1976, mais il a fallu attendre encore 20 ans
pour que soit enfin identifié le gène responsable.
Des études
familiales, réalisées particulièrement en Bretagne et dans d’autres
populations d’origine celte, ont mis en évidence un fort déséquilibre
de liaison entre le gène de l’hémochromatose et l’allèle HLA-A3,
suggérant l’effet fondateur d’un chromosome ancestral et la
transmission d’une mutation unique.
La stratégie utilisée par Feder
et al pour cloner le gène de l’hémochromatose (gène HFE) a consisté
à reconstituer les marqueurs présents sur l’allèle ancestral,
permettant ainsi de réduire l’intervalle susceptible de contenir le
gène de l’hémochromatose à 250 kb.
Une combinaison de plusieurs
techniques, de type recherche de gènes exprimés, exon trapping et
séquençage, a finalement conduit à la découverte d’un gène
candidat.
Le produit de ce gène est une protéine
transmembranaire de 343 résidus, correspondant à une nouvelle
molécule HLA de classe I et une mutation entraînant le
remplacement d’une cystéine par une tyrosine à la position 282
(C282Y) a été retrouvée à l’état homozygote chez 70 à 100 % des
malades atteints d’hémochromatose.
Cette mutation empêche la
formation d’un pont disulfure dont l’intégrité est nécessaire à la
structure secondaire et tertiaire du domaine d’interaction avec la b-2-
microglobuline et ne permet pas l’adressage de la protéine à la
membrane plasmique.
Une deuxième mutation ponctuelle
entraînant le remplacement d’une histidine par un acide aspartique en position 63 (H63D) a aussi ete identifiee, avec une frequence
relativement importante chez des sujets normaux (17 %).
Le role de
cette mutation dans le developpement de la maladie, et
particulierement chez des heterozygotes composites, n'est pas encore
clair.
La mutation H63D n'a pas de retentissement sur
l'interaction avec la b-2-microglobuline.
Des etudes de
cristallographie de la proteine HFE ont montre qu'elle differe d'une
molecule HLA de classe I par le fait que le sillon qui sert de domaine
de presentation des peptides dans les molecules de classe I est
particulierement etroit et non fonctionnel.
Il existe aussi des formes juveniles d'hemochromatose, de pronostic plus severe, qui ne sont
pas liees au chromosome 6 et dont on ne connait pas la cause.
* Localisation et fonction de la proteine HFE :
Bien que le role de la proteine HFE dans le controle de l'absorption
intestinale du fer ne soit pas encore parfaitement elucide, il est
interessant de constater que des souris ayant une inactivation des
genes de la b-2-microglobuline par recombinaison homologue ont
une accumulation progressive de fer dans les hepatocytes et ont
perdu la capacite de reduire l'absorption intestinale du fer lorsque
les reserves en fer sont augmentees.
Ces travaux confirment
l'implication des molecules HLA de classe I non classiques dans le
controle de l'absorption intestinale du fer, mais n'apportent que peu
de renseignements sur la fonction de la proteine HFE.
Les premieres
indications sont venues de travaux recents montrant une interaction
de haute affinite entre la proteine HFE et le recepteur a la
transferrine, et la formation d'un complexe ternaire entre la
transferrine, son recepteur et la molecule HFE.
Cette interaction
pourrait soit diminuer l'affinite de la transferrine pour son recepteur,
soit reguler le nombre des recepteurs qui sont adresses a la
membrane plasmique, soit enfin reguler l'internalisation du
complexe de la transferrine et de son recepteur.
Le traitement de l'hemochromatose genetique repose sur la pratique
de saignees regulieres, dont le rythme et l'abondance sont
determines par l'etat general du patient, la tolerance aux saignees et
l'importance de la surcharge en fer, correlee au taux de ferritine
serique.
Le traitement initial comporte des saignees hebdomadaires.
La frequence des saignees depend de la vitesse de normalisation de
la ferritinemie, du FS et de la saturation de la transferrine.
Lorsque
la depletion ferrique a ete obtenue, le traitement d'entretien est
determine par l'etat clinique et l'evolution des parametres
biologiques (FS et ferritine serique).
* Hemochromatose neonatale et hemochromatose juvenile :
Il s'agit de formes rares d'hemochromatose, qui ne sont pas liees au
gene HFE.
L'hemochromatose neonatale se caracterise par une
surcharge en fer massive du foie et du muscle cardiaque et le
pronostic est generalement rapidement fatal.
Il s'agit probablement
d'une anomalie du transport placentaire du fer.
Les symptomes de l'hemochromatose juvenile sont tres comparables
a ceux de l'hemochromatose genetique liee a HFE, mais l'evolution
clinique est beaucoup plus severe.
Elle se caracterise par une
apparition plus precoce, avant l'age de 30 ans, et s'accompagne
d'hypogonadisme et de troubles cardiaques severes.
En l'absence de
traitement, les malades meurent le plus souvent d'insuffisance
cardiaque.
Le locus de l'hemochromatose juvenile est localise sur le
chromosome 1q21, mais le gene n'a pas encore ete identifie.
* Surcharges post-transfusionnelles :
Tous les malades atteints d'affections hematologiques traites par la
transfusion sanguine reguliere de concentres erythrocytaires sont
exposes aux risques de la surcharge martiale transfusionnelle.
Il
s'agit principalement de la thalassemie majeure et de certaines
formes de myelodysplasies (ex-anemies refractaires), en particulier
les anemies sideroblastiques acquises idiopathiques et les anemies
refractaires simples.
Les formes d'erythroblastopenies
constitutionnelles corticoresistantes ou acquises, certaines formes de
dyserythropoiese congenitale et d'anemie sideroblastique
congenitale recoivent des transfusions regulieres qui provoquent une
surcharge en fer.
Il en est de meme chez les malades atteints
d'affections hematologiques, transfuses abondamment avant et
pendant la realisation d'une transplantation medullaire allogenique.
Chez ces derniers patients, lorsque la transplantation permet
d'obtenir un taux d'hemoglobine suffisant, il est recommande de
faire des saignees regulieres pour reduire la surcharge en fer.
Tous les patients polytransfuses doivent recevoir un traitement
chelateur du fer.
Actuellement, le seul medicament actif qui peut et
doit etre utilise est la deferoxamine (Desferalt).
La chelation du fer
est commencee lorsque la ferritine serique s'eleve aux alentours de
1 000 µg/L.
La voie sous-cutanee est la voie elective de
l'administration du Desferalt a l'aide de perfusion de 8 a
10 heures/j.
La posologie est de 40 a 50 mg/kg/j. La frequence des
injections et la posologie sont a adapter en fonction de la ferritine
serique, avec pour objectif son maintien entre 500 et 1000 µg/L.
La deferriprone (L1) est un chelateur du fer actif par voie orale dont
les premiers essais ont ete faits des 1987 chez les malades atteints de
myelodysplasie et de thalassemie majeure.
Les conclusions actuelles
de ces essais font ressortir les points suivants : la compliance est bonne chez la moitie seulement des patients
soumis au traitement ;
la posologie doit atteindre 75 mg/kg/j, a l'origine d'intolerances
digestives frequentes ;
les complications a type d'agranulocytose, de neutropenie et
d'arthralgies ont ete observees dans un nombre de cas non
negligeable ;
. il est possible que le L1 soit responsable du developpement de
fibroses hepatiques chez certains patients.
En l'etat actuel des
connaissances concernant l'efficacite et la toxicite du L1, il est
conseille de reserver la deferriprone aux patients intolerants ou non
observants au Desferalt.
* Dyserythropoieses :
Les anemies sideroblastiques sont caracterisees par une
accumulation de fer intramitochondrial, revelee par la coloration de
Perls dans les erythroblastes, et une synthese de l'hemoglobine
abaissee.
Les anemies sideroblastiques congenitales repondent a
plusieurs modes de transmission genetique ; differentes mutations
ont ete identifiees dans le gene erythroide specifique de l'eALA-S
responsable de l'anemie sideroblastique liee a l'X.
Une forme rare
d'anemie sideroblastique associee a une ataxie cerebrospinale est
due a une mutation de ABC7, un transporteur des centres fer-soufre.
Les anemies sideroblastiques acquises sont secondaires a
des intoxications (plomb, antituberculeux, ethanol) ou primitives
chroniques chez l'adulte, s'inscrivant dans le cadre des
myelodysplasies.
Toutes les thalassemies s'accompagnent de
dyserythropoiese, y compris celles qui permettent un taux de
synthese d'hemoglobine atteignant ou depassant 8 a 9 g (thalassémies intermédiaires) et qui ne nécessitent pas de
transfusions régulières.
Dans toutes ces maladies hématologiques
correspondant à des dysérythropoïèses, on observe une
hyperabsorption digestive du fer qui peut induire une surcharge
martiale importante.
Le messager métabolique provenant du tissu érythroblastique médullaire vers les cellules épithéliales de l’intestin
n’est pas identifié.
Dans les formes sévères de surcharge
en fer, un traitement chélateur du fer est indiqué selon les modalités
décrites ci-dessus.
* Autres types d’hémochromatoses :
L’hémochromatose africaine est fréquente dans certaines populations
bantoues d’Afrique du Sud et n’est pas liée au gène HFE.
Elle
pourrait être favorisée par un facteur de prédisposition génétique et
par des apports de fer excessifs chez les buveurs de bière.
Les
atteintes organiques de cette surcharge en fer sont rares ; en
revanche, les complications infectieuses et, notamment la
tuberculose, sont plus fréquentes.
L’atransferrinémie est une maladie autosomique récessive
exceptionnelle caractérisée par un défaut de synthèse de transferrine,
à l’origine d’une anémie microcytaire hypochrome nécessitant des
transfusions itératives qui aggravent la surcharge en fer tissulaire.
L’acéruloplasminémie est une maladie autosomique récessive
exceptionnelle liée à une mutation du gène de la céruloplasmine.
Cette protéine, principalement impliquée dans le métabolisme du
cuivre, permet, par son activité ferroxydasique, la sortie du fer des
cellules.
En son absence, le fer s’accumule dans différents tissus, où
il participe aux lésions responsables de la présentation clinique :
diabète, surcharge hépatique en particulier.
C - PATHOLOGIES ASSOCIÉES À UNE RÉPARTITION
ANORMALE DU FER
:
1- États inflammatoires
:
Les états inflammatoires chroniques s’accompagnent de désordres
du métabolisme du fer qui ont des similitudes avec la carence en
fer.
L’anémie de l’inflammation, appelée également « anémie des
maladies chroniques » par les auteurs anglo-saxons, survient chez
les patients atteints de maladies infectieuses, inflammatoires et de
cancers.
L’anémie est normocytaire ou microcytaire, souvent
modérée.
Elle s’accompagne d’une diminution du FS et de la
transferrine circulante et d’une augmentation de la ferritine sérique.
L’anémie est la résultante de plusieurs mécanismes : une insuffisance
de l’érythropoïèse secondaire à une diminution de la croissance des
précurseurs érythroïdes, une production inadéquate
d’érythropoïétine ; un raccourcissement de la durée de vie des
globules rouges ; une rétention du fer dans le système
réticuloendothélial.
Ce dernier mécanisme est illustré par la
présence de fer dans les macrophages médullaires accompagnant
une diminution du fer intraérythroblastique.
La réduction du
transfert du fer macrophagique à la transferrine produit une
diminution de la livraison du fer à l’érythroblaste nécessaire à la
synthèse de l’hème.
Ces désordres sont secondaires à une
augmentation de la production de cytokines intervenant dans la
réponse inflammatoire comme le TNFa, l’interleukine 1 et les
interférons.
Le seul traitement efficace contre l’anémie inflammatoire
est de supprimer la cause de l’inflammation ; la prescription de fer
est inutile et sans effet.
2- Porphyries
:
Les porphyries sont des maladies métaboliques dues à un déficit de
la chaîne de synthèse d’hème.
Chaque porphyrie correspond à une
réduction de l’activité enzymatique d’une des enzymes et le
phénotype clinique dépend des précurseurs de l’hème qui
s’accumulent et de l’organe où a lieu l’excès de production.
Les
porphyries sont transmises sur le mode autosomique dominant, à
l’exception de la porphyrie érythropoïétique ou maladie de Günther,
qui est une forme récessive.
Les porphyries hépatiques se
manifestent le plus souvent sous forme de crises aiguës avec des
symptômes neurologiques plus ou moins graves, à l’exception de la
porphyrie cutanée symptomatique, dont le symptôme principal est
une photosensibilité cutanée.
La porphyrie cutanée, qui est la
forme la plus fréquente de porphyrie, représente un groupe
hétérogène, incluant des formes sporadiques de survenue
généralement tardive (40-50 ans) et des formes familiales qui se
développent plus tôt, souvent autour ou même avant la puberté.
Dans les formes sporadiques, l’activité de l’uroporphyrinogène
décarboxylase est déficitaire seulement dans le foie, alors que dans
la forme familiale un déficit à 50 % s’observe dans tous les tissus.
L’expression de la forme sporadique dépend de facteurs
déclenchants dont les oestrogènes, l’alcool et le fer.
Une sidérose
hépatique modérée a été trouvée chez environ 80 % des patients et
une augmentation de la fréquence de la mutation C282Y du gène HFE a été décrite dans les porphyries cutanées sporadiques.
Un
traitement par saignées entraîne toujours une amélioration clinique,
même en l’absence de surcharge en fer initiale.
L’inhibition de
l’uroporphyrinogène décarboxylase pourrait être due à des formes
radicalaires de l’oxygène dont la production est catalysée par le fer
libre intracellulaire.
Le syndrome héréditaire cataracte-hyperferritinémie a été identifié
pour la première fois en 1995, simultanément en France et en
Italie, par la découverte fortuite de deux familles présentant, sur
plusieurs générations, des individus associant une cataracte de
développement précoce et une élévation persistante du taux de
ferritine sérique, en l’absence de surcharge en fer.
Dans ces deux
familles, la cataracte et l’hyperferritinémie étaient transmises de
façon autosomique dominante et, dans chaque cas, une mutation a
été identifiée dans le motif IRE présent dans la partie 5’ non codante
de l’ARNm de la sous-unité L-ferritine.
Une vingtaine d’autre cas
ont été décrits depuis, presque toujours à la suite de la découverte,
lors d’un bilan de santé ou d’une hospitalisation, d’une ferritinémie
élevée, associée à un FS et un coefficient de saturation de la
transferrine normaux.
Plusieurs mutations ponctuelles ont été
identifiées chez les patients atteints du syndrome cataractehyperferritinémie,
portant essentiellement sur la boucle et le
renflement au milieu de la tige.
La structure particulière de cette
région semble aussi favoriser les délétions dans la mesure où deux
délétions importantes, l’une de 29 pb (C10-A38) et l’autre de 16 pb
(U42-G57), ont été retrouvées dans des familles, emportant à chaque
fois l’une ou l’autre moitié de l’IRE.
Une délétion interstitielle de
deux bases A38-C39 a été décrite récemment, chez un seul membre
d’une fratrie de sept enfants, et correspondant probablement à une néodélétion.
La présence d’un IRE muté dans l’ARNm L-ferritine à l’état
hétérozygote entraîne une synthèse de ferritine constitutive dans les
tissus.
Des taux de L-ferritine élevés ont été trouvés dans des lignées
lymphoblastoïdes établies à partir de lymphocytes de malades
porteurs d’une mutation, ainsi que dans des monocytes ou dans des
globules rouges de malades.
Des dosages de ferritine réalisés sur un
cristallin obtenu lors d’une opération de la cataracte ont montré que
la synthèse de ferritine est aussi augmentée dans ce tissu, mais le
mécanisme qui conduit à l’opacification du cristallin n’est pas encore
connu.
L’augmentation de ferritine tissulaire se traduit par une élévation
des taux de ferritine sérique.
L’origine de la ferritine sérique a fait
l’objet de nombreuses controverses et certains auteurs ont proposé
que cette ferritine soit synthétisée à partir d’un gène différent de
celui codant la sous-unité L.
Cependant, dans le cas du syndrome cataracte-hyperferritinémie, il ne fait pas de doute que la ferritine
sérique et la sous-unité L -ferritine tissulaire sont issues d’un seul et
même gène.
Il ne semble pas y avoir de corrélation directe entre une
mutation donnée et l’élévation de la ferritine sérique ni chez les
individus porteurs d’une même mutation au sein d’une famille ni
entre des individus non apparentés porteurs d’une même mutation
Il ne faut donc pas confondre le syndrome héréditaire cataractehyperferritinémie
avec une hémochromatose génétique, dans la mesure où les malades n’ont pas de surcharge en fer et donc ne
doivent pas subir de thérapie par phlébotomie.
En effet, il est
intéressant de noter que les malades porteurs de mutations IRE
développent invariablement une anémie microcytaire après deux ou
trois saignées, suggérant que leur réserve en fer est inférieure à la
normale.
D’ailleurs, lors des phlébotomies, le FS diminue rapidement du fait
de la déplétion des réserves en fer de l’organisme mais les taux de ferritine sérique restent élevés, cette observation représentant un
élément important permettant de faire un diagnostic différentiel
entre un syndrome cataracte-hyperferritinémie et une surcharge en
fer, qu’elle soit d’origine génétique ou acquise.
Ce nouveau syndrome est intéressant à plus d’un titre dans la
mesure où il représente la première implication d’une anomalie de
la régulation traductionnelle par le fer dans une pathologie humaine
et où il a permis d’identifier un gène responsable d’une forme
héréditaire de cataracte.
Méthodes d’exploration
du métabolisme du fer :
A - MÉTHODES D’ÉVALUATION DU STOCK MARTIAL
:
1- Méthodes biochimiques
:
Les méthodes courantes font appel à la mesure du FS, de la capacité
totale de la fixation de la transferrine, du coefficient de saturation de
la transferrine et de la ferritine sérique. Les valeurs normales du FS
sont de 18 ± 6 µmol/L.
La capacité totale de fixation de la
transferrine est un dosage fonctionnel de la transferrine ; sa valeur
normale est de 55 ± 10 µmol/L.
Le coefficient de saturation de la
transferrine correspond au rapport du FS sur la capacité totale de
fixation de la transferrine ; ses valeurs normales sont de 15 à 40 % et
des taux dépassant 50 % chez la femme et 55 % chez l’homme sont
de bons indicateurs d’une surcharge en fer.
La mesure de la ferritine
sérique par dosage immunoenzymatique a des valeurs normales de
20 à 280 µg/L, les chiffres étant un peu plus bas chez la femme que
chez l’homme.
Cependant, la ferritine sérique est modifiée par les
états d’inflammation et la cytolyse hépatique qui augmentent son
taux circulant et rendent parfois son interprétation difficile.
Le test à
la déféroxamine (40 mg/kg de déféroxamine perfusés en 12 heures
par voie sous-cutanée) provoque l’élimination urinaire de 3 à 5mg
de fer dans les 24 heures suivant le début de la perfusion chez
l’adulte normal.
Il s’agit d’un test peu utilisé en pratique qui peut
être cependant intéressant pour évaluer les surcharges en fer, dont
l’importance est fonction de la quantité de fer éliminée par voie
urinaire.
La protoporphyrine érythrocytaire s’accumule dans les
globules rouges lorsque la synthèse de l’hème est réduite en raison
d’une carence en fer.
Ce test n’est pas de pratique courante, mais il
peut être effectué pour dépister certains états de carence en fer,
notamment lorsqu’une inflammation ou une cytolyse hépatique
modifient les taux de FS et/ou de ferritine.
Les paramètres biochimiques utilisés pour évaluer le bilan martial
ne permettent pas toujours de distinguer entre une anémie par
carence en fer et une anémie associée à un état inflammatoire ou
infectieux.
Le dosage de la sRTf a donc été proposé comme outil
diagnostique permettant d’identifier une carence en fer
« fonctionnel », reflétant une diminution des réserves en fer ou une
rétention anormale du fer dans le système réticuloendothélial associé
à une érythropoïèse accrue.
L’association d’une élévation des taux
de sRTf et d’un hématocrite inférieur à 40 % reflète un véritable
déficit en fer, même en présence de taux de ferritine sérique élevés.
Les valeurs normales du sRTf varient suivant les trousses
commerciales mais sont de l’ordre de 5 à 25 µM.
2- Méthodes biophysiques :
Des méthodes de mesure directes non invasives sont actuellement
l’objet d’évaluation.
Il s’agit de techniques utilisant la résonance
magnétique nucléaire, de techniques tomodensitométriques et de biomagnétométrie (Squidt method).
Le coefficient d’atténuation
hépatique fourni par tomodensitométrie ou résonance magnétique
nucléaire du foie peut apprécier de façon spécifique l’importance de
la surcharge en fer.
Cependant, la mise au point de ces techniques
est délicate et l’appareillage coûteux, ce qui rend la réalisation de
ces méthodes peu utilisée en pratique clinique.
3- Méthodes histologiques :
La biopsie hépatique permet de déterminer la quantité de fer par
gramme de tissu sec.
Ce test est volontiers utilisé en hépatologie
pour affirmer le diagnostic d’hémosidérose génétique.
B - ÉTUDE ISOTOPIQUE DE L’ÉRYTHROPOÏÈSE :
L’utilisation du fer pour étudier l’érythropoïèse et les mouvements
du fer vers les réserves est bien explorée par le fer 59.
L’étude de la
cinétique au fer 59 dure 14 jours et nécessite un laboratoire entraîné,
mais donne des renseignements précieux en cas d’anomalies
complexes de l’érythropoïèse.
Trois données sont fournies par cette
épreuve :
– le taux de renouvellement du fer plasmatique qui mesure la
capacité de la moelle, et donc des érythroblastes, à fixer le fer ;
– la courbe d’incorporation du fer 59 dans les globules rouges
circulants qui donne une idée quantitative de l’érythropoïèse dans
le pourcentage maximum retrouvé dans les globules rouges et une
idée qualitative (dysérythropoïèse étudiée par la forme de la courbe
d’incorporation) ;
– le siège de l’érythropoïèse et la mise en réserve par les comptages
externes.