Hépatites d’étiologie inconnue Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Les hépatites sont dites cryptogénétiques lorsque aucune étiologie
ne peut être mise en évidence.
Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion.
Elles représentent 3 à 31 % des hépatopathies évoluées et sont
à l’origine de 7 à 14 % des transplantations hépatiques.
Plusieurs
hypothèses étiologiques ont été avancées :
– une consommation excessive et inavouée de boissons alcoolisées ;
– une stéatohépatite non alcoolique ;
– une dysimmunité atypique ;
– et l’infection chronique et occulte du foie par un agent viral non
identifié.
Bien que ces différentes entités étiopathogéniques aient certaines
caractéristiques cliniques et histologiques qui leur sont propres, la
plupart des anomalies histologiques spécifiques disparaissent
habituellement au stade de cirrhose évoluée.
Les patients sont le
plus souvent asymptomatiques ou paucisymptomatiques.
Les
investigations cliniques et paracliniques sont entreprises devant la
mise en évidence d’une perturbation chronique du bilan biologique
hépatique (cytolyse et/ou cholestase).
Les hépatopathies
cryptogénétiques posent un problème important aux cliniciens
puisque le diagnostic est difficile, l’évolution peut être péjorative et
les ressources thérapeutiques spécifiques absentes.
La liste des virus potentiellement hépatotropes continue de croître
avec les découvertes du virus de l’hépatite G (GBV-C/VHG) en
1995 et du virus TTV en 1997. Récemment, les virus Yonban,
Sanban et SEN-V proches du TTV, ont été découverts.
Cependant, leur pathogénicité hépatique n’a pas encore été établie.
À l’inverse, de nouvelles approches diagnostiques moléculaires ont
permis de mettre en évidence des infections occultes par les virus
de l’hépatite B (VHB) et/ou C (VHC), infections non diagnostiquées
par les tests sérologiques et/ou moléculaires utilisés en routine.
Les
progrès de la biologie moléculaire nous ont permis d’entrer dans
une ère nouvelle de la virologie, permettant la découverte de
nouveaux virus et de mieux caractériser l’implication de virus déjà
connus dans la pathologie hépatique chronique dite
cryptogénétique. D’autres virus hépatotropes et responsables
d’hépatite restent à identifier.
A - DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
:
La découverte du VHC en 1988 a permis d’expliquer la majorité des
hépatites chroniques non-A non-B.
Cependant, l’étiologie reste
indéterminée dans 5 à 30 % des cas pour lesquels l’évolution peut
être péjorative.
B - DIAGNOSTIC D’HÉPATOPATHIE CHRONIQUE
CRYPTOGÉNÉTIQUE
:
L’hépatite cryptogénétique est un diagnostic d’exclusion.
Les
étiologies possibles d’hépatopathie chronique sont multiples et un
bilan complet est nécessaire.
Le patient est souvent
asymptomatique ou simplement paucisymptomatique, et seules
des anomalies biochimiques
- i.e. cytolyse et/ou cholestase
chronique
- interpellent le clinicien.
Parfois, le diagnostic est tardif
au cours de l’histoire naturelle de la maladie, et le patient est pris en
charge au moment des complications liées à l’hypertension portale,
l’insuffisance hépatocellulaire et/ou le cancer primitif du foie.
Dans le cadre du bilan d’une perturbation chronique du bilan
biologique hépatique
- i.e. datant d’au moins 6 mois
- la clinique et
la biologie (examens biochimiques et sérologiques) suffisent le plus
souvent à préciser l’étiologie.
Cependant, celle-ci reste indéterminée
dans 8 à 24 % des cas.
L’échographie abdominale permet d’éliminer une lésion focalisée du
parenchyme hépatique.
La biopsie hépatique percutanée aide au
diagnostic étiologique et précise la nature et l’intensité des lésions
hépatiques.
Peu de données sont disponibles sur la nature des
lésions histologiques hépatiques chez les patients porteurs d’une hypertransaminasémie chronique d’origine indéterminée.
Cela est
dû en grande partie au fait que la plupart des études portant sur de
grandes séries de patients ont été menées avant la découverte du
virus de l’hépatite C en 1988.
L’hypertransaminasémie chronique portant à la fois sur les alanine
aminotransférases (ALAT) et les aspartate aminotransférases (ASAT)
est très évocatrice d’atteinte hépatique.
Une étude portant sur
354 patients ayant une hypertransaminasémie chronique d’origine
indéterminée, a montré que l’examen histologique du foie permettait
de confirmer l’atteinte hépatique dans 94 % des cas.
Des lésions de
fibrose, voire de cirrhose étaient présentes dans 32 % des cas.
Les
caractéristiques histopathologiques des hépatites cryptogénétiques
sont variables.
Dans une étude rétrospective récente
portant sur 1075 patients, l’examen histologique du foie des 10 % de
patients ayant une perturbation chronique du bilan biologique
hépatique et dont l’étiologie n’a pas pu être déterminée grâce à la
clinique et la biologie, a retrouvé des lésions non spécifiques parfois
associées à de la stéatose dans 33 % des cas, une stéatohépatite non
alcoolique dans 16 %, une hépatite chronique dans 38 % et une
cirrhose dans 13 %.
Les deux groupes d’entités pathologiques
(hépatite chronique/cirrhose d’une part, et lésions non
spécifiques/stéatohépatite non alcoolique d’autre part) ont
vraisemblablement un déterminisme étiopathogénique différent.
C - FACTEURS D’EXPOSITION
:
Différentes études, dont celles du CDC (Center for Disease Control)
aux États-Unis, ont permis de montrer que les hépatopathies
cryptogénétiques font suite dans près de 20 % des cas à une
exposition parentérale.
Ces constatations suggèrent l’implication
d’un agent infectieux probablement viral.
D - PRINCIPALES ÉTIOLOGIES À ÉLIMINER
DEVANT UNE HÉPATOPATHIE CHRONIQUE
:
1- Causes toxiques
:
L’interrogatoire doit être minutieux afin d’identifier une
consommation excessive de boissons alcoolisées, de médicaments ou
l’exposition à d’autres agents potentiellement hépatotoxiques.
L’examen histologique du foie peut orienter le
diagnostic étiologique. L’implication de la consommation
excessive de boissons alcoolisées est retrouvée suivant les séries dans
10 à 24 % des hépatopathies chroniques.
2- Étiologies virales
:
Au cours des dernières décennies, on a pu assister à une formidable
avancée dans la caractérisation de différents agents viraux hépatotropes chez l’homme, avec la découverte des virus des
hépatites A à E, et le développement de méthodes de détection
extrêmement sensibles.
Classiquement, seuls les virus des hépatites
B (avec ou sans co-infection delta) et C peuvent être à l’origine
d’hépatopathies chroniques.
Les virus du groupe Herpès tels que le
virus d’Epstein-Barr, le cytomégalovirus, les virus HSV1/HSV2 et
VZV (varicella zoster virus) peuvent être associés à des hépatites
parfois graves mais non chroniques.
Beaucoup plus
rarement, d’autres agents viraux comme certains entérovirus,
adénovirus, parvovirus B19…, ont pu être impliqués dans la genèse
de lésions hépatiques, essentiellement sous forme d’hépatites aiguës.
3- Rôle de l’auto-immunité
:
L’hépatite auto-immune (HAI) est une hépatite chronique
essentiellement périportale, classiquement associée à une
hypergammaglobulinémie et la présence d’autoanticorps
circulants.
Elle ne représente pas une entité homogène, des
marqueurs séro-immunologiques et génétiques permettant
d’individualiser trois types.
L’HAI touche
principalement les femmes ayant un haplotype HLA A1-B8-DR3 ou
DR4, et présentant volontiers des manifestations cliniques
extrahépatiques.
Des critères diagnostiques internationaux précis
permettent de faire le diagnostic différentiel entre une HAI et une
hépatite d’autre origine.
De plus, les HAI coexistent assez
fréquemment avec d’autres atteintes auto-immunes qui affectent le
tractus biliaire comme la cirrhose biliaire primitive et la cholangite
sclérosante primitive, pouvant constituer un syndrome de
chevauchement.
Les hépatopathies d’origine métabolique, nutritionnelle ou
génétique sont essentiellement représentées par les stéatohépatites non alcooliques.
Les stéatohépatites non alcooliques
se développent préférentiellement en cas de diabète sucré de type II, d’obésité et de dyslipidémie.
L’examen histologique du foie
permet d’en faire le diagnostic. Bien que les stéatohépatites non
alcooliques aient des caractéristiques cliniques et histologiques
particulières, la plupart des spécificités histologiques disparaissent
lorsque les lésions de cirrhose sont constituées.
Le diagnostic est
alors malaisé au stade de cirrhose évoluée.
Une étude récente
portant sur 49 cas de cirrhoses cryptogénétiques a montré une forte
prévalence d’obésité et/ou de diabète sucré par rapport à une
population contrôle de 98 cirrhoses d’origine alcoolique, autoimmune
ou virale.
Ces données confirment la probable forte
implication des stéatohépatites non alcooliques dans les
hépatopathies chroniques cryptogénétiques.
5- Autres étiologies des hépatopathies chroniques
:
Les autres causes potentielles d’hépatopathie chronique sont
beaucoup plus rares.
La maladie coeliaque peut être à
l’origine d’une hypertransaminasémie chronique.
Il a été rapporté
dans deux études qu’elles pouvaient être à l’origine de près de 10%
des formes idiopathiques en Italie.
Autres formes cliniques d’hépatites
cryptogénétiques :
A - HÉPATITES AIGUËS
:
Au début des années 1970, la disponibilité de tests sérologiques
spécifiques pour le diagnostic des hépatites virales A et B a permis
d’établir qu’un certain nombre d’hépatites aiguës transmises par
voie entérale ou parentérale n’étaient pas liées à l’un de ces deux
virus.
Au début des années 1980, des études de surveillance
épidémiologique ont objectivé que les hépatites aiguës non-A, non-B
représentaient 15 à 50 % des hépatites aiguës d’allure virale chez
l’adulte.
À la fin des années 1980, les progrès de la biologie
moléculaire ont permis d’identifier les virus des hépatites C et E et
de montrer que le VHC était responsable de la majorité des cas
d’hépatites non-A, non-B à transmission parentérale, et le VHE
des cas à transmission entérique.
Cependant, de nombreux cas
restent encore sans étiologie identifiée, encore appelés hépatites non-A, non-B, non-C, non-D, non-E (non-A-E).
Environ 5 à 30 % de
ces hépatites non-A-E évoluent vers la chronicité.
De
nombreux agents viraux ont été évoqués comme potentiellement
responsables d’hépatites aiguës non-A non-E, mais leur rôle dans
les hépatites chroniques n’a pu être confirmé.
Par exemple,
l’implication d’un paramyxovirus a été évoquée dans des cas
d’hépatites aiguës à cellules géantes chez des adultes.
Hibbs et al.
ont décrit en 1992, un cas d’hépatite aiguë et d’anémie aplastique
dans lequel était impliqué un parvovirus.
B - HÉPATITES FULMINANTES
:
L’hépatite fulminante résulte d’une nécrose massive du parenchyme
hépatique qui peut être d’origine virale, toxique, médicamenteuse
ou auto-immune, voire liée à un désordre métabolique.
Les virus
des hépatites A et B peuvent être à l’origine d’hépatites fulminantes,
alors que l’implication du virus de l’hépatite C n’a pas été
démontrée. Cependant, l’étiologie reste indéterminée dans 30 à 40 % des cas.
Il a été montré de manière isolée, des
particules de type « togavirus » en microscopie électronique dans de
rares cas d’hépatites fulminantes mais ces travaux n’ont pu se
confirmer ultérieurement.
Dans de nombreuses publications, la cause des hépatites fulminantes
idiopathiques est le plus souvent présumée d’origine virale.
Certains
arguments plaident en ce sens :
– certains patients présentent des prodromes pseudogrippaux alors
que les marqueurs viraux sont négatifs ; cependant ces
symptômes sont non spécifiques et ne permettent pas d’éliminer une
autre étiologie, notamment dysimmunitaire ;
– la récurrence sur le greffon est fréquente (près de 70 % des cas) ; cependant, il est actuellement bien reconnu que l’hépatite autoimmune
peut récidiver sur le greffon ;
– l’observation de cas d’aplasie médullaire après transplantation ;
cependant ces cas restent rares.
En conclusion, les hépatites fulminantes idiopathiques ont
vraisemblablement plusieurs origines étiologiques possibles parmi
lesquelles l’implication d’agents viraux encore non identifiés garde
la préférence et doit être retenue.
Identification de nouveaux virus
des hépatites :
A - PROBLÈMES PARTICULIERS LIÉS À L’IDENTIFICATION
DE NOUVEAUX PATHOGÈNES :
La caractérisation moléculaire de nouveaux agents responsables
d’hépatite virale s’est accélérée durant la dernière décennie par la
conjugaison des techniques de biologie moléculaire (techniques
différentielles, banques d’ADN) et d’immunologie (banques
d’expressions).
En effet, l’utilisation de ces techniques a
permis l’isolement de « virus candidats » des hépatites, extrêmement
différents quant à leurs caractéristiques biologiques (hépatites C, E,
G, TTV, SEN-V).
De surcroît, l’amélioration des méthodes de polymerase chain reaction (PCR), a permis de définir l’existence
d’infections à VHB et VHC occultes dans le groupe des hépatites
considérées comme non-A non-E en l’absence des critères
sérologiques définissant les hépatites.
Le rôle pathogène de ces
réplications virales a minima reste à documenter formellement.
De
même, l’établissement du rôle pathogène des virus isolés dans le
contexte des hépatites d’étiologie inconnue demeure l’élément le
plus complexe à établir et demande après leur caractérisation immunovirologique de nombreuses études « clinicoépidémiologiques
».
B - EXEMPLE DU VIRUS DE L’HÉPATITE GB
:
La découverte du virus GB-C par Simons en 1995 a reposé sur la
mise en oeuvre d’une technique différentielle appelée « RDA ».
Le
sérum d’un chirurgien de 34 ans (initiales GB) obtenu au quatrième
jour de l’ictère a été injecté à des tamarins.
La « RDA », qui requiert
de petites quantités d’acides nucléiques a été réalisée en comparant
les acides nucléiques totaux de l’animal ayant reçu le sérum
contaminé et le sérum du même animal avant injection.
Les acides
nucléiques (ADN ou ARN simples ou doubles brins) ont été
convertis en ADN complémentaire par transcription inverse en
utilisant des amorces aléatoires.
Deux séquences d’ARN,
nommées GB-A et GB-B étaient présentes dans le sérum après
inoculation uniquement.
L’analyse des séquences a montré qu’il ne s’agissait pas de
génotypes du VHC (moins de 44 % d’homologie).
La faible
homologie entre les séquences GB-A et GB-B a montré qu’il ne
s’agissait pas de deux génotypes d’un même virus.
Des amorces
dégénérées dans la région de l’hélicase ont permis d’amplifier un
virus nommé GB-C ayant 50-65 % d’homologie avec les virus GB-A
et GB-B.
L’analyse par PCR de sérums humains a permis de mettre
en évidence que le virus GB-C est le virus qui infecte l’homme alors
que les virus GB-A et GB-B, malgré des réactions immunes croisées
n’infectent que le tamarin.
Le virus de l’hépatite G a été découvert
simultanément par deux groupes de recherche, en effet alors que le
groupe de Simons isolait le GBV-C, le VHG a été isolé grâce à
une banque de phages et au criblage par le sérum d’un patient
souffrant d’une hépatite post-transfusionnelle inexpliquée : l’homologie de séquence de ces deux virus, de l’ordre de 95 % a
permis d’établir qu’il s’agissait d’un seul virus.
1- Exemple du virus TT
:
Un clone a été isolé par la même technique différentielle que celle
utilisée pour le virus GBV (RDA), ceci en comparant les acides
nucléiques présents dans le sérum d’un patient avant et après
hépatite post-transfusionnelle.
Après trois cycles de soustraction,
36 clones ont été obtenus et séquencés.
Quatre séquences ne
correspondaient à aucune séquence identifiable dans les banques de
données. Grâce à des PCR spécifiques des différents clones, l’un
d’entre eux, N22, a été amplifié uniquement dans le sérum après
transfusion.
Ce clone pouvait être amplifié à partir de fractions de sucrose de 1,26 g/cm3 lors du fractionnement du sérum positif.
Cette
densité était compatible avec la présence d’un agent viral, dénommé TTV (TT étant les initiales du patient).
À partir de la séquence
clonée, N22, l’ensemble du génome a été identifié par PCR inverse,
le génome étant circulaire.
2- Exemple du virus SEN
:
Ce virus a été décrit par Tanaka et al. en 2001.
Découvert en
utilisant des amorces dégénérées à partir du virus TT.
Cette
technique implique d’effectuer des PCR dans des gènes conservés à
travers une famille virale grâce à des amorces dites dégénérées,
c’est-à-dire qui tiennent compte des variations possibles dans les
gènes d’intérêt.
Les amorces dégénérées (en fait un mélange de
séquences qui suivent les variations de la famille virale dans le
domaine d’intérêt) permettent d’amplifier et caractériser des
séquences d’acides proches d’une séquence connue.
Une séquence
ADN a été ainsi isolée chez un patient positif au virus de
l’immunodéficience humaine (VIH), la comparaison des acides
nucléiques de patients immunodéprimés et de donneurs de sang a
permis l’isolement d’une séquence ADN dont l’analyse des
séquences complètes a permis de classer ce virus SEN comme un
virus de la même famille virale que le TTV.
Virus « candidats » dans les hépatopathies cryptogénétiques
:
A - INFECTION PAR LE VIRUS DE L’HÉPATITE B
EN L’ABSENCE DE MARQUEURS SÉROLOGIQUES :
L’existence d’infections à VHB, en l’absence de l’antigène HBs a été
longtemps l’objet de débats mais l’existence de ce phénomène, sa
fréquence et son importance clinique sont maintenant reconnues
suite à de nombreuses publications et revues qui font le point sur le
problème.
En effet, l’ADN du VHB a été détecté en l’absence
d’antigène HBs dans le sérum des patients dans de nombreuses
situations cliniques incluant :
– les hépatites chroniques non-A non-E, les hépatopathies
alcooliques et le carcinome hépatocellulaire (CHC) ;
– la réactivation virale après immunodépression ;
– la transmission humaine par transfusion ou expérimentalement
au chimpanzé.
B - INFECTIONS « OCCULTES » PAR LE VHB DANS
LA LITTÉRATURE (EXEMPLES)
:
La disparition de l’antigène HBs dans le sérum, chez un patient
porteur du VHB indique généralement la séroconversion HBs/anti-HBs synchrone de l’amélioration des paramètres biochimiques et histologiques caractéristiques de la guérison d’une hépatite.
Par
ailleurs, de nombreuses études ont décrit la réactivation d’un VHB
latent, HBsAg (-) après chimiothérapie et/ou traitement
immunosuppresseur.
Il a également été montré que des patients
développaient des hépatites B après transplantation de foie ou de
rein de donneurs négatifs pour l’antigène HBs.
Parmi
les patients HBsAg (-), certains sont porteurs d’anticorps anti-HBc
de manière isolée, seul marqueur d’une infection antérieure par le
VHB.
Après de nombreuses controverses, il est maintenant
documenté que les patients « anti-HBc » isolés, peuvent transmettre
l’infection en particulier par don du sang, transplantation d’organe
et pour la plupart ont des séquences ADN du VHB circulant dans leur sérum en
faible quantité.
Les hépatites B « occultes » définies
par la détection de l’ADN du VHB en l’absence d’antigène HBs
existent dans différents contextes cliniques.
L’existence
des hépatites B « occultes » n’est pas restreinte aux zones de forte
endémicité du VHB, en effet, de tels cas ont été décrits à plusieurs
reprises dans les pays occidentaux y compris la France.
La
proportion des hépatites d’étiologie indéterminée, parmi lesquelles
l’ADN du VHB pourra être détecté, dépend de plusieurs
paramètres :
– la méthode utilisée, y compris dans le cadre de la PCR où le choix
des amorces est essentiel et la sensibilité de la réaction enzymatique
peut varier de manière cruciale ;
– l’origine des échantillons, ainsi, si par exemple des donneurs de
sang anti-HBc à transaminases normales s’avèrent
exceptionnellement porteurs de séquences de l’ADN du VHB, cette
proportion s’inverse chez des patients anti-HBc isolés ayant des
transaminases élevées ;
– dans les zones d’endémie élevée du VHB la présence d’infections
VHB « occultes » est également plus élevée ;
– la prévalence est différente selon que l’on recherche le virus dans
le sérum ou dans le foie.
Il est maintenant établi que la prévalence des hépatites B HBsAg (-)
se situe entre 20 et 30 % des cas d’hépatite non-A non-E en Europe.
Ce phénomène est donc fréquent et la recherche du VHB par des
PCR très sensibles dans le cadre des hépatites d’étiologie inconnue
s’impose.
C - INFECTION PAR LE VIRUS DE L’HÉPATITE C
EN L’ABSENCE DE MARQUEURS SÉROLOGIQUES
INFECTION « OCCULTE »
:
L’existence d’infections « occultes » par le VHC, comme cela est
désormais admis pour le VHB, est encore moins bien acceptée bien
que suggérée par différentes études récentes.
Trois groupes de recherche distincts ont décrit la transmission du VHC par des donneurs de sang n’ayant pas d’anticorps anti-
VHC.
Dans une étude menée chez 15 patients ayant une
hépatite d’étiologie inconnue, le groupe de Schmidt et al. a
détecté l’ARN du VHC par reverse transcription (RT) PCR chez
10/15 patients (67 %) en travaillant sur les acides nucléiques extraits
à partir de sang total et non pas de sérum.
Ces résultats sont
concevables lorsque l’on prend en compte une étude telle que celle
du groupe de Lefrère et al. (1997) qui a montré, en effectuant le
suivi de patients polytransfusés, que certains pouvaient perdre leurs
anticorps anti-VHC tout en demeurant positifs pour l’ARN du VHC
par PCR.
Le groupe de Berasain a publié une étude sur
109 patients ayant une hépatite chronique d’étiologie inconnue, et
9 % des patients se sont révélés être positifs pour l’ARN du VHC en
l’absence d’anticorps anti-VHC.
La prévalence de ces hépatites C
« occultes » et leur implication dans le développement des hépatites
d’étiologie inconnue restent à démontrer.
D - VIRUS DE L’HÉPATITE G
:
Bien qu’en partie consacré par un usage antérieur, le terme GBV-C
est préférable à celui de virus de l’hépatite G (VHG) car le rôle de ce
virus reste incertain.
La prévalence du VHG
détecté par PCR chez les donneurs de sang est de l’ordre de 1,4 %,
elle est de l’ordre de 3 % chez les patients hémodialysés.
La fréquence du VHG est de 9 % dans un groupe
de 45 patients ayant une hépatite aiguë d’étiologie inconnue mais
plus élevée chez des patients ayant une hépatite aiguë A, B ou C.
Dans l’étude de Berasain, sur 109 patients ayant une hépatite
chronique d’étiologie inconnue, un seul patient s’est avéré positif
pour le VHG.
Dans une autre étude, 2/50 patients (4 %) étaient
positifs pour l’ARN du VHG.
Ces données semblent indiquer que le VHG n’est pas à l’origine de ces hépatites. Les études réalisées
jusqu’ici n’ont pas démontré la réalité d’hépatites G posttransfusionnelles,
dans de nombreuses études les patients ayant une
hépatite sans étiologie connue demeurent pour la plupart négatifs
pour l’ARN du VHG.
L’implication du VHG
a été suggérée dans des cas d’hépatites fulminantes mais demeure
controversée.
E - TTV ET
SEN-V :
1- Description des virus et variabilité génétique
:
Ces virus sont les premiers virus à ADN simple brin circulaires
décrits chez l’homme, leur organisation génomique et structurale les
rapproche de la famille des Circovirus malgré l’absence d’homologie
de séquence avec cette famille virale.
Ils semblent être très variables
avec d’ores et déjà de nombreux génotypes et sous-types identifiés.
Pour le TTV 27 génotypes différents ont été décrits et plusieurs soustypes
ont été identifiés (incluant les virus SEN, Yanban et Sanban).
Ce virus présente une variabilité inhabituelle pour un virus à ADN,
par exemple, la variabilité entre le prototype japonais et un isolat
indonésien récemment décrit s’établit autour de 65 % pour les quatre
cadres de lecture.
Les deux premiers génotypes isolés différaient
de 30 % avec pour chacun deux sous-types différant de 15 %.
2- Mise en évidence de l’infection-épidémiologie
:
Les méthodes de détection reposent largement sur l’utilisation de la
détection des génomes viraux par PCR.
De ce fait, la sensibilité de
cette détection repose sur la connaissance de la variabilité de ces
virus, largement sous-estimée pour le TTV après son identification.
Ainsi, les taux de positivité varient beaucoup selon les pays et les
amorces PCR utilisées.
La prévalence du TTV est très
hétérogène y compris chez les donneurs de sang sains, avec des fréquences de 1,9 % en Écosse, 36 % en Thaïlande, 58 % au
Congo ou 62 % au Brésil.
Le TTV semble pouvoir se répliquer
au niveau du foie puisque des formes circulaires double brin ont pu
être identifiées spécifiquement au niveau du foie.
Le TTV a été à
l’origine suspecté d’être transmis essentiellement par voie
parentérale mais le fait que l’ADN du TTV puisse être retrouvé dans
des échantillons biologiques tels que la salive ou les selles en plus
du plasma suggère plusieurs voies de transmission.
Ceci a été
démontré par la transmission du génotype 1 du TTV par le plasma
ou du surnageant fécal chez des chimpanzés.
Il a pu être observé
que la prévalence du TTV est liée aux conditions de développement
économique, il est donc plus fréquemment rencontré dans les pays
en voie de développement par rapport aux pays développés, ce qui
confirme l’importance de la transmission par voie orofécale.
De nombreuses études ont cherché à établir la prévalence du TTV
parmi les patients ayant une hépatite aiguë, chronique ou
fulminante.
Les prévalences parmi ces patients varient beaucoup de
11,5 à 71 %.
La prévalence du TTV chez les sujets
potentiellement à risque ou ayant une hépatite est globalement plus
élevée que chez des donneurs de sang.
La relation entre infection
par le TTV et pathologie hépatique semble cependant difficile à
établir.
Plusieurs études n’ont pu mettre en évidence de différence
entre les taux de transaminases des individus positifs ou négatifs
pour le virus TT.
La transmission expérimentale du TTV à des
chimpanzés a entraîné une infection sans signes biologiques ou
histologiques d’hépatite.
Un nombre restreint de travaux a porté sur la détection de
marqueurs sérologiques du TTV.
Une approche a consisté à détecter
à partir de complexes immuns des anticorps IgG ou IgM anti-TTV.
Ceci en utilisant des surnageants de selles comme antigène mis en
contact avec le sérum à tester.
Une deuxième approche
sérologique a été décrite qui consiste en un western blot utilisant
comme antigène recombinant la partie C-terminale de l’ORF1 (du
génotype 1) pour détecter des anticorps anti-TTV dans le sérum des patients.
L’utilisation de cette technique a permis de montrer que
près de 100 % des individus présentent des anticorps anti-TTV, y
compris les enfants.
Des études rétrospectives chez des patients
porteurs chroniques du VHC ont démontré la sensibilité du TTV au
traitement par interféron.
3- Virus apparentés au TTV
:
Trois autres virus reliés au TTV, les virus Sanban et Yanban ainsi
que le virus SEN-V (Tanaka et al. 2001) constitueraient d’après les
données de séquences publiées, des variants du TTV.
Le « TTV
like minivirus » ou TLMV, malgré une organisation moléculaire
similaire au TTV, semble beaucoup plus éloigné du TTV puisqu’il
ne partage que 100 nucléotides avec le TTV sur les 2900 qui le
composent. Ces différents virus présentent une grande variabilité
tout comme leur prototype, le TTV.
Le virus Sanban n’a que 50 %
d’homologie avec le TTV.
Ces différents virus partagent des
similitudes d’organisation moléculaire et structurale, ce sont tous de
petits virus à ADN, simple brin, circulaires.
Il semble qu’ils dessinent
avec le TTV une nouvelle famille de virus méconnue chez l’homme,
qui reste à classifier officiellement et pourraient constituer la famille
des « Paracircoviridae ».
Ces virus ne sont reliés pour
l’instant à aucune pathogénicité mais certains de leurs variants
pourraient s’avérer jouer un rôle seul ou lors de co-infections avec
d’autres virus des hépatites.
Concernant le virus SEN, son isolement est encore plus récent que
celui du TTV bien que peu de données soient disponibles.
Certains sous-types du virus appelés SEN-V D et SEN-V H sont
transmis de manière irréfutable par transfusion sanguine.
Des
résultats préliminaires ont montré que le virus SEN était présent
dans une large proportion (92 %) d’hépatites post-transfusionnelles
d’étiologie inconnue alors que l’incidence des sous-types H et D,
du SEN-V était faible dans des populations contrôles.
Cependant,
une étude récente suggère que le virus SEN est retrouvé plus
fréquemment chez des patients ayant une hépatite comparés à une
population de donneurs de sang, à l’inverse, des prévalences
similaires sont retrouvées chez des patients ayant une hépatite
d’étiologie inconnue ou une pathologie de cause bien définie, une
hépatite B ou C ou une maladie hépatique non virale :
la comparaison des hépatites virales et non virales est beaucoup plus
informative que celle qui consiste à comparer les patients ayant une
hépatite aux donneurs de sang.
En effet, cette dernière population
est toujours constituée d’une population très sélectionnée, jeune,
avec très peu de facteurs de risque (toxicomanie ou transfusion).
Le SEN-V est retrouvé de manière plus fréquente chez les patients
ayant une maladie hépatique comparés aux donneurs de sang mais
cela ne permet pas d’attribuer un rôle pathogène au SEN-V.
Les mécanismes de réplication de ces Circovirus humains sont encore
à découvrir.
Pour le TTV, des formes double brin, témoins de la
réplication virale, ont été détectées dans le foie, pour le virus SEN
peu de données sont disponibles hormis le fait qu’il est présent dans
le foie et s’y répliquerait comme le TTV, avec des quantités environ
100 fois supérieures pour le foie comparées au sérum.
Le TTV et le TLMV ont été mis en évidence dans de nombreux types
d’échantillons biologiques aussi variés que le sérum, les globules
blancs, la salive, les selles, la peau, le poumon, le rein, le pancréas,
le muscle squelettique, ce qui minimise le rôle hépatotropique
potentiel de ces virus.
Les titres
viraux sériques détectés demeurent peu élevés, de l’ordre de 10 à 10 copies/ml en
moyenne alors que les valeurs sont 10 à 100 fois plus élevées au
niveau de la salive et des tissus incluant les biopsies hépatiques.
Conclusion
:
Les progrès de la biologie moléculaire permettent désormais
l’isolement et la caractérisation de nouveaux agents viraux, le plus
difficile sera désormais de déterminer le rôle pathogène de ces
virus. Par exemple, le fait que dans certaines circonstances les
virus des hépatites G, le TTV ou le virus SEN puissent être
responsables d’une partie au moins des hépatites sans étiologie
connue demeure une hypothèse très improbable.
La découverte
successive grâce aux progrès techniques de nouveaux virus
orphelins sans pathologie reconnue fait apparaître la nécessité de
déterminer des critères nouveaux pour valider la causalité entre la
détection d’un agent viral et une maladie hépatique.
Il sera en
particulier certainement nécessaire de prendre en compte
l’ensemble des résultats biochimiques, sérologiques et moléculaires
pour arriver à relier les nouveaux virus découverts à une
pathologie définie.
Cela est particulièrement évident si l’on prend
en compte des résultats récentsqui démontrent une interaction
complexe entre VHC et VHB avec une inhibition de l’infection à
VHB qui devient sérologiquement muette, mais entraîne une
progression plus rapide de la maladie et un pronostic moins
favorable chez les patients doublement infectés.
À l’inverse, dans
le cas du VHG et du VIH chez les patients co-infectés on observe une
progression plus lente du sida.
Cela suggère qu’il faudra des études
très complètes de la présence de l’ensemble des facteurs étiologiques, y
compris des nouveaux virus potentiellement responsables d’hépatite,
afin de pouvoir attribuer à l’un ou plusieurs de ces virus un rôle dans le
développement des hépatites d’étiologie inconnue.
L’état actuel des
connaissances et du diagnostic ne permet pas de proposer un traitement
aux patients ayant une hépatite d’étiologie inconnue.
Il est donc
essentiel de poursuivre les recherches en ce domaine compte tenu des
enjeux de santé publique qui y sont associés.