Grossesses multiples Étude anatomoclinique et prise en charge (Suite) Cours de
Gynécologie Obstétrique
Complications des grossesses
gémellaires
:
A - COMPLICATIONS NON SPÉCIFIQUES :
Sont ainsi définies certaines complications plus fréquemment
observées au cours d’une grossesse gémellaire, sans être à l’origine
de conduite à tenir particulière.
1- Complications maternelles
:
* Syndromes vasculorénaux :
Les syndromes vasculorénaux sont trois à cinq fois plus fréquents
en cas de grossesses gémellaires que dans les grossesses uniques,
avec une fréquence qui varie de 20 à 30 %.
Comme nous l’avons vu, la gémellité est responsable d’une situation
hémodynamique instable avec une vasodilatation périphérique
majeure, partiellement compensée par une élévation notable du
débit cardiaque, secondaire à l’augmentation volémique et à
l’accélération de la fréquence cardiaque maternelles.
Ceci explique
la rapidité et la sévérité d’une décompensation chez ces patientes en
cas de prééclampsie.
La survenue de pathologies vasculaires peut
s’expliquer par une diminution insuffisante des résistances
vasculaires périphériques.
La rareté d’anomalies du doppler utérin
pourrait écarter l’hypothèse d’un défaut d’invasion trophoblastique.
Différents mécanismes encore mal élucidés doivent intervenir, avec
en particulier la surdistension utérine.
La qualité d’une politique de dépistage et de prévention est donc
importante, même en l’absence de tout antécédent vasculorénal.
Dans le cas contraire, la surveillance précoce et poursuivie au cours
de la grossesse de la croissance foetale et des dopplers est d’un grand
intérêt.
La valeur de l’uricémie doit être prise en compte avec prudence.
En
effet, aucune norme n’a été clairement établie en cas de grossesse
multiple, et la nécessité d’un taux de référence précoce, couplé à
l’analyse de sa courbe évolutive, prend ici toute son importance.
La conduite à tenir est identique à celle proposée lors d’une
grossesse unique.
* Pathologies infectieuses :
– Infections urinaires.
L’importance de l’atonie urétérale en rapport avec l’imprégnation
hormonale, associée au risque accru de compression mécanique de
l’uretère du fait de l’excès de volume utérin, rendent compte de la
plus grande fréquence des pyélonéphrites sur ce terrain.
– Autres.
Les autres infections virales ou bactériennes pouvant être contractées
par une mère au cours de sa grossesse n’entraînent pas de conduite
à tenir particulière en cas de gémellité et doivent être prises en
compte de manière identique à une grossesse monofoetale.
En cas de séroconversion toxoplasmique, le bilan sérologique et les
modalités du traitement initial sont identiques.
La surveillance
foetale et la recherche d’un passage transplacentaire du parasite doit
concerner les deux jumeaux.
En cas de suspicion de contamination
d’un ou des deux foetus, l’adaptation habituelle de la thérapeutique
maternelle est proposée.
* Anémie
:
Comme nous l’avons vu, l’importance de la consommation de fer et
de folates destinés à assurer l’érythropoïèse des deux foetus, associée
à l’augmentation du risque hémorragique lors de l’accouchement,
doit conduire à porter une attention toute particulière au dépistage
précoce d’une anémie maternelle et instaurer rapidement un
traitement supplétif, pour certains quasi systématique dès le
deuxième trimestre.
* Insuffisance veineuse :
L’importance du volume utérin en fin de grossesse engendre une
gêne au retour veineux des membres inférieurs, responsable d’une
fréquente symptomatologie locorégionale.
L’alitement plus souvent
observé renforce alors la crainte d’un accident thromboembolique et
doit rendre larges les indications de traitement préventif.
* Mortalité maternelle :
Dans un article récent, Senat a colligé les études concernant la
mortalité maternelle.
En 1994 en France, la mortalité maternelle
passe de 4,4/100 000 naissances vivantes pour les grossesses monofoetales à 10,2/100 000 pour les grossesses multiples.
Pour
l’Europe, ces taux sont de 5,2 contre 14,9.
Le risque de décès
maternel est donc multiplié par trois dans les grossesses multiples,
principalement rapporté aux complications de l’hypertension
artérielle, au taux plus élevé de césarienne et aux hémorragies de la
délivrance.
2- Complications ovulaires
:
* Prématurité
:
Le terme d’accouchement moyen en cas de gémellité n’est que de
37 SA, celui-ci survenant près d’une fois sur deux avant 37 SA.
Selon
l’enquête périnatale réalisée en 1995, la prématurité avant 34 SA
concerne 10 % des grossesses gémellaires contre 1,5 % des grossesses
simples.
Avant 32 SA, 7 % des patientes sont concernées, contre 1 %
pour les grossesses uniques.
La survenue d’un accouchement prématuré en cas de grossesse
gémellaire est essentiellement influencée par :
– le caractère monozygote de la grossesse, en particulier en cas de
placentation monochoriale.
Il faut noter ici l’importance de la
prématurité provoquée dans ces grossesses à très haut risque ;
– l’existence de malformation ou le décès d’un des jumeaux.
La prématurité reste la plus grande cause de mortalité périnatale et
de morbidité néonatale.
La fréquence de survenue de la maladie des
membranes hyalines est de 11 % chez les jumeaux contre 2 % dans
la population générale.
Le pourcentage de jumeaux chez les sujets
atteints d’une infirmité motrice cérébrale atteint 5 à 10%, alors qu’il
ne représente que 1 % de la population générale, le handicap moteur
le plus souvent retrouvé étant la diplégie spastique des membres
inférieurs, séquelle de la prématurité.
Les grossesses monozygotes
sont identifiées dans une étude française récente comme un facteur
de risque de séquelles neurologiques à l’âge de 2 ans lorsque la
naissance survient avant 33 SA.
En cas de mise en route spontanée et prématurée du travail,
l’accouchement différé du deuxième jumeau est possible.
Une revue
récente de la littérature fait état de 34 cas de grossesses gémellaires
avec une durée moyenne de rétention de 48 jours.
La durée de
prolongation de la grossesse semble liée à la précocité d’accouchement du premier enfant et à l’absence de signes
d’infection maternelle patente.
La réalisation d’un cerclage à chaud
reste toujours largement discutée.
De plus, il ne semble pas
déterminant dans la prolongation de la grossesse.
Devant la rareté
de cette situation, il n’est donc pas possible d’établir une conduite à
tenir générale et chaque situation est évaluée au cas par cas, en
tenant compte des risques foetaux et maternels encourus.
* Retard de croissance intra-utérin (RCIU) :
Plus encore que pour les grossesses monofoetales, les critères de
définition du RCIU sont variables d’une publication à l’autre, et la
gémellité constitue souvent un critère d’exclusion des différentes
études concernant l’hypotrophie foetale.
Toutefois, une fréquence
comprise entre 20 et 50 % est le plus souvent rapportée.
Les principaux facteurs étiologiques sont représentés par :
– le syndrome de transfusion foetale ;
– les malformations ;
– les syndromes vasculorénaux.
Comme nous l’avons vu, le diagnostic anténatal ne repose que sur
la biométrie ultrasonique des deux jumeaux, la mesure de la hauteur
utérine n’apportant dans cette indication aucun argument
complémentaire.
L’estimation échographique du poids foetal prend
une place fondamentale dans cette évaluation et présente un
avantage certain bien mis en évidence par Secher : un poids foetal
estimé inférieur de 15 % à la valeur attendue au même terme a une
valeur prédictive de RCIU de 93 % ; par ailleurs, un écart de moins
de 20 % entre les estimations pondérales des deux foetus exclut le
diagnostic de RCIU dans 90 % des cas, mais une différence
pondérale supérieure à 20 % représente un critère de gravité.
Pour Vintzileos, une discordance d’estimation de poids foetal avec une
différence d’au moins 20 mm sur la mesure de la circonférence
abdominale prédit une asymétrie de croissance foetale avec une
sensibilité de 80 %, une spécificité de 93 %, une valeur prédictive
positive de 80 % et une valeur prédictive négative de 93 %.
Un
même écart supérieur à 20 % affirme le RCIU dans 50 % des cas ;
par ailleurs, en cas de grossesse monochoriale diamniotique, une
différence pondérale supérieure à 20 % serait un des paramètres
permettant d’évoquer un syndrome transfuseur-transfusé.
La conduite à tenir dépend certes du contexte de la grossesse et du
diagnostic étiologique.
La surveillance échographique foetale, les
vélocimétries ombilicale et cérébrale, et l’étude du rythme cardiaque
foetal sont identiques à celles d’une grossesse unique dans leurs
mises en oeuvre et leurs conclusions. Le terme et le poids foetal sont
des arguments décisionnels majeurs.
Toutefois, le retard de
croissance n’affecte souvent qu’un seul foetus, et la décision de prise
en charge thérapeutique, d’extraction ou d’abandon, doit
impérativement tenir compte du pronostic du foetus eutrophique qui
doit être préservé.
* Placenta prævia :
Du fait du volume placentaire, la fréquence des insertions basses du
placenta est augmentée.
La surveillance et la prise en charge ne
diffèrent pas de celles d’une grossesse monofoetale.
* Iso-immunisation Rhésus
:
L’expression d’une iso-immunisation Rhésus chez une patiente
présentant une grossesse gémellaire doit conduire à la même
surveillance que dans une grossesse monofoetale.
La réalisation
d’une amniocentèse pour dosage de la bilirubinamnie et
détermination de l’indice optique de Liley doit concerner les deux
poches amniotiques.
Lorsque l’évaluation du taux d’hémoglobine foetale devient
nécessaire, une cordocentèse est réalisée à l’insertion ombilicale du
jumeau présumé le plus sévèrement atteint, permettant la réalisation
d’une éventuelle exsanguinotransfusion in utero. Un délai de
24 heures, voire de quelques jours est souhaitable avant de réaliser
une cordocentèse à l’insertion ombilicale du second foetus.
La
recherche d’hématies adultes par test de Kleihauer met en évidence
d’éventuelles anastomoses vasculaires entre les deux circulations,
son taux permettant, pour Poissonnier, d’appréhender leur débit.
En cas d’anastomoses à débit élevé, la réalisation d’exsanguinotransfusions
alternées sur l’un puis l’autre foetus pourrait ainsi
s’avérer suffisante.
B - COMPLICATIONS SPÉCIFIQUES :
Sont ainsi regroupées les complications, toutes d’origine ovulaire,
qui ne se rencontrent qu’au cours des grossesses gémellaires ou qui,
du fait de la gémellité, imposent une conduite à tenir tout à fait
spécifique.
1- Malformations foetales, pathologies géniques
ou chromosomiques
:
Nous avons évoqué l’essentiel de ce qui concerne le dépistage, le
diagnostic et la conduite à tenir au chapitre du diagnostic anténatal ;
toutefois, la gravité de ces pathologies, la difficulté et la spécificité
de leur prise en charge imposent d’insister encore sur :
– la nécessité absolue de la détermination précoce et précise du type
anatomique ;
– la rigueur et la prudence dans la conduite du diagnostic
anténatal ;
– la qualité du repérage échographique du foetus pathologique ;
– l’évaluation soigneuse du pronostic global de la grossesse et du
jumeau sain ;
– enfin, la prise en charge de ces complications par une équipe
pluridisciplinaire habituée à la gestion de ces situations complexes.
2- Grossesses hétérotopiques :
Le diagnostic est en règle porté au cours du premier trimestre de
grossesse.
La prédominance du tableau de GEU est classique mais
inconstante. Le danger vient du risque de méconnaissance de l’oeuf
ectopique devant la constatation échographique formelle d’une
grossesse intra-utérine embryonnée, évolutive ou non.
Le pronostic et la conduite à tenir sont ceux de la GEU : il est
exceptionnel que la grossesse ectopique évolue au-delà du premier
trimestre sans complications majeures.
En début de grossesse, un
traitement percoelioscopique peut être réalisé, permettant la
poursuite normale de la grossesse intra-utérine.
Toutefois,
l’avortement de l’oeuf intra-utérin, certes aléatoire, est fréquent.
3- Évanescence d’un jumeau :
Elle affecte, selon Landy, 21,5 % des grossesses gémellaires et la
situation de grossesse monofoetale résultante se complique, dans
environ 25 % des cas, d’interruption spontanée totale de la grossesse,
d’autant plus que l’arrêt d’évolution est tardif et que l’oeuf mort
persiste au sein de l’utérus.
Pour Sebire, en cas de grossesse
bichoriale, le risque de perte foetale consécutive à l’évanescence d’un
jumeau entre 10 et 14 SA est multiplié par dix.
La cause de la mort
du second jumeau reste mal expliquée, mais en cas de grossesse monochoriale, la responsabilité des anastomoses vasculaires a été
évoquée.
Quelle que soit la placentation, le pronostic néonatal
du jumeau survivant n’est en règle pas altéré ; toutefois, récemment,
certains auteurs ont mis en cause la possible évanescence méconnue
d’un jumeau à l’origine de pathologies cérébrales inexpliquées
découvertes sur grossesses uniques.
4- Jumeaux conjoints
:
Le plus souvent de sexe féminin (70 %), leur fréquence est d’environ
1/100 000 naissances ; la placentation est obligatoirement de type monoamniotique.
En fonction du site d’union, de son importance,
des organes communs et de la symétrie, une classification
sémiologique a été établie. Dans 70 % des cas, il s’agit de jumeaux thoracopages.
Actuellement, le diagnostic doit être réalisé
au premier trimestre, l’analyse précise du site d’union et des organes
communs pouvant être améliorée par la voie transvaginale, voire
par l’imagerie 3D et le doppler.
Bien que des publications
rapportent une possible prise en charge chirurgicale néonatale de
ces enfants, les difficultés médicales, psychologiques et
éthiques qui l’accompagnent doivent conduire à proposer une
interruption de grossesse d’indication médicale.
5- Foetus acardiaque :
Complication spécifique des grossesses monochoriales, sa fréquence
est estimée à 1/35 000 naissances.
Une théorie vasculaire (TRAPséquence)
représente l’hypothèse étiopathogénique aujourd’hui
retenue, mettant en cause le déséquilibre hyperprécoce des flux
sanguins à travers des anastomoses placentaires bidirectionnelles,
avec perfusion finale à contre-courant du jumeau devenant
parasite.
La présence d’un foetus acardiaque peut, en raison du vol vasculaire
qu’il entraîne, se compliquer d’un hydramnios et d’une insuffisance
cardiaque chez le second jumeau qui doit bénéficier d’une
surveillance rigoureuse et parfois d’une prise en charge in utero,
voire d’un foeticide sélectif de l’acardiaque par oblitération
funiculaire.
6- Foetus in fetu :
Complication rare (moins de 80 cas publiés) et spécifique des
grossesses monozygotes, le foetus in fetu est une entité nosologique,
frontière entre le foetus acardiaque, les jumeaux conjoints et les
tératomes dont il ne serait que l’expression de la forme la plus
mature et différenciée.
Sa localisation peut être diverse, le plus
souvent rétropéritonéale, sacrococcygienne ou intraabdominale.
Autrefois réalisé en pédiatrie sur la découverte d’un
syndrome de masse, le diagnostic est actuellement accessible en
anténatal par échographie, aidé éventuellement par l’imagerie par
résonance magnétique (IRM).
L’évolution peut poser le problème
éventuel d’un volume important source de dystocie, et d’une
vascularisation anarchique intrinsèque à l’origine d’une anémie
foetale par hémorragie ou d’une insuffisance cardiaque du foetus
hôte.
7- Syndrome transfuseur-transfusé :
Le syndrome de transfusion interfoetale représente la principale
complication spécifique des grossesses gémellaires monozygotes.
Si
elle varie selon les publications, et surtout selon les critères de
définition, la fréquence du syndrome transfuseur-transfusé reste
faible, entre 10 et 15 % des grossesses monochoriales.
Celui-ci ne se rencontre exclusivement qu’en cas de placentation monochoriale.
Il est dû à la présence, entre les deux circulations
foetales, d’anastomoses vasculaires constantes.
Un consensus existe
actuellement pour incriminer un déséquilibre fonctionnel entre les
anastomoses unidirectionnelles profondes artérioveineuses et les
anastomoses bidirectionnelles artérioartérielles ou veinoveineuses
qui auraient un rôle protecteur.
Bien que le nombre
d’anastomoses, en particulier bidirectionnelles, apparaisse
globalement diminué, il ne semble pas influencer directement
la survenue d’une pathologie, une seule anastomose artérioveineuse
non compensée pouvant suffire au déséquilibre circulatoire.
Le mécanisme initial à l’origine du déséquilibre hémodynamique
reste mal connu.
Talbert met en cause la différence des pressions
osmotiques et hydrostatiques foetales ; ces données sont corrélées
aux taux élevés d’ANP retrouvés chez le receveur.
Les constatations
de van Peborgh vont dans le même sens ; il évoque le rôle d’une
insuffisance placentaire primitive du donneur, facilitant ainsi les
transferts de fluide maternel vers le receveur qui entre alors dans le
cercle vicieux d’hypervolémie, polyurie et hyperosmolarité.
Le syndrome transfuseur-transfusé n’est jamais observé en cas de
grossesse monoamniotique, alors que la placentation identique
comporte les mêmes anastomoses.
La principale différence est donc
l’absence de membrane interamniotique, ce qui permet à certains
auteurs d’évoquer la différence de pression hydro-osmotique de part
et d’autre de la cloison dans la genèse de la transfusion
interfoetale.
* Définition
:
Un consensus s’établit maintenant pour récuser les habituels
critères de définition pédiatrique du syndrome transfuseur-transfusé
associant un jumeau « transfuseur » pâle, hypotrophe, anémique, né
dans un contexte d’oligoamnios, et un jumeau « receveur »
pléthorique, oedématié, polyglobulique, associé à un hydramnios.
Une différence pondérale supérieure ou égale à 15 % et un écart d’au
moins 5 g/100 mL entre les taux d’hémoglobinémie et de 15 % entre
les hématocrites n’apportent aucune certitude complémentaire et
apparaissent actuellement inadaptés.
En effet, la différence de poids
à la naissance peut être modérée si la décompensation se fait
tardivement de manière aiguë. Par ailleurs, plusieurs auteurs comme Saunders ont observé que, dans de nombreux cas, les différences
entre les taux d’hémoglobine des deux jumeaux obtenus après
cordocentèse restaient faibles.
Pour Wenstrom, la concordance
entre les poids des foetus et les taux d’hémoglobine n’est pas établie ;
en cas de poids foetaux voisins, le taux le plus élevé est retrouvé
chez le second jumeau dans 83 % des cas, ce qui peut être interprété
comme le stigmate d’une transfusion aiguë au cours du travail.
Le diagnostic échographique repose sur certains critères considérés
comme obligatoires :
– grossesse monochoriale biamniotique ;
– jumeaux de même sexe ;
– présence d’une masse placentaire unique ;
– différence de volumes vésicaux traduisant l’asymétrie des diurèses
foetales ;
– discordance entre les volumes de liquide amniotique, l’excès de
liquide correspondant au plus gros foetus polyurique considéré
comme receveur, le foetus donneur oligoanurique se trouvant dans
une poche oligoamniotique.
D’autres ne viennent que conforter le diagnostic et sont facultatifs :
– discordance de croissance biométrique ;
– possible différence d’échogénicité placentaire au pied de chaque
cordon ;
– diamètres funiculaires différents avec, parfois, anomalie de
nombre des vaisseaux ou insertion vélamenteuse ;
– existence éventuelle de signes d’insuffisance cardiaque chez le
foetus receveur précédés d’une hypertrophie myocardique.
Dans de nombreuses situations comportant des anomalies de
placentation, le tableau clinique et échographique peut mimer un
syndrome de transfusion foetale, mais les conséquences pronostiques
sont très différentes.
Ainsi, le respect strict de cette définition
permet de différencier, dans la même entité pathologique, twin
oligoamnios polyhydramnios sequence (TOPS), des syndromes
cliniquement proches mais d’étiologie totalement différente, comme
l’insuffisance placentaire spécifique d’un jumeau en souffrance
foetale chronique avec RCIU et oligoamnios.
Certains auteurs ont
proposé des explorations complémentaires dans cette démarche
étiologique, comme l’utilisation du doppler foetal, l’exploration
doppler des anastomoses ou la réalisation de cordocentèses
pour évaluer les numérations foetales et différents paramètres
biologiques (albuminémie, protidémie), voire doser l’érythropoïétine.
L’hydramnios aigu représente une entité particulière compliquant
environ 1,8 à 9 % des grossesses gémellaires et 25 % des grossesses
monozygotes par une augmentation importante, brutale (en 1 à
2 semaines) et précoce (avant 25 SA) du volume de liquide
amniotique.
Le diagnostic clinique est fait devant une augmentation
rapide du volume abdominal au deuxième trimestre avec signes
d’excès liquidien et intolérance maternelle précoce et sévère.
L’aspect échographique est celui d’un hydramnios majeur gênant
l’exploration foetale, associé à un jumeau suspendu à la paroi utérine
(stuck twin) ; l’écart biométrique est souvent faible et la cloison
interamniotique n’est souvent plus visible, moulée sur le plus petit
foetus, faisant souvent porter à tort le diagnostic de grossesse
monoamniotique.
Le syndrome de transfusion foetale en est
une des hypothèses étiopathogéniques, mais un hydramnios aigu
peut également être rencontré en cas de grossesse monoamniotique ;
le tableau de stuck twin impose en revanche l’existence d’une cloison
interovulaire et peut être également décrit en cas de grossesse
bichoriale (syndrome malformatif avec anamnios…).
* Complications
:
Le syndrome transfuseur-transfusé est responsable à lui seul
d’environ 17 % de la mortalité périnatale des grossesses gémellaires.
La surveillance clinique et échographique d’une grossesse monochoriale doit donc être rigoureuse et rapprochée pour une
prise en charge précoce dès les premiers signes de décompensation.
Certains auteurs préconisent même un dépistage dès le premier
trimestre, basé sur l’étude échographique de la nuque foetale et de
la cloison interamniotique.
Le pronostic du syndrome de
transfusion foetale est en grande partie lié à la date d’apparition des
premiers symptômes échographiques ; celui-ci est d’autant plus
grave que le terme est plus précoce (parfois dès le début du
deuxième trimestre, voire la fin du premier).
En l’absence de prise
en charge, de telles formes se traduisent par une mortalité proche
de 100 % pour les deux foetus.
Les risques sont liés à la
sévérité potentielle de l’anémie et de la souffrance chronique du
jumeau transfuseur hypotrophe, à l’apparition d’une insuffisance
cardiaque par surcharge chez le receveur, et au danger d’apparition
de lésions hypoxo-ischémiques en cas de mort d’un jumeau.
Des signes d’anasarque peuvent être constatés, presque
toujours chez le receveur, en raison de l’hyperviscosité due à la
polyglobulie et à l’hyperprotidémie ; elle s’accompagne alors
d’une mortalité périnatale voisine de 100 % pour ce foetus, mais pour
Trespidi, le pronostic global de la grossesse n’est pas
obligatoirement compromis.
Par ailleurs, l’insuffisance tricuspidienne avec hypertrophie ventriculaire constatée chez le
receveur peut être résolutive si une stabilisation est obtenue avant
l’apparition de l’anasarque, dans un délai néonatal variant de
quelques jours à 6 mois.
L’hydramnios marque un tournant évolutif par son retentissement
péjoratif sur l’évolution globale de la grossesse.
La pression intraamniotique
est un facteur pronostique essentiel qui doit être pris en
compte dans l’évaluation pronostique et la prise en charge, avec un
seuil critique fixé par certains auteurs à 17 mmHg.
La surveillance doppler des résistances vasculaires placentaires et
cérébrales est importante.
Le profil doppler correspond pour chaque
foetus à ceux observables en cas d’anémie sévère ou de transfusion
massive.
L’interprétation des vélocimétries doit toutefois être
prudente du fait des perturbations encore mal connues induites par
les anastomoses.
La constatation d’un flux diastolique nul chez le
donneur est pour Trespidi un facteur pronostique très péjoratif.
L’existence d’une insertion vélamenteuse d’un cordon doit être
recherchée de manière systématique en raison de sa valeur
pronostique.
Machin considère le risque maximal en cas
d’association insertion vélamenteuse et insertion centrale.
* Prise en charge
:
La conduite à tenir doit être définie selon chaque cas particulier en
fonction du terme et de l’estimation pondérale foetale, des critères
de sévérité échographiques et vélocimétriques et de la surveillance
de la vitalité foetale.
Une corticothérapie préventive doit être
systématiquement effectuée en raison des risques importants de
grande prématurité.
De nombreux axes de prise en charge ont été proposés au cours des
15 dernières années et sont en cours d’abandon.
Il en est ainsi des
traitements par l’indométacine qui est à l’origine de complications
néonatales graves dans cette indication, ou de l’utilisation de la digoxine.
Le recours à l’interruption sélective de grossesse, qui
impose d’utiliser des artifices complexes permettant l’occlusion du
cordon (colles, coils, polymères de saccharose, ligatures),
pose de lourds problèmes techniques, mais surtout éthiques et
psychologiques.
Actuellement, la prise en charge d’un syndrome transfuseurtransfusé
relève de deux grands principes thérapeutiques :
– les amniodrainages qui ont l’avantage d’être une technique simple
et sans danger maternel préconisée par la majorité des auteurs.
Différentes modalités ont été proposées en fonction de la
technique de ponction, du volume à soustraire, de la vitesse de
soustraction et des critères de surveillance et d’arrêt du geste.
La
plupart des auteurs ont choisi de réaliser au deuxième trimestre une
ponction à l’aiguille 18 G avec évacuation rapide (environ
50 mL/min), sous couvert d’une tocolyse intraveineuse ; un
monitorage du geste par contrôle de la pression intra-utérine peut
être systématiquement associé, celle-ci devant être ramenée à la
normale (< 10 mmHg). Riethmuller propose un drainage lent par
cathéter sur 48 heures.
Ces disparités techniques, mais aussi dans la
sélection des indications, rendent compte de résultats variables avec
un taux de naissances vivantes compris entre 42 et 87 % (en
moyenne 60 %).
Dans ces mêmes études, le pourcentage
de grossesses qui s’achèvent par la naissance de deux enfants
vivants est voisin de 40 %, le risque du décès des deux foetus est
d’environ 30 %.
Ville remet toutefois en cause ces résultats en
soulignant l’existence d’une morbidité néonatale, en particulier
cérébrale, d’environ 19 %.
Le mécanisme d’action des amniodrainages reste mal connu.
Des améliorations des
vélocimétries dopplers ombilicales, cérébrales et utérines
consécutives à la décompression ont été rapportées, avec parfois une
interruption du flux anastomotique.
Trespidi évoque
l’ouverture des anastomoses superficielles compensatrices liée à la
diminution de la distension utérine.
La normalisation des volumes
amniotiques, et surtout la réapparition de liquide autour du
transfuseur sont souvent décrites, mais la nécessité de ponctions
itératives est fréquente (86 % pour Elliot).
Cette réapparition du
liquide amniotique ne s’accompagne pas toujours de la visualisation
d’une vessie chez le donneur et pourrait être alors attribuable à une
ponction méconnue à travers la cloison amniotique, réalisant ainsi
une septostomie ;
– la photocoagulation laser des vaisseaux anastomotiques qui représente
l’alternative aux amniodrainages.
Le geste initialement décrit par De
Lia est réalisé sous foetoscopie.
L’optique introduite dans la cavité hydramniotique par un trocart de 2,7 mm de diamètre, sous
anesthésie locale, est guidée en regard de l’insertion de la cloison
interamniotique.
Une fibre laser Nd : YAG de 400 ím permet la
coagulation de tous les vaisseaux visualisés en regard de la
membrane.
Ville précise en effet que les anastomoses dites
« profondes » cheminent en fait en superficie du placenta sur la
quasi-totalité de leur trajet et ne plongent en profondeur des
cotylédons qu’au voisinage de la cloison.
Le geste nécessite d’être
accompagné d’une tocolyse intraveineuse et un amniodrainage est
systématiquement effectué en fin d’intervention.
Certaines
conditions anatomiques rendent difficiles les conditions techniques,
en particulier l’insertion antérieure du placenta.
Dans cette situation,
certains auteurs ont récemment proposé la réalisation d’une minilaparotomie permettant la mise en place de l’optique au fond
utérin ; d’autres préconisent la coagulation des anastomoses
préalablement repérées par doppler énergie, sans effraction
amniotique, par introduction de la fibre dans une aiguille
intraplacentaire.
En termes de mortalité, les résultats sont proches de ceux obtenus
par amniodrainages.
Après regroupement multicentrique, le
pourcentage d’enfants nés vivants est de 50 à 55 %, avec environ
75 % de grossesses conduisant à la naissance d’au moins un enfant
vivant et 37 % à celle des deux enfants vivants.
En revanche,
Ville souligne le faible taux de morbidité néonatale (moins de 10 %),
avec moins de 5 % des enfants nés vivants handicapés à 1 an.
La
morbidité maternelle est voisine de 9 %, à type de rupture
prématurée des membranes avec chorioamniotite ou de
complications hémorragiques.
De nombreux gestes complémentaires ont été proposés en
association aux amniodrainages et aux photocoagulations laser, en
particulier la réalisation de transfusions ou d’exsanguinotransfusions
in utero, avec parfois soustractions sanguines
chez le receveur.
Un rôle des corticoïdes a également été rapporté
par Scott dans l’amélioration de l’anasarque chez un foetus
receveur.
Ces deux techniques restent de comparaison difficile en raison de la
faiblesse des effectifs des différentes populations et surtout de
l’hétérogénéité des protocoles, rendant nécessaire la réalisation d’une
étude multicentrique prospective.
De nouveaux axes de recherche sont actuellement proposés, mais
leur intérêt thérapeutique reste à évaluer.
Ainsi, la réalisation de septostomies à l’aiguille permettrait l’équilibration des pressions et
des volumes amniotiques en créant une grossesse fonctionnellement
monoamniotique, sans en avoir les conséquences décrites après
ruptures franches de cloison.
Sur une série de 12 cas, Saade
obtient 83 % d’enfants vivants.
8- Mort in utero d’un jumeau :
Sa fréquence globale est comprise entre 3 et 9 %, plus
importante en cas de grossesse monozygote, avec des taux proches
de 25 à 35 % en cas de placentation monochoriale, deux à
trois fois supérieurs à ceux observés en cas de bichorialité.
Les étiologies sont diverses et fonction de la placentation : non
spécifiques en cas de grossesse bichoriale, les plus fréquentes en cas
de placentation monochoriale restent le syndrome de transfusion
foetale et les accidents funiculaires en cas d’exceptionnelle grossesse
monoamniotique.
Contrairement à ce que l’on observe en cas de grossesse monofoetale,
le risque maternel est très faible, voire nul pour beaucoup
d’auteurs en ce qui concerne d’éventuelles anomalies significatives
de la coagulation.
Santema rapporte une fréquence élevée de
pathologies hypertensives, voire de prééclampsies de révélation
secondaire que l’on peut davantage incriminer dans l’étiologie de la
mort foetale.
La mort d’un des deux foetus, outre le retentissement psychologique
qu’elle engendre, pose le problème majeur du retentissement
potentiel sur le foetus survivant et donc de la conduite à tenir.
Globalement, la mortalité périnatale reste élevée dans ce contexte,
comprise entre 12 et 35 %.
Cette disparité est fonction de la
population prise en compte dans les différentes études, le risque
étant là encore nettement supérieur en cas de grossesse monochoriale.
Gaucherand souligne ainsi le risque très faible
attribuable aux placentations bichoriales, dont la prématurité reste
la complication principale, comparé à celui rapporté en cas de
placentations monochoriales en raison de l’existence des
anastomoses placentaires et du syndrome de transfusion foetale.
Dans cette situation, la morbidité périnatale est voisine de 20 % (16,6
à 45 % selon les études récentes), en rapport avec la
survenue de lésions vasculaires de type hypoxie-ischémie de
localisations essentiellement cérébrales, mais aussi rénales, digestives, ou plus exceptionnellement de nécroses distales de
membres.
Le décès du foetus transfuseur est le plus fréquent
et le risque de séquelles neurologiques chez le transfusé est de
10 à 15%.
L’hypothèse étiopathogénique actuellement retenue,
confortée par les résultats de numérations sanguines foetales
obtenues après cordocentèses, incrimine le collapsus
précédant la mort foetale, à l’origine d’une véritable exsanguination
transitoire du foetus survivant.
Il faut toutefois faire la part des
choses entre les séquelles consécutives aux variations
hémodynamiques et celles dues aux complications de la prématurité
souvent importante dans ce contexte.
La survenue de lésions
cérébrales a été également rapportée chez des enfants survivants
dans le cadre de grossesses monoamniotiques.
La conduite à tenir dépend du type anatomique de la grossesse et
du terme de survenue du décès foetal.
Si celui-ci survient
précocement au cours du deuxième trimestre, le foetus décédé se
momifie en règle générale pour aboutir à l’état de foetus papyracé.
En cas de bichorionicité affirmée, la lutte contre la prématurité doit
être la règle.
Dans le cas contraire, une surveillance échographique
rigoureuse du jumeau survivant doit être réalisée, complétée par une
IRM foetale, afin de dépister la survenue des complications anoxo-ischémiques, le plus souvent visualisables après un délai d’au
moins 2 à 3 semaines.
En leur absence, une attitude attentiste est le
plus souvent proposée, le mécanisme ante mortem des lésions
vasculaires rendant inutile la réalisation d’une césarienne précoce
qui ne mettrait pas obligatoirement à l’abri de telles complications ;
l’extraction foetale est à envisager pour certains dès l’acquisition de
la maturité pulmonaire, voire dès 33 SA, après corticothérapie
préventive.
Seule une extraction précédant immédiatement la
mort foetale serait justifiée, d’autres auteurs proposant la
réalisation de transfusions in utero ante mortem pour prévenir
l’hypovolémie foetale.
Toutefois, certains auteurs préconisent
encore récemment, une extraction du jumeau survivant dès que la
mort foetale est constatée.
C - MORTALITÉ PÉRINATALE :
Les données de la littérature font état d’une mortalité périnatale trois
à dix fois plus élevée dans les grossesses gémellaires que dans les
grossesses uniques.
D’autre part, cette mortalité semble deux
fois plus élevée en cas de grossesse monochoriale.
Cependant, Sebire montre clairement que cette augmentation concerne
essentiellement les pertes foetales précoces.
En effet, en cas de
grossesse monochoriale, la mortalité est multipliée par 1,75 en
période périnatale, alors qu’elle est six fois plus fréquente avant
24 SA.
Ce taux de mortalité néonatale élevé est essentiellement dû à la
prématurité, qui peut être diminuée grâce à une politique préventive
précoce.
Lorsqu’il existe un RCIU, le taux de mortalité périnatale
augmente significativement, comme dans les grossesses simples,
et plus l’asymétrie de croissance est importante, plus la mortalité
néonatale augmente.
Complications des grossesses
multiples de haut rang :
A - FOETALES :
1- Mortalité
:
Le pronostic des grossesses triples s’est nettement amélioré durant
les dernières décennies, du fait du recours plus large à la césarienne,
de la corticothérapie anténatale, des progrès de la surveillance foetale
et de la réanimation néonatale.
Pons, en plus de sa propre série, a colligé deux études concernant
les grossesses quadruples.
La mortinatalité est de 30 à 39‰, la
mortalité périnatale de 67 à 220‰ et la mortalité néonatale précoce
de 37 à 68‰.
Au-delà de ce rang, le pronostic est sombre, mais la rareté et la
dispersion des grossesses d’ordre supérieur interdisent de porter des
conclusions statistiquement correctes.
2- Prématurité
:
Le taux de prématurité n’est pas un très bon indicateur en soi, car la
majorité des auteurs fixe le terme physiologique des grossesses
triples à 37 SA et à 34 SA pour les quadruplés.
La durée
moyenne des grossesses triples n’a pas évolué depuis 40 ans, aux
alentours de 33,5 SA.
Dans la série de Pons, 21,5 % des
enfants sont nés avant 30 SA, dont 11,5 % avant 28 SA.
La menace d’accouchement prématuré est la principale complication
des GMHR, majorée par un hydramnios dans environ 4 % des cas,
parfois aigu (0,6 %).
L’hospitalisation avec tocolyse intraveineuse
par bêtamimétiques est souvent nécessaire dès la fin du deuxième
trimestre, sous surveillance cardiovasculaire stricte.
La
corticothérapie parentérale systématique est d’un intérêt
fondamental dès 27 SA pour prévenir la maladie des membranes
hyalines qui constitue la plus fréquente complication de ces enfants
(31 % en l’absence de corticothérapie contre 13 % après).
La prématurité est liée à la surdistension utérine, éventuellement
compliquée de la rupture de la poche des eaux du premier foetus,
avec mise en route du travail.
Certains auteurs ont donc proposé,
sous certaines conditions, de prolonger la grossesse après qu’un
foetus ait été expulsé pour atteindre la période de viabilité foetale
dans le cadre de grossesses triples, plus rarement quadruples
ou quintuples.
Cette pratique, dont probablement seuls les
succès sont publiés, a permis de gagner en moyenne 57 jours pour
les grossesses triples, 10 pour les quadruples et de 21 à 61 pour la
grossesse quintuple (où un seul enfant a survécu).
D’après Abboud, la durée de rétention est d’autant plus longue que
l’expulsion du premier enfant a été précoce, et les accouchements
différés en trois temps ne permettent que des gains modérés.
3- Hypotrophie foetale
:
Le diagnostic in utero repose sur une estimation pondérale
inférieure au 10e percentile des courbes de référence des singletons.
Comme pour les grossesses gémellaires, les courbes spécifiques des
triplés sont peu utilisées.
L’hypotrophie foetale reste une complication importante des GMHR,
voisine de 50 %, avec un taux de retard de croissance inférieur au
3e percentile proche de 25 %.
Le risque d’hypotrophie augmente
avec l’âge gestationnel puisque 12 % des triplés et 24 % des
quadruplés sont concernés entre 32 et 34 SA, contre plus de 60 % à
35-36 SA.
La discordance entre les foetus d’une même grossesse est
plus importante que pour les gémellaires, avec 30 % des triplés
présentant un écart de poids de plus de 25 %.
Cette situation
implique l’intensification du suivi foetal.
De nombreuses hypothèses étiopathogéniques ont été évoquées
(limitation de la distension utérine, insuffisance d’adaptabilité
cardiovasculaire maternelle, carence relative d’apports
nutritionnels...), justifiant des propositions de traitements préventifs
allant du repos strict à la prescription de régimes hypercaloriques
hyperprotidiques.
4- Malformations foetales
:
Aucune série importante n’a pu être publiée sur l’incidence des
malformations foetales dans les GMHR.
Les différents chiffres
retrouvés sont proches de 6 %.
Parmi les causes malformatives, les anomalies de la ligne médiane
(holoprosencéphalie, sirénomélie, syndrome de régression caudale)
pourraient découler de troubles vasculaires.
Les anomalies telles que
la microcéphalie, la porencéphalie, l’hydrocéphalie, la dysplasie
rénale et les atrésies digestives se rencontrent plus souvent chez les
survivants après décès d’un cojumeau.
Enfin, certaines
malformations peuvent être attribuées à la surpopulation utérine
(pied bot, luxation de hanche).
On peut bien sûr observer les malformations spécifiques des
grossesses monozygotes.
B - MATERNELLES :
1- Anémie
:
D’origine carentielle par surconsommation du fer et des folates, il
s’agit d’une des principales complications maternelles des GMHR
de par sa fréquence (75 à 100 % des cas), persistant souvent malgré
la supplémentation systématique précoce préconisée par la majorité
des auteurs.
2- Syndromes vasculorénaux :
Pour les grossesses triples, leur fréquence est estimée à 15 % pour
Newman, 27 % pour Kaufman.
Albrecht retrouve 33 % de prééclampsies et 10,5 % de HELLP syndrome. Au-delà de trois
foetus, la fréquence est de 38 % pour Hardardottir.
La prééclampsie est souvent atypique, sans hypertension artérielle
ou protéinurie.
La cytolyse hépatique et la thrombopénie sont
fréquentes.
La prise de 80 mg/j d’aspirine ne réduit pas le risque de prééclampsie.
3- Tolérance maternelle
:
L’intolérance maternelle (inconfort, gêne respiratoire, manifestations
douloureuses diverses, troubles du sommeil et asthénie, troubles
cutanés, oedèmes, troubles digestifs...) est certainement subjective et
variable en fonction de la personnalité de chaque patiente, mais elle
doit être impérativement prise en considération, en particulier au delà
du troisième rang, en raison du retentissement sur l’état général
et le psychisme des plaintes générées par la surdistension
abdominale et les compressions.
Prévention des grossesses multiples
de haut rang :
A - MESURES PROPHYLACTIQUES :
Il est évident que la très grande majorité des GMHR étant
consécutive à un traitement d’infertilité, c’est à ce niveau que
doivent porter tous nos efforts.
Un monitorage strict de l’ovulation, biologique et échographique,
s’impose pour toute stimulation ovarienne.
La principale mesure
préventive lors d’une FIV reste la diminution du nombre
d’embryons replacés.
Child propose de ne replacer que
deux embryons avant 39 ans, éventuellement trois au-delà.
B - INTERRUPTION SÉLECTIVE DE GROSSESSE :
1- Techniques
:
Plusieurs techniques ont été proposées, différant selon la voie
d’abord (transvaginale, transcervicale ou transabdominale), selon le
geste réalisé (ponction, aspiration ou injection de toxiques), selon le
toxique éventuellement utilisé (air, sérum salé, KCl), aucune ne
s’avérant totalement satisfaisante.
Une datation précise de la
grossesse, un repérage échographique soigneux, avec contrôle
préalable de l’anatomie embryonnaire sont indispensables.
Le geste
doit être effectué sous guidage échographique continu et dans des
conditions optimales d’asepsie, par des opérateurs entraînés.
– La voie transvaginale permet l’injection transthoracique, si possible
intracardiaque, de KCl ou l’aspiration embryonnaire (avant
8 SA).
Cette dernière technique supplante l’aspiration transcervicale élective de l’embryon le plus proche du col ou sa
destruction à la pince à biopsie.
– La voie transabdominale est actuellement la plus utilisée, entre
10 et 12 SA, avec injection lente de 0,5 (à 9 SA) à 1,5-3 mL (à 12 SA)
de KCl, permettant d’obtenir un arrêt rapide de vitalité. Un
contrôle à 24 heures est souhaitable.
Le choix du ou des embryons interrompus pose problème et amène
à des considérations éthiques importantes. Le trajet de ponction
doit être le plus direct possible, évitant de traverser le sac ovulaire
d’un embryon préservé.
L’embryon(s) choisi(s) doit être le plus facile
à atteindre, mais pas celui situé à proximité du col.
La
constatation échographique d’une pathologie embryonnaire conduit
à une interruption dirigée. De Catte propose la réalisation de
biopsies de trophoblaste avant la décision de réduction
embryonnaire.
2- Indications et résultats
:
Le but des interruptions sélectives de grossesse est de réduire au
minimum les complications maternofoetales dues aux GMHR, en
particulier la grande prématurité.
En cas de grossesses d’ordre
supérieur à trois, celles-ci conduisent actuellement la très grande
majorité des auteurs à proposer une réduction embryonnaire.
L’indication reste très discutée en cas de grossesses triples ; entrent
alors en considération les complications propres du geste, devant
être mises en parallèle avec les bénéfices attendus.
Le taux de succès au sein d’équipes entraînées est de 90 à 100 %.
Hormis de rares accidents publiés, la morbidité maternelle est très
faible.
Le risque principal d’une interruption sélective de
grossesse est l’avortement complet, dont les taux globaux se situent
aux alentours de 12 %.
Ce risque dépend de la voie d’abord :
10, 12 et 20 % respectivement pour la voie transvaginale,
transabdominale et transcervicale (qui doit être abandonnée). Il est
également fonction du nombre d’embryons au départ et en fin de
procédure, et de l’expérience de l’opérateur.
Pour les grossesses de rang supérieur à trois, les bénéfices attendus
de la réduction l’emportent sur les risques encourus, puisque les
taux de survie sont, après réduction, de 88,7 % pour les quadruplés
et de 75 % pour les quintuplés, contre respectivement 78 et 40 %
sans réduction.
Le bénéfice n’est pas aussi clair pour les grossesses triples comme
l’a montré Souter dans une revue de la littérature.
En effet, si les
résultats en termes de prématurité, d’hypotrophie foetale et de
tolérance maternelle sont améliorés après réduction embryonnaire
sur une grossesse triple, il n’a pas été mis en évidence de différence
significative de morbidité et mortalité périnatales en comparaison
avec des grossesses triples non réduites.
De plus, les risques
d’hypotrophie foetale et de rupture prématurée des membranes
restent supérieurs en cas de grossesses gémellaires issues de
réduction par rapport aux grossesses gémellaires
spontanées.
Ainsi, il semble qu’un consensus se crée pour proposer une
réduction embryonnaire en cas de grossesse triple associée à un
critère évolutif péjoratif (utérus cicatriciel, béance cervicale,
malformation utérine, antécédent de menace d’accouchement
prématuré...).
En revanche, aucune attitude n’est clairement établie
en cas de grossesse triple survenant sans facteur de risque, et les
décisions dépendent alors de chaque équipe.
En France, les données FIVNAT font apparaître que les réductions embryonnaires
concernent plus de la moitié des grossesses triples ou plus.
Le nombre d’embryons devant être laissés en place a également été
sujet à controverse. Actuellement, il existe un consensus pour laisser
deux embryons en place après réduction de GMHR.
Evans
envisage de ne laisser en place qu’un embryon lorsque certaines
circonstances rendent difficile la poursuite d’une grossesse
gémellaire.
L’obtention d’une grossesse monofoetale après réduction
d’une grossesse gémellaire n’est proposée que dans ces situations
exceptionnelles.
Concernant le diagnostic anténatal, les données récentes ne montrent
pas d’augmentation du taux de perte foetale lorsqu’une biopsie de
trophoblaste est réalisée avant la réduction.
Lorsqu’une
amniocentèse est pratiquée après la réduction, Mclean n’a pas
retrouvé le surcroît de pertes décrit par Tabsh.
Evans, quant à
lui, préfère surveiller la grossesse gémellaire obtenue après
réduction et la réduire à une grossesse monofoetale en cas de
découverte secondaire d’une anomalie.
Enfin, l’impact psychologique de cette technique ne doit pas être
négligé.
La décision d’interruption sélective de grossesse est souvent
éthiquement difficile.
Le traumatisme psychique ressenti par le
couple peut être important et implique un accompagnement.
Une
telle décision doit être préparée, expliquée au sein d’entretiens
préliminaires prolongés suivis d’un délai de réflexion.
Cette prise
en charge est poursuivie après réalisation du geste et nécessite
souvent un soutient psychologique prolongé.
Conclusion
:
Le diagnostic précis et précoce des grossesses multiples et de leur type
anatomique a permis d’en améliorer considérablement le pronostic
maternel et surtout périnatal.
Toutefois, elles constituent toujours une
entité obstétricale complexe, source de complications redoutables,
imposant une grande rigueur dans leur prise en charge et conduisant de
manière sporadique à proposer l’utilisation de techniques parfois
sophistiquées, dont l’évaluation reste encore à effectuer dans le cadre
d’essais multicentriques.
Les spécificités du diagnostic anténatal
imposent en règle un niveau d’expertise élevé dans sa gestion et de
nombreuses situations débouchent sur des décisions difficiles sur le plan
éthique.
La limitation de la fréquence de ces grossesses encore à haut
risque doit donc impérativement demeurer une priorité.