Traitements des cancers du pancréas Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Les cancers du pancréas restent un défi thérapeutique difficile pour
le clinicien.
Leur incidence a augmenté durant les quatre dernières
décennies ; plus souvent rencontrés chez l’homme, le sex-ratio est
de 1 à 3 selon les pays.
Avec 2 700 nouveaux cas par an en France, ils occupent par ordre de
fréquence la quatrième place des cancers digestifs, après les cancers
du côlon, de l’estomac et de l’oesophage.
Ces cancers se développent de façon silencieuse ; dans 80 % des cas,
le diagnostic est fait tardivement à un stade dépassé où le traitement
chirurgical ne peut plus être radical.
Leur pronostic demeure sombre
avec une médiane de survie de 3 mois et un taux de survie à 5 ans
de 1 à 4%.
Si beaucoup de facteurs de risques ont été évoqués, seuls ont été
retenus : le tabac et les régimes pauvres en fibres, avec un risque
relatif de deux à trois.
Le rôle favorisant du diabète est
controversé ; une étude récente a suggéré une multiplication du
risque par 20 en cas de pancréatite chronique.
Plus récemment, des altérations génétiques ont été mises en
évidence (oncogènes, mutations de gènes suppresseurs de tumeur) :
3 % des cancers du pancréas pourraient être d’origine héréditaire.
L’absence de réelle population à risque ne permet pas la réalisation
d’un dépistage précoce.
Données anatomopathologiques
:
Environ 95 % des cancers du pancréas se développent à partir des
cellules exocrines de la glande.
Le cancer du pancréas exocrine le
plus fréquent est l’adénocarcinome ductulaire issu des canaux
excréteurs (90 % des cas).
Sur le plan histologique, ces tumeurs canalaires se caractérisent par
des glandes atypiques entourées d’un stroma fibreux.
Les tumeurs
de l’ampoule de Vater et des voies biliaires histologiquement très
proches doivent être étudiées séparément en raison de leur pronostic
moins défavorable.
Plus rares sont les carcinomes anaplasiques à cellules géantes (5 %),
les carcinomes adénosquameux, les adénocarcinomes mucineux ou
colloïdes (2 %), les tumeurs malignes d’origine acinaire comme
l’adénocarcinome à cellules acineuses observé chez l’homme
jeune.
Un diagnostic histologique paraît essentiel pour différencier
l’adénocarcinome de certaines tumeurs de pronostic et de traitement
différents : les tumeurs cystopapillaires survenant chez la femme
jeune avant 40 ans, les tumeurs intracanalaires papillaires et
mucineuses, les cystadénocarcinomes mucineux, les carcinomes
neuroendocrines (18 %), les exceptionnelles tumeurs mésenchymateuses,
les lymphomes non hodgkiniens, mais aussi des
métastases (5 %).
Seule la prise en charge thérapeutique des adénocarcinomes ductulaires est envisagée en raison de leur plus grande prévalence
par rapport aux autres tumeurs pancréatiques malignes.
La localisation au niveau de la tête est la plus fréquente (60 à 70 %
des cas), l’atteinte corporéale se retrouve dans 13 à 15 % des cas,
caudale dans 5 à 10% des cas et panglandulaire dans 10 à 20 % des
cas.
L’extension tumorale se fait vers les tissus péripancréatiques avec
envahissement périnerveux, périvasculaire et lymphatique.
La
richesse et l’importance du réseau lymphatique pancréatique
expliquent que la dissémination précède habituellement la diffusion
hématogène.
Bilan d’extension et d’évaluation préthérapeutique
:
La stratégie thérapeutique de l’adénocarcinome du pancréas dépend
essentiellement de l’extension locorégionale de la tumeur : aux
ganglions duodénopancréatiques et du hile hépatique, aux vaisseaux
coeliomésentériques et aux organes de voisinage (duodénum,
estomac).
Le seul espoir actuel de guérison reste l’exérèse complète qui n’est
possible que dans 10 à 20 % des cas.
La réalisation d’un bilan préthérapeutique a pour but de déterminer
le stade évolutif de la tumeur et son extension afin de sélectionner
les patients susceptibles d’être opérés.
La découverte de métastases hépatiques ou péritonéales, d’un
envahissement artériel (tronc coeliaque, artère hépatique, artère
mésentérique supérieure), veineux (mésentéricoporte) ou
ganglionnaire (ganglions paratumoraux N1 ou à distance N2),
constituent des contre-indications absolues ou relatives à une
chirurgie d’exérèse et justifient la réalisation d’examens
complémentaires plus ou moins complexes ou invasifs.
Les critères
contre-indiquant cette résection chirurgicale ne sont pas
consensuels.
La valeur respective de chaque examen est variable et sa place dans
la stratégie est difficile à préciser dans tous les cas.
L’attitude, en
France, semble homogène entre gastroentérologues et chirurgiens
digestifs malgré quelques différences selon les équipes.
Elle ne
fait toujours pas l’objet d’un consensus.
La certitude diagnostique lorsque la chirurgie est récusée n’est
encore recherchée que dans 39 à 47 % des cas.
Le cancer du pancréas est le plus souvent asymptomatique au stade
précoce de son évolution ; l’apparition de signes cliniques traduit en
général une tumeur déjà évoluée : 90 % de ces cancers sont
diagnostiqués au moment de la survenue d’un ictère et/ou d’une
douleur ; l’anorexie et l’amaigrissement sont constants.
C’est
malheureusement à cette occasion que les examens complémentaires
sont réalisés.
A - BIOLOGIE
:
Un diabète d’installation récente est observé dans 15 à 20 % des cas.
L’élévation des enzymes pancréatiques est inconstante et non
spécifique.
La cholestase n’est que la traduction de la compression
de la voie biliaire principale.
Le dosage des marqueurs tumoraux, CA19-9 et antigène carcinoembryonnaire (ACE), dont l’élévation en cas de cancer est
respectivement présente dans 80 et 28 % des cas, n’a aucune valeur
diagnostique étant donné la faible valeur prédictive positive.
B - IMAGERIE
:
De nombreux examens d’imagerie ont été évalués dans le cancer du
pancréas.
La plupart d’entre eux participent au diagnostic et au bilan
d’extension préthérapeutique.
Certains permettent un geste
thérapeutique dans le même temps.
1- Échographie
:
Elle reste toujours l’examen de première intention avec une
sensibilité comprise entre 65 et 78 % pour le diagnostic de tumeur si
sa taille est supérieure à 2 cm.
Au-dessous de cette taille, elle serait
inférieure à 30 %.
Très dépendante de l’échogénicité du patient et
du type de lésion, elle reste incomplète dans 20 % des cas.
Le
diagnostic de malignité peut être fait sur des signes indirects telle
une double dilatation des voies biliaire et pancréatique chez un
malade ictérique, bien que le diagnostic différentiel avec une
pancréatite chronique soit toujours difficile.
La sensibilité pour le
diagnostic d’extension tumorale sur les vaisseaux est de 40 à
80 % ; elle est faible pour ce qui est de l’extension ganglionnaire :
moins de 20 %, avec une spécificité de 50 à 80 %.
2- Tomodensitométrie abdominale
:
En mode séquentiel, la tomodensitométrie a une meilleure sensibilité
que l’échographie pour le diagnostic de masse pancréatique : 77 à
85 %.
La tumeur est généralement hypodense par rapport au
parenchyme.
L’examen doit être réalisé après opacification du cadre
duodénal avec injection intraveineuse de produit de contraste
vasculaire.
L’opacification des vaisseaux péripancréatiques
(angioscanner) améliore la sensibilité pour l’appréciation de
l’envahissement vasculaire.
Les nouvelles acquisitions hélicoïdales ont amélioré nettement la
qualité des informations : diagnostic de masse pancréatique et de
malignité dans plus de 90 % des cas, précision de l’envahissement
vasculaire supérieure à l’artériographie : 84 à 100 % avec une
spécificité avoisinant 100 %.
Le diagnostic de métastases hépatiques et péritonéales est également
facilité par cette technique, permettant d’abaisser entre 4 et 7 % le
taux de lésions secondaires méconnues avant une éventuelle
intervention.
Pour mettre en évidence l’envahissement
ganglionnaire, la tomodensitométrie hélicoïdale est, en revanche,
moins performante que l’échoendoscopie, en raison de faux positifs et de faux
négatifs.
3- Échoendoscopie
:
Elle est devenue en quelques années l’examen de référence dans le
bilan d’extension locorégionale du cancer du pancréas.
Sa sensibilité
diagnostique avoisine 95 %, quelle que soit la taille de la tumeur.
Le caractère malin de la lésion est plus difficile à apprécier (71 à
76 % des cas), la limite de cet examen étant sa faible précision
pour différencier le cancer d’une pancréatite chronique focale ou
d’une masse inflammatoire.
La réalisation d’une ponction-biopsie
échoguidée permet souvent d’affirmer le diagnostic (85 % des cas)
sur des microbiopsies ou grâce à des cytologies conventionnelles ou
monocouches.
Des immunodétections sont utilisées pour orienter
le diagnostic (MUC [mucine] 1, kératine).
La sensibilité de
l’échoendoscopie vis-à-vis de l’envahissement vasculaire est
d’environ 80 %.
Elle varie selon les critères retenus ; elle
dépend de la taille de la lésion pouvant éloigner le transducteur des
vaisseaux à examiner.
Elle paraît plus fiable pour analyser l’axe mésentéricoporte et la veine splénique que pour l’envahissement
artériel ; sa spécificité varie entre 67 et 97 %.
L’interprétation de la
perte de l’interface entre la tumeur et la paroi du vaisseau reste
difficile, notamment au niveau du tronc porte.
Cet examen est, en
revanche, le plus précis pour le diagnostic d’envahissement
ganglionnaire : sensibilité de 44 à 72 %, spécificité de 70 à 80 %.
Enfin, la détection de métastases hépatiques est aisée au niveau du
lobe gauche et la présence d’un épanchement péritonéal, même
modéré, permet d’évoquer une carcinose et de la confirmer par
ponction et étude cytologique.
4- Laparoscopie
:
C’est l’examen le plus sensible pour le diagnostic de carcinose
péritonéale : 93 à 97 %.
Elle met en évidence des métastases
passées inaperçues dans 25 % des cas, modifiant la décision
thérapeutique une fois sur trois chez des patients ayant une tumeur
a priori résécable et modifiant la classification de l’Union
internationale contre le cancer (UICC) chez 41 % des malades.
Elle peut être couplée à l’ultrasonographie, permettant le diagnostic
d’envahissement ganglionnaire avec une sensibilité de 67 à 92 %.
L’échographie intraportale, plus invasive, est prônée par certaines
équipes pour apprécier le degré d’envahissement vasculaire.
5- Imagerie par résonance magnétique (IRM)
:
Des progrès récents dans la résolution spatiale, dans l’utilisation de
produits de contraste magnétiques, la rapprochent de la
tomodensitométrie hélicoïdale, en particulier pour l’extension rétropéritonéale et vasculaire : valeur prédictive de résécabilité de 80 %.
Elle semble par ailleurs utile pour la détection de petites
tumeurs isodenses.
Son accessibilité limite encore son utilisation.
La wirsungo-IRM semble apporter des précisions utiles sur
l’envahissement canalaire.
6- Tomographie d’émission de positrons (PET-scan)
:
Elle reste encore très peu répandue en France. Reposant sur la
détection des cellules tumorales par mise en évidence d’une
exagération de la glycolyse à leur niveau, sa sensibilité serait
supérieure aux autres techniques dans la détection des métastases,
voire de la carcinose.
7- Cholangiopancréatographie par voie rétrograde
endoscopique (CPRE)
:
La réalisation de la CPRE à titre diagnostique a considérablement
diminué au cours de ces dernières années.
Elle ne garde d’intérêt
qu’en cas de doute sur la malignité.
L’existence d’une double sténose
sur la voie biliaire principale et le canal de Wirsung reste
pathognomonique.
La réalisation d’un brossage peut permettre
une étude cytologique, mais des biopsies transpapillaires en
améliorent la sensibilité (70 %) et la spécificité (100 %).
La CPRE n’a pas sa place dans le bilan d’extension.
En revanche,
elle garde son intérêt en cas d’attitude d’emblée palliative avec mise
en place de prothèses dans le même temps.
8- Artériographie coeliomésentérique
:
Elle n’apporte des informations qu’en ce qui concerne
l’envahissement vasculaire.
Sa sensibilité inférieure aux autres
techniques d’imagerie et son caractère invasif la rendent inutile dans
le bilan préthérapeutique.
Sa réalisation ne peut se concevoir qu’en
préopératoire dans de rares cas particuliers.
C - STANDARDS. OPTIONS. RECOMMANDATIONS
:
Certains examens d’imagerie sont maintenant retenus comme
« standards » pour le diagnostic et/ou le bilan d’extension, d’autres
comme des « options » en fonction de cas particuliers ou de
possibilités techniques.
L’échographie abdominale percutanée est toujours l’examen à
réaliser en première intention ; elle est retenue avec l’échoendoscopie
comme standard pour le diagnostic.
Le scanner abdominal reste une
option si l’échoendoscopie n’est pas réalisable.
La ponction-biopsie
est souhaitable avant traitement, sauf si un geste chirurgical est
envisagé en raison du risque de dissémination sur le trajet de
ponction ; sa réalisation sous échoendoscopie semble diminuer
ce risque.
En cas de tumeur non résécable, la biopsie est utile
pour confirmer l’adénocarcinome avant tout traitement radio- et/ou
chimiothérapique, mais aussi pour éliminer une tumeur d’autre
origine, en particulier neuroendocrine pour laquelle le traitement
est différent.
Pour le bilan préthérapeutique, la tomodensitométrie et
l’échoendoscopie sont retenues comme standards pour apprécier
l’extension et la résécabilité.
La laparoscopie est optionnelle.
La mise en oeuvre de ces examens doit être graduelle, du plus
anodin au plus invasif.
L’attitude doit être remise en question dès
qu’une contre-indication opératoire est retenue.
D - CLASSIFICATION
:
La classification tumor, nodes, metastases (TNM) de l’UICC, en 1987,
est la seule utilisée,selon le volume de la tumeur et la
présence ou non de ganglions régionaux.
Ces critères correspondent
aux facteurs pronostiques retenus dans le cancer du pancréas.
Stratégie thérapeutique
:
Le seul espoir de traitement à visée curative dépend encore
actuellement des possibilités de la résection tumorale.
A - TRAITEMENT CHIRURGICAL À VISÉE CURATIVE : EXÉRÈSES PANCRÉATIQUES
1- Techniques
:
Pour les tumeurs localisées dans la tête du pancréas, la duodénopancréatectomie céphalique demeure toujours
l’intervention de référence. Elle associe une résection
duodénopancréatique et une cholécystectomie à une antrectomie ;
mais nombre de modifications ou de variations techniques
intervenues au cours des dernières années méritent d’être discutées.
– La conservation du pylore, proposée par Traverso, ne simplifie
pas seulement la technique.
Elle a un indiscutable intérêt pour
limiter les séquelles fonctionnelles de l’intervention et améliorer la
qualité de vie des malades.
Elle ne paraît pas avoir d’influence
délétère sur la mortalité ou la morbidité de l’intervention et ne
semble pas avoir d’influence pronostique néfaste.
– Le choix du vecteur digestif pour assurer le drainage du canal
pancréatique principal lors du temps de reconstruction digestive a
été l’objet de nombreuses discussions.
Une tendance s’est faite jour
au cours de la dernière décennie à préférer, à l’anastomose pancréatojéjunale, une anastomose pancréatogastrique.
Son avantage
potentiel est de réduire le risque de fistule anastomotique.
Le travail
prospectif contrôlé de Yeo et al a infirmé cette hypothèse et a
démontré l’absence de bénéfice de l’anastomose pancréaticogastrique
par rapport à l’anastomose pancréaticojéjunale.
Le
caractère peu physiologique de cette dernière anastomose, qui
engendre une insuffisance pancréatique marquée du fait de
l’inactivation de la sécrétion enzymatique pancréatique en milieu
acide, a récemment été confirmé .
– L’extension tumorale aux vaisseaux est une limite à l’exérèse
chirurgicale.
Des pancréatectomies régionales, étendues aux veines
et aux artères digestives, ont été proposées, améliorant le taux de résécabilité tumorale ; la mortalité et la morbidité de ces exérèses
élargies sont supérieures aux interventions plus limitées et ne sont
pas compensées par une amélioration du pronostic.
Elles ne
doivent donc pas être pratiquées de principe.
Si l’envahissement
artériel demeure toujours une contre-indication à la résection
tumorale, du fait de l’importance de la mortalité et de la morbidité
opératoires liée à ce geste, les résections isolées de la veine porte
ou de la veine mésentérique supérieure sont réalisables sans
accroître la mortalité et sans affecter la survie.
Après résection
de l’axe mésentéricoportal, le rétablissement du flux sanguin se fait
le plus souvent par une anastomose terminoterminale veinoveineuse
; ce n’est que lorsque la perte de substance vasculaire
atteint 4 cm qu’il faut interposer un greffon prothétique ou jugulaire
entre les deux extrémités veineuses ; cette résection est plus délicate
lorsqu’elle intéresse le segment initial de la veine mésentérique
supérieure où confluent ses racines veineuses.
Des facteurs prédictifs
de l’envahissement vasculaire ont été étudiés, mais l’affirmation
préopératoire de cette extension vasculaire peut être difficile et n’être
établie qu’en cours d’intervention.
Il convient d’ailleurs de noter que l’envahissement de la paroi vasculaire n’est constaté histologiquement
que dans 30 à 50 % des résections vasculaires effectuées.
– L’envahissement ganglionnaire a une incidence pronostique
déterminante.
Les premiers relais ganglionnaires, au contact du
pancréas et de la tumeur, sont enlevés avec la pièce opératoire ;
l’envahissement des relais plus distaux, au niveau du tronc coeliaque
ou de l’artère mésentérique supérieure, rend en revanche illusoire
tout espoir de résection curative.
La fréquence de l’envahissement
ganglionnaire augmente avec la taille de la tumeur : avoisinant 40 %
lorsque le diamètre tumoral est inférieur à 2,5 cm, il atteint 60 %
lorsque son diamètre excède ce chiffre.
Les études anatomiques
ont mis en évidence la proximité entre les collecteurs lymphatiques
pancréatiques et le canal thoracique et ont montré la précocité de
l’envahissement lymphatique à ce niveau.
Lorsqu’une récidive
ganglionnaire survient lors du suivi du malade, elle est
exceptionnellement isolée ; elle s’accompagne dans près de 80 % des
cas d’une atteinte hépatique, dans plus de la moité des cas d’une
carcinose péritonéale, et/ou de métastases pulmonaires et dans un
quart des cas, de métastases osseuses.
L’étendue à donner au curage
ganglionnaire est donc discutée et un curage lymphatique
extensif ne semble actuellement bénéfique que chez les patients
ayant un envahissement ganglionnaire au moment de l’intervention.
Des survies à 5 ans après résection ont été rapportées en cas
d’envahissement ganglionnaire ; la découverte d’adénopathies
positives lors de la laparotomie ne constitue donc pas une contreindication
à l’exérèse.
Plusieurs arguments sont avancés pour
justifier cette attitude : la résection constitue le meilleur des
traitements palliatifs ; l’envahissement ganglionnaire parfois
suspecté lors du bilan préopératoire ne peut être affirmé qu’a
posteriori lors du contrôle histologique et des survies prolongées
sont toujours possibles.
2- Suites opératoires
:
Il y a une indiscutable relation entre l’expérience de l’équipe en
matière de pathologie pancréatique et la qualité des suites
opératoires.
Celles-ci demeurent grevées d’une lourde morbidité,
atteignant 25 à 40 % des cas.
La mortalité s’est considérablement
réduite au cours de ces dernières années, variant de 0 à
10 %. Le taux de réinterventions est cependant faible.
Parmi toutes les complications potentielles, il faut citer :
– les complications septiques qui sont les plus fréquentes.
Leur
fréquence atteint 14 à 35 %. Les abcès intra-abdominaux
sont la plupart du temps traités avec succès par un drainage
percutané placé sous contrôle échographique ou
tomodensitométrique ;
– la fistule pancréatique est particulièrement redoutée.
Sa fréquence
est en moyenne de 12 à 15 %, quel que soit le type
d’anastomose pancréaticodigestive réalisé.
L’intubation de
l’anastomose paraît diminuer la fréquence des fuites
anastomotiques, mais ne met cependant pas à l’abri de cette
complication.
Dans le travail prospectif non contrôlé de Roder et
al, le taux de fistule dans le groupe d’anastomoses intubées
(6,5 %) demeure supérieur au taux de fistule rapporté sans
intubation dans la littérature.
Le traitement de cette fistule relève
le plus souvent d’une prise en charge médicale.
La prévention de
cette complication par l’administration de somatostatine ou de ses
analogues n’est pas clairement établie.
Un travail prospectif récent
de Yeo et al conclut à l’inefficacité de l’octréotide pour prévenir
la survenue de cette complication et pour diminuer la morbidité
générale de l’intervention ;
– la gastroplégie survient avec une fréquence de 10 %.
La
conservation du pylore pourrait réduire la fréquence de la gastroplégie postopératoire, alors que l’extension du curage
lymphatique aurait un effet délétère sur l’apparition de cette
complication.
La stimulation
de la motricité et de la vidange gastrique par l’érythromycine a été
bien établie et peut être un
traitement utile en cas de survenue de cette complication ;
– les hémorragies digestives ou intrapéritonéales surviennent dans
6 à 17 % des cas. Leur origine est généralement anastomotique gastrojéjunale.
La réintervention est nécessaire dans 50 à 75 % des
cas, l’artériographie coeliomésentérique avec perfusion de
vasopressine ou de somatostatine ne permettant qu’inconstamment
l’arrêt du saignement.
La réalisation d’une vagotomie
complémentaire lors de la résection tumorale ne diminue pas le
risque hémorragique.
– d’autres complications générales (cardiaques, hépatiques, pleurales, etc) ou locales (pancréatite aiguë du pancréas restant, fistules
digestives ou biliaires, etc) surviennent avec une fréquence
variable, contribuant à élever la morbidité de l’intervention.
La totalisation de principe de la pancréatectomie, dont la
morbidité et la mortalité postopératoires sont importantes, ne semble
pas avoir de bénéfices pronostiques. Elle est uniquement justifiée :
– en cas de lésions multifocales ou diffuses (3 à 38 % des cas) ;
– lorsque l’examen anatomopathologique extemporané de la tranche
de section pancréatique lors d’une exérèse segmentaire programmée
révèle un envahissement tumoral ;
– éventuellement chez un sujet ayant déjà un diabète
insulinodépendant.
3- Résultats
:
Le taux de résécabilité des tumeurs pancréatiques céphaliques
avoisine 20 % ; celui des tumeurs caudales ou corporéocaudales est
moindre.
Les manifestations cliniques sont tardives pour ces
tumeurs et l’évolution locale de la lésion au moment de la
laparotomie rend plus aléatoire la réalisation d’une splénopancréatectomie gauche.
Les résultats de l’exérèse des adénocarcinomes du pancréas incitent
à l’humilité tant ils sont décevants ; la résection tumorale devrait,
selon Conlon et al, n’être considérée que comme le meilleur
traitement palliatif.
La médiane de survie après résection varie de 12 à 18 mois.
Le taux
de survie actuarielle à 5 ans après résection à visée curative atteint
20 à 25% ; il est très supérieur à celui de la survie directe, évalué
à 5 ou 10%.
Parmi les facteurs pronostiques prédictifs de la survie, l’atteinte
ganglionnaire semble déterminante, de même que le caractère
complet de la résection.
D’autres facteurs influencent la survie, tels
le volume tumoral, les envahissements vasculaires et périnerveux, l’indifférenciation cellulaire, l’aneuploïdie
tumorale, la quantité de sang transfusé dans la période périopératoire.
B - TRAITEMENT CHIRURGICAL
ET INSTRUMENTAL PALLIATIF
:
Pour la plupart des malades, le traitement de la tumeur
pancréatique n’est que palliatif et symptomatique.
– Le traitement de l’ictère néoplasique fait appel à la mise en place
d’une prothèse biliaire par voie transhépatique ou endoscopique, ou
à la dérivation biliaire chirurgicale.
La disparition rapide du prurit
puis de l’ictère ne modifie pas la survie mais améliore le confort et
la qualité de vie des malades.
En l’absence de sténose digestive, la
voie endoscopique est le plus généralement choisie du fait de sa
morbidité et de sa mortalité moindres.
La mise en place de
prothèses biliaires à travers l’orifice papillaire est réalisée depuis
1980.
L’utilisation plus récente de prothèses métalliques a permis
de diminuer les complications secondaires liées à l’obstruction, au
déplacement ou à l’infection.
Plus récemment, le traitement palliatif
par endoprothèse s’est étendu à l’obstruction duodénale lorsqu’il
existe des symptômes d’obstruction digestive haute.
Les séries
rapportées comportent encore un nombre trop limité de malades
pour apprécier de façon objective les complications.
En cas de
survie prolongée, l’avantage de ces traitements non chirurgicaux
n’est pas parfaitement établi ; ils paraissent toutefois bien
indiqués en cas de métastases péritonéales.
L’intérêt de la résection
pancréatique palliative reste à prouver.
Lorsqu’elle est réalisée chirurgicalement, l’anastomose biliaire doit porter sur la voie biliaire
principale et s’associer à une dérivation gastrique.
– L’obstruction duodénale survient chez 10 à 20 % des patients ayant
une tumeur non résécable.
Une étude prospective contrôlée a
confirmé l’intérêt, en cas de laparotomie, à réaliser, même en
l’absence de sténose duodénale, une dérivation digestive en
complément de la dérivation biliaire.
Les modalités techniques
de cette gastroentéroanastomose sont discutées ; le siège précolique
de l’anastomose réduit le risque d’envahissement secondaire par la
tumeur au prix d’un fonctionnement moins physiologique que celui
de l’anastomose transmésocolique, mieux tolérée.
La mise en place
par voie endoscopique ou sous contrôle radiologique de prothèse
métallique est une nouvelle option thérapeutique dont la place
précise reste à déterminer.
– La prise en charge de la douleur est essentielle et indissociable des
autres thérapeutiques.
Trente à 40 % des patients présentent des
douleurs au moment du diagnostic ; la majorité d’entre eux s’en
plaindront au cours de l’évolution.
Les antalgiques sont utilisés de
façon graduelle en fonction de l’évaluation clinique ; le recours aux
morphiniques est fréquent.
Une autre alternative est l’alcoolisation
des nerfs splanchniques, soit par voie percutanée guidée par
échographie ou par tomodensitométrie, soit sous échoendoscopie
par voie transgastrique.
Cette technique permet une sédation
douloureuse dans près de 80 % des cas, mais n’est pas dénuée de
complications : une hypotension transitoire, des hématuries, des
complications neurologiques, la survenue d’une incontinence
urinaire ou anale ayant été décrites.
Lorsqu’une laparotomie
exploratrice est indiquée, la réalisation d’une splanchnicectomie
transhiatale est un geste techniquement simple qu’il faut toujours
discuter ; elle complète utilement les dérivations bilio- et
gastrodigestives réalisées.
La radiothérapie externe dans un but antalgique peut aussi être
intéressante, mais son délai d’action est variable.
La survie après simple laparotomie avoisine 3 mois et demi; elle
atteint 8 à 9 mois environ lorsqu’une dérivation chirurgicale a été
réalisée.
De tels résultats incitent évidemment à rechercher des
traitements adjuvants ou néoadjuvants susceptibles de modifier ces
résultats.
C - CHIMIOTHÉRAPIE
:
Elle est palliative pour les formes métastatiques où le pronostic
spontané est en moyenne de 2 à 3 mois si l’état général du patient le
permet (selon l’Organisation mondiale de la santé, inférieur à 2
mois).
Trois études contrôlées comparant la chimiothérapie à un bras
contrôle ne recevant que des soins palliatifs ont montré un bénéfice
significatif sur la survie de l’ordre de 4 mois, avec une
amélioration de la qualité de vie.
Pour les formes localement avancées où le pronostic spontané est de
l’ordre de 6 à 8 mois, la chimiothérapie a pour but d’obtenir un
contrôle local optimal et de prévenir l’évolution métastatique.
La chimiothérapie peut aussi être néoadjuvante ou adjuvante à la
chirurgie.
La chimiorésistance de l’adénocarcinome est multifactorielle (gène
MRD, glutathion-s-transférase) ; peu de drogues évaluées ces
dernières années ont donné un taux de réponse objective supérieur
à 15%, tant en mono- qu’en polychimiothérapie.
L’appréciation
de cette réponse est souvent sous-estimée par l’importante réaction
fibreuse desmoplastique entourant ces tumeurs.
Des études
récentes ont toutefois souligné le bénéfice observé sur la
symptomatologie douloureuse, l’état général et la qualité de vie.
1- Monochimiothérapies
:
Elles sont peu actives.
Le 5-fluoro-uracile (5-FU) a été testé dans de nombreux essais et
reste encore la chimiothérapie de référence.
La dose utilisée en
monothérapie est comprise entre 400 et 500 mg/m2 de j1 à j5 en
perfusions courtes, associée le plus souvent à l’acide folinique.
Le taux de réponse objective est compris entre 7 et 16 % et les
médianes de survie sont courtes, comprises entre 3,5 et 6 mois.
La mitomycine C est la drogue paraissant la plus efficace après le
5-FU en monochimiothérapie, mais son utilisation est limitée par
sa toxicité (survenue d’une insuffisance médullaire progressive,
syndrome hémolytique et urémique, atteinte rénale).
Les nitroso-urées dont la streptozotocine ont été abandonnés en
raison d’une toxicité importante, en particulier rénale, pour une
réponse objective inférieure à 11 %.
D’autres produits se sont révélés plus marginaux parmi lesquels les anthracyclines, l’ifosfamide.
Les dérivés du platine sont en revanche, plus intéressants, avec 17 %
de réponses objectives.
Le cisplatine est l’un des médicaments
ayant la plus forte activité en monothérapie dans les cancers du
pancréas mais au prix d’une plus forte toxicité (rénale).
Depuis 1990, de nouvelles drogues sont disponibles et ont fait l’objet
de nombreuses études de phase II.
Parmi elles, seule la gemcitabine paraît avoir une efficacité, bien que le taux de réponse
objective reste faible : 6 à 11 %.
Il s’agit d’un analogue
nucléotidique (2’2’-difluorodésoxycytidine) proche de la cytosine arabinoside dont la toxicité essentiellement hématologique est faible
(25 % de neutropénies, moins de 5 % d’arrêt de traitement pour
toxicité).
Dans une étude de phase III la comparant au 5-FU seul,
24 % des patients ont eu un bénéfice clinique contre 5 % dans le bras
5-FU avec une médiane de survie discrètement augmentée.
Plusieurs essais ont confirmé son efficacité en première et deuxième
ligne de traitement avec une supériorité par rapport au 5-FU.
Un
algorithme de mesure du bénéfice clinique (douleur, état général) a
permis de confirmer l’amélioration des symptômes fréquemment
retrouvés chez les patients et surtout le fait qu’il existe une
corrélation entre le bénéfice clinique et la survie globale.
L’administration optimale de la gemcitabine est en perfusion
continue à la dose de 1 500 mg/m2 au rythme de 10 mg/m2/min,
soit en 2 heures et 30 minutes, celle-ci permettant les meilleures
réponses objectives : 16,6 %, et les meilleures survies à 1 an : 22%.
Ainsi, ces résultats palliatifs encourageants font maintenant de la gemcitabine
une chimiothérapie de référence dans les cancers du pancréas
localement avancés ou métastatiques.
2- Polychimiothérapies
:
De très nombreuses études randomisées ont été réalisées, dont
beaucoup comportaient du 5-FU.
Les comparaisons de ces
associations entre elles et avec le 5-FU seul n’ont apporté que des
résultats peu encourageants ou discordants.
L’analyse de la
littérature est toutefois difficile en raison d’une grande disparité
dans la sélection des patients selon les périodes.
L’association 5-FU/cisplatine est synergique et permet une
amélioration de la réponse objective (16 %), une augmentation de la
survie sans progression (19 % versus 6 % à 6 mois) et un doublement
du taux de survie à 1 an.
La toxicité majorée par le cisplatine
reste un écueil (43 % de grade 3-4) bien que celle-ci semble diminuée
par l’association d’acide folinique au 5-FU.
Ces bons résultats
semblent également s’accompagner d’une amélioration de la qualité
de vie.
L’association 5-FU/gemcitabine synergique permet d’obtenir 17,5 %
de réponse objective, un bénéfice clinique dans 45,5 % des cas, une
médiane de survie de 9 mois.
La toxicité limitante est
hématologique avec 22 % de neutropénie grade 3-4 et une alopécie
constante.
La dose recommandée de gemcitabine est de
900 mg/m2/semaine en perfusion de 30 minutes associée à une
perfusion continue de 5-FU à la dose de 200 mg/m2/j.
L’association gemcitabine/cisplatine a été étudiée dans trois études
de phase II dont une randomisée la comparant à la gemcitabine en
monothérapie.
Elle accroît significativement le taux de réponse (11 à
36 %), la survie sans progression pour une qualité de vie identique
avec une toxicité majorée (19 % de neutropénies contre 11 % pour la gemcitabine seule) et une médiane de survie de 8 mois.
D’autres polychimiothérapies sont en cours d’évaluation : les essais
d’association avec la gemcitabine sont nombreux : gemcitabine/oxaliplatine, gemcitabine/épirubicine, gemcitabine/
5-FU/épiadriamycine/cisplatine, avec un taux de réponse allant
jusqu’à 69 %.
De nouvelles drogues sont également à l’étude, seules ou en
associations : le docétaxel qui, malgré sa toxicité hématologique,
semble apporter un bénéfice clinique avec 6 à 17% de réponse
objective.
L’irinotécan a permis d’obtenir 9 % de réponse objective
avec une très bonne tolérance.
On peut considérer aujourd’hui deux schémas de chimiothérapie
validés, gemcitabine et 5-FU/cisplatine, ayant démontré leur
supériorité sur le 5-FU en monothérapie.
D - RADIOTHÉRAPIE
:
Elle fait appel à des photons de très haute énergie ou à la neutronthérapie.
Elle a un effet palliatif dans 40 à 50 % des cas pour
les douleurs et dans 20 à 30 % pour les complications obstructives.
Des doses élevées sont nécessaires (50 à 60 Gy), proches du seuil de
tolérance de la région coeliopancréatique.
Peu d’études ont rapporté
les résultats de la radiothérapie externe exclusive dans les cancers
avancés du pancréas, résultats qui sont décevants.
E - TRAITEMENTS COMBINÉS ET ADJUVANTS
:
1- Radiochimiothérapie palliative
:
L’association synergique de la radiothérapie et de la chimiothérapie
administrées de manière concomitante apporte un bénéfice en survie
démontré dès les premières études.
Toutefois, le confort de survie
des patients était médiocre avec une toxicité importante.
C’est en 1981 que le Gastrointestinal Tumor Study Group a publié
les résultats d’un essai évoquant l’efficacité de la radiochimiothérapie
en split-course avec du 5-FU.
La médiane de survie était
significativement inférieure dans le groupe traité par radiothérapie
seule, la survie globale était doublée dans le groupe radiothérapie
60 Gy (split-course) associée à la chimiothérapie par 5-FU.
Comparé à la polychimiothérapie, le traitement combiné est
également supérieur en termes de survie.
On peut donc considérer la radiochimiothérapie comme un bon
traitement palliatif pour les formes localement avancées.
Ces
traitements utilisent à l’heure actuelle préférentiellement le 5-FU en
continu à la dose de 250 mg/m2/j, 7 jours sur 7, associé à une
radiothérapie de 60 Gy avec une toxicité acceptable.
La médiane de
survie est de 12 mois avec 19 % de survivants à 2 ans.
Des réponses complètes ont été observées dans certaines études.
Certains auteurs ont ainsi rapporté la possibilité de réséquer parfois
des tumeurs jugées non résécables avant radiochimiothérapie.
Cette attitude reste toutefois à valider.
De nouveaux traitements combinés sont en cours d’évaluation,
utilisant le cisplatine, le Taxolt, la gemcitabine.
2- Traitements adjuvants
:
La résection chirurgicale à visée curative n’est réalisée que chez 10 %
des malades environ, avec une survie médiane de l’ordre de 12 mois.
Ce pronostic sombre, émaillé de fréquentes rechutes locales et
métastatiques, a conduit à l’étude de traitements adjuvants.
La chimiothérapie adjuvante sans radiothérapie n’a pas d’intérêt
étant donné les mauvais résultats rapportés.
La radiothérapie externe adjuvante et l’irradiation peropératoire
n’ont pas fait l’objet d’étude contrôlée.
La délivrance d’une dose
d’électrons de 15 à 20 Gy sur le lit d’exérèse en cours d’intervention
améliore le contrôle local et la survie sans rechute.
La radiochimiothérapie adjuvante s’est révélée bénéfique dès les
années 1980 en améliorant la survie après chirurgie : le 5-FU
continu était combiné à la radiothérapie (20 Gy en deux séries).
Malgré un bénéfice retrouvé de façon irrégulière selon les études,
elle offre un avantage certain en termes de contrôle local, plus
modeste sur la survie.
Beaucoup de patients rechutent au niveau de
la cavité péritonéale ou du foie.
La plupart des études ne comportent pas cependant de schéma
thérapeutique optimal : l’utilisation du 5-FU doit se faire en continu,
la radiothérapie (45 à 60 Gy) doit être administrée sans interruption
en 5 à 6 semaines.
Un essai de l’European Study Group For
Pancreatic
Cancer s’est terminé récemment et a testé, sur
380 patients, différentes combinaisons de radiochimiothérapie avec
5-FU/acide folinique après le geste opératoire, comparées à la
chirurgie seule.
Le cisplatine peut être rajouté en bolus la première et la cinquième
semaine de radiothérapie.
Des études sont en cours associant la gemcitabine au 5-FU en perfusion continue avec une radiothérapie
de 50 Gy en 28 fractions.
La réalisation d’un traitement adjuvant postopératoire n’est pourtant
pas toujours possible :
– en raison d’une altération de l’état général, près de 25 % des
patients ne peuvent pas recevoir le traitement prévu ;
– du fait de la morbidité de la chirurgie imposant souvent un délai
supérieur à 10 semaines pendant lequel les cellules tumorales
peuvent proliférer.
Ces arguments plaident en faveur d’un traitement adjuvant
préopératoire ou néoadjuvant :
– il permet de limiter le risque de dissémination peropératoire ;
– la radiothérapie est plus efficace sur des tissus intacts, bien
oxygénés ;
– ce traitement permet d’éviter une exérèse inutile aux patients se
révélant rapidement métastatiques (25 % des cas) ;
– enfin, il paraît possible d’observer dans certains cas la régression
partielle d’une tumeur non opérable, la rendant secondairement résécable (down-staging).
Plusieurs études de phase II ont apprécié la réalisation de ce
traitement néoadjuvant.
Sa tolérance est bonne, il n’entraîne pas de
morbidité compromettant l’indication chirurgicale et ne complique pas les suites
opératoires.
Ce nouveau concept doit être confirmé
en phase III, mais il est d’ores et déjà prometteur comme en
témoigne l’expérience des séries nord-américaines dans lesquelles
plusieurs schémas ont été utilisés : radiothérapie de 50 Gy en
28 fractions ou de 30 Gy en dix fractions et du 5-FU continu
concomitant (300 mg/m2/j) ont permis une médiane de survie de
19 mois pour 41 patients opérés sur 91 inclus.
L’association de la radiothérapie au 5-FU et à la mitomycine s’est
révélée aussi efficace avec un taux de survie à 2 ans de 42 %.
Quatorze pour cent des patients jugés non résécables ont pu
bénéficier d’une exérèse curative à l’issue du traitement
néoadjuvant.
Une étude plus récente évaluant l’administration d’un
précurseur oral du 5-FU associé à la radiothérapie simultanée a
retrouvé un taux de résécabilité de 16 % chez des patients jugés
inopérables avant traitement.
La radiochimiothérapie néoadjuvante n’est pas encore à ce jour
validée hors essai thérapeutique.
Elle présente par ailleurs une
difficulté : la nécessité d’obtenir un diagnostic histologique avant
traitement, par ponction cytologique ou biopsie transpariétale ou
guidée sous échoendoscopie.
Le risque d’ensemencement impose
que le trajet de ponction soit dans le champ d’irradiation.
L’irradiation hépatique prophylactique est abandonnée car toxique
et inefficace.
Au total, il n’existe pas à l’heure actuelle de « standard » pour le
traitement non chirurgical des cancers du pancréas.
La radiochimiothérapie des formes localement avancées semble
améliorer la survie.
Dans les formes disséminées où la survie est brève, l’objectif
principal est de préserver l’autonomie et le confort du patient.
En
fonction de l’âge, de l’état général et de la demande du patient, une
chimiothérapie peut être proposée.
En pratique, 2 mois suffisent
pour apprécier la réponse et la tolérance.
Certains malades peuvent
réellement tirer bénéfice du traitement : la qualité de vie est
améliorée dans 36 % des cas dans l’étude de Glimelius, réalisée
sur 90 malades, la médiane de survie étant de 6 mois contre 2 mois
et demi.
Des essais thérapeutiques sont poursuivis afin de déterminer le
meilleur schéma thérapeutique adjuvant de la chirurgie.
F - NOUVEAUX TRAITEMENTS. PERSPECTIVES D’AVENIR
:
La connaissance de la biologie du cancer évolue et permet d’espérer
de nouvelles approches thérapeutiques et de nouvelles cibles
d’interventions.
1- Hormonothérapie
:
Les recherches sur l’hormonothérapie dans les cancers exocrines du
pancréas se fondent sur des études épidémiologiques qui ont montré
une plus grande incidence chez l’homme surtout avant 50 ans, et
sur la mise en évidence dans ces cancers de récepteurs aux
oestrogènes, aux androgènes et à la progestérone.
L’utilisation du tamoxifène (antagoniste des oestrogènes) chez 80 patients semble
augmenter la médiane de survie de 3 à 7 mois.
Toutefois, d’autres
études sont discordantes.
Les analogues de la luteinizing hormone-releasing hormone (LH-RH)
semblent bénéfiques sur la survie.
Une étude prospective randomisée en double aveugle a comparé
l’utilisation d’un inhibiteur des récepteurs androgéniques à un
groupe placebo.
L’analyse des résultats met en évidence un gain de
survie significatif : successivement de 88 % à 6 mois, de 50 % à 1 an
et de 5 % dans le groupe contrôle.
Les hormones stéroïdes ne sont qu’en partie responsables dans la
prolifération cellulaire maligne ; d’autres facteurs influent, comme
l’insulin-like growth factor (IGF-1) et le growth inhibitor somatostatin.
La somatostatine est un tétradécapeptide possédant de nombreuses
propriétés parmi lesquelles l’inhibition des sécrétions hormonales et
de la prolifération cellulaire.
Son effet antiprolifératif est indirect en
inhibant l’angiogenèse, l’activité hormonale et les facteurs de
croissance (epidermal growth factor [EGF], IGF-1) mais aussi direct
sur les cellules néoplasiques.
De nombreuses études ont montré l’efficacité de la somatostatine ou
de ses analogues, seule ou associée au tamoxifène, à la
chimiothérapie.
La somatostatine semble par ailleurs améliorer de
façon synergique les réponses aux autres thérapeutiques.
2- Inhibiteurs de la farnésyl transférase
:
Dans environ 90 % des adénocarcinomes ductulaires, l’oncogène
K-ras est activé par mutation.
Cette mutation est déjà retrouvée dans
les lésions précancéreuses et code pour une protéine intervenant
dans les transmissions mitogéniques.
Celle-ci doit être fixée à la face
interne de la membrane cytoplasmique et a besoin pour cela d’un
groupement farnésyl.
L’utilisation d’inhibiteurs de la farnésylation
peut donc empêcher la fixation de cette protéine à la membrane, la rendant ainsi inactive, ce que tendraient à prouver les
premières études de phase I, avec une tolérance acceptable.
3- Inhibiteurs des métalloprotéinases
:
Les cellules tumorales pancréatiques présentent une intense activité
métalloprotéinase qui favorise leur diffusion au sein de la matrice
extracellulaire.
Des inhibiteurs des métalloprotéinases ont ainsi été
développés et ont fait l’objet d’essais cliniques de phases I, II et III.
Le marismatat a été récemment évalué dans une étude randomisée
et comparé à la gemcitabine.
4- Inhibiteurs de l’angiogenèse
:
Les facteurs angiogéniques jouent un rôle primordial dans la
dissémination tumorale et surtout dans le processus métastatique.
Des essais cliniques sont en cours.
Leur utilisation en néoadjuvant
afin de prévenir la dissémination tumorale semblerait la plus
opportune.
5- Voies de recherche
:
D’autres cibles sont d’ores et déjà à l’étude et semblent
prometteuses.
– Les inhibiteurs du cycle cellulaire : l’activité antiproliférative du Mofarotène est en cours d’évaluation.
– La thérapie génique : l’utilisation de virus vecteurs permettrait
d’augmenter l’expression de la protéine p21WAF-1, puissant
inhibiteur du cycle cellulaire.
– L’immunothérapie par stimulation du système immunitaire vis-àvis
des cellules cancéreuses ou par l’utilisation d’anticorps
monoclonaux est encore à ses débuts.
G -
ALGORITHME DÉCISIONNEL :
Les recommandations rapportées par la Fédération française de
cancérologie digestive en 1999 tendent à subdiviser la démarche
thérapeutique selon trois situations : tumeurs résécables, tumeurs
non résécables non métastatiques et tumeurs métastatiques.
Mais la première étape consiste surtout à apprécier si le patient est
opérable (état physiologique, antécédents, tares viscérales).
L’avis
des anesthésistes-réanimateurs est en ce sens primordial.
Lorsque le patient est jugé opérable, un bilan d’extension et de résécabilité doit être réalisé.
L’utilité de la laparoscopie est discutée
selon les équipes et certaines contre-indications à la résection ne sont
pas consensuelles.
Une discussion pluridisciplinaire est pour cela
toujours nécessaire avant tout geste chirurgical.
Les tumeurs résécables doivent bénéficier d’un traitement
chirurgical seul ou d’une radiochimiothérapie néoadjuvante dans le
cadre d’un protocole.
Les tumeurs non résécables non métastatiques doivent bénéficier, si
l’état général du patient le permet, d’une radiochimiothérapie.
En
cas de mauvais état général, un traitement par gemcitabine doit être
discuté comme alternative au traitement symptomatique.
Les tumeurs métastatiques doivent bénéficier d’une chimiothérapie
chaque fois que celle-ci est possible (gemcitabine ou 5-FU-cisplatine
de façon préférentielle), l’amélioration de l’état général et de la
qualité de vie en sont les objectifs principaux.
L’essai de nouvelles
molécules ou associations ne se conçoit que dans le cadre de
protocoles.
Conclusion
:
Le cancer du pancréas reste donc un drame de pronostic sombre
pouvant toucher n’importe quel adulte d’âge mûr.
La performance de
l’imagerie est malheureusement tributaire de la précocité des
symptômes.
Un bilan d’extension rigoureux est justifié afin de
sélectionner les patients pouvant bénéficier d’une exérèse chirurgicale.
Le traitement doit toujours être conçu dans une optique
pluridisciplinaire.
Des associations thérapeutiques comme la radiochimiothérapie palliative ou adjuvante laissent entrevoir une
amélioration du contrôle local, voire de la survie, avec un effet bénéfique
sur le confort de cette survie.
L’évaluation clinique de l’efficacité du
traitement est un nouveau concept, ramenant le clinicien au lit du
malade.