Ectoparasitoses cutanées : gale sarcoptique et pédiculose
Cours de dermatologie
Gale humaine
:
La gale est due à un arthropode du genre acarien (Sarcoptes scabei, variété hominis).
L’acarien est spécifique
de son hôte, c’est-à-dire que les acariens infestants des
animaux ne peuvent survivre sur la peau humaine.
La
femelle est un peu plus volumineuse que le mâle (0,4 x
0,3 mm).
Le sarcopte est un parasite humain obligatoire
ne pouvant survivre au-delà de 2 à 3 jours en dehors de
la peau et accomplissant son cycle complet sur son hôte.
La femelle, après sa fécondation sur la surface cutanée,
creuse un sillon dans la couche cornée pour y déposer
une vingtaine d’oeufs avant de mourir.
Les larves éclosent
après 3 ou 4 jours, sortent des sillons pour devenir
matures en une quinzaine de jours. À peine 10 % des
oeufs accomplissent cette évolution.
Le nombre de sarcoptes présents sur l’hôte va de 3 à 50
chez le sujet sain à plusieurs milliers dans les formes
profuses du sujet immuno-déprimé donc hautement
contagieuses.
A - Épidémiologie :
La prévalence de la gale est variable tout en étant mondiale.
Dans certains pays en voie de développement la
prévalence atteindrait 6 à 27 % de la population, surtout
chez les enfants.
Ailleurs, la prévalence est identique,
quel que soit l’âge, mais subit des fluctuations en fonction
des mouvements de populations, guerre ou d’autres
causes moins bien expliquées.
La transmission se fait par contact humain direct (personnes
vivant sous le même toit, collectivités) ou par
partage de vêtements, linges, lits, etc.
À ce titre, la gale
peut être inscrite dans la liste des maladies sexuellement
transmissibles sans qu’il s’agisse du mode de contamination
le plus habituel.
En institution, la transmission
d’une chambre à l’autre se fait via les objets ou de façon manuportée, et ce d’autant plus qu’il existe une personne
atteinte de façon profuse.
L’amélioration de l’hygiène ne protège pas de la contamination
mais donne une sémiologie plus atypique. Une
première infestation ne confère pas d’immunité ultérieure.
B - Diagnostic
:
Les manifestations cutanées sont liées, soit directement
à la présence du sarcopte (sillons), soit à une réaction
immunologique de type IV à sa présence ou à celle de
ses déchets. L’incubation est d’environ trois semaines,
ou réduite à quelques jours en cas de réinfestation.
1- Les arguments du diagnostic sont :
• Le prurit, à renforcement nocturne, de topographie
évocatrice.
Il siège aux emmanchures, sur le tronc antérieur, notamment
sur la région mammaire chez la femme, la face
interne des cuisses, la face antérieure des avant-bras et
notamment les poignets ; il touche également la pointe des coudes, des fesses et les espaces inter-digitaux.
En
revanche, le visage et le dos sont en règle épargnés.
Il est responsable de stries de grattage, papules excoriées,
et favorise une eczématisation ou une surinfection
(impétiginisation).
• Les lésions spécifiques de gale.
Il s’agit principalement
des sillons visibles sous forme d’un fin trajet
sinueux de moins de 1 cm, à peine saillant et grisâtre,
qui peut être rehaussé par l’encre de Chine.
Il peut
s’agir aussi de vésicules perlées et de nodules scabieux
des emmanchures ou des organes génitaux externes.
Ces lésions spécifiques manquent très souvent.
• La recherche de sarcoptes à l’examen direct.
Cet
examen parasitologique recueille les squames des zones
suspectes, notamment au niveau des sillons, squames
aussitôt examinées au microscope.
C’est un examen
particulièrement performant dans les formes profuses et
souvent utile dans les formes atypiques.
• La notion de contage : prurit familial ou de collectivité,
pas toujours avoué, d’où nécessité d’un examen
systématique des sujets contacts.
• Enfin efficacité d’un traitement d’épreuve à condition
qu’il ait été réalisé dans les règles et vérifié.
2- Mais les formes trompeuses sont fréquentes
:
• Localisation palmo-plantaire chez le nourrisson
volontiers à type de lésions vésiculo-bulleuses.
• Prurit isolé chez les sujets propres ou intempestivement
traités par dermocorticoïdes et avant que n’apparaisse
une dissémination débordant les sites habituels.
• Atteinte diffuse par retard au diagnostic ou immunodépression
et ce très volontiers chez le sujet âgé.
Ces
formes réalisent au pire la gale norvégienne responsable
d’une éruption maculo-papuleuse diffuse, puis
érythrodermique associée à des lésions croûteuses ou
hyperkératosiques notamment au niveau des extrémités
(mains, oreilles).
La gale ne respecte alors plus ni
le visage ni le cuir chevelu et atteint également les
ongles avec une hyperkératose sous-unguéale.
Ces
formes sont bien sûr l’apanage des malades immunodéprimés
quelle qu’en soit la cause (thérapeutique
notamment corticothérapie locale ou générale, infection
par le VIH).
Elle touche également très volontiers
les sujets âgés.
• Eczématisation ou impétiginisation masquant la gale
responsable.
Traitement :
Le traitement comprend trois volets.
1- Traitement du malade
:
La prescription nécessite un temps d’explication suffisamment
prolongé, avec conviction et diplomatie, pour
faire accepter le traitement, surtout s’il est d’épreuve,
pour une ectoparasitose dont l’annonce du diagnostic
n’est pas bien vécue.
• Le schéma de traitement est le suivant :
– à j 0, douche ou bain, puis première application du scabicide selon le mode d’emploi du produit utilisé. Le scabicide reste sur la peau tandis que le malade se rhabille
avec des vêtements propres ;
– à j 1, au terme de 12 ou 24 heures d’application selon
le scabicide, lavage pour éliminer le produit, et
deuxième et dernier badigeon si le scabicide utilisé
avait été du benzoate de benzyle ;
– à j 2, nouveau lavage définitif du benzoate de benzyle ;
– aucune application de scabicide ne doit être refaite
avant la consultation de contrôle au 8-10e jour qui vérifie
à cette date l’efficacité du traitement.
En effet, le prurit s’améliore très rapidement mais ne
disparaît pas, même en cas de traitement efficace, avant
une bonne huitaine de jours.
Quel que soit le produit utilisé dans les gales non compliquées,
l’application doit se faire sur l’ensemble du
corps, y compris la plante des pieds, les organes génitaux
externes, les mains en évitant tout lavage intercurrent
intempestif mais en respectant le visage et les
muqueuses.
• Les scabicides utilisables sur le marché sont :
– benzoate de benzyle (Ascabiol) solution à 10 %, dont
le flacon de 125 ml correspond au traitement d’une personne.
Cette solution, responsable d’une sensation de
cuisson, doit être appliquée à 2 reprises pendant
24 heures chez l’adulte, ou 12 heures chez le nourrisson
de moins de 2 ans, (en diluant éventuellement ce produit
à 50 % dans de l’eau), et chez la femme enceinte.
– pyréthrine (Sprégal aérosol) de manipulation aisée,
d’application limitée à 12 heures mais contre-indiquée
chez l’asthmatique.
Il est nettement plus onéreux que le
benzoate de benzyle surtout s’il existe plusieurs
membres de la même famille à traiter ;
– lindane (crème Scabecid, Élénol) peu utilisé en
France par rapport aux pays anglo-saxons ;
– hexachlorocyclohexane (poudre Aphtiria) qui n’est
utilisé que pour le déparasitage du linge.
• En cas de complications (eczématisation, surinfection),
celles-ci doivent être traitées par les moyens habituels
avant d’envisager un traitement de la gale.
• Schéma particulier des formes profuses ou norvégiennes
: dans ces formes, le traitement court susdécrit
est tout à fait insuffisant et nécessite, en règle,
l’hospitalisation en milieu dermatologique avec isolement.
En effet, les traitements vont être itératifs à raison
d’une application trois à cinq fois par semaine
pendant une durée d’au moins trois semaines.
Il est
évident que cette surveillance a pour but d’éradiquer
la gale, tout en évitant les effets secondaires liés aux
thérapeutiques.
Par ailleurs, l’application des antiscabieux
doit être élargie au cuir chevelu, parfois au
visage, et aux ongles (raccourcis, brossage sousunguéal
avec la solution de scabicide).
Des prélèvements
itératifs sont nécessaires dans cette forme profuse
notamment dans les zones inhabituelles pour
vérifier l’efficacité du traitement.
Dans ces formes de traitement difficile, des essais thérapeutiques
par ivermectine (100 à 200 mg/kg en administration
orale unique) ont été prometteurs.
Il n’existe
toutefois aucune autorisation de mise sur le marché et une surmortalité a été rapportée par quelques auteurs.
Une telle prescription engage donc très directement la
responsabilité personnelle du prescripteur.
Par
ailleurs, d’autres auteurs ont rapporté des échecs, et ce
traitement ne dispense ni de l’enquête épidémiologique
à effectuer sur place, tant auprès des sujets
contacts que du personnel soignant, ni de la désinfection
du linge, de la literie, ni souvent d’un traitement
classique associé.
2- Traitement du linge, de la literie
:
Il convient de traiter tout le linge porté depuis 8 jours :
vêtements personnels, de travail, linge de toilette, draps,
etc.
Ce déparasitage doit se faire par lavage (60°C) ou à
défaut par poudrage préalable dans de grands sacs, sur
une durée d’environ 48 heures avant lavage plus ordinaire.
Il est inutile de désinfecter les locaux.
3- Traitement de l’entourage
:
Tout sujet contact vivant sous le même toit ou le personnel
soignant au contact, sans précaution, d’une gale
norvégienne doit être examiné et traité selon le schéma
habituel.
Pédiculoses
:
Les poux sont des insectes hématophages, parasites
stricts de l’homme.
Il existe trois espèces de poux : Pediculus humanus capitis, Pediculus corporis et Phtirius
inguinalis.
Ces parasites de 1 à 3 mm, munis de trois paires de
pattes griffues, vivent une trentaine de jours.
La femelle
peut pondre jusqu’à 300 oeufs appelés lentes ; celles-ci
sont pondues une à une, et sont collées sur les cheveux
ou les poils.
A - Épidémiologie :
La répartition est mondiale, la transmission interhumaine
directe ou indirecte.
La pédiculose du cuir chevelu
est la plus fréquente, en recrudescence en France
depuis les années 70.
Elle touche surtout les enfants en
milieu scolaire, toutes origines sociales confondues, et
les adultes d’hygiène médiocre.
La pédiculose corporelle
touche essentiellement les sujets en état de précarité
tandis que la pédiculose pubienne est sexuellement
transmissible.
B - Diagnostic
:
Le diagnostic de pédiculose repose sur :
• Le prurit, symptôme essentiel à l’origine de lésions de
grattage pouvant se surinfecter.
La topographie du prurit
est variable selon la pédiculose :
– cuir chevelu, nuque et décolleté postérieur pour Pediculis
capitis ; prurit pubien pur la phtiriase inguinale et
prurit plus diffus sur les régions couvertes, notamment
emmanchures postérieures, régions scapulaires et lombaires.
• Découverte des poux, essentiellement au cours de la
pédiculose de la tête ou inguinale, les poux de corps
étant plus difficiles à voir ou trouvés seulement au
niveau des doublures de vêtements.
En revanche les
lentes des pédiculoses capitis et inguinalis sont faciles à
découvrir par leur couleur blanchâtre, solidement collées
aux cheveux ou aux poils, en règle à 1 cm de
l’émergence, non détachables facilement ce qui les distingue
des pellicules ou des gaines coulissantes péripilaires
qui constituent le diagnostic différentiel de la
pédiculose de tête.
Les poux pubiens peuvent migrer à
d’autres régions pileuses : région thoracique et axillaires,
voire barbe et cils.
• Dans les formes corporelles, lorsque l’infestation est
chronique, il existe souvent une leucomélanodermie.
Le
diagnostic entre pédiculose corporelle et scabiose n’est
pas toujours aisé d’autant que les deux ectoparasitoses
peuvent s’associer.
Chez ces sujets en situation précaire
et infestés de façon régulière par poux et (ou) puces, des
infections à Bartonella quintana ont été récemment
décrites (septicémie plus ou moins endocardite), l’ectoparasite
jouant le rôle de vecteur.
C - Traitement :
Il doit être pédiculicide et surtout lenticide.
1- Plusieurs classes pharmacologiques sont disponibles
:
Elles sont non remboursées par la Sécurité sociale :
– organophosphoré, dont le chef de file est le malathion
(Prioderm lotion) ;
– pyréthrine plus ou moins butoxyde de pypéronyle
sous des présentations diverses (aérosol, lotion, shampooing,
spray) dont la durée d’application est variable.
2- Schéma thérapeutique selon la pédiculose
:
• Cuir chevelu : un essai contrôlé en 1992, en région
parisienne, a montré la supériorité du malathion sur
une spécialité à base de pyréthrine, les données de
cette enquête ayant pu conclure à l’acquisition d’une
résistance au pyréthrine dans cette région.
En fait, il
peut exister des variations de la sensibilité des poux
en fonction de la nature des produits utilisés selon
les régions et (ou) les pays.
Il faut donc changer de
classe pharmacologique en cas d’échec d’un traitement
bien appliqué.
Les shampooings sont en règle
mal appliqués (temps insuffisant, dilution), tandis
que les aérosols sont contre-indiqués en cas d’antécédents
d’asthme chez l’enfant ou chez la personne
qui l’applique ; les lotions sont donc les formes
galéniques les plus adaptées et doivent être appliquées
à j0 selon le temps indiqué par le fabricant.
Cette lotion est ensuite rincée par un shampooing
non traitant, tandis que les cheveux sont peignés
avec un peigne très fin pour enlever les lentes.
Le
traitement doit être refait tous les 8 jours tant qu’il
persiste des lentes.
Parallèlement, la pédiculose doit être dépistée chez les autres membres de la famille
ou de la collectivité.
Les objets, tels que bonnet,
écharpe, peluche, literie doivent être désinfectés soit
par lavage et (ou) poudrage à l’Aphtiria.
Les traitements
préventifs n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
• Pédiculose inguinale : poudrage ou lotion sur l’ensemble
des régions pileuses, tandis que les lentes sont
facilement éliminées par le rasage.
En cas d’atteinte des
cils, application d’une crème à la perméthrine à 1 %
pendant 10 minutes. Traitement des sujets contacts.
• Pédiculose corporelle : badigeons de benzoate de
benzyle selon le même schéma que la gale, et désinfection
attentive du linge et des vêtements.