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Réanimation-Urgences
Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte
Cours de réanimation - urgences
 

 

 

Introduction :

L’hémorragie digestive aiguë non traumatique de l’adulte est une des principales urgences digestives et demeure une cause importante de morbidité et de mortalité.

L’hémorragie digestive est un symptôme, motif de recours aux urgences dont les causes les plus fréquentes sont les ulcères et ulcérations, et l’hypertension portale.

L’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et le vieillissement de la population expliquent l’absence apparente d’amélioration du pronostic bien que la stratégie diagnostique et thérapeutique ait beaucoup évolué ces dernières années.

La prise en charge initiale doit permettre une évaluation précoce de la gravité.

Les examens endoscopiques ont permis d’améliorer sensiblement la performance diagnostique et thérapeutique.

L’individualisation de critères pronostiques cliniques et endoscopiques regroupés sous forme de score a modifié la prise en charge des malades.

Ils permettent la définition de groupes de malades à haut risque de récidive nécessitant une surveillance étroite ou à l’opposé des groupes de malades à faible risque dont la durée d’hospitalisation peut être réduite.

La comorbidité en cas d’hémorragie ulcéreuse et les complications liées à l’insuffisance hépatique en cas de cirrhose sont des éléments pronostiques essentiels.

Les hémorragies digestives basses posent des problèmes diagnostiques souvent plus complexes.

En cas d’hémorragie abondante, il est impératif d’éliminer dans un premier temps une origine haute ; la stratégie diagnostique endoscopique et radiologique dépend étroitement du caractère actif ou non de l’hémorragie.

Le développement de thérapeutiques non chirurgicales a transformé le traitement en urgence des hémorragies digestives.

Ainsi, l’hémostase endoscopique est devenue le traitement de première ligne des ulcères diminuant le nombre de transfusions et le recours à la chirurgie d’urgence.

Les traitements vasopresseurs font partie intégrante de la stratégie thérapeutique dans les hémorragies chez le malade atteint de cirrhose et doivent être débutés très précocement.

Ils sont complétés par l’hémostase endoscopique en urgence des varices oesogastriques par sclérothérapie ou par ligature.

L’ensemble de ces progrès dans la prise en charge thérapeutique a amélioré le pronostic des hémorragies et repose sur la collaboration indispensable entre les équipes des urgences, de réanimation, de gastroentérologie, de radiologie et de chirurgie dans la prise en charge des hémorragies digestives aiguës non traumatiques de l’adulte.

Épidémiologie :

A - FRÉQUENCE :

L’incidence annuelle des hémorragies digestives aiguës de l’adulte est difficile à préciser.

Les études épidémiologiques anglo-saxonnes l’évaluent de 100 à 150 épisodes pour 100 000 habitants.

Les données épidémiologiques en France sont peu précises du fait de l’absence de registre national et du fait que l’hémorragie digestive n’est pas une maladie mais un symptôme.

La seule étude française réalisée en région Ouest montre une incidence annuelle de 146 pour 100 000 habitants.

L’hémorragie digestive motive l’hospitalisation dans 79 % des cas et elle survient à l’hôpital dans les autres cas.

L’âge médian de survenue des hémorragies varie de 61 à 71 ans selon les études, et le sex-ratio varie de 1,35 à 1,79, le risque étant plus élevé chez l’homme.

B - ÉTIOLOGIES :

L’origine de la plupart des hémorragies digestives aiguës non traumatiques de l’adulte se situe dans le tractus digestif supérieur.

Plus des trois quarts des hémorragies digestives proviennent d’une lésion située au-dessus de l’angle de Treitz, ce qui définit les hémorragies digestives hautes.

Trois quarts de ces hémorragies se révèlent par une hématémèse et 20 % par un méléna.

Dans moins de 5 % des cas, il s’agit d’une rectorragie qui témoigne d’un saignement postpylorique très actif.

Dans 10 % des cas d’hémorragie digestive haute, il n’y a pas d’hématémèse ni de sang dans le liquide gastrique.

La performance diagnostique de l’endoscopie, proche globalement de 85 %, augmente avec la précocité de l’examen et il est recommandé de le réaliser dans les 12 premières heures.

La cause principale d’hémorragie digestive aiguë en France est la maladie ulcéreuse gastrique et duodénale et les ulcérations aiguës gastroduodénales.

La prise d’AINS favorise la survenue des hémorragies digestives, notamment gastriques.

La maladie ulcéreuse gastroduodénale est à l’origine de 35 à 40 % de ces hémorragies.

La moitié des ulcères se situe dans l’estomac et l’autre moitié dans le duodénum.

L’hémorragie digestive est la complication la plus fréquente de l’ulcère gastrique qu’elle complique dans 20 à 30 % des cas.

L’hémorragie digestive aiguë révèle la maladie ulcéreuse gastroduodénale dans un tiers des cas et peut n’avoir été précédée ni accompagnée d’aucune symptomatologie douloureuse.

La récidive hémorragique après un premier épisode hémorragique s’observe dans 30 à 50 % des cas.

Les gastroduodénites sont à l’origine de 15 % des hémorragies digestives hautes.

La rupture de varices oesophagiennes est la deuxième cause d’hémorragie digestive haute.

Elle représente de 5 à 25 % de l’ensemble des hémorragies selon les pays.

La prévalence est plus élevée en France que dans les autres pays occidentaux.

L’oesophagite, le syndrome de Mallory-Weiss représentent chacun 5 % environ des causes d’hémorragie. Les hémorragies digestives d’origine basse représentent environ 20 % de l’ensemble des hémorragies.

La détermination de la cause est plus difficile en cas d’hémorragie digestive basse et elle n’est retrouvée que dans 60 à 70 % des cas.

C - PRONOSTIC :

Le taux de mortalité des hémorragies digestives est compris entre 5 et 10 % mais le décès n’est directement imputable à la spoliation sanguine que dans le quart des cas.

Ce taux demeure stable depuis plusieurs décennies.

Les trois quarts des hémorragies s’arrêtent spontanément.

En revanche, le taux de mortalité des malades qui continuent à saigner est élevé, de l’ordre de 40%.

L’incidence des hospitalisations liées à l’hémorragie digestive aiguë reste également stable et n’a pas été influencée par les progrès thérapeutiques récents de la maladie ulcéreuse contrairement à ce qui s’est passé pour l’hospitalisation des poussées de maladie ulcéreuse gastroduodénale sans hémorragie qui a quasiment disparu depuis 20 ans.

Ce fait s’explique probablement par le vieillissement de la population et l’utilisation plus importante des AINS qui ont accru l’incidence et la morbidité de ces hémorragies.

La mortalité varie en fonction de la cause.

Les hémorragies liées à l’hypertension portale ont une mortalité de l’ordre de 20 % tandis que la mortalité de l’hémorragie ulcéreuse est de l’ordre de 5 %.

La mortalité ne s’explique généralement pas par la perte sanguine elle-même mais par la décompensation de pathologies préexistantes telles qu’une cardiopathie ischémique, une insuffisance rénale, une hépatopathie ou une insuffisance respiratoire chronique.

La récidive hémorragique est un facteur de gravité indépendant et un des buts de la prise en charge est de l’éviter.

L’étude des facteurs pronostiques de l’hémorragie par ulcère gastroduodénal montre que la récidive est liée à l’importance du saignement initial, en particulier s’il a été marqué par un état de choc, l’âge élevé des malades et les critères endoscopiques de l’ulcère.

La présence d’Helicobacter pylori et la prise d’AINS ne semblent pas impliquées.

En ce qui concerne le décès, les facteurs de risque sont l’âge, l’existence d’un collapsus cardiovasculaire initial, une pathologie associée et les critères endoscopiques de récidive hémorragique de l’ulcère.

L’étude du devenir des malades atteints de cirrhose dans les mois qui suivent un épisode d’hémorragie digestive démontre la relation qui existe entre la gravité de l’hémorragie et celle de la maladie hépatique au moment du saignement.

La mortalité globale des hémorragies chez les malades atteints de cirrhose est de 20 %.

Parmi les malades appartenant au groupe C de la classification de Child, le taux atteint 50 %.

La mortalité des hémorragies liées à l’hypertension portale a diminué ces dernières années.

Cette amélioration, qui s’observe quelle que soit la gravité de la cirrhose, est probablement due à une meilleure prise en charge.

La perte sanguine est rarement directement responsable du décès mais elle s’accompagne de complications parfois fatales telles que les infections, l’encéphalopathie, l’insuffisance hépatique et rénale.

Le risque de décès est accru pendant le mois qui suit l’épisode hémorragique.

Au-delà du troisième mois, la courbe de survie rejoint celle des malades atteints de cirrhose qui n’ont pas saigné.

La récidive hémorragique est fréquente et constitue un élément pronostique important.

Cependant, la gravité de l’atteinte hépatique est le facteur pronostique majeur de la survie à court terme et de la survenue des complications liées aux traitements.

L’âge et la fonction rénale auraient pour certains une valeur pronostique propre.

Les antécédents hémorragiques, le nombre de culots transfusés et la cause de la cirrhose ne paraissent pas être des facteurs pronostiques indépendants.

Enfin, une méta-analyse a montré que l’infection était un facteur pronostique indépendant pour le décès en cas d’hémorragie chez le malade atteint de cirrhose.

Physiopathologie :

Quatre-vingt pour cent des hémorragies digestives proviennent du tractus digestif supérieur.

A - MALADIE ULCÉREUSE :

Dans la maladie ulcéreuse gastroduodénale, l’hémorragie est la conséquence d’une rupture artérielle ou artériolaire au fond du cratère ulcéreux ou d’un saignement de la muqueuse dans la zone de l’ulcère.

Lorsque la maladie gastroduodénale est ancienne, en particulier chez le sujet âgé, la rupture artérielle est le plus souvent en cause et l’arrêt spontané de l’hémorragie est peu fréquent.

En revanche, le saignement muqueux est le plus souvent en cause dans les ulcères récents.

L’hémorragie est révélatrice de la maladie ulcéreuse dans 30 % des cas.

L’arrêt spontané de l’hémorragie s’observe dans 80 % des cas mais la récidive ultérieure est fréquente, de l’ordre de 30 % en l’absence de traitement.

Les facteurs favorisant les hémorragies digestives chez un patient ayant une maladie ulcéreuse sont les AINS avec un risque relatif compris entre 2 et 15 pour l’aspirine et entre 3 et 9 pour les AINS non salicylés, les traitements antithrombotiques et l’intoxication alcoolique aiguë.

Certains facteurs de risque des hémorragies digestives aiguës d’origine ulcéreuse associés à la prise d’AINS ont été mis en évidence : il s’agit de l’âge supérieur à 60 ans, du sexe féminin pour certains auteurs, des antécédents d’ulcère duodénal ou d’une hémorragie ulcéreuse antérieure, de l’association de deux AINS, d’une dose élevée d’AINS, d’un début récent du traitement AINS (quatre premières semaines de traitement), d’un stress physique ou psychique récent.

La présence d’Helicobacter pylori ne semble pas influencer le risque hémorragique en cas de prise d’AINS.

La présence d’Helicobacter pylori en elle-même constitue un facteur de risque reconnu de complication ulcéreuse hémorragique avec un risque de 3 pour l’ulcère duodénal et de 4 pour l’ulcère gastrique.

Les corticostéroïdes ne semblent pas augmenter le risque de saignement ulcéreux, sauf s’ils sont utilisés en association avec des AINS.

La prise d’AINS favorise l’hémorragie de la maladie ulcéreuse ainsi que l’apparition d’ulcérations hémorragiques.

La mortalité globale de l’hémorragie digestive d’origine ulcéreuse est proche de 5 % et est relativement stable depuis 30 ans malgré les progrès thérapeutiques.

B - AUTRES LÉSIONS OESOGASTRODUODÉNALES :

Le syndrome de Mallory-Weiss est une déchirure de la muqueuse gastrique et/ou oesophagienne au niveau du cardia consécutive à des vomissements itératifs.

Elle mesure quelques millimètres à quelques centimètres de long et 2 à 3 mm de large.

Orientée dans l’axe longitudinal de l’oesophage, elle est généralement unique.

Dans 80 % des cas, la déchirure siège dans l’estomac et dans 20 % des cas au niveau de la muqueuse oesophagienne. Elle peut être à cheval sur les deux muqueuses.

Le syndrome est favorisé par la prise d’alcool et d’AINS.

Le pronostic global de ces hémorragies est bon. Seules les hémorragies actives ou persistantes nécessitent un traitement d’hémostase endoscopique.

L’oesophagite peptique peut être à l’origine d’une hémorragie digestive lorsqu’elle est sévère (grade III) ou chez les sujets présentant un ulcère du bas oesophage (ulcère de Barrett).

Les hernies hiatales peuvent être responsables d’hémorragie digestive aiguë lorsqu’il existe un ulcère du collet herniaire, un ulcère du bas oesophage ou lorsqu’elles sont compliquées d’oesophagite.

Les saignements sont favorisés également par la prise d’AINS et sont en règle de faible abondance.

Les tumeurs malignes ou bénignes gastriques constituent une cause relativement rare d’hémorragie digestive.

Elles justifient la pratique systématique de biopsies des berges d’un ulcère gastrique, lorsque l’hémorragie aiguë est contrôlée.

L’intensité des hémorragies digestives des tumeurs sous-muqueuses, y compris bénignes, contraste avec la petite taille de l’ulcération de la muqueuse visible en endoscopie.

L’examen de choix dans le contexte de l’urgence est le scanner dès qu’une compression extrinsèque est évoquée en endoscopie.

L’ulcération simplex de Dieulafoy est responsable d’hémorragies de grande abondance.

Il s’agit d’une lésion superficielle de petite taille érodant une artériole sous-muqueuse, difficile à diagnostiquer puisqu’elle n’est reconnue lors de la première endoscopie qu’une fois sur deux.

Elle siège le plus souvent dans la partie haute de l’estomac.

L’âge moyen de survenue est de 50 ans avec un sex-ratio de deux hommes pour une femme.

La possibilité de saignement abondant et de récidive sévère justifie une surveillance étroite des malades.

Les gastrites et duodénites aiguës représentent 2 à 3 % des hémorragies digestives aiguës.

Elles comportent habituellement des érosions multiples souvent favorisées par la prise d’AINS ou d’alcool.

Les anomalies vasculaires dans le cas d’une maladie angiomateuse de Rendu-Osler et d’angiodysplasie gastroduodénale sont plus souvent responsables d’une hémorragie d’origine colique que gastroduodénale.

L’hémostase endoscopique par coagulation au plasma argon est le traitement de choix.

L’hémobilie est une cause rare associant des douleurs biliaires, un ictère et une déglobulisation.

Plusieurs causes peuvent être à son origine : lésion traumatique du foie, anévrisme de l’artère hépatique rompu dans les voies biliaires, tumeurs hépatiques ou des voies biliaires.

Elle peut être iatrogène après une ponction-biopsie hépatique.

Les wirsungorragies sont rares et compliquent essentiellement les pancréatites chroniques.

Elles sont liées à une rupture d’un pseudoanévrisme artériel dans le canal de Wirsung ou dans un pseudokyste communiquant avec le canal pancréatique.

Les fistules aortoduodénales sont responsables d’hémorragies digestives souvent massives évoluant en deux temps et compliquent 2 à 4 % des prothèses aortiques.

Elles surviennent en moyenne 2 à 5 ans après le geste chirurgical vasculaire.

C - HÉMORRAGIES DIGESTIVES BASSES :

Les hémorragies digestives basses sont plus fréquentes chez le sujet de plus de 60 ans et chez l’homme.

Leur incidence annuelle a été évaluée à 20 épisodes pour 100 000 habitants.

Les causes anales sont les plus fréquentes, en particulier la pathologie hémorroïdaire et les fissures anales.

Elles sont rapidement reconnues par l’examen clinique et sont rarement à l’origine d’hémorragies abondantes.

La diverticulose colique est la cause la plus fréquente des hémorragies digestives basses abondantes.

L’hémorragie complique 5 % des diverticuloses coliques.

Elle révèle la diverticulose dans 15 à 20 % des cas.

Bien que 80 % des diverticules soient situés dans le côlon gauche, les diverticules du côlon droit sont responsables de 50 % des hémorragies d’origine diverticulaire.

Le saignement des diverticules peut être favorisé par la prise d’AINS.

Les angiodysplasies sont des anomalies vasculaires dégénératives apparaissant le plus souvent chez le sujet âgé, touchant préférentiellement le côlon droit et le cæcum.

Elles sont plus fréquemment observées chez les sujets ayant un rétrécissement aortique ou une insuffisance rénale et en cas de maladie de Willebrand.

Les lésions sont souvent multiples et se situent dans une même portion du côlon.

Les ulcérations thermométriques peuvent être à l’origine d’hémorragies digestives basses abondantes.

Elles sont liées à une dilacération longitudinale de la muqueuse antérieure du rectum.

Il s’agit d’une pathologie presque exclusivement française.

Les coliques ischémiques s’observent dans 5 à 10 % des hémorragies digestives basses, parfois dans un contexte de bas débit cardiaque, de prise médicamenteuse ou au décours d’une intervention chirurgicale sur l’aorte abdominale.

Elles surviennent habituellement chez le malade de plus de 60 ans ayant des antécédents cardiovasculaires. Le plus souvent, elles surviennent spontanément.

Elles s’accompagnent fréquemment de douleurs abdominales.

Elles atteignent préférentiellement le côlon gauche, en particulier le sigmoïde et l’angle gauche.

Lors des colites inflammatoires, l’hémorragie digestive est rarement abondante.

Dans ce cas, les lésions touchent plutôt le côlon que le grêle.

Les tumeurs rectocoliques peuvent être responsables d’hémorragies digestives basses en général chronique ou de faible abondance.

Elles représentent 10 à 15 % des hémorragies digestives basses abondantes.

Les causes plus rares d’hémorragies basses sont les ulcérations simplex du côlon, les polypectomies endoscopiques qui se compliquent d’hémorragie dans 1 % des cas. Le diverticule de Meckel est rarement en cause chez l’adulte.

D - HÉMORRAGIES DU CIRRHOTIQUE :

Il s’agit de la deuxième cause d’hémorragies en France dont l’incidence, de l’ordre de 20 %, est plus élevée que dans les autres pays occidentaux du fait d’une prévalence plus élevée de la cirrhose.

Le risque de survenue d’une hémorragie digestive chez le malade atteint de cirrhose est de l’ordre de 10 à 50 % et dépend de la gravité de la cirrhose avec laquelle il augmente.

L’hémorragie digestive est plus fréquente chez l’homme.

La cause la plus fréquente d’hémorragie est la rupture de varices oesophagiennes (70 à 80 % des cas).

Les autres causes liées à l’hypertension portale sont les ruptures de varices gastriques et la gastropathie d’hypertension portale.

L’hémorragie digestive par rupture de varices oesophagiennes survient dans un délai moyen de 2 ans après la découverte de la maladie du foie.

Cinquante pour cent des malades saignent à nouveau dans les 10 premiers jours qui suivent l’hémorragie initiale, ce qui souligne l’intérêt du traitement hémostatique initial. Le risque de récidive est également lié au degré d’insuffisance hépatique.

La récidive hémorragique à 5 jours serait de 20 % pour les malades appartenant à la classe A de Pugh, de 40 % pour les malades de la classe B, et de 60 % pour les malades de la classe C.

La rupture de varices peut s’observer dès que le gradient de pression portale dépasse 10 mmHg, mais il n’y a pas de relation linéaire entre le gradient de pression portale et la taille des varices.

La rupture de la varice oesophagienne dépend de la taille de la varice, de la finesse de la paroi et de l’importance de la pression intravariqueuse.

L’augmentation importante du flux azygos est également associée à la sévérité des hémorragies.

Enfin, le gradient de pression portale mesuré 15 jours après l’épisode hémorragique pourrait être un facteur pronostique de survie.

Diagnostic :

A - DIAGNOSTIC POSITIF : RECONNAÎTRE L’HÉMORRAGIE

L’hémorragie digestive aiguë est une urgence thérapeutique. Elle s’extériorise par une hématémèse, un méléna ou une rectorragie.

L’hémorragie peut également se présenter par un état de choc ou un malaise inexpliqué.

En l’absence d’évidence, la pose d’une sonde gastrique en urgence permet de résoudre le problème dans près de 80 % des cas des hémorragies digestives hautes.

Un examen de la bouche et de la paroi postérieure du pharynx permet d’éliminer une hémorragie buccopharyngée ou une épistaxis déglutie.

B - DIAGNOSTIC DE GRAVITÉ :

Il convient de déterminer d’emblée l’abondance de l’hémorragie, le caractère actif du saignement et les pathologies associées qui sont les trois paramètres essentiels qui définissent la gravité d’une hémorragie.

L’abondance de l’hémorragie se détermine sur des paramètres cliniques.

La pression artérielle et le pouls, la fréquence respiratoire, l’état des extrémités et l’état neurologique sont appréciés d’emblée.

S’il n’y a pas d’état de choc, la pression artérielle et le pouls sont déterminés en décubitus puis si possible en position assise et debout.

La chute de la pression artérielle avec une pression systolique inférieure à 90 mmHg en position debout correspond à une perte sanguine de 25 à 50 %.

L’intensité des signes cliniques est étroitement liée à la rapidité avec laquelle cette perte sanguine se constitue et elle permet de classer l’abondance de l’hémorragie qui guidera le remplissage vasculaire à entreprendre.

Le caractère actif de l’hémorragie est un élément pronostique important qu’il n’est pas toujours facile de déterminer.

La pose d’une sonde gastrique permet de confirmer le diagnostic et d’apprécier l’activité de l’hémorragie.

L’aspect du liquide aspiré renseigne sur le caractère récent du saignement et a une valeur comparative pour le suivi ultérieur.

En effet, les lavages gastriques répétés permettent de suivre l’évolution du saignement et de préparer l’estomac pour l’examen endoscopique.

Les limites de ce geste sont le siège postbulbaire du saignement car le reflux gastrique de sang n’est pas constant.

L’hématocrite initial n’est pas souvent un bon reflet de la perte sanguine car l’hémodilution nécessite quelques heures.

L’appréciation du terrain est essentielle, notamment la reconnaissance précoce d’une cirrhose, qui nécessite des mesures thérapeutiques spécifiques, et d’une coronaropathie justifiant un électrocardiogramme systématique.

C - DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :

1- Orientation clinique :

Certains antécédents doivent être précisés : pathologie oesogastroduodénale peptique, pathologie colique ou proctologique, prise d’AINS, existence de vomissements récents, prise répétée de la température rectale, manoeuvres traumatiques endoanales.

Il est essentiel de préciser l’existence d’une hépatopathie chronique sousjacente.

Celle-ci peut être diagnostiquée sur des critères cliniques simples dont la spécificité est excellente et la sensibilité supérieure à 50 % dans le contexte de l’urgence : il s’agit d’un foie ferme, d’angiomes stellaires, de la présence d’une circulation veineuse collatérale, d’un ictère, d’un astérixis ou la notion d’une cirrhose à l’interrogatoire.

On précise également les pathologies associées, insuffisance cardiaque, coronaropathie, chirurgie aortique, insuffisance rénale, insuffisance pulmonaire en particulier.

Au terme de l’examen clinique, trois situations peuvent être envisagées qui guident la prise en charge thérapeutique :

– une hémorragie digestive haute en dehors de la cirrhose ;

– une hémorragie digestive basse ;

– une hémorragie chez un malade atteint de cirrhose.

2- Diagnostic endoscopique et morphologique :

Devant une hémorragie digestive haute, l’endoscopie oesogastroduodénale doit être pratiquée le plus précocement possible dès que l’état hémodynamique l’autorise, au mieux dans les 12 heures qui suivent l’arrivée du malade.

Cet examen a pour but de diagnostiquer et de localiser la lésion responsable du saignement, d’établir pour les ulcères un pronostic propre aux constatations endoscopiques et éventuellement de réaliser un geste d’hémostase.

L’aspect de l’ulcère donne des informations pronostiques essentielles.

Les aspects qui ont été individualisés ont été regroupés dans la classification de Forrest qui associe à l’aspect de l’ulcère un risque de récidive hémorragique et de mortalité.

Lorsqu’il existe un caillot adhérent, un vaisseau visible ou un saignement actif, une surveillance étroite est souhaitable.

Le risque maximal de récidive hémorragique se situe dans les trois premiers jours.

Le délai durant lequel le malade doit rester à jeun dépend également des constatations endoscopiques.

Certaines études ont conclu à l’intérêt de réalimenter précocement les malades.

En cas de risque faible de récidive hémorragique, ulcère à base claire ou taches hémorragiques punctiformes, la réalimentation précoce (à la 24e heure) peut être préconisée.

En cas de caillot adhérent, de vaisseau visible ou de saignement actif, la réalimentation s’effectue au troisième jour afin de permettre un geste endoscopique ou chirurgical en urgence en cas de récidive hémorragique.

Dans les hémorragies digestives basses, la stratégie des examens endoscopiques commence par la réalisation d’une anuscopie et d’un examen de la marge anale précédant une rectosigmoïdoscopie.

Lorsque ces examens n’apportent pas d’explication à l’hémorragie, il faut pratiquer une endoscopie digestive haute qui permet de poser un diagnostic dans 10 % des hémorragies apparemment basses.

Lorsque l’origine basse de l’hémorragie est confirmée, la suite des examens dépend de l’activité de l’hémorragie.

Lorsque celle-ci cesse spontanément, une coloscopie avec exploration du grêle terminal est réalisée après une bonne préparation colique.

Lorsque la coloscopie est négative, l’intestin grêle est exploré par un transit baryté éventuellement complété par un scanner abdominal.

Lorsque l’hémorragie demeure active, la coloscopie en urgence et l’artériographie doivent être discutées en fonction de l’activité de l’hémorragie et des possibilités locales.

La coloscopie doit être précédée d’une préparation par voie haute ou à défaut par lavement.

La rentabilité diagnostique dans ces conditions difficiles est globalement de 75 %.

Outre le diagnostic lésionnel, la coloscopie peut permettre de repérer une limite supérieure à la présence de sang.

L’artériographie nécessite un débit hémorragique minimal de 1 ml.m–1.

L’exploration artériographique commence par l’artère mésentérique supérieure puis l’artère mésentérique inférieure.

En l’absence de diagnostic, l’exploration peut être complétée par une opacification du tronc coeliaque.

Le site hémorragique est marqué par une extravasation de produit de contraste et on peut visualiser une lésion (angiodysplasie, diverticule, tumeur) dans 30 % des cas.

La rentabilité diagnostique globale de cet examen dans l’exploration d’une hémorragie digestive basse a été évaluée à 70 %.

Lorsque l’abondance de l’hémorragie et l’absence de diagnostic précis font poser l’indication d’une laparotomie exploratrice, l’endoscopie peropératoire peut aider au diagnostic. 

3- Autres examens :

La scintigraphie aux hématies marquées par le technétium 99 peut compléter l’exploration d’une hémorragie digestive basse lorsque la coloscopie et l’artériographie n’ont pas permis de porter un diagnostic et que l’activité de l’hémorragie ne justifie pas une laparotomie exploratrice.

Elle nécessite un débit supérieur à 0,1 ml.m–1 de l’hémorragie.

La sensibilité diagnostique est de l’ordre de 50 % et sa valeur prédictive positive de 90 %.

Elle donne des informations souvent imprécises sur la topographie du saignement qui n’est établie correctement que dans 15 % des cas.

La tomodensitométrie à la recherche d’une anomalie hépatique, pancréatique ou d’un faux kyste, ou l’échoendoscopie du carrefour biliopancréatique complète la recherche des hémorragies non diagnostiquées par les examens conventionnels.

Traitement :

A - RÈGLES GÉNÉRALES :

La prise en charge des hémorragies digestives aiguës nécessite la collaboration multidisciplinaire qui concerne les urgentistes préhospitaliers, hospitaliers, les gastroentérologues, les radiologues et les chirurgiens.

Elle comprend :

– un traitement symptomatique dont le but essentiel est la restauration de la volémie ;

– un traitement hémostatique qui dépend de la lésion à l’origine de l’hémorragie.

1- Mise en condition :

La première phase de la prise en charge thérapeutique est d’assurer ou de restaurer un état hémodynamique satisfaisant.

La perte sanguine brutale est responsable d’une baisse de la perfusion tissulaire en oxygène qui doit être corrigée sans délai.

Le geste le plus urgent est la pose d’une voie veineuse afin de permettre un remplissage vasculaire et de restaurer une pression artérielle systolique supérieure à 90 mmHg.

Elle s’effectue par une voie périphérique de bon calibre, supérieur ou égal à 16G.

La pose d’une sonde gastrique est habituelle bien qu’il s’agisse d’un des gestes considérés comme les plus désagréables.

Il n’y a pas d’argument en faveur d’un effet délétère de la pose d’une sonde gastrique sur les varices oesophagiennes.

Cependant, certaines équipes ne posent pas de sonde gastrique jusqu’à l’endoscopie.

Des travaux récents ont montré l’intérêt potentiel de l’administration d’érythromycine intraveineuse à la dose de 250 mg en 30 minutes, 1 demi-heure avant l’endoscopie pour entraîner une vidange gastrique et assurer une bonne visibilité de la cavité gastrique.

Outre la numération globulaire, la détermination du groupe sanguin et du Rhésus, de la coagulation et de la fonction rénale doit être effectuée sans délai.

Le remplissage vasculaire dépend de l’abondance de l’hémorragie.

Il est assuré par des cristalloïdes dans la majorité des cas. L’utilisation des colloïdes n’est justifiée qu’en cas de saignement abondant dans l’attente d’une transfusion.

Une oxygénothérapie par voie nasale favorise l’oxygénation tissulaire et sera entreprise rapidement chez le sujet âgé, en cas d’hémorragie sévère ou chez le coronarien.

2- Critères d’orientation aux urgences :

La décision d’orientation au sortir des urgences repose sur la connaissance des facteurs pronostiques à court terme des différents types d’hémorragies et de leur histoire naturelle.

De nombreux scores, utilisant les facteurs pronostiques identifiés, ont été proposés et testés dans la littérature.

Ils ont pour but de repérer des groupes à risque de récidive hémorragique précoce et de mortalité afin de proposer une surveillance initiale étroite aux groupes à risque élevé et un retour au domicile précoce aux groupes à risque faible.

Le score le mieux validé est celui de Rockall qui a été établi sur plus de 4 000 malades.

Il prend en compte l’âge, l’état hémodynamique initial, la cause de l’hémorragie, une comorbidité associée et les données de l’endoscopie.

On a montré qu’un score de Rockall inférieur à 2 était associé à une mortalité inférieure à 1 % et certains proposent pour ces malades une sortie précoce.

D’autres scores tels que le score de Baylor ont été proposés pour les hémorragies qui ne sont pas liées à l’hypertension portale.

Le score de Blatchford semble avoir une bonne valeur prédictive mais il nécessite la prise en compte de paramètres plus complexes peu utilisables en urgence.

Aucun score n’est cependant suffisant en luimême et ils doivent toujours être associés à la prise en compte des données de l’anamnèse, des facteurs de comorbidité et de l’examen clinique.

Il paraît licite de tenir compte des données endoscopiques pour l’évaluation d’un risque individuel.

L’existence d’une comorbidité, d’une hypertension portale nécessite une surveillance étroite.

L’hospitalisation en réanimation est recommandée en cas de maladie associée décompensée, de saignement actif, d’âge élevé, d’ulcère de grande taille avec signes de saignement récent.

B - TRAITEMENTS ÉTIOLOGIQUES :

1- Maladie ulcéreuse :

* Traitement médical :

Quatre-vingts pour cent des hémorragies d’origine ulcéreuse s’arrêtent spontanément.

Cependant, les hémorragies d’origine artériolaire persistent ou récidivent dans plus de 90 % des cas et nécessitent donc un geste d’hémostase.

Le lavage gastrique n’a pas de vertu hémostatique mais permet de réaliser une endoscopie dans de meilleures conditions techniques.

Bien que les antisécrétoires n’aient pas fait la preuve de leur efficacité dans la prévention de la récidive précoce de l’hémorragie, plusieurs travaux s’accordent pour proposer d’instituer rapidement un traitement par inhibiteur de la pompe à protons à forte dose (exemple : oméprazole 8 mg/h en continu pendant 72 h) en cas d’hémorragie ulcéreuse active ou lorsqu’il existe un caillot adhérent.

Les substances vasoconstrictives (dérivés de la vasopressine, somatostatine ou ses dérivés) ne sont pas utiles dans l’hémorragie ulcéreuse.

* Traitement endoscopique :

– Traitement hémostatique.

Le traitement endoscopique a pris une place prépondérante ces dernières années.

Les techniques d’hémostase utilisent les injections et les méthodes thermiques.

La méthode la plus utilisée est l’injection en plusieurs points du cratère ulcéreux d’un vasoconstricteur (adrénaline à 1/10 000).

Le mécanisme d’action associe une vasoconstriction, une compression mécanique du vaisseau et une agrégation plaquettaire.

Il peut être éventuellement associé à un produit sclérosant (polidocanol 1/100).

La supériorité de cette association n’est pas démontrée.

Les autres produits utilisés sont l’alcool absolu, le sérum salé hypotonique et la thrombine.

Aucun de ces produits n’a fait la preuve de sa supériorité.

D’autres méthodes thermiques (laser, électrocoagulation) ont été utilisées.

Le laser est une technique adaptée aux vaisseaux de gros calibre.

Les méta-analyses les plus récentes ont montré une efficacité de l’ensemble de ces techniques qui réduisent la récidive hémorragique.

Ces essais ont montré une tendance à réduire le recours à la chirurgie.

Une réduction de la mortalité n’a été démontrée que dans un seul essai.

Il existe actuellement un consensus pour proposer l’hémostase endoscopique en première intention dans l’ulcère hémorragique.

Le nombre de séances avant le recours à la chirurgie n’est pas déterminé de façon précise et il dépend du terrain, de la taille de l’ulcère et de l’état hémodynamique.

* Traitement chirurgical :

Le recours à la chirurgie pour le traitement de l’hémorragie ulcéreuse a nettement diminué au cours des 10 dernières années avec l’avènement de l’hémostase endoscopique dans l’urgence et avec l’utilisation des antisécrétoires en ce qui concerne la chirurgie réglée.

La mortalité opératoire dans les situations d’urgence est de l’ordre de 10 %, ce qui s’explique par la sélection de patients à haut risque.

Le traitement chirurgical de l’ulcère gastroduodénal hémorragique est indiscutable en cas d’hémorragie massive.

Il est en règle requis lorsque l’endoscopie n’a pas permis d’obtenir un arrêt de l’hémorragie.

Bien qu’il ne soit pas possible de prédire les récidives hémorragiques après la réalisation d’une hémostase endoscopique, la chirurgie peut être proposée dans certaines situations : les ulcères larges, notamment de la face postérieure du bulbe, les ulcères avec un saignement initialement actif ou un vaisseau visible, surtout si le sujet est âgé.

L’hémostase endoscopique est alors considérée comme un traitement d’attente permettant d’amener le malade à l’intervention dans les meilleures conditions possibles.

Deux types de traitement chirurgical peuvent être proposés en urgence : une intervention associant la suture de l’ulcère et la vagotomie ; un traitement plus radical associant une gastrectomie partielle emportant l’ulcère.

Ce dernier obtient de meilleurs résultats en termes d’hémostase mais il a des conséquences fonctionnelles à long terme plus importantes.

Une étude sur l’ulcère duodénal n’a pas démontré de différence de mortalité entre ces deux attitudes et elle notait un taux de récidive hémorragique plus faible avec le traitement radical.

Cependant, la suture associée à la vagotomie doit être envisagée pour les malades jeunes.

La suture simple de l’ulcère est insuffisante car elle expose au risque de récidive hémorragique postopératoire.

En cas d’ulcère gastrique, la gastrectomie emportant l’ulcère est privilégiée.

2- Hypertension portale :

Le traitement des hémorragies digestives hautes du sujet atteint de cirrhose repose sur des mesures symptomatiques, dont certaines sont spécifiques, et le traitement hémostatique.

* Traitement médical :

– Maintien de l’état hémodynamique par remplissage vasculaire.

La pression portale est corrélée à la volémie et diminue lorsque celle-ci baisse.

Cette relation pourrait expliquer l’arrêt spontané de l’hémorragie qui est observé dans deux tiers des cas.

À l’inverse, l’expansion de la volémie par le remplissage vasculaire et la transfusion sanguine entraîne une augmentation de la pression portale.

Il faut donc éviter une correction excessive de l’hypovolémie.

Le remplissage vasculaire et les transfusions sanguines doivent avoir pour but de maintenir un équilibre hémodynamique avec une pression artérielle moyenne de 80 mmHg et l’hématocrite au-dessus de 25 %.

L’abord veineux central doit être évité chez ces malades.

La tachycardie doit être interprétée en fonction de la prise de bêtabloquants.

La pose d’une sonde gastrique permet une vidange de l’estomac, un lavage gastrique et une surveillance de l’hémorragie.

Elle n’est pas contre-indiquée par la présence de varices oesophagiennes.

– Traitements hémostatiques. Deux traitements sont possibles pendant la période préhospitalière.

– L’utilisation d’un traitement pharmacologique représente une mesure thérapeutique essentielle dans la prise en charge de ces malades.

Deux types de produit ont prouvé leur intérêt clinique dans cette situation et peuvent ainsi être utilisés : les dérivés de la vasopressine, en particulier la terlipressine, et la somatostatine et ses dérivés synthétiques, en particulier l’octréotide.

L’analyse de la littérature suggère l’intérêt de l’utilisation du traitement pharmacologique dès la phase de prise en charge préhospitalière.

Les dérivés de la vasopressine employés actuellement, comme la terlipressine, ont une durée d’action plus longue et moins d’effets secondaires systémiques.

Elle doit toujours être utilisée après la réalisation d’un électrocardiogramme car l’ischémie coronarienne aiguë est une contre-indication.

La somatostatine, hormone peptidique, ou ses dérivés comme l’octréotide à demi-vie plasmatique prolongée, augmentent les résistances artériolaires splanchniques et sont également employés pour le contrôle de l’hémorragie d’origine variqueuse.

Ils n’ont pas d’effets secondaires importants.

Les substances vasoactives doivent être utilisées le plus précocement, dès que la cirrhose est reconnue, et maintenues jusqu’à la réalisation de l’endoscopie.

Elles assurent une hémostase primaire dans 80 % des cas et améliorent la qualité du transport préhospitalier ainsi que de l’endoscopie initiale.

L’autorisation de mise sur le marché (AMM) permet l’utilisation de la terlipressine pendant 5 jours et de la somatostatine pendant 48 heures.

Le relais par les bêtabloquants tend à être de plus en plus précoce.

En cas de gastropathie congestive hémorragique, les traitements vasoactifs peuvent être proposés et le propranolol pourrait avoir un intérêt à distance de l’hémorragie active.

– La sonde de tamponnement, la plus couramment utilisée, est celle de Sengstaken-Blakemore, constituée de deux ballonnets gastrique et oesophagien qui doivent être gonflés à l’air.

En cas d’encéphalopathie hépatique, une intubation trachéale est préalablement effectuée.

La fréquence des complications pulmonaires et oesophagiennes est de 10 à 40 %.

De ce fait, l’utilisation de la sonde de tamponnement doit être limitée aux situations où l’hémorragie non contrôlée est immédiatement menaçante.

* Prévention des complications :

Vingt-cinq à 50 % des malades atteints de cirrhose ont une infection en période d’hémorragie digestive aiguë.

Les infections bactériennes graves, notamment les septicémies, les pneumopathies et les infections du liquide d’ascite sont fréquentes et de mauvais pronostic.

La plupart de ces infections ont pour origine des germes du tube digestif.

Le risque infectieux est aggravé par les gestes endoscopiques et de réanimation.

La décontamination digestive par voie orale semble prévenir les infections à bacille à Gram négatif. Une antibiothérapie systémique par quinolone, simple à utiliser en période hémorragique, prévient également efficacement les infections bactériennes.

Les anomalies de la fonction rénale chez le malade cirrhotique, aggravées lors d’une hémorragie digestive, contre-indiquent les aminosides, et font éviter les opacifications vasculaires et les diurétiques.

L’encéphalopathie hépatique posthémorragique s’observe chez 30 % des malades mais cette proportion est supérieure chez les malades ayant une cirrhose grave.

L’évacuation rapide du sang du tube digestif est souhaitable au mieux avec du lactulose.

Le traitement de l’encéphalopathie passe par la prévention des autres complications telles que les infections.

* Endoscopie :

L’endoscopie digestive haute doit être réalisée lorsque l’état hémodynamique est stable, au mieux dans les 12 premières heures qui suivent le début de l’hémorragie.

La rupture de varices oesophagiennes est la principale cause d’hémorragie digestive chez le malade atteint de cirrhose.

La présence d’une hémorragie active ou des stigmates d’hémorragie récente et les varices de grande taille sont associées à un risque de récidive de l’hémorragie.

Les signes de la série rouge (zébrures, taches rouges) au niveau des varices ne témoignent pas d’un saignement récent mais sont prédictifs du risque de saignement à venir.

Le site de prédilection de la rupture de la varice se situe au niveau des 5 derniers centimètres de l’oesophage.

La rupture de varices sous-cardiales est à l’origine de moins de 10 % des hémorragies.

Leur pronostic est moins bon car l’hémostase est souvent difficile et les récidives plus fréquentes.

La gastropathie congestive d’hypertension portale peut être à l’origine de lésions gastriques hémorragiques ; elle est surtout responsable de déglobulisation.

Les varices ectopiques colorectales sont responsables de 1 % des hémorragies digestives par hypertension portale.

Ces varices sont favorisées par des adhérences chirurgicales, notamment en cas de stomie du fait du drainage cave de la paroi abdominale.

Actuellement, la sclérose endoscopique et la ligature élastique sont les traitements de choix pour contrôler une hémorragie active par rupture de varices oesophagiennes.

La sclérothérapie est réalisée d’emblée lors de la première endoscopie.

L’efficacité de la sclérothérapie hémostatique dans les essais contrôlés est de 80 %.

L’action du produit sclérosant est triple.

Il provoque une compression mécanique de la varice par le produit injecté, entraîne une thrombose de la varice et la constitution d’une réaction inflammatoire locale intense d’apparition retardée.

L’agent sclérosant le plus utilisé en Europe est le polidocanol (Aetoxisclérolt). La sclérothérapie permet d’obtenir l’hémostase dans plus de 90 % des cas en période d’hémorragie active.

L’incidence des complications liées à la sclérothérapie est évaluée entre 10 et 30 % avec un taux de mortalité de 0,5 à 2 %.

Les complications sont réduites par l’administration de sucralfate ou un inhibiteur de la pompe à protons.

La ligature élastique par voie endoscopique a été proposée pour le traitement des varices oesophagiennes et gastriques. Les premières études ont montré que la ligature élastique permettait également l’hémostase en urgence des varices oesophagiennes dans près de 90 % des cas.

Le taux de récidive hémorragique de 30 % observé dans ces études est faible et les résultats de la ligature et de la sclérothérapie semblent comparables.

Elle paraît particulièrement intéressante pour les varices de grande taille qui s’observent chez les patients les plus graves.

Les complications observées avec cette technique sont plus rares mais son utilisation en période hémorragique est plus difficile.

L’injection endoscopique de colle biologique paraît intéressante dans les varices sous-cardiales dont l’hémostase par sclérothérapie classique est souvent un échec.

Dans cette indication, les études, dont aucune n’était contrôlée, ont montré une hémostase efficace dans 90 % des cas avec un taux de récidive proche de la sclérose classique pour les varices oesophagiennes.

Le traitement endoscopique en urgence de l’ulcère gastroduodénal chez le malade atteint de cirrhose ne présente pas de particularité par rapport à celui des malades qui n’ont pas d’hépatopathie.

Les troubles de l’hémostase et les risques opératoires chez les malades cirrhotiques incitent à utiliser largement cette méthode.

* Radiologie interventionnelle :

L’embolisation transhépatique ou transjugulaire est efficace pour obtenir l’hémostase précoce, mais le geste est difficile à réaliser et la récidive hémorragique précoce est fréquente.

Le shunt portosystémique intrahépatique utilise des prothèses expansibles afin de créer et de maintenir le chenal entre la veine sus-hépatique et la veine porte.

L’implantation s’effectue par voie transjugulaire.

Son indication en cas d’échec de la sclérose endoscopique paraît intéressante.

Cette technique a également été proposée dans l’attente d’une transplantation hépatique lorsque le problème hémorragique est au premier plan.

* Traitement chirurgical :

Le traitement chirurgical de l’hypertension portale est très efficace pour assurer l’hémostase en cas d’hémorragie digestive par rupture de varices.

Cependant, la morbidité et la mortalité de ces interventions en ont réduit les indications.

L’anastomose portocave en urgence est contre-indiquée dans le cas des hémorragies survenant chez les malades ayant une insuffisance hépatique sévère, appartenant à la classe C de Child-Pugh.

La transplantation hépatique présente l’avantage de traiter l’insuffisance hépatique et l’hypertension portale.

Cependant, les exigences de la transplantation ne permettent donc pas de faire de cette technique un traitement en urgence de l’hémorragie grave du cirrhotique.

Conclusion :

D’importants progrès ont été récemment réalisés dans le traitement des hémorragies digestives, en particulier dans l’hémostase endoscopique.

L’application de ces mesures a amélioré le pronostic de cette urgence digestive.

La stratégie thérapeutique peut être mise en oeuvre lorsque la prise en charge initiale a permis d’assurer ou de restaurer un état hémodynamique satisfaisant et d’apprécier les facteurs de comorbidité et l’existence d’une pathologie hépatique chronique qui influencent fortement la prise en charge des malades.

Elle dépend de l’individualisation de plus en plus précise de critères pronostiques cliniques et endoscopiques qui permettent d’effectuer les choix thérapeutiques et de définir le type et la durée d’hospitalisation.

Cette prise en charge des malades présentant une hémorragie digestive aiguë passe par une collaboration étroite entre les urgentistes, les réanimateurs, les gastroentérologues, les radiologues et les chirurgiens.

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