Conduite de l'hémodialyse et complications Cours de Néphrologie
Introduction
:
La qualité du traitement de suppléance extrarénale conditionne en grande
partie la survie des insuffisants rénaux chroniques au stade ultime.
Le terme « hémodialyse » décrit l’ensemble des méthodes d’EER ayant en
commun l’utilisation d’une circulation sanguine extracorporelle et
capables de corriger les anomalies métaboliques de l’urémique en restaurant
l’homéostasie résultant de la défaillance de sa fonction rénale.
Le caractère
intermittent du traitement de suppléance n’offre qu’une correction partielle et périodique des désordres métaboliques et imprime une variation cyclique non
physiologique de la composition du milieu intérieur de l’urémique.
Ainsi, le
caractère « adéquat » de l’HD, qualificatif habituellement utilisé pour définir
l’efficacité du programme de dialyse, doit-il être toujours affirmé avec
beaucoup de prudence.
L’adéquation de l’HD repose sur une série d’objectifs dont l’appréciation est
parfois délicate.
Le programme de dialyse doit en effet satisfaire les besoins
métaboliques vitaux du patient, assurer à ce dernier une bonne qualité de vie,
être réalisé dans une structure appropriée et répondre aux exigences sanitaires
en vigueur.
Il repose sur des séances périodiques de traitement (trois par
semaine habituellement) dont l’efficacité cumulée dans le temps assure
l’efficacité globale.
L’optimisation du programme impose une
personnalisation des schémas thérapeutiques et un contrôle de qualité
permanent des conditions de réalisation.
Dans tous les cas, le caractère
adéquat de la dialyse comporte une notion quantitative, et une notion qualitative incluant la tolérance des séances et du
programme, la qualité de vie du patient et la morbidité thérapeutique.
La complexité des désordres métaboliques de l’urémie est telle qu’elle ne
permet pas l’utilisation d’un marqueur unique et universel dont le suivi
permettrait d’affirmer l’efficacité du programme de dialyse.
Conscients de ces difficultés, les néphrologues ont établi dans les années 1970 une série
d’objectifs résumant les besoins métaboliques vitaux des patients
dialysés.
Ces critères, rassemblés dans ce qu’il fut convenu d’appeler la
« dialyse adéquate », servirent « d’assurance qualité » recherchée chez tout
patient dialysé.
Ces critères, essentiellement métaboliques, permirent le
développement de la dialyse contemporaine et assurèrent la survie à des
milliers d’insuffisants rénaux chroniques.
Les complications de la dialyse « au
long cours », rapportées de plus en plus fréquemment dans les travaux
scientifiques, sont là pour nous rappeler les limites d’efficacité des méthodes
de suppléance.
De plus, la survenue de cette pathologie spécifique du dialysé
suggère que les critères établis voilà près de 30 ans, s’ils demeurent
nécessaires, ne sont plus suffisants à l’heure actuelle pour qualifier l’efficacité
globale de la suppléance rénale artificielle.
Prescrire un programme d’HD nécessite une parfaite connaissance des
performances du système d’EER utilisé et des caractéristiques métaboliques
du patient traité.
Le choix de l’approche thérapeutique dépend donc :
– de spécificités individuelles du patient (accès vasculaire, choix personnel, comorbidité, psychologie, degré d’autonomie) ou de son environnement
familial ;
– des habitudes et du savoir-faire de l’équipe soignante ;
– de contraintes logistiques et techniques locales (développement des
structures thérapeutiques, capacité d’accueil, distance).
La prescription de la séance de dialyse s’inscrit dans une perspective
stratégique globale.
Elle comporte habituellement deux étapes :
– la première consiste en une prescription empirique établie à partir des
caractéristiques anthropométriques et métaboliques du patient ;
– la seconde, plus scientifique, consiste en un ajustement du programme
tenant compte des résultats évalués d’après des critères « cibles ».
Dans tous les cas, la prescription comporte le choix de paramètres dont la mise
en oeuvre doit satisfaire au mieux les besoins métaboliques et la tolérance du
patient.
La prescription des séances et du programme de dialyse répond à deux
objectifs essentiels :
– garantir l’efficacité du programme de suppléance en administrant la « dose
de dialyse » optimale à un patient donné ;
– assurer la bonne tolérance hémodynamique des séances de dialyse en
adaptant le débit d’ultrafiltration (perte de poids) à la tolérance individuelle.
A - Dose de dialyse
:
La notion de « dose de dialyse » a été introduite dans les années 1980 par Gotch et Sargent pour quantifier l’efficacité de la séance et du programme de
dialyse.
Elle repose sur l’analyse cinétique modélisée de l’urée au cours
d’un cycle de dialyse.
Bien que critiquable, cette approche a néanmoins eu le
mérite de montrer, pour la première fois, que morbidité et mortalité des
patients hémodialysés dépendaient étroitement de la « dose de dialyse »
effectivement administrée.
La National Cooperative Dialysis Study (NCDS)
américaine fut la première étude prouvant de façon prospective que la « dose
de dialyse » conditionnait directement le degré de rétention azotée et la
nutrition protidique et qu’elle était corrélée à la morbimortalité des patients
dialysés. Plusieurs études ont depuis lors confirmé ces faits.
Toutes tendent à
étayer le fait que l’urée peut être considérée comme un « substitut » des
toxines urémiques.
En dépit des lacunes évidentes d’une telle approche, l’urée
demeure un marqueur plurivoque permettant de quantifier effectivement
l’efficacité du programme de dialyse, d’évaluer les apports protidiques et le
degré d’intoxication urémique des patients dialysés.
Parmi les indices utilisés
pour évaluer l’efficacité d’une séance de dialyse, la clairance corporelle
normalisée (également appelée clairance fractionnelle ou Kt/V) est
certainement la plus populaire.
La clairance corporelle représente le produit de la clairance effective du
dialyseur (K) par la durée de la séance (t) soit Kt.
Rapportée au volume d’eau
totale du patient (V), équivalent de l’espace de distribution de l’urée dans
l’organisme, la clairance corporelle ainsi normalisée devient l’indice Kt/V.
Au
cours de ces dernières années, le rapport Kt/V urée s’est progressivement
imposé pour devenir synonyme de « dose de dialyse ».
La somme cumulée
des clairances fractionnelles de la semaine est dans ce cas équivalente à la
« dose de dialyse » hebdomadaire.
La fonction rénale résiduelle du patient,
clairance résiduelle rapportée à la semaine et normalisée au volume d’eau,
peut être ainsi facilement intégrée à la « dose totale de dialyse ».
De ce concept
mécanique simple, il ressort que la « dose de dialyse » administrée à un patient
est proportionnelle aux performances du dialyseur (clairance effective du
dialyseur, K) et à la durée de la séance (tHD), et inversement proportionnelle
à sa masse corporelle représentée ici par son volume d’eau (V).
La dose de
dialyse, établie ainsi, permet de s’affranchir des concentrations d’urée pré- et postdialytiques.
Cela n’est plus vrai dès lors que le transfert de masse de
substance est utilisé pour définir les performances d’une séance.
Dans ce cas,
la masse de substance échangée est directement proportionnelle à la
concentration (ou mieux au gradient de concentration sang/dialysat) du soluté
présent chez le patient.
Le volume de distribution de l’urée (V), superposable à celui de l’eau totale,
est une caractéristique individuelle qui dépend de l’âge, du sexe et de la
répartition masse maigre/masse grasse du sujet.
La teneur hydrique d’un
individu peut être estimée à partir de son poids corporel.
Elle représente 50 à
60 % du poids d’un adulte. L’eau totale peut être estimée plus précisément à
partir des formules deWatson.Àtitre d’exemple, la teneur hydrique d’un sujet
adulte de 70 kg est proche de 40 L.
Cette approximation peut être utilisée pour
établir la dose de dialyse nécessaire chez ce patient.
Ainsi, si l’objectif est un Kt/V de 1,2, cela signifie que la clairance corporelle délivrée par dialyse devra
être équivalente à 1,2 fois celle de son eau totale (soit 20 % de plus que le
volume eau totale). Ce qui signifie, dans ce cas, une clairance corporelle de
48 L par séance.
La clairance corporelle de l’urée (K) dépend de la perméabilité du dialyseur
(représentée par le coefficient de transfert de masse membranaire, KoA) et
des conditions de son utilisation (débit sanguin,QB ; débit dialysat, QD).
Elle
est affectée négativement par le taux de recirculation de l’accès vasculaire
(R).
Le débit d’ultrafiltration (QUF), destiné à rétablir la balance hydrosodée,
contribue de façon modeste à la clairance de l’urée.
À l’opposé, la clairance
rénale résiduelle du patient peut y contribuer de façon beaucoup plus
substantielle.
La tHD conditionne directement la « dose de dialyse » administrée et le débit
d’ultrafiltration instantané.
La dose de dialyse délivrée est directement
proportionnelle à la durée de la séance de dialyse.
Le débit d’ultrafiltration,
équivalent à la perte de poids et destiné à rétablir la balance sodée, est
inversement proportionnel à la durée de la séance.
L’allongement de la durée
des séances apparaît ainsi dans tous les cas bénéfique au patient.
Il accroît les
transferts de masse de solutés, que ce soit la déplétion des toxines urémiques
(en particulier les substances de haut poids moléculaire) ou la réplétion en
électrolytes (bicarbonate, calcium).
Il augmente la déplétion sodée et facilite
le contrôle de la tension artérielle.
L’accroissement de la fréquence des
séances (dialyse à jours alternés ou quotidienne par exemple) a également un impact positif sur la qualité du traitement.
Le rapprochement des séances
augmente en effet la clairance des toxines urémiques, notamment celles à diffusibilité interne réduite, et amortit l’amplitude des variations des
concentrations plasmatiques (pics et vallées) de solutés.
B - Tolérance hémodynamique des séances
:
La tolérance hémodynamique des séances dépend en grande partie du débit
d’ultrafiltration instantané et de la réponse hémodynamique du patient.
L’ultrafiltration représente, dans ce cas, la perte de poids nette (kg/séance),
appliquée à un patient pour rétablir l’équilibre de son volume extracellulaire.
Le débit d’ultrafiltration instantané est donc égal au rapport de la perte de
poids sur la durée de la séance soit¢poids/tHD.
Il est donc étroitement lié à la
prise pondérale interdialytique, elle-même dépendante de l’observance diététique
du sujet et de sa diurèse résiduelle.
Durée et fréquence des séances conditionnent ainsi directement le débit
d’ultrafiltration et la tolérance hémodynamique.
L’allongement des séances
de dialyse ou le raccourcissement des intervalles interdialytiques réduisent le
débit d’ultrafiltration instantané et contribuent indiscutablement à
l’amélioration de la tolérance des séances.
Dans cette même optique, d’autres
aménagements techniques sont proposés.
Le tampon bicarbonate a permis
d’améliorer considérablement le confort des séances en supprimant l’effet
vasodilatateur et hypotenseur du tampon acétate.
Les variations programmées
(ou profils) des taux d’ultrafiltration et/ou de la conductivité du dialysat,
parfois combinées, disponibles sur certains générateurs, peuvent être utilisées
pour accroître le remplissage vasculaire et préserver la volémie des patients
dialysés.
La réduction de la température du dialysat de 2 à 3 °C contribue à
l’augmentation des résistances vasculaires périphériques, améliorant ainsi la
stabilité tensionnelle des sujets les plus fragiles.
L’utilisation des membranes
synthétiques hémocompatibles, réduisant l’interaction sang/système d’HD,
contribue probablement à l’amélioration de la tolérance des séances en faisant
disparaître l’hypoxémie précoce de dialyse.
Prescription de la dialyse
:
A - Choix de la modalité d’épuration extracorporelle
:
Le choix de la modalité d’EER relève d’une prescription médicale dans
laquelle interviennent plusieurs éléments : l’état clinique du patient, l’âge, la
comorbidité, les performances recherchées de l’EER, la tolérance des
séances, la disponibilité des diverses modalités d’EER, et finalement les
convictions du néphrologue.
L’HD demeure la modalité classique d’EER, utilisée dans à peu près 90 %
des cas.
Elle est indiquée initialement chez tout patient urémique terminal.
L’utilisation d’hémodialyseurs performants, dans des conditions
opérationnelles appropriées, obtient des résultats satisfaisants dans la majorité
des cas à très court terme.
Le choix du dialyseur demeure néanmoins une
décision importante pour la prévention des complications amyloïdes chez les
« dialysés au long cours ».
C’est en grande partie pour répondre à ces besoins
que des alternatives à l’HD classique ont été proposées : HD de haute
perméabilité, HD de haute performance, HF à haut flux, HDF à haut flux.
L’HD avec dialyseur de haute perméabilité peut être réalisée sur tout
générateur équipé d’un maîtriseur d’ultrafiltration mais justifie cependant
l’utilisation de dialysat bicarbonaté ultrapur afin de prévenir les risques
cliniques et biologiques dus aux phénomènes de rétrodiffusion ou de
rétrofiltration dans le sang de substances pyrogéniques présentes dans le
dialysat.
L’HF (pré- puis postdilutionnelle) a connu ses heures de gloire dans les
années 1970-1980.
L’HF, fondée sur l’utilisation de membranes de haute
perméabilité, offrait une voie thérapeutique nouvelle utilisant la convection
comme phénomène d’échange principal.
Si l’HF a perdu en grande part son
intérêt, elle demeure d’actualité dans son mode prédilutionnel et à large
volume d’échange (70-100 L/séance) nécessitant de ce fait un équipement
spécifique avec production « en ligne » du liquide de substitution.
L’HDF postdilutionnelle offre à l’heure actuelle le meilleur compromis coût-efficacité-tolérance parmi les méthodes de suppléance extrarénale.
La
combinaison simultanée des transferts diffusifs et convectifs assure à l’HDF
des clairances élevées à un spectre plus large de solutés.
La tolérance
hémodynamique est bonne, y compris chez des patients âgés ou à haut risque
cardiovasculaire.
La production « en ligne » du liquide de substitution,
proposée en option sur certains générateurs homologués par la Communauté
européenne, garantit la viabilité économique à la méthode.
B - Choix
des paramètres de la dialyse, Établissement du programme de suppléance extrarénale
1-
Choix de la durée et de la fréquence des séances de dialyse
:
Durée et fréquence hebdomadaire des séances de dialyse sont les deux
déterminants majeurs de la stratégie thérapeutique dans la suppléance extrarénale.
Cela souligne l’importance du choix des paramètres afin de
garantir l’efficacité du programme et la bonne tolérance des séances.
Le temps a un rôle essentiel sur les capacités épuratrices du système.
D’une part, il conditionne la dialysance extracorporelle des solutés et des
toxines urémiques.
Quel que soit le poids moléculaire du soluté considéré,
la « dose de dialyse » est proportionnelle à la durée de la séance.
Cette
notion s’applique aux solutés et aux électrolytes véhiculés par le dialysat.
D’autre part, il conditionne la clairance interne des solutés.
La
concentration des toxines présentes dans le secteur sanguin circulant et
accessibles à l’épuration extracorporelle dépend de leur vitesse de
diffusion interne.
La clairance extracorporelle d’un soluté dépend de
son coefficient de transfert de masse interne (ou coefficient de diffusion
intracorporelle), de son espace de distribution, de son affinité protéique
ou tissulaire, et est aussi fonction des circulations régionales.
Comparons,
à titre d’exemple, la cinétique dialytique de deux substances de faible
poids moléculaire, l’urée (60 daltons [Da]) et les phosphates inorganiques
(33 Da).
La clairance intracorporelle de l’urée est voisine de 900 mL/min,
celle des phosphates inorganiques proche de 100 mL/min.
La clairance
intracorporelle de l’urée demeure dans tous les cas très largement
supérieure à sa clairance extracorporelle, ce qui n’est pas le cas des
phosphates inorganiques, dont la clairance intracorporelle est très
rapidement le facteur limitant principal de l’épuration.
La faible diffusibilité interne des phosphates relève de plusieurs phénomènes : leur
localisation principalement intracellulaire mitochondriale ; leur forte
hydrophilie, contribuant à majorer leur poids moléculaire apparent ; leurs
charges électriques, ralentissant leurs transferts transmembranaires.
La
forte capacité diffusive interne de l’urée, qui tend à en faciliter
l’élimination, est cependant limitée par une séquestration tissulaire
apparente liée à une perfusion tissulaire non homogène. Ces faits
expliquent l’impact majeur de la durée des séances de dialyse sur les
transferts de masse de solutés.
Les conséquences négatives de ces
phénomènes sont néanmoins plus importantes pour les solutés de haut
poids moléculaire que pour ceux de bas poids moléculaire.
Par un
ajustement judicieux de la durée et de la fréquence des séances de dialyse,
le néphrologue pourra donc optimiser l’efficacité du programme de
dialyse tout en élargissant le spectre moléculaire des toxines épurées.
Le temps joue aussi un rôle essentiel sur la tolérance des séances.
La durée
conditionne le débit d’ultrafiltration instantané et les transferts hydrosodés
internes.
L’allongement de la durée des séances est une façon simple de
préserver la volémie des patients dialysés.
Cela facilite le remplissage
vasculaire par recrutement hydrique des secteurs interstitiel et cellulaire, et
améliore la tolérance hémodynamique des séances.
La fréquence des séances est le deuxième facteur à prendre en considération
dans la planification du schéma thérapeutique d’un patient dialysé.
Le
caractère intermittent des séances de dialyse crée un cycle artificiel faisant
varier la concentration des solutés selon une alternance de « pics » et de
« vallées ».
De façon standardisée, la majorité des programmes de dialyse
comporte trois séances de dialyse par semaine.
Un tel schéma a été adopté
pour limiter les contraintes imposées aux patients et pour répondre aux
exigences logistiques des unités de traitement.
Ce programme
trihebdomadaire est cependant en totale contradiction avec les objectifs
physiologiques du traitement qui visent à rétablir l’équilibre du milieu
intérieur.
Les trois séances de dialyse hebdomadaire, en effet,
définissent trois intervalles interdialytiques non équivalents, deux étant de
48 heures et un étant de 72 heures. Une optimisation de la répartition des
séances est évidemment possible.
Une répartition symétrique consisterait à
effectuer des séances de dialyse à jours alternés (chaque 48 heures), soit
approximativement quatre séances par semaine. Une approche optimale
consisterait à réaliser une séance quotidienne, soit sept séances par semaine.
On conçoit aisément les problèmes logistiques posés aux centres de dialyse
traitant quatre à six patients par poste de dialyse avec de tels schémas
thérapeutiques.
Ces approches (4 à 7 séances/semaine) sont néanmoins
envisageables pour les patients autonomes se traitant avec un moniteurgénérateur
individuel en HD à domicile ou même en autodialyse.
Des études
en cours semblent d’ailleurs confirmer le bien-fondé de l’augmentation de
fréquence des séances de dialyse, montrant que plus les séances de dialyse
sont rapprochées, plus l’efficacité et la tolérance des séances sont
grandes.
Dans tous les cas, l’efficacité du programme de dialyse dépend de la durée
globale de traitement, c’est-à-dire du produit de la durée des séances par le
nombre de séances hebdomadaires.
En revanche, il n’est pas prouvé qu’à
durée totale hebdomadaire équivalente, l’efficacité du programme soit
identique selon que celui-ci est réparti sur trois, quatre, voire six séances par
semaine.
En d’autres termes, 12 heures de traitement hebdomadaire ne sont
pas équivalentes dans des schémas trois fois 4 heures, quatre fois 3 heures ou
six fois 2 heures.
La constance de l’efficacité d’un programme de dialyse a
deux corollaires :
– d’une part, plus la dialyse est courte, plus ses performances instantanées
doivent être élevées ;
– d’autre part, plus la durée des séances est courte, plus grande doit être leur
fréquence.
Différents schémas thérapeutiques peuvent être proposés reposant sur la durée
et la fréquence hebdomadaire des séances d’EER.
Si l’on considère la base
classique de séances trihebdomadaires, la durée permet de définir trois
schémas principaux :
– l’HD courte contemporaine, reposant sur 9 à 12 heures de traitement par
semaine ;
– l’HD ultracourte, comportant 6 à 9 heures de traitement par semaine ;
– l’HD longue, reposant sur 12 à 24 heures de traitement par semaine.
Si l’on privilégie la fréquence, la durée des séances sera inversement
proportionnelle à la fréquence :
– dans le cas de séances quotidiennes, des séances de courte durée seront
suffisantes (2 heures par exemple) ;
– dans le cas de séances bihebdomadaires, des séances de longue durée seront
nécessaires (6 ou 8 heures par exemple).
2- Choix de l’hémodialyseur
:
L’hémodialyseur représente l’interface entre le patient et le système
d’épuration extracorporelle.
Son rôle est double :
– d’une part, il permet les échanges de solutés entre le patient et le milieu
extérieur, jouant alors le rôle de bioéchangeur ;
– d’autre part, il met en contact le sang du patient avec le dialysat, jouant alors
le rôle de bioréacteur.
Autant dire que
la prescription d’un dialyseur doit reposer sur deux types de
considérations : la notion de performances (perméabilité) et la notion
d’hémocompatibilité (hémoréactivité).
Dans le choix d’un dialyseur, plusieurs éléments sont à prendre en compte : la
nature et la perméabilité de la membrane, la géométrie et la surface du
dialyseur, le mode de stérilisation.
Selon leur nature, les membranes de dialyse sont classées en trois catégories :
les membranes cellulosiques, les membranes cellulosiques substituées et les
membranes synthétiques.
Chaque catégorie se distingue par une perméabilité
et une hémoréactivité différentes :
– faible perméabilité et forte hémoréactivité pour les membranes
cellulosiques ;
– faible perméabilité et faible hémoréactivité pour les membranes
cellulosiques substituées ;
– haute perméabilité et très faible hémoréactivité pour les membranes
synthétiques.
Soulignons, cependant, que l’introduction récente sur le marché de dialyseurs
équipés de membranes cellulosiques substituées à forte perméabilité ou de
membranes synthétiques à basse perméabilité rend cette classification
simpliste insuffisante pour guider le choix d’un dialyseur.
La perméabilité de la membrane se définit en termes de perméabilité
hydraulique et de perméabilité diffusive aux solutés.
Le coefficient d’ultrafiltration (KUF) sert à définir la perméabilité hydraulique
d’une membrane.
Les membranes à faible perméabilité hydraulique ont un KUF inférieur à 10 mL/min/mmHg, celles comprises entre 10 et
30 mL/min/mmHg ont une perméabilité intermédiaire, celles dont leKUFest
supérieur à 30 mL/min/mmHg ont une haute perméabilité hydraulique.
Les
membranes à haute perméabilité hydraulique sont indiquées dans les
méthodes préférentiellement convectives.
La perméabilité aux solutés est
habituellement établie à partir de solutés de référence dont le poids
moléculaire est compris entre 60 et 12 000 Da.
Le coefficient de transfert de
masse membranaire par unité de surface (KoA) et le coefficient de tamisage
(CT) d’un soluté, sont les deux indices traduisant réellement la perméabilité
membranaire aux solutés.
L’urée est le plus souvent utilisée comme soluté de
référence.
Son KoApermet de différencier les dialyseurs en trois catégories :
– ceux dont le KoAest supérieur à 700 mL/min dits hautement performants ;
– ceux dont le KoAest compris entre 500 et 700 mL/min dits moyennement
performants ;
– ceux dont le KoAest inférieur à 500 mL/min dits faiblement performants.
Pour les hémodialyseurs équipés d’une membrane hautement perméable et
ayant une forte capacité convective, la perméabilité aux solutés est plus
volontiers exprimée par le coefficient de tamisage et le point de coupure de la
membrane.
Dans ce groupe, on distingue par exemple des hémodialyseurs (ou
plus précisément des hémodiafiltres) dont le point de coupure (ou seuil de
perméabilité maximal) est compris entre 18 et 20 000 Da et dont le
coefficient de tamisage pour la alpha2-microglobuline est supérieur à 0,6.
Les dialyseurs à fibres creuses sont à l’heure actuelle les plus utilisés, car leur
géométrie réduit au minimum les résistances internes aux transferts de
solutés.
Les performances d’un dialyseur sont également fonction de leur
surface effective d’échange (A).
Bien que plus théorique que pratique, la
surface des dialyseurs permet également de distinguer des dialyseurs de petite
surface (< 1,0 m2), de surface intermédiaire (³ 1,0 et < 1,5 m2), et ceux de
grande surface (³ 1,5 et < 2,1 m2).
Rappelons cependant que les performances d’un dialyseur dépendent
essentiellement de leurs conditions d’utilisation.
En d’autres termes, les performances optimales d’un dialyseur sont obtenues lorsqu’il existe une
parfaite adéquation entre les caractéristiques du dialyseur (surface, volume
interne, nombre de fibres) et ses conditions d’utilisation (débit sanguin, débit
du dialysat, anticoagulation).
En conséquence, le choix d’un dialyseur repose
sur les besoins de la modalité d’épuration utilisée (HF, HDF, HD), la dose de
dialyse recherchée, le spectre moléculaire des solutés épurés et
l’hémocompatibilité attendue.
3- Détermination du « poids sec »
:
Le « poids sec » (synonyme de « poids de base » pour certains) représente le
poids d’un patient urémique dont le volume extracellulaire a été normalisé.
En d’autres termes, c’est le poids obtenu en situation d’équilibre de la balance hydrosodée.
En pratique, c’est le poids de fin de séance de dialyse qui permet
une normalisation tensionnelle sans recours aux médications
antihypertensives.
Le « poids sec » est un paramètre qui varie dans le temps et
nécessite des réajustements périodiques.
Les variations lentes du poids sec
constatées au cours du temps traduisent en fait des changements d’état
nutritionnel du sujet et non plus des variations du volume extracellulaire.
Établir le « poids sec » d’un patient en dialyse n’est pas une tâche facile.
Empiriquement, ce sont des éléments cliniques qui sont pris en considération
pour juger de son caractère adéquat : l’absence d’oedèmes périphériques, la
normalisation tensionnelle avant dialyse, et l’absence de signes de surcharge
cardiopulmonaire sont le trépied classique, permettant d’affirmer la
restauration de l’équilibre du volume extracellulaire.
Plus rarement, il est nécessaire de recourir à des explorations
complémentaires pour conforter le jugement clinique.
La radiographie
thoracique permet de mesurer les dimensions de la silhouette cardiaque
(rapport cardiothoracique) et la présence ou non d’oedème pulmonaire.
L’échocardiographie permet d’évaluer la distension et la contractilité des
cavités cardiaques et de déceler un éventuel épanchement péricardique.
Pour
certains auteurs, la mesure du diamètre de la veine cave inférieure, ou le suivi
par impédancemétrie, sont des indices d’hydratation extracellulaire plus
sensibles.
En pratique clinique, l’obtention du « poids sec » doit demeurer un objectif
essentiel, bien qu’extrêmement variable, du programme de dialyse.
Le
rétablissement de la balance sodée et le contrôle de la pression artérielle sont
des critères majeurs et prioritaires de la dialyse adéquate.
4- Choix du débit sanguin
:
Le débit sanguin extracorporel conditionne l’efficacité instantanée et globale
de la séance d’épuration extracorporelle.
La dialysance d’un soluté est une
fonction exponentielle du débit sanguin.
À débit de dialysat constant
(500 mL/min), la clairance maximale d’un soluté est obtenue pour des débits
sanguins compris entre 300 et 400 mL/min.
La clairance corporelle totale est
égale au volume de sang épuré par séance de dialyse.
Au cours d’une séance
de 3 à 4 heures, 50 à 100 L de sang sont habituellement ainsi épurés.
Le débit sanguin extracorporel réel diffère en fait bien souvent du débit affiché
par le moniteur d’HD. Si l’erreur est faible (< 5 %) avec des accès vasculaires
artérioveineux à haut débit, elle peut devenir majeure (10 à 20 %) en cas de
dysfonction de l’accès vasculaire ou lors de l’utilisation de cathéters veineux
centraux.
Dans tous les cas, cette erreur se majore avec l’augmentation des
débits sanguins.
Une connaissance précise du débit sanguin et du volume de
sang épuré par séance de dialyse apparaît dès lors indispensable au contrôle
de qualité du traitement administré.
Le débit sanguin extracorporel optimal est une notion peu utilisée.
C’est en
fait le débit sanguin théorique qui procurerait le meilleur rendement
d’efficacité à la séance de dialyse.
Pour cela, il faut que le débit sanguin
extracorporel permette d’obtenir une perfusion homogène et complète de
l’ensemble des fibres du dialyseur, mais aussi qu’il demeure toujours inférieur
au débit de la fistule artérioveineuse.
En d’autres termes, cela signifie que le
débit sanguin extracorporel prescrit doit être adapté au type d’hémodialyseur,
pour en assurer une perfusion optimale, tout en restant inférieur à celui de
l’accès vasculaire, pour minimiser le taux de recirculation sanguine.
En pratique, la prescription du débit sanguin extracorporel doit répondre aux
besoins imposés par la modalité d’épuration et par le type d’hémodialyseur,
mais aussi aux contraintes imposées par les performances du type d’accès
vasculaire utilisé.
La mesure du débit sanguin extracorporel effectif fait partie
des paramètres de surveillance imposés pour une bonne pratique de la dialyse.
Le contrôle périodique par méthode non invasive (échodoppler) du débit de
la fistule artérioveineuse (ou du pontage) est également souhaitable afin
d’optimiser la prescription des débits sanguins en dialyse.
5- Choix de l’anticoagulation extracorporelle
:
La mise en route de la circulation sanguine extracorporelle impose
habituellement l’utilisation d’un agent antithrombotique.
L’héparine standard
non fragmentée représente l’anticoagulant le plus fréquemment utilisé.
Dans
ce cas, une anticoagulation générale du patient est obtenue.
Elle nécessite
l’administration intraveineuse d’une dose de charge (50 à 100 UI/kg)
entretenue par une perfusion continue d’héparine par pousse-seringue avec
des doses comprises entre 500 et 1 500 UI/h de dialyse.
En cas de risque hémorragique, il est préférable d’utiliser des héparines de
bas poids moléculaire (HBPM).
La demi-vie prolongée de ces HBPM en
facilite l’utilisation en dialyse.
Une seule injection d’HBPM en début de
séance (3 à 4 minutes avant branchement) est le plus souvent suffisante pour
prévenir la thrombose du circuit extracorporel de séances de durée inférieure
à 4 heures.
D’autres méthodes peuvent être utilisées en cas de risque
hémorragique majeur.
Nous ne ferons qu’évoquer ici l’HD sans anticoagulant
avec rinçages itératifs du circuit avec du sérum salé, l’anticoagulation
régionale fondée sur l’utilisation de citrate de sodium ou même l’utilisation
d’agents antiplaquettaires à demi-vie courte (prostacycline par exemple).
6- Choix de la composition du dialysat
:
Le dialysat est le produit extemporané d’un mélange d’eau et d’électrolytes
assuré par le générateur d’HD. Les électrolytes se présentent sous forme de
concentrés liquides en bidon ou en poches stériles, ou sous forme de poudre.
La composition électrolytique finale du dialysat est proche de celle de l’eau
plasmatique d’un sujet normal.
Elle est destinée à corriger les anomalies
électrolytiques propres de l’urémique.
La teneur en sodium du dialysat doit être telle que l’osmolalité efficace du
dialysat se rapproche de celle du plasma, soit environ 280 mOsm/kg H2O.
La
teneur sodique du dialysat peut ainsi varier dans les limites de 135 à
145 mmol/L en fonction des besoins et de la tolérance des patients.
Les
générateurs de dialyse modernes offrent en option la possibilité de faire varier
la concentration sodique du dialysat selon des profils (prédéfinis ou
personnalisés), couplés ou non au débit d’ultrafiltration.
Ces améliorations
techniques favorisent la vitesse de remplissage du secteur vasculaire grâce
aux gradients osmolaires ainsi induits et contribuent à l’amélioration de la
tolérance hémodynamique des séances.
Dans un avenir proche, d’autres
progrès techniques devraient permettre d’assurer le rétrocontrôle automatique
et direct de la volémie par le jeu des gradients osmolaires et des débits
d’ultrafiltration.
La teneur en potassium est habituellement fixée à 2 mmol/L pour en faciliter
l’épuration.
Chez le sujet âgé, porteur de cardiopathie, parfois digitalisé ou
présentant des troubles du rythme, ce taux sera porté à 3 ou 4 mmol/L, ce qui
impose souvent la prescription de résines échangeuses d’ions en dehors des
séances.
La teneur calcique du dialysat, comprise entre 1,5 et 1,75 mmol/L, est
destinée à assurer une charge calcique à chaque séance.
La composition
calcique du bain de dialyse doit tenir compte des apports de sels calciques
oraux et du contrôle de l’équilibre phosphocalcique sanguin.
L’objectif est en
effet de maintenir la calcémie à un niveau optimal capable de freiner
l’hyperparathyroïdisme tout en évitant les précipitations phosphocalciques
tissulaires.
Le taux de magnésium est habituellement compris entre 0,50 et
0,75 mmol/L.
Le bicarbonate de sodium représente le tampon le plus couramment utilisé à
la concentration de 35 mmol/L.
Pour éviter la formation de précipités
insolubles de carbonate de calcium et de magnésium, le pH du bain est
maintenu entre 7,1 et 7,2 par la présence de CO2, obtenu par addition d’acide
acétique (ou d’acide chlorhydrique) à la concentration de 4 mmol/L.
L’addition de glucose au dialysat est souhaitable, en particulier chez les sujets
fragiles.
Selon la teneur en glucose, comprise entre 5,5 et 11 mmol/L, on
prévient seulement la perte perdialytique de glucose (40 à 50 g/séance) ce qui
est essentiel pour éviter les malaises hypoglycémiques chez le diabétique, et
on assure de plus un apport glucidique non négligeable aux patients dénutris.
7- Choix du débit et de la température du dialysat
:
Le débit du dialysat, fixé par le générateur d’HD, est habituellement compris
entre 500 et 600 mL/min.
La plupart des générateurs actuels offrent la
possibilité de variations du débit de dialysat de 500 à 1 000 mL/min.
Rappelons cependant qu’aux valeurs habituelles de débit sanguin,
l’augmentation du débit de dialysat n’a qu’un effet modeste sur les dialysances instantanées.
Ainsi, le doublement du débit de dialysat (soit
1 000 mL/min) n’entraîne qu’une augmentation de l’ordre de 15 à 20 %de la
clairance de l’urée, alors qu’il double la consommation de concentrés
électrolytiques.
La température du dialysat est fixée par défaut à 37 °C.
L’abaissement de la
température du dialysat à 36, voire 35 °C peut être utilisée dans le but
d’améliorer la tolérance hémodynamique des séances, ou pour réduire le
prurit parfois observé en dialyse au bicarbonate.
8- Choix de la qualité microbiologique du dialysat
:
La qualité microbiologique du dialysat est devenue une préoccupation
majeure des néphrologues.
Elle entre dans le cadre d’un concept
d’hémocompatibilité totale du système de dialyse, le dialysat étant alors
assimilé à un produit pharmaceutique.
La production régulière et routinière
de dialysat ultrapur est possible en utilisant de l’eau osmosée, des concentrés
électrolytiques propres et en assurant des désinfections fréquentes du
générateur de dialyse.
La production de dialysat ultrapur répond aux besoins de certaines modalités
d’épuration extracorporelle comportant notamment la production « en ligne
» de liquide de substitution, telles l’HF ou l’HDF.
Dans ce cas, la qualité
microbiologique du dialysat est garantie par l’interposition d’un système de
filtration (ultrafiltre ou microfiltre) sur le circuit de dialysat frais en amont du
dialyseur.
C - Cas particuliers
:
1- Diabétiques
:
Les diabétiques (type I ou II) représentent une catégorie de patients dits à
« haut risque ».
La création d’un accès vasculaire est souvent difficile du fait
d’artères grêles et calcifiées, et expose ces patients aux risques de vols distaux
et de gangrène des extrémités du fait de l’artériopathie diabétique.
La
rétinopathie diabétique (microanévrismale, proliférative) comporte le risque
de complications hémorragiques oculaires.
La neuropathie autonome
responsable d’une hypotension orthostatique, et la cardiopathie fréquemment
associée, rendent difficile le contrôle tensionnel.
Enfin, l’équilibre
glycémique peut être extrêmement perturbé par les séances d’EER.
2- Vieillards
:
La prévalence des sujets âgés en HD ne cesse d’augmenter.
Outre la comorbidité cardiovasculaire, fréquente à cet âge et rendant techniquement
plus délicate la dialyse, c’est la malnutrition caloricoprotéique qui représente
le risque majeur de cette population.
La prise en charge en dialyse devra être
dans ce cas globale, assurant tout à la fois une suppléance rénale et un support
nutritionnel.
Surveillance de la dialyse
:
Toute séance de dialyse comporte des risques qui doivent être parfaitement
connus, et minimisés par l’utilisation d’un matériel adéquat et par une
surveillance appropriée.
La surveillance de la dialyse a un double but :
garantir en permanence la sécurité du patient, vérifier que la prescription
thérapeutique est réalisée.
La séance de dialyse comporte toujours trois phases qu’il convient de définir
par rapport à la circulation sanguine extracorporelle : la première phase, dite
de branchement, correspond en fait à l’amorçage du circuit sanguin
extracorporel, la deuxième phase, dite de dialyse proprement dite, correspond
au maintien de la circulation extracorporelle à un débit adapté (200 à
400 mL/min) pendant toute la durée de la séance, la troisième phase, dite de
débranchement, correspond à la phase de restitution du sang au patient.
A - Phase de branchement et d’amorçage
:
L’instauration d’une séance de dialyse nécessite un accès vasculaire donnant
accès au lit vasculaire du patient et permettant d’établir une circulation
sanguine extracorporelle à haut débit.
La mesure et l’enregistrement des
principaux paramètres vitaux (poids, tension artérielle, fréquence cardiaque,
température) sont réalisés avant toute connexion sanguine.
Ces paramètres
sont consignés sur une feuille de surveillance spécifique. Habituellement,
l’amorçage du circuit sanguin est obtenu après ponction d’une fistule ou d’un
pontage artérioveineux.
Plus rarement, il est obtenu à travers des cathéters
veineux profonds.
Dans la plupart des cas, un système de type biponction
(ou bicathéters) comportant une artère (sortie) et une veine (retour) est utilisé.
L’amorçage du circuit sanguin est toujours réalisé lentement (50 à
100 mL/min) après connexion de la ligne artérielle à l’aiguille artérielle du
patient et vidange du sérum salé contenu dans le circuit dans une poche
plastique souple.
Dès que le circuit sanguin est amorcé, c’est-à-dire que le
sang atteint le piège à bulles veineux, la pompe à sang est arrêtée et la ligne
veineuse connectée à l’aiguille veineuse du patient.
Le circuit sanguin étant
alors bouclé, le débit sanguin prescrit est progressivement atteint par
ajustement de la pompe à sang.
Les débits (300 à 400 mL/min)
habituellement prescrits sont atteints progressivement après contrôle du
positionnement des aiguilles.
L’anticoagulation est obtenue par injection
intraveineuse d’héparine standard ou d’HBPM, 3 à 4 minutes avant le
branchement du circuit extracorporel.
Le système de détection d’air et son
clamp de sécurité sont mis en route dès que possible.
Le réglage des
différents paramètres du générateur (tHD, débit sanguin, débit
d’ultrafiltration, conductivité, héparine d’entretien) ainsi que de leurs
fourchettes d’alarme devient dès lors possible.
B - Phase de dialyse proprement dite
:
La séance de dialyse débute précisément dès que la circulation sanguine a été
établie de façon stable.
Soulignons que le système de détection d’air et son
clamp de sécurité doivent être enclenchés immédiatement et maintenus en
veille permanente tout au long de la séance.
Pendant la séance, la surveillance
du patient est assurée de façon régulière par un personnel spécialisé.
Elle
comporte l’enregistrement périodique de la tension artérielle et de la
fréquence cardiaque.
Le recours à des moniteurs externes (pression artérielle,
fréquence cardiaque) représente une aide appréciable, qui ne doit cependant
jamais se substituer à la surveillance clinique.
La survenue d’événements intercurrents en cours de séance doit être
consignée sur la feuille de surveillance de dialyse.
La fréquence de survenue
de ces événements est utilisée pour juger de la tolérance clinique des séances
(hypotension, nausées, vomissements, crampes, céphalées…).
L’enregistrement des paramètres techniques fournis par le moniteur de
dialyse (débit sanguin, pression veineuse et artérielle, fuite de sang,
conductivité, température du dialysat, perte de poids horaire) est une nécessité
absolue.
La surveillance de ces paramètres permet d’affirmer le bon
déroulement de la séance de dialyse et permet, le cas échéant, d’y rattacher
des événements anormaux.
Cette tâche peut être actuellement facilitée sur
certains générateurs par un enregistrement automatique informatisé avec
analyse et stockage des constantes de dialyse les plus pertinentes
(télésurveillance).
C - Phase de débranchement et restitution
:
En fin de séance, c’est-à-dire dès que la durée de la séance prescrite a été
réalisée, on procède à la restitution du sang contenu dans le circuit
extracorporel.
Cette manoeuvre comporte l’arrêt de la pompe à sang, la
déconnexion de la ligne artérielle, son adaptation sur une poche plastique
souple remplie de sérum salé isotonique (0,5 à 1,0 L) puis la relance de la
pompe à sang à faible débit.
La restitution du sang et le rinçage du circuit
sanguin extracorporel nécessitent 200 à 500 mLde sérum salé.
La quantité de
sérum utilisée dépend du volume du circuit sanguin et de l’aspect
des lignes après rinçage.
Sitôt la
restitution terminée, on procède à la déconnexion de la ligne
veineuse. L’ablation des aiguilles, ou la déconnexion des cathéters,
est réalisée immédiatement après restitution.
Le contrôle des
paramètres vitaux (tension artérielle, fréquence cardiaque, poids,
température) est alors réalisé.
L’ensemble de
ces paramètres est consigné sur la feuille de dialyse.
Lorsqu’un
prélèvement sanguin est réalisé en fin de séance, il est nécessaire
de le faire sur l’aiguille artérielle après 2 minutes de circulation
sanguine réduite à 50 mL/min.
Adéquation de la dialyse :
Prescrire un
programme de dialyse ne permet en rien de présager de son
efficacité.
Le contrôle de
qualité qui s’impose alors a un double but : d’une part s’assurer
que la prescription prévue a été réalisée correctement, d’autre part
que le programme couvre effectivement les besoins métaboliques du
patient.
Il s’agit là
d’une démarche de qualité nécessaire et seule capable de garantir
l’efficacité du programme au long cours.
La multitude et
la complexité des anomalies métaboliques à corriger chez l’urémique
rendent difficile le choix des critères d’efficacité.
Il est dès lors
nécessaire d’établir une série d’objectifs, couvrant l’ensemble des
besoins métaboliques d’un patient urémique, et de s’assurer que le
programme de dialyse permet de les atteindre de façon optimale.
Affirmer
l’adéquation du programme du dialyse repose sur une série
d’objectifs définis comme autant de valeurs cibles.
Les critères et
valeurs utilisés dans ce chapitre n’ont rien d’absolu, mais tendent
à refléter une opinion généralement partagée par l’ensemble des
néphrologues.
Les critères de
dialyse adéquate habituellement utilisés sont regroupés ici pour des
raisons pratiques, en deux catégories :
– les critères à
court et moyen termes ;
– les critères à
long terme.
A -
Dialyse adéquate à court et moyen termes
:
Les critères utilisés à court et moyen termes permettent de s’assurer que les
besoins métaboliques vitaux sont couverts. Ils sont de deux types : d’une part,
objectifs et quantifiables, d’autre part, subjectifs et plus difficilement
appréciables.
1- Critères subjectifs
:
* Correction du syndrome urémique
La disparition de la symptomatologie urémique est obtenue dans un délai de
1 à 2 semaines (trois à six séances de dialyse) après instauration du traitement
de suppléance.
La réapparition d’une symptomatologie fonctionnelle
urémique, même minime, doit toujours faire suspecter une dialyse inefficace
et un programme de dialyse inadéquat.
* Tolérance des séances de dialyse
:
Réduire l’incidence de la morbidité perdialytique (hypotensions, crampes,
nausées, vomissements…) est un des objectifs essentiels de la dialyse
contemporaine, en particulier chez les sujets les plus fragiles.
La tolérance
hémodynamique des séances de dialyse a été nettement améliorée par
l’utilisation du tampon bicarbonaté et la généralisation du maîtriseur
d’ultrafiltration.
D’autres aménagements techniques sont susceptibles
d’améliorer encore la tolérance des séances : hémodialyseurs
hémocompatibles, profils spécifiques individualisés d’ultrafiltration et de
conductivité, température du dialysat ajustable.
* Qualité de vie
:
Le but du traitement de suppléance extrarénale n’est pas simplement de
prolonger la vie de l’urémique.
Il doit également permettre de restaurer une
qualité de vie aussi proche que possible de la normale, tant sur le plan familial
et social que professionnel.
L’appréciation objective de cette réhabilitation
n’est pas facile.
Des grilles d’évaluation sont actuellement proposées.
Plusieurs facteurs contribuent à améliorer la qualité de vie du dialysé :
– une connexion vasculaire d’utilisation facile ;
– des séances de dialyse bien tolérées ;
– un programme de dialyse adéquat ;
– l’absence de complications urémiques ;
– un programme de dialyse intégré au mode de vie du patient, facilitant sa
réinsertion dans la vie quotidienne.
2- Critères objectifs
:
* « Dose de dialyse » administrée
:
L’urée est un marqueur de choix, très utilisé en pratique clinique pour évaluer
la dose de dialyse administrée à un patient.
C’est une substance en effet dont
la pharmacocinétique est relativement simple : son faible poids moléculaire
(60 Da) lui confère une diffusion intracorporelle rapide dans l’eau totale.
Son
dosage est simple.
De plus, la production d’urée est directement corrélée au
catabolisme protidique et son accumulation dans l’organisme est
superposable à celle des toxines urémiques.
L’analyse cinétique modélisée de l’urée chez les patients dialysés permet
ainsi de quantifier à la fois la capacité épuratrice du système d’épuration et le
catabolisme protidique, à partir des transferts de masse uréique.
La capacité épuratrice de la dialyse est évaluée en faisant référence à sa
puissance d’épuration, soit par mesure directe de la clairance corporelle, soit
à partir de la mesure de la masse de soluté soustraite au cours d’une séance.
L’urée est utilisée comme marqueur pour sa commodité et la richesse des
informations fournies par analyse cinétique modélisée.
Cela dit, ce type
d’approche peut être étendu à tous les marqueurs dont l’utilité ou
l’implication physiopathologique serait reconnue dans l’urémie chronique.
La décroissance de l’urée sanguine observée au cours de la séance de dialyse
suit une cinétique de type exponentiel directement proportionnelle à la
clairance corporelle (K) de l’urée et à la durée de la séance (t) et inversement
proportionnelle au volume de distribution corporelle (V) de l’urée.
La
capacité d’épuration corporelle peut être estimée à partir d’échantillons
sanguins prélevés en début et en fin de séance. Le rapport Kt/V sert à définir
la « dose de dialyse » administrée.
Il représente la pente de
décroissance de l’urée sanguine (K/V) en fonction du temps (t) obtenue au
cours d’une séance de dialyse (modèle monocompartimental).
Dans la mesure
où la cinétique de décroissance de concentration de l’urée sanguine diffère de
celle du milieu cellulaire du fait d’un retard de transfert interne, il est
nécessaire de recourir à une modélisation plus complexe capable de corriger
ces différences.
L’échantillon sanguin de fin de séance apparaît en cela
extrêmement critique, d’où la nécessité d’obtenir une valeur dite à
« l’équilibre ».
À l’heure actuelle, plusieurs formules simplifiées permettent
d’obtenir, à partir d’échantillons sanguins prélevés en début et en fin de
séance, une estimation du Kt/V de type bicompartimental (double-pool,
dp).
La précision et la fiabilité de ces calculs reposent dans tous les
cas sur l’échantillon sanguin de fin de séance. Pour les auteurs américains, le
prélèvement sanguin de fin de séance doit être réalisé du côté artériel après
réduction (50 mL/min) ou arrêt total de la pompe à sang pendant 2 minutes,
ou encore après interruption de la circulation du dialysat (2 minutes).
Cette
manoeuvre a pour but de corriger l’effet de recirculation. En revanche, cette
procédure ne permet pas de corriger le déséquilibre dans la répartition des
concentrations d’urée entre les différents compartiments de l’organisme,
constitué en cours de séance.
Les méthodes permettant de corriger ce facteur
sont de deux types :
– le premier consiste à faire un prélèvement sanguin supplémentaire, soit
90 minutes après le branchement (selon Smye), soit 30 minutes avant la
fin de la séance (selon Canaud, ce qui donne une valeur équivalente à celle de
l’équilibre), soit 30 à 60 minutes après la fin de la séance (échantillon à
l’équilibre) ;
– le second type consiste à ne pas modifier les conditions de prélèvements
sanguins de fin de séance et à obtenir la correction souhaitable par un calcul
conduit soit selon la méthode de Daugirdas, soit selon celle de Tattersal,
soit encore selon celle de Maduell.
La commercialisation de moniteurs d’urée analysant directement « en ligne »
la concentration d’urée sur le dialysat (Urea Monitor1000, Baxter) ou sur
l’ultrafiltrat (Urea Monitoring System, Bellco) a permis une analyse plus
précise de la cinétique de l’urée.
Ces moniteurs nouveaux apportent
une solution élégante et simple à la quantification de l’HD.
Dans le même
ordre d’idée, la mesure continue de la dialysance ionique (équivalente à la
clairance de l’urée), offerte par certains moniteurs de dialyse, permet une
estimation directe de l’indice Kt/V, calculant V selon la formule de Watson
pour l’eau totale.
Le pourcentage de réduction de l’urée (PRU) sanguine permet une estimation
simple et rapide de l’efficacité d’une séance de dialyse.
La précision et la
validité de cette approche reposent également sur l’échantillon sanguin de fin
de séance.
Pour que celui-ci soit représentatif, il faut respecter les conditions
précédemment définies.
Une formule simplifiée, tenant compte de la
contraction du volume extracellulaire et du phénomène de déséquilibre
uréique, a été récemment proposée.
Dans la mesure où ces paramètres
sont pris en considération, les valeurs de PRU et Kt/V fournissent des
informations superposables, comme l’atteste la corrélation positive linéaire
des résultats obtenus par ces deux méthodes.
L’indice de masse d’urée soustraite (solute removal index, SRI), plus
récemment proposé, représente mieux l’efficacité de la séance de dialyse que
le PRU.
Il est en effet égal au rapport de la masse d’urée soustraite pendant
la séance sur celle présente en début de séance chez le patient.
Le SRI impose
l’utilisation d’un système de quantification directe (avec ou sans collection
du dialysat) permettant le calcul précis de la masse d’urée effectivement
soustraite, la mesure de la concentration sanguine initiale ainsi que du volume
de distribution initial.
Le SRI est équivalent au pourcentage effectif de
réduction de la masse uréique. En pratique, SRI est très proche du PRU
sanguin obtenu dans de bonnes conditions techniques.
Le caractère intermittent du traitement et les indices d’efficacité retenus
rendent difficile toute comparaison avec l’état antérieur d’insuffisance rénale
chronique (IRC), de même qu’avec des modalités d’épuration continue telles
que la dialyse péritonéale continue ambulatoire (DPCA).
Pour surmonter cet
obstacle, le concept de clairance rénale équivalente (KReq en mL/min), a été
récemment introduit. KReq représente la clairance moyenne hebdomadaire
cumulée des clairances dialytique (KD) et rénale résiduelle (KR) soit : KReq = KD + KR
Dans le cas d’un patient anurique dialysé trois fois par semaine, KReq peut
être déduit du Kt/V selon la relation linéaire suivante : KReq = 1 + 10 ´ Kt/V.
La concentration sanguine d’un soluté (CS) est définie par le rapport de son
taux de génération (GS) sur celui de sa clairance globale (KS).
Cette relation
appliquée à l’urée et au patient dialysé permet d’écrire que la concentration
d’urée sanguine moyenne intégrée [CU TAC] en mmol/L est égale au rapport
de son taux de génération (GU en mmol/min) sur sa clairance rénale
équivalente (KReq en mL /min) soit : [CU TAC] = GU/ KReq. Cette relation est
très intéressante car la connaissance de deux paramètres permet d’en déduire
facilement le troisième.
En pratique clinique, le contrôle de qualité conduit à
mesurer deux paramètres,KReq et CUTAC, et d’en déduire le troisième, le taux
de génération de l’urée (GU), et son homologue : le catabolisme protidique
(PCR).
À l’opposé, connaissant les apports protidiques d’un patient et leur
équivalent en terme de génération d’urée, il est possible de prédire la KReq
nécessaire pour obtenir une CU TAC « cible ».
Dans ce cas, la relation
précédente devient une aide à la prescription, et non un élément du contrôle
de qualité de la dialyse prescrite et de son impact nutritionnel protidique.
La « dose de dialyse » administrée a un impact direct sur la mortalité et la
morbidité des patients dialysés.
Plusieurs publications tendent à prouver
que plus la « dose de dialyse » est élevée, meilleure est la survie des patients
et vice versa.
Dans le cadre habituel d’un programme de dialyse
trihebdomadaire, les études américaines suggèrent que la « dose minimale de
dialyse » (Kt/V urée) soit de 1,4 avec des modèles de type monocompartimental
(single-pool, sp) et de 1,2 avec des modèles de type bicompartimental
(double-pool, dp).
En d’autres termes, la dose de dialyse minimale
rapportée à la semaine (Kt/Vhebd) devrait être voisine de 4,2 avec un modèle
monocompartimental et de 3,6 avec un modèle bicompartimental.
Dans ce
calcul, il n’est pas tenu compte de la fonction rénale résiduelle du patient, dont
la contribution à l’efficacité globale du programme peut être très significative
(à titre d’exemple, 1,2 mL/min contribue pour 0,1 Kt/V).
Soulignons
également que, dans tous les cas, c’est la « dose cumulée » qui assure son
efficacité au programme thérapeutique.
Dès lors, la notion de dialyse efficace
suppose qu’un suivi périodique et régulier des indices d’efficacité de dialyse
soit réalisé.
Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’un contrôle de qualité
permanent et répond aux exigences actuelles en matière de bonne pratique
médicale.
Toute perte d’efficacité ainsi dépistée conduit alors à la recherche
d’une cause, à sa correction rapide et à un réajustement du programme
thérapeutique.
La « dose de dialyse » a également un impact majeur sur l’état nutritionnel
protidique des patients dialysés.
Le catabolisme protidique, reflet de
l’apport protidique chez des patients dialysés en équilibre nutritionnel, est le
deuxième volet des informations apportées par l’analyse cinétique de l’urée.
Le taux de catabolisme protidique (PCR, g/24 h) est corrélé de façon linéaire
au taux de génération de l’urée (GU, en g/24 h) selon la relation
GU = 0,154 PCR -
1,7.
L’application de
la loi de conservation de masse au couple patient/système de dialyse
sur une période de 1 semaine, permet d’écrire que la masse d’urée
soustraite du patient est équivalente à celle qu’il a générée.
La masse
accumulée chez ce patient est en effet négligeable en regard de
celle qui est soustraite, si l’on prend comme période de référence
un intervalle de temps suffisamment grand (1 semaine par exemple).
Dans ce cas,
la loi de conservation de masse appliquée sur 1 semaine et en l’absence de
diurèse résiduelle permet d’écrire que la masse d’urée générée (MUG) est
égale à la masse d’urée soustraite (∑MUS) soit :
MUG = ∑MUS
soit GU hebdo =
∑MUS=MU1+MU2+MU3 (mmol/semaine)
et GU = ∑MUS /10
080 (mmol/min).
La masse d’urée soustraite par séance de dialyse peut être soit calculée par
modélisation de la cinétique de décroissance sanguine, connaissant la
clairance du dialyseur, le poids du patient, la durée de la séance et les
concentrations d’urée pré- et postdialyse, soit mesurée directement par
analyse des transferts de masse dans le dialysat (ou de l’ultrafiltrat) par
collection (totale ou partielle) ou par monitorisation « en ligne » de l’urée dans
le dialysat (ou l’ultrafiltrat).
Le taux de génération moyen de l’urée (GU) est
égal dans ce cas au rapport de la masse d’urée soustraite sur l’intervalle de
temps considéré (t).
Il peut être extrapolé à la semaine en connaissant le
nombre et la répartition hebdomadaire des séances.
Le taux de catabolisme protidique normalisé pour le poids sec (kg) du patient
(nPCR, g/kg/24 h) peut alors être déduit du taux de génération de l’urée (GU,
en mmol/min) par la relation suivante, adaptée de la relation établie par Borah
et al par Farell :
nPCR = 0,262 (GU + 54)/poids sec
Plus récemment, des formules permettant un calcul direct du taux de
catabolisme protidique à partir de la concentration de l’urée sanguine en début
de dialyse, du Kt/V et la durée de la séance ont été présentées.
Soulignons cependant que la plupart de ces formules n’intègrent pas la
clairance rénale résiduelle du patient ; de plus, le taux de catabolisme
protidique n’offre un reflet des apports protidiques que chez les sujets
métaboliquement stables et en balance azotée équilibrée.
D’autres marqueurs biologiques sont utilisés pour évaluer l’efficacité des
séances de dialyse et l’adéquation du programme thérapeutique.
L’hémoglobine carbamylée a été récemment proposée pour apprécier le degré
d’intoxication urémique.
Certains marqueurs présentent un intérêt particulier.
La créatinine, facilement dosable, permet par analyse cinétique modélisée
d’établir la masse maigre et musculaire des patients dialysés.
Des travaux
préliminaires font apparaître que l’index de créatinine, et la masse maigre qui
en est déduite, sont des marqueurs nutritionnels à forte valeur pronostique. Les
phosphates inorganiques, impliqués dans la maladie osseuse et les
troubles cutanés du dialysé, ont une cinétique complexe qui les
rapproche de solutés de haut poids moléculaire.
La soustraction
des phosphates inorganiques demeure, en dépit de l’utilisation de
membranes à haute perméabilité et du développement de modalités
d’épuration plus performantes, une préoccupation quotidienne des
néphrologues.
La
alpha2-microglobuline, impliquée dans la survenue de l’amylose
alpha2- microglobuline des « vieux dialysés », est devenue au cours de ces dernières
années, la toxine urémique de premier plan.
La complexité de sa cinétique
corporelle et le faible impact des méthodes de dialyse diffusives sur les taux
sanguins de alpha2-microglobuline soulignent la relative incapacité des méthodes
de suppléance extrarénale traditionnelles pour en contrôler efficacement les
taux circulants.
D’autres substances, produits de glycosylation avancée des protéines (AGE)
ou protéines oxydées (AOPP) récemment identifiées, représentent une nouvelle classe de « toxines urémiques » dont l’épuration constitue un
nouveau défi technique.
Dans ces cas, l’efficacité des méthodes
d’épuration actuelles de dialyse est appréciée sur leur capacité à réduire les
taux sanguins de ces substances afin de les maintenir à un niveau circulant
optimal.
La fonction rénale résiduelle contribue à l’efficacité globale du programme
thérapeutique.
Elle complète la dose de dialyse apportée au patient, et facilite
la gestion des apports liquidiens et le maintien de la balance hydrosodée.
La KR du patient doit toujours être prise en considération dans l’évaluation du
caractère adéquat ou non du programme thérapeutique.
Elle doit être évaluée
de façon régulière chez les patients ayant une diurèse d’au moins
300 mL/24 h.
La mesure de la clairance résiduelle se fait habituellement sur
une période de collection urinaire interdialytique prolongée de 48 à 72 heures.
Elle est estimée par la moyenne arithmétique des clairances de la créatinine et
de l’urée. Le calcul repose sur des échantillons sanguins prélevés (urée et
créatinine) à la fin d’une séance puis au début de la suivante.
Schématiquement, une clairance résiduelle de 1,2 mL/min chez un patient de
70 kg équivaut à 0,1 point de valeur de Kt/V.
* Maintien de l’état nutritionnel
:
Le maintien d’un état nutritionnel stable est un critère essentiel de dialyse
efficace.
Il fait suite à la correction des troubles digestifs et métaboliques
de l’urémie, à la restauration d’un appétit normal assurant des apports
protéiques et caloriques satisfaisants et à la prévention des facteurs
d’hypercatabolisme induits par l’HD.
L’évaluation de l’état nutritionnel
repose sur des éléments anthropométriques (évolution du poids sec, index de
masse corporelle, masse musculaire et masse grasse par mesure des plis de
peau et périmètres musculaires), des éléments d’analyse cinétique (urée,
catabolisme protidique et créatinine, masse maigre), des éléments d’enquêtes
nutritionnelles, des éléments biologiques (albumine, préalbumine, protéine
C réactive), et éventuellement des éléments morphologiques tissulaires (bioimpédancemétrie,
densité tissulaire).
Des taux normaux d’albumine
(> 40 g/L) et de préalbumine (> 300 mg/L) sont les marqueurs biologiques
d’un état nutritionnel protéique satisfaisant.
Le suivi par le biais d’enquêtes et
de conseils diététiques apparaît dans la plupart des cas nécessaire.
Dans ce
cas, il faut veiller à ce que les apports protidiques alimentaires soient de
l’ordre de 1,2 à 1,3 g/kg de poids/j avec des apports caloriques supérieurs à
35 kcal/kg de poids/j.
Le calcul du taux de catabolisme protidique établi à
partir du taux de génération de l’urée est, comme on l’a vu précédemment, un
moyen simple et fiable d’évaluer les apports protidiques chez un patient
stable.
La surveillance de l’état nutritionnel s’impose de façon régulière chez
tout patient dialysé.
Elle entre dans le cadre du contrôle de qualité du suivi du
patient dialysé.
* Contrôle du volume extracellulaire, de la balance hydrosodée
et de la pression artérielle
:
Le rétablissement périodique de la balance hydrosodée est un objectif
primordial de la dialyse adéquate. Le but est en effet d’assurer un contrôle
tensionnel optimal sans avoir à recourir aux médicaments antihypertenseurs.
Ce caractère volodépendant de l’hypertension artérielle est
confirmé chez près de 80 % des patients.
L’obtention du « poids sec » est
réalisée par ultrafiltration progressive après arrêt progressif de tous les
antihypertenseurs.
Cela est facilité par des prises pondérales interdialytiques
faibles (< 5 % du poids corporel) et une adhésion du patient à la restriction
des apports alimentaires sodés et hydriques.
Le « poids sec » est d’autant plus
facile à obtenir que la durée de la dialyse est longue et que la prise pondérale
entre deux séances est faible.
* Contrôle de l’acidose
:
La correction de l’acidose métabolique est un objectif prioritaire de la dialyse
adéquate.
Les effets métaboliques délétères de l’acidose chronique sont
multiples :
– l’acidose majore le catabolisme protidique, en induisant la synthèse
d’ubiquitine-protéasome ;
– l’acidose aggrave les lésions osseuses, par consommation des tampons
carbonates osseux ;
– l’acidose réduit la sensibilité de récepteurs cellulaires hormonaux,
notamment ceux de l’insuline.
L’HD assure la soustraction d’acides fixes et la restauration des tampons
bicarbonates.
Plus les apports protidiques sont larges et plus les besoins
bicarbonatés sont importants.
La charge en bicarbonate est proportionnelle à
la concentration du tampon dans le dialysat, à la durée de la séance et à la dialysance de l’hémodialyseur.
La charge bicarbonatée au cours d’une séance
de dialyse doit couvrir les besoins métaboliques de 48 heures.
Elle est
habituellement comprise entre 100 à 150 mmol/séance pour un dialysat
bicarbonaté compris entre 35 et 42 mmol/L.
Le taux de bicarbonate sanguin
optimal visé avant dialyse chez un patient stabilisé se situe entre 20 et
24 mmol/L.
* Contrôle de la kaliémie
:
La dialyse adéquate contribue au maintien de la kaliémie dans des limites
acceptables.
Le respect des règles diététiques, visant à réduire les apports
potassiques, est néanmoins indispensable pour atteindre cet objectif.
Le
recours aux résines échangeuses d’ions (sodiques, Kayexalatet) est le plus
souvent nécessaire cependant, au cours des phases interdialytiques
prolongées (72 heures) afin d’accroître les pertes potassiques digestives.
L’objectif est d’obtenir une kaliémie comprise entre 4,0 et 6,0 mmol/L avant
dialyse et 3,0 à 4,0 mmol/L après dialyse.
La teneur potassique du dialysat
pour obtenir de tels résultats est habituellement comprise entre 1,5 et
2 mmol/L.
Chez certains patients (hypokaliémiques ou traités par
digitaliques, par exemple), il est parfois nécessaire soit de recourir à des bains
à teneur accrue en potassium, soit même d’assurer une supplémentation
potassique intraveineuse perdialytique.
* Contrôle de l’équilibre phosphocalcique et magnésien
:
Le contrôle de l’équilibre phosphocalcique est fondamental dans le cadre de
la correction de l’ostéodystrophie rénale, de la prévention des calcifications
métastatiques tissulaires, et également dans le cadre du métabolisme
intermédiaire.
L’HD assure une soustraction phosphatée et une charge
calcique périodique qui doivent répondre aux besoins du patient.
La soustraction phosphatée est fonction de la perméabilité de la membrane et
de la durée de la séance.
La clairance corporelle des phosphates inorganiques
demeure en fait limitée par des résistances élevées aux transferts internes et
externes.
Un contrôle satisfaisant de la phosphorémie impose donc, dans la
plupart des cas, le recours à l’utilisation orale de carbonate de calcium (1 à
3 g/24 h) ou d’autres sels ou gels fixateurs digestifs du phosphore à
l’exception du citrate de calcium, pour en limiter l’absorption digestive.
Le
contrôle optimal de la phosphorémie se situe entre 1,5 et 2,0 mmol/L avant
dialyse et 0,75 et 1,25 mmol/L après dialyse.
La contribution de
l’hyperphosphorémie à la mortalité des patients dialysés vient en effet d’être
récemment rapportée.
Son contrôle nécessite donc une attention soutenue
et une prise en charge adéquate.
La charge calcique assurée par la dialyse est d’autant plus importante que la
concentration du calcium dans le dialysat est élevée, que la durée de la séance
est prolongée et que la calcémie est basse.
L’apport calcique réalisé au cours
d’une séance de dialyse est compris entre 20 et 40 mmol.
Cette charge
calcique est obtenue avec un dialysat dont la teneur calcique se situe entre 1,5
et 1,75 mmol/L.
L’utilisation, de plus en plus fréquente, de sels calciques
fixateurs digestifs du phosphore et de vitamineDactive calcidiol et calcitriol)
rend cependant difficile l’utilisation régulière de dialysat à 1,75 mmol/L, sous
peine d’épisodes hypercalcémiques. Dans ce contexte, des concentrations
calciques de 1,5 mmol/L semblent être indiquées pour maintenir une balance
calcique positive sans risque majeur d’hypercalcémie.
Le recours à des
concentrations calciques basses (1,25 mmol/L) doit être réservé
exclusivement aux épisodes hypercalcémiques mal tolérés.
Les bains de
dialyse à teneur calcique réduite (£ 1,25 mmol/L) négativent la balance
calcique ; utilisés au long cours, ils induisent une hyperstimulation
parathyroïdienne.
Le contrôle de la magnésémie est également important dans ce contexte,
même si son rôle de frein sur la sécrétion parathyroïdienne a perdu de son
intérêt.
Il repose sur l’utilisation de dialysats dont la concentration en
magnésium est comprise entre 0,5 et 0,75 mmol/L.
Des concentrations plus
basses en magnésium (0,35 mmol/L) peuvent s’avérer nécessaires, lorsque
des sels magnésiens fixateurs digestifs de phosphore (carbonate de
magnésium, par exemple) sont utilisés.
* Correction de l’anémie
:
L’anémie de l’IRC n’est que partiellement corrigée par l’HD de suppléance.
Elle traduit le plus souvent une carence relative en érythropoïétine endogène.
Sa sévérité est fonction du sexe et de l’âge, souvent plus sévère chez la femme
et chez l’enfant que chez l’homme adulte.
Sa persistance ou sa mauvaise
tolérance clinique conduisent à la prescription d’érythropoïétine
recombinante (rHu-EPO).
Préalablement, il est nécessaire de s’assurer qu’il
n’existe pas de facteur aggravant parmi lesquels nous ne ferons que souligner
les principaux : dialyse inadéquate, dénutrition sévère, carence martiale,
hémolyse accrue, spoliation sanguine régulière, état inflammatoire,
intoxication aluminique ou hyperparathyroïdie sévère.
Dans tous les cas,
l’instauration du traitement par érythropoïétine nécessitera une supplémentation martiale régulière ou intermittente, le plus souvent réalisée
par voie veineuse.
* Prévention de la neuropathie et de la péricardite
:
Neuropathie des membres inférieurs et péricardite sont deux complications
devenues rares au cours du traitement de suppléance extrarénale.
L’apparition
de l’une ou l’autre de ces deux manifestations doit demeurer un signe d’appel
traduisant a priori le caractère gravement inadéquat du programme de dialyse.
Dans tous les cas, une recherche urgente de sa cause s’impose et une révision complète des conditions de dialyse doit en découler.
L’amélioration des
performances du système impose alors un allongement de la durée et de la
fréquence des séances de dialyse, une révision des performances de l’accès
vasculaire et, éventuellement, un changement de stratégie thérapeutique
(modalité thérapeutique, dialyseur haute perméabilité, révision du poids sec,
en particulier en cas de péricardite).
B - Dialyse adéquate à long terme
:
Les critères à long terme énoncés dans ce paragraphe sont simplement
destinés à rappeler le fait que les patients dialysés ont une espérance de vie
proche de celle d’une population non urémique, à condition que la pression
artérielle soit maintenue à la normale.
La présence d’une comorbidité lors
de la prise en charge en dialyse grève le pronostic vital de ces patients.
L’analyse précise des facteurs de risques vitaux apparaît dès lors nécessaire,
pour ne pas imputer au traitement de suppléance des complications dont
l’origine serait à rattacher aux états pathologiques associés (diabète sucré,
atteinte coronarienne, artérite des membres inférieurs, tabagisme) présents
chez le patient lors de sa prise en charge.
De plus, l’adéquation du
programme de dialyse doit être envisagée à long terme, c’est-à-dire sur des
périodes de suppléance d’une décennie ou plus.
Dans ce cas, le traitement de
suppléance doit être en mesure de prévenir, ou de retarder, les effets
secondaires de l’HD observés chez les patients traités au « long cours ».
1- Prévention des maladies cardiovasculaires
:
L’incidence des maladies cardiovasculaires (angor, infarctus du myocarde,
accidents vasculaires cérébraux) est élevée chez l’insuffisant rénal
hémodialysé.
C’est la première cause de mortalité chez l’urémique,
apparaissant trois fois supérieure à celle d’une population non urémique
appariée.
L’athérosclérose dite « accélérée » du dialysé est la conséquence de plusieurs
éléments : hypertension artérielle prolongée, désordres lipidiques
(hypertriglycéridémie, anomalies des lipoprotéines, hyperoxydabilité des low
density lipoprotein [LDL]), hémo-incompatibilité du système extracorporel
(activation leucoplaquettaire, production de radicaux superoxydes),
hyperparathyroïdisme, hyperhomocystéinémie.
Parmi ceux-ci, le contrôle
insuffisant de la pression artérielle joue un rôle déterminant.
Le tabagisme et
la sédentarité contribuent également à l’aggravation de l’athérosclérose.
L’athérome calcifiant apparaît plus fréquent chez l’urémique.
Il contribue à
la sévérité et à la gravité des lésions vasculaires chez le dialysé.
Les désordres
phosphocalciques (augmentation du produit phosphocalcique), acidobasiques (alcalose postdialytique) et les lésions vasculaires (athérome)
favorisent en effet la précipitation intrapariétale des sels calciques.
Le rôle
délétère de ce facteur sur la morbidité des patients dialysés, récemment
souligné, doit conduire à maintenir un produit phosphocalcique inférieur à
4,5.
La cardiopathie hypertrophique est fréquente chez les dialysés.
Son dépistage
et son identification ont largement bénéficié des méthodes d’exploration
cardiaque non invasives (échocardiographie).
Ses causes sont
multifactorielles : hypertension artérielle, anémie chronique, fistule artérioveineuse source de débit cardiaque accru, toxines urémiques.
Sa
prévention impose un contrôle strict de la pression artérielle et de l’équilibre hydrosodé, mais également une amélioration de l’hémo-incompatibilité du
système et une correction de l’anémie par érythropoïétine et recharge en fer.
L’hypertension artérielle représente dans tous les cas un facteur de risque
essentiel des maladies cardiovasculaires du dialysé.
Quatre-vingt à 90 % des
patients urémiques sont hypertendus au stade ultime de leur maladie.
Le
caractère volodépendant de cette hypertension est confirmé chez 60 à 70 %
des patients pris en charge en dialyse.
Dans 30 % des cas environ,
l’hypertension artérielle persiste, voire s’aggrave, malgré une normalisation
du volume extracellulaire.
Dans ce cas, la restriction sodée sera plus stricte,
l’allongement de la dialyse sera proposé pour améliorer la tolérance à
l’ultrafiltration, la baisse de la concentration du sodium du dialysat sera
également testée.
La prescription de médications antihypertensives ne sera
envisagée qu’après échec de ces diverses modifications des conditions de
dialyse.
Les différentes classes thérapeutiques antihypertensives peuvent être
utilisées.
La prescription d’un antihypertenseur sera dans tous les cas prudente
et à doses progressivement croissantes.
Le choix d’un médicament
antihypertenseur reposera sur son efficacité et sa tolérance, tout en sachant
que dose et fréquence des prises devront être adaptées aux conditions de l’HD.
Le choix d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion devra être prudent
lorsque la dialyse sera effectuée avec des membranes synthétiques, en
particulier l’AN69 (risque de choc anaphylactique).
La sténose aortique calcifiée fait partie des complications observées au-delà
de 10 ans de suppléance rénale.
Le rétrécissement de la valve mitrale est plus
rare.
Les calcifications valvulaires sont plus fréquemment observées chez les
patients ayant développé un hyperparathyroïdisme.
2- Prévention de l’amylose
alpha2-microglobuline :
Cette complication demeure asymptomatique pendant de nombreuses années.
Elle se caractérise par la formation de dépôts amyloïdes dans les tissus de
soutien, synoviales et tendons, ligaments articulaires et os.
Cette substance
amyloïde est très spécifique du patient dialysé.
Elle est faite essentiellement
de alpha2-microglobuline (11,8 kDa), peptide associé au domaine alpha3 des
antigènes de classe I (HLA-B) ; ces dépôts amyloïdes contiennent aussi en
petite quantité des chaînes de globines (14 kDa), des chaînes légères kapa (j)
ou lambda (ì) (20 kDa) et de l’á2-macroglobuline (150 kDa).
La formation de ces dépôts se traduit en clinique par des syndromes
douloureux périarticulaires, en particulier syndrome du canal carpien et
douleurs scapulaires.
Ils peuvent entraîner des fractures pathologiques.
Le
syndrome du canal carpien voit son incidence atteindre 100 % des cas audelà
de la 20e année de traitement par dialyse.
Les douleurs des épaules,
surtout nocturnes, majorées au cours de la séance de dialyse, s’associent à des
degrés divers d’impotence fonctionnelle.
Les dépôts amyloïdes intraosseux
se traduisent par la formation de « géodes » de sièges variés, mais qui
prédominent dans les régions périarticulaires et épiphysaires (os du carpe, col
de l’humérus, bassin, cols et condyles fémoraux, plateaux tibiaux) et qui
peuvent être à l’origine de fractures pathologiques.
La spondyloarthropathie
érosive se caractérise par des érosions apparaissant sur les plateaux
vertébraux de vertèbres adjacentes intéressant le rachis cervical puis
lombaire.
La destruction progressive du disque intervertébral donne un aspect
de pseudospondylodiscite caractéristique avec formation d’un bloc vertébral.
L’érosion du corps vertébral par des dépôts amyloïdes très abondants peut être
la cause de tassements vertébraux et de radiculalgies.
Les dépôts
amyloïdes de alpha2-microglobuline ont l’aspect fibrillaire
caractéristique de toute amylose en microscopie électronique.
Ils peuvent être
identifiés de façon spécifique par des méthodes d’immunofluorescence.
Leur
pathogénie est encore inconnue.
Elle fait intervenir très probablement, à des
degrés divers, la relative inefficacité des méthodes de dialyse à épurer des
substances de haut poids moléculaire dont la alpha2-microglobuline est un témoin,
l’hémo-incompatibilité du système d’EER entraînant la libération périodique
de médiateurs de l’inflammation, la présence anormalement élevée de
produits de glycation avancée, la carence en composés protecteurs du type
antioxydant et des facteurs individuels de susceptibilité tels que l’âge ou l’état
nutritionnel.
À ce jour, et bien que les données scientifiques soient encore trop
fragmentaires pour porter un jugement définitif, il semble néanmoins que
l’utilisation conjointe de membranes à haute perméabilité et à faible hémoréactivité et de dialysat ultrapur soit en mesure de retarder ou de prévenir
l’apparition de cette complication.
3- Prévention de la maladie osseuse
:
Dès le début de l’IRC, des perturbations du métabolisme des ions divalents
entraînent la formation progressive de lésions d’ostéodystrophie rénale, le
plus souvent latentes.
La dialyse ne corrige que très imparfaitement ces
désordres.
Cette pathologie doit être connue, d’autant mieux qu’un traitement
bien conduit en permettra la prévention efficace.
Les manifestations cliniques sont communes à toutes les ostéopathies.
Elles
associent des signes osseux et extraosseux.
L’atteinte du squelette se traduit
par des douleurs de type mécanique, plus marquées sur les zones portantes
(bassin, fémur, tibia), par des fractures spontanées des os tubulés (côtes,
métatarsiens) ou par des déformations (cyphose dorsale, thorax de
« polichinelle », enfoncement acétabulaire).
À un degré majeur, le patient
prend l’aspect d’un « homme tassé » avec une perte majeure de taille.
Les
manifestations extraosseuses, inconstantes, comportent surtout une
myopathie des ceintures ou divers signes peu spécifiques (asthénie,
fatigabilité, prurit, insomnie).
Les examens biologiques (Ca, PO4, phosphatases alcalines osseuses, PTHi,
1-OH-D3, 1,25-OH-D3) et les données de l’imagerie médicale (radiographies
osseuses, ostéodensitométrie osseuse) permettent d’orienter le diagnostic
lésionnel, mais manquent le plus souvent de spécificité.
Seule la biopsie
osseuse, faite après double marquage à la tétracycline pour étude histomorphométrique sur os non décalcifié, est en mesure d’apporter un
diagnostic lésionnel précis.
Schématiquement, on reconnaît à l’ostéodystrophie rénale trois formes
principales ou prédominantes : l’hyperparathyroïdie secondaire floride,
l’ostéomalacie, l’ostéopathie aplastique ou adynamique.
Nous renvoyons le
lecteur intéressé aux ouvrages de référence dans ce domaine.
4- Prévention de la contamination virale
:
Il s’agit du virus de l’hépatite B (VHB), du virus de l’hépatite C (VHC), du
virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et des virus lymphotropes T
humains (HTLV : human T-cell lymphoma virus).
La prévention de la transmission virale d’un patient à l’autre ou au personnel
soignant doit demeurer une préoccupation essentielle du traitement par HD.
La morbidité induite par les virus des hépatites (B, C) demeure trop importante pour pouvoir être négligée.
L’hépatite B a pu être quasiment
jugulée par la mise en place d’une vaccination précoce et efficace chez les
patients urémiques, par l’isolement des patients porteurs de l’antigène HBs,
et par l’utilisation de gammaglobulines spécifiques fortement titrées chez les
patients non protégés.
À l’opposé, l’hépatite C apparaît comme un nouveau
fléau chez les patients dialysés, les exposant volontiers au développement de
cirrhoses et d’adénocarcinomes hépatiques.
Le risque de transmission
nosocomiale interhumaine existe.
Il est considérablement réduit par
l’application stricte des mesures universelles d’asepsie et de désinfection des
surfaces et des moniteurs-générateurs d’HD.
L’isolement des patients VHC
positifs n’a pas été retenu comme une mesure protectrice efficace dans ce cas.
Il existe à cela plusieurs raisons : la fragilité du VHC en milieu ambiant, la
faible contagiosité relative des particules du virus, la multiplicité des
sérotypes, exposant le même individu à des co-infections virales.
En ce qui
concerne le virus G, les risques hépatiques paraissent nettement réduits.
Aucune attitude spécifique n’a été retenue à son égard pour le moment.
Quant
aux autres virus (VIH, HTLV), le risque de transmission par voie de surface
ou par celle du générateur paraît suffisamment faible pour ne pas devoir
imposer un isolement des patients séropositifs.
Dans tous les cas, en revanche,
les règles universelles d’asepsie s’imposent vis-à-vis des patients et du
personnel soignant pour éviter une dissémination épidémique de ces viroses.
Complications de la dialyse
:
Schématiquement, les complications de la dialyse peuvent être regroupées en
deux catégories : complications aiguës liées à la séance de dialyse ou
survenant dans la période interdialytique ; complications subaiguës,
survenant après quelques mois ou années de traitement.
Seules les complications aiguës
ayant une importance dans la pratique quotidienne seront développées dans
ce paragraphe.
La prévention de ces complications implique, de la part des néphrologues et
du personnel soignant, une parfaite maîtrise des techniques de dialyse ; elle
nécessite aussi, de la part du patient, une bonne compréhension des limites du
traitement et l’acceptation de règles diététiques élémentaires.
A - Complications aiguës de l’hémodialyse
:
1- Manifestations communes et bénignes survenant
pendant la séance de dialyse :
* Instabilité cardiovasculaire et accès d’hypotension artérielle
:
Les facteurs impliqués dans la survenue des accidents hypotensifs perdialytiques sont nombreux.
La fréquence de ces accidents hypotensifs est
influencée par plusieurs éléments, certains relevant de l’état clinique du
malade lui-même (âge avancé, diabète, cardiopathie, prise pondérale
excessive, médicaments antihypertensifs), d’autres relevant de la technique
de dialyse elle-même (hémo-incompatibilité, dialysat tamponné à l’acétate,
débit d’ultrafiltration excessif, composition électrolytique anormale du
dialysat, sodium du dialysat bas).
Le malaise hypotensif est le plus souvent annoncé par des symptômes
prémonitoires (nausées, vomissements, bâillements, sensation de fatigue),
rapidement suivis de manifestations plus graves (malaise lipothymique, perte
de connaissance brève, épisode convulsif).
Parfois, l’hypotension artérielle
survient brutalement sans signes annonciateurs.
L’accès hypotensif répond
habituellement à l’interruption temporaire de l’ultrafiltration, à l’apport
intraveineux de sérum salé isotonique ou hypertonique et à la mise en
déclivité du patient (position de Trendelenburg).
* Crampes musculaires
:
Sans être dangereuses, les crampes musculaires, qui touchent principalement
les membres inférieurs, sont douloureuses.
Elles sont déclenchées par un taux
d’ultrafiltration rapide ou par une déplétion extracellulaire excessive.
Les
crampes cèdent à l’administration de solutions hypertoniques (sodium 10 %,
glucose 50 %) et à l’arrêt de l’ultrafiltration.
* Nausées, vomissements
:
Les nausées et les vomissements survenant en cours de dialyse sont
habituellement prémonitoires ou contemporains d’une chute de pression
artérielle.
Plus rarement, ces troubles digestifs s’accompagnent
d’hypertension artérielle, de céphalées, ou d’autres manifestations
neurologiques centrales (obnubilation, troubles visuels) et font évoquer un
syndrome de déséquilibre, ou une hypercalcémie (ou un syndrome de l’eau
dure en cas d’épidémie dans un centre) ou tout autre désordre osmotique.
* Syndrome de déséquilibre
:
Ce syndrome est caractérisé par l’apparition, vers la deuxième heure de la
séance, de céphalées accompagnées parfois de photophobie et de nausées.
Dans les formes sévères, un état d’obnubilation puis des convulsions
généralisées peuvent se déclencher 1 à 2 heures après la fin de la séance d’HD.
Un tel tableau s’observe surtout au cours des premières séances d’épuration
chez un malade jusque-là non dialysé, surtout si les désordres biologiques
urémiques sont sévères.
Ce syndrome est attribué à un oedème cérébral dont
la physiopathologie est complexe. Initialement attribué à une baisse trop
rapide de l’osmolalité plasmatique par rapport à celle du cerveau, cet oedème
serait lié en fait à la génération intracellulaire cérébrale d’osmoles
idiogéniques.
La correction rapide des désordres acidobasiques a été aussi
invoquée à son origine.
La prévention de cet incident repose sur la réalisation
de séances de dialyse brèves, rapprochées et de faible efficacité.
L’injection
intraveineuse répétée de solutés hypertoniques (mannitol 10 %, glucose
50 %) est parfois efficace.
* Fatigue postdialytique
:
Certains patients se plaignent d’une asthénie persistante plusieurs heures
après la fin de la dialyse. Cette fatigue s’observe plus volontiers en présence
d’ultrafiltration importante et d’hypovolémie postdialytique.
* Céphalées
:
Les céphalées de fin de séance sont relativement fréquentes au cours des
premières séances de dialyse ou au cours des séances courtes à très haute
efficacité.
Apparues en cours ou en fin de séance de dialyse, elles font
suspecter un oedème cérébral induit par des modifications électrolytiques et osmolaires trop rapides du milieu intérieur.
Ces céphalées sont parfois
contemporaines d’une hypertension artérielle et de troubles digestifs.
Elles
doivent faire suspecter une hypercalcémie, une alcalose métabolique sévère
ou un syndrome de déséquilibre.
2- Manifestations rares et graves survenant pendant la séance de dialyse
:
* Réactions au dialyseur
:
Les premières minutes d’une séance de dialyse peuvent être troublées par des
manifestations de type allergique associant à des degrés divers une gêne respiratoire à composante bronchospasmodique, une toux quinteuse, un
écoulement nasal, une conjonctivite, une impression de chaleur généralisée,
un érythème cutané prurigineux avec parfois chute de la tension artérielle.
Plus rarement, le tableau est extrêmement brutal, prenant la forme d’un choc
anaphylactique parfois précédé de manifestations allergiques annonciatrices.
Les causes sont multiples et feront rechercher : une allergie à l’agent de
stérilisation (oxyde d’éthylène), au désinfectant du matériel de dialyse
(formaldéhyde, acide peracétique), au matériel de dialyse (polyuréthane) ou
parfois à l’héparine ; une réaction endotoxinique due à la contamination du
dialysat ; une interaction de la membrane de dialyse (particulièrement avec
l’acrylonitrile, AN69) avec un inhibiteur de l’enzyme de conversion.
Dans
tous les cas, il est important d’identifier la cause et d’y remédier au plus vite.
En cas de réaction d’intolérance aiguë, la circulation sanguine extracorporelle
doit être interrompue immédiatement et le sang non restitué au patient.
En
fonction de la gravité du tableau, il est nécessaire de recourir à l’utilisation
d’adrénaline et de corticoïdes.
L’allergène devra être identifié et
définitivement éradiqué pour prévenir la survenue d’un choc anaphylactique
irréversible.
* Troubles du rythme cardiaque
:
Des extrasystoles variées ou des accès de fibrillation peuvent être observés,
en particulier chez les sujets porteurs de cardiopathie.
Le risque de fibrillation
auriculaire est accru par l’hypovolémie, notamment chez les coronariens et
les patients digitalisés.
Des flux trop rapides potassiques et calciques perdialytiques sont parfois en cause dans ces arythmies.
Angor, infarctus du myocarde
Une crise d’angor ou un infarctus du myocarde peuvent être déclenchés par
une séance d’HD, notamment à l’occasion d’un épisode d’hypotension
artérielle sévère chez un patient à risque.
La restitution du circuit sanguin
extracorporel s’impose immédiatement dans ces cas.
Elle assure bien souvent
une amélioration clinique, mais ne doit pas faire méconnaître la
coronaropathie sous-jacente.
* Convulsions
:
La survenue d’une crise comitiale en dialyse doit faire évoquer en premier
lieu une hypotension artérielle sévère chez un sujet à risque.
Dans ce cas, la
correction de l’hypovolémie suffit à remédier au problème.
Parfois, ces crises
surviennent à la prise en charge de patients urémiques, surtout en cas
d’hypocalcémie sévère.
Elles traduisent alors un abaissement de la calcémie
ionisée par correction trop rapide de l’acidose métabolique.
La récidive de
telles crises, sans explication métabolique évidente, fait suspecter une cause
cérébrale organique et nécessite une exploration cérébrale par imagerie
spécifique (électroencéphalogramme, tomodensitométrie, résonance
magnétique nucléaire).
* Réactions fébriles et chocs pyrogènes
:
Les réactions fébriles en cours de séance de dialyse sont rares.
Lorsqu’elles
surviennent précocement après le branchement, elles sont la conséquence du
contact du sang avec des substances pyrogènes (endotoxines ou autres)
présentes dans le circuit sanguin.
Lorsque la fièvre s’installe tardivement, on
doit suspecter la contamination bactérienne excessive du dialysat avec
passage transmembranaire d’endotoxines d’origine bactérienne, en
particulier avec les dialyseurs à haute perméabilité.
Il ne faut cependant pas
méconnaître la survenue d’un épisode infectieux authentique par bactériémie
ou septicémie, notamment à point de départ de l’accès vasculaire.
* Embolie gazeuse
:
Toute circulation sanguine extracorporelle, entretenue par une pompe à sang,
comporte le risque d’embolie gazeuse.
En dépit de la sécurité apparente que
procurent les moniteurs de l’appareil de dialyse, ce risque persiste tout au long
de la séance de dialyse.
La survenue d’une embolie gazeuse doit être prévenue
par le strict respect des règles élémentaires de sécurité en matière de
circulation sanguine extracorporelle.
Une vigilance accrue du personnel sera
apportée, notamment dans les phases délicates de branchement et de
restitution du sang au patient.
L’activation permanente et la vérification du
bon fonctionnement des systèmes de détection d’air et des clamps de sécurité
sont un impératif absolu et commun à toute circulation extracorporelle.
Aucune exception ne doit justifier la transgression de ces règles au cours
d’une séance de dialyse.
Hémolyse intravasculaire
La survenue d’une hémolyse intravasculaire est exceptionnelle en dialyse.
Le
risque persiste néanmoins dès qu’une circulation sanguine extracorporelle est
établie.
Le tableau clinique initial comporte de violentes douleurs lombaires
« en barre » rapidement compliquées d’un malaise général avec état de choc.
La tubulure sanguine veineuse change de couleur, donnant au sang un aspect
laqué.
Les causes d’hémolyse sont de plusieurs types :
– osmotique, induite par une anomalie de la composition électrolytique du
dialysat (hypo-osmolalité sévère) ;
– chimique, en rapport avec un résidu de désinfection du générateur de
dialyse ;
– mécanique, par dépression excessive survenant sur le circuit sanguin ;
– thermique, par dysfonctionnement du système de chauffage du dialysat ;
– toxique, en rapport avec un poison véhiculé par le dialysat et l’eau
(chloramines par exemple).
Dans tous les cas, la circulation sanguine doit être interrompue
immédiatement et le sang non restitué au patient.
3- Incidents et accidents survenant pendant la période interdialytique
:
*
Hyperkaliémie maligne
:
Elle est observée principalement durant les périodes interdialytiques
prolongées du week-end.
Cet accident, parfois mortel, est dû à une
consommation abusive d’aliments riches en potassium.
La prévention de cet
accident grave impose l’éducation du malade, la prise systématique de résines
échangeuses d’ions à titre préventif chez les malades incapables de respecter
un régime pauvre en potassium.
* Surcharge du volume extracellulaire
:
L’inflation hydrosodée responsable d’une surcharge du volume
extracellulaire s’inscrit le plus souvent dans un contexte de dialyse
inadéquate.
Tantôt, elle prend la forme d’un oedème pulmonaire aigu
nécessitant l’instauration rapide d’une séance de dialyse ou d’ultrafiltration.
Tantôt, à l’opposé, elle est d’installation plus insidieuse, s’accompagnant
d’une dégradation de l’état général, d’une fébricule et d’un oedème
pulmonaire interstitiel.
C’est la conséquence habituelle d’un amaigrissement
progressif du patient sans réduction proportionnelle du « poids sec ».
Dans
tous les cas, la sanction thérapeutique est une réduction appropriée du « poids
sec ».
* Infections
:
Le risque infectieux est nettement plus élevé chez les urémiques que chez les
sujets normaux.
Cette sensibilité à l’infection tient d’une part à la technique
de dialyse elle-même, qui met le sang du malade en contact avec le milieu
extérieur de façon répétitive au long cours, d’autre part à la persistance de
troubles de l’immunité cellulaire.
Les complications infectieuses,
bactériennes ou virales, peuvent survenir à tout moment dans la vie du dialysé.
Les précautions d’asepsie et le respect strict des règles universelles d’hygiène
sont des facteurs essentiels dans la prévention de ces complications.
L’isolement de patients porteurs chroniques de virus (VHB, VHC ou VIH),
élément clé de la lutte pour la prévention de la transmission des agents
pathogènes dans la logique pasteurienne, n’apparaît plus nécessaire aux
comités d’experts.
* Colite ischémique
:
La survenue de complications digestives de type ischémique est devenue très
rare depuis l’utilisation de tampon bicarbonate.
Le risque persiste néanmoins
chez les patients vasculaires.
Habituellement, l’ischémie de la muqueuse
colique ou grêle est déclenchée par un épisode d’hypotension artérielle sévère
survenu au cours d’une séance de dialyse.
Plus rarement, elle peut survenir de
façon inopinée chez un patient hypotendu chronique.
Le tableau se révèle
dans les heures qui suivent une séance de dialyse, par un syndrome
douloureux abdominal initialement localisé puis généralisé, compliqué d’un
iléus et d’un fébricule.
La coloscopie, quand elle est possible, objective des
zones ischémiques de la muqueuse intestinale intéressant parfois le côlon
gauche mais plus souvent le côlon droit.
La tomodensitométrie abdominale
permet parfois de visualiser un épaississement de la paroi colique.
La mise au
repos du tube digestif, sous couverture d’une antibiothérapie appropriée (à
visée antianaérobie) et d’une nutrition parentérale, permet parfois de passer
le cap aigu.
Bien souvent, il est nécessaire de recourir à un geste chirurgical
comportant une résection-anastomose digestive.
* Hémorragies, hématomes
:
Le risque hémorragique existe du fait de l’anticoagulation générale au cours
d’une séance de dialyse.
Il persiste dans les heures qui suivent la séance de
dialyse, exposant le patient à des saignements variés.
Les hématomes et
hémorragies de l’accès vasculaire sont les plus fréquents.
Parfois, il s’agit de
tableaux abdominaux aigus et trompeurs : hématomes musculaires (grands
droits, psoas ou autres), hématomes mésentériques, hémorragies digestives,
hémorragies sur kystes rénaux.
Plus rarement enfin, il s’agit d’un tableau
neurologique révélateur d’un hématome intracérébral, d’une hémorragie cérébroméningée, ou d’un hématome sous-dural (en particulier en cas
d’antécédent de traumatisme crânien).
B - Complications subaiguës de l’hémodialyse
:
1- Dialyse inadéquate
:
La dialyse inadéquate correspond à l’absence d’amélioration ou à la
réapparition de symptômes urémiques chez un patient dialysé.
Cette
complication est synonyme d’insuffisance d’épuration.
Le plus souvent, la
symptomatologie est d’installation insidieuse ou fruste associant, de façon
variable, une altération de l’état général où dominent la fatigue, des troubles
digestifs (à type d’inappétence, de nausées ou de vomissements), des
impatiences des membres inférieurs avec insomnie, une hypertension
artérielle mal contrôlée s’inscrivant dans un contexte de surcharge hydrosodée.
Parfois, la révélation est plus bruyante, marquée par une
péricardite aiguë ou par un accident de surcharge avec oedème pulmonaire.
Dans ce cas, les indices d’efficacité de dialyse sont le plus souvent
insuffisants, Kt/V < 1,0 ou PRU < 60 %.
La rétention azotée apparaît majorée.
D’autres anomalies sont également évocatrices d’une épuration insuffisante :
acidose, hyperkaliémie, hyperphosphorémie, anémie majorée ou
hypoalbuminémie.
La cause de cette insuffisance de dialyse doit être recherchée et corrigée au
plus vite.
Le plus souvent, il s’agit d’un programme thérapeutique non adapté
aux besoins métaboliques ou à l’état clinique du patient.
Parfois, c’est
l’efficacité du programme qui est amputée du fait de problèmes techniques
intercurrents : recirculation de l’accès vasculaire, débit sanguin insuffisant,
dialyseur inapproprié, thrombose partielle du dialyseur, mauvais dégazage du
dialysat.
Plus rarement, ce tableau traduit une perte de la fonction rénale
résiduelle du patient.
La correction du syndrome de dialyse inadéquate nécessite l’identification de
sa cause et une révision complète du programme thérapeutique visant à en
accroître l’efficacité.
Pour cela, les séances seront plus fréquentes, la durée
accrue, le débit sanguin majoré, la surface et la perméabilité du dialyseur
augmentées et les performances de l’accès vasculaire révisées.
2- Péricardite
:
La péricardite est devenue une complication rare de l’IRC.
Celle survenant
chez le malade dialysé est un signe majeur de dialyse inadéquate.
De
nombreux facteurs ont été invoqués à l’origine de cette complication :
accumulation de toxines urémiques, surcharge du volume extracellulaire,
formation intrapéricardique de cristaux d’urate, d’oxalate ou de
pyrophosphate, dénutrition.
3- Carence martiale
:
La suppression des transfusions sanguines a réduit considérablement le risque
de surcharge tissulaire martiale.
Les pertes régulières de fer (pertes de sang
dans les circuits sanguins, prélèvements sanguins itératifs, pertes digestives
accrues) et l’utilisation de l’érythropoïétine recombinante dans la correction
de l’anémie du patient dialysé ont considérablement augmenté les besoins
martiaux, exposant bien souvent le patient au risque de carence ferrique.
Ainsi, la carence martiale absolue ou fonctionnelle est devenue une
préoccupation plus fréquente à l’heure actuelle que celle de la surcharge en
fer.
4- Complications des accès vasculaires
:
La qualité et les performances de l’accès vasculaire conditionnent en grande
partie l’efficacité et la morbidité de la dialyse.
Les accès vasculaires pour HD
se répartissent en deux catégories : les accès permanents, fistules et pontages
artérioveineux et les accès temporaires, de type cathéters de courte ou longue
durée.
Les complications des accès vasculaires représentent la première cause
de morbidité des patients dialysés.
Nous ne ferons que les évoquer ici et
renvoyons le lecteur intéressé aux ouvrages de référence.
* Complications des fistules et des pontages artérioveineux
:
Une sténose peut se développer sur un des axes vasculaires de la fistule.
Située
sur l’artère affluente ou sur l’anastomose artérioveineuse, elle entraînera une
baisse de débit sanguin et de la pression veineuse.
Située en aval de
l’anastomose, la sténose provoquera une surpression dans le segment veineux
placé entre la fistule et la sténose.
Dans tous les cas, les performances de la
séance de dialyse en seront réduites.
Une dilatation anévrismale peut se développer sur le réseau veineux antébrachial irrigué par la fistule.
La formation de « faux anévrismes » se voit
plus volontiers sur le réseau de drainage (veine ou pontage) de la fistule ou du
pontage.
Le risque de fissuration et d’hémorragie en impose habituellement
la ligature ou l’excision.
La thrombose aiguë de la fistule artérioveineuse ou d’un pontage est la
conséquence d’une baisse de débit sanguin, soit transitoire par hypotension
artérielle hypovolémique, soit permanente par sténose progressivement
aggravée.
Le « syndrome de vol » entraîne une ischémie subaiguë de la main.
Il est dû à
la diminution de la perfusion des arcades palmaires du fait d’une fistule artérioveineuse à haut débit (plus volontiers proximale, fistule artérioveineuse
humérobasilique par exemple, que distale) sur une artériopathie distale.
La surinfection est la complication la plus redoutable des fistules artérioveineuses et des pontages.
Facilitée par la ponction répétée au même
site, ou par un manque d’asepsie, elle se traduit par des signes locaux, tantôt
mineurs (segment veineux induré, rouge et douloureux), tantôt préoccupants
(anévrisme mycotique au siège de l’anastomose) et par des signes généraux
avec fièvre élevée en plateau.
Dans ce contexte, il faut suspecter une
septicémie à staphylocoque doré, qui doit être traitée efficacement sans délai,
car elle comporte un risque majeur d’endocardite aiguë mutilante souvent
mortelle.
Plus rarement, on verra se développer un « gros bras », dû à une stase veineuse
provoquée par la thrombose d’un gros tronc veineux (par exemple, la veine
sous-clavière) ou une insuffisance cardiaque due à un débit de fistule trop
élevé (supérieur à 1 L/min).
* Complications des cathéters permanents
:
L’infection est la plus fréquente des complications.
Elle peut se présenter sous
différentes formes : infection locale d’orifice de sortie cutanée, infection du
trajet sous-cutané, fièvre et/ou bactériémie isolée, thrombose infectée,
septicémie avec localisation septique secondaire, endocardite droite.
L’infection fait suite parfois à des manipulations non strictement aseptiques.
Plus fréquemment, l’infection résulte d’un portage chronique de germes, avec
passage transcutané favorisé par la perte de continuité cutanée provoquée par
l’émergence cutanée des cathéters.
Il s’agit dans tous les cas d’infections
redoutables, qui nécessitent une extrême vigilance et doivent conduire, dès le
diagnostic confirmé, à l’ablation des cathéters et à une antibiothérapie
adaptée.
La thrombose ou la sténose de la veine hôte sont également des complications
redoutées.
Elles résultent de la combinaison de différents facteurs associant :
une irritation veineuse chronique induite par le cathéter (lui-même dépendant
beaucoup de sa nature et de sa rigidité), la veine cathétérisée, les facteurs
prothrombotiques propres au patient (syndrome inflammatoire, infection).
La
révélation est rarement bruyante. Le plus souvent, l’anomalie est découverte
à l’occasion d’une exploration radiographique (phlébographie, cathétérographie) pour dysfonction du cathéter.
D’autres complications peuvent être observées avec l’utilisation de cathéters
dits permanents.
Nous ne ferons qu’évoquer les dysfonctions de cathéters
(débit insuffisant, pression veineuse élevée) résultant de thromboses endo- ou
extraluminales, partielles ou totales, les ruptures avec risques de migration
des cathéters et l’embolie gazeuse.
Conclusion
:
Les méthodes de suppléance extrarénale font désormais partie de
l’arsenal thérapeutique de l’IRC au stade terminal. En dépit de leurs
limites évidentes, les méthodes d’EER assurent la survie de près d’un
million de patients à travers le monde.
Si la maîtrise des techniques de
dialyse a pratiquement éliminé les accidents mortels survenant en
cours des séances, des progrès sont nécessaires pour en optimiser
l’efficacité et assurer une meilleure prévention des complications à
long terme.
Une plus grande efficacité des méthodes et une meilleure
compréhension des mécanismes physiopathologiques de
l’athérogenèse et de l’amyloïdogenèse des dialysés permettront, sans
aucun doute, d’apporter une solution au moins partielle à ces
problèmes.
L’utilisation plus large de membranes à haute perméabilité
et à faible hémoréactivité, la généralisation du dialysat bicarbonaté
stérile et apyrogène, l’accroissement des transferts convectifs et
adsorptifs permettent d’entrevoir des programmes thérapeutiques
d’efficacité et d’hémocompatibilité accrues. Une approche nouvelle de
la dialyse, comportant notamment des séances plus fréquentes (à
jours alternés ou quotidiennes) et plus courtes, semble également en
mesure de rendre plus performantes et plus physiologiques les
méthodes de suppléance extrarénale.
Dans l’immédiat, l’amélioration
de la qualité des résultats obtenus chez les patients traités au long
cours passe par l’établissement, le contrôle et le respect des critères
de dialyse adéquate.
Cette série d’objectifs entre dans le cadre d’un
contrôle de qualité permanent qui vise à offrir le meilleur traitement
possible aux patients urémiques, tenant compte de l’état de l’Art dans
ce domaine.
Des progrès considérables ont été également accomplis
dans la suppléance métabolique des patients urémiques.
L’érythropoïétine recombinante humaine, permettant une correction
physiologique de l’anémie chez tous les malades, a transformé la vie
de nombreux patients jusque-là condamnés à une activité réduite.
Une
connaissance physiopathologique approfondie de la maladie osseuse
et la mise à disponibilité de dérivés actifs de la vitamine D (1 et 1,25-
OH-D3) et de sels calciques fixateurs du phosphore ont permis de
mieux prévenir les lésions squelettiques de l’hyperparathyroïdie
secondaire ou de l’ostéomalacie.
Quant aux défis nouveaux du traitement de suppléance extrarénale,
ils sont de plusieurs ordres : économiques, dans la mesure où il s’agit
de thérapeutiques coûteuses ayant un impact important sur l’économie
de santé ; démographiques, dans la mesure où l’incidence et la
prévalence des patients traités ne cessent d’augmenter et où les
structures de soins existantes sont insuffisantes pour les accueillir ;
médicaux, dans la mesure où la population d’urémiques est de plus en
plus âgée et marquée par la fréquence d’états morbides associés
rendant plus délicate la mise en oeuvre des thérapeutiques de
suppléance extrarénale.