On réalise une mesure du tonus oculaire (TO) : on
recherche une hypertonie (> 22 mmHg) ou une hypotonie
relative par rapport à l’oeil adelphe (décollement
de rétine, traumatisme perforant).
Il est réalisé après dilatation pupillaire (Tropicamide,
Néosynéphrine) sauf en cas de diagnostic de glaucome
aigu par fermeture de l’angle :
– examen du vitré : Tyndall vitréen inflammatoire,
Tyndall hématique, hémorragie dans le vitré ;
– examen de la rétine : décollement de la rétine, hémorragies,
lésions choriorétiniennes (toxoplasmose, cytomégalovirus…),
oedème maculaire, oedème papillaire, occlusion vasculaire…
L’examen clinique comparatif des deux yeux permet le plus souvent un
diagnostic.
Des examens complémentaires sont cependant parfois nécessaires.
C - Examens complémentaires :
Ils sont guidés par l’examen clinique.
1- Examen du champ visuel :
L’examen du champ visuel se fait :
– par périmétrie cinétique de Goldmann ou périmétrie
statique automatique ;
– à la recherche d’un déficit hémianopsique, un scotome…;
Cet examen a un intérêt particulier en cas de neuropathie,
d’atteinte cérébrale,
2- Angiographie à la fluorescéine :
Cet examen est capital en cas d’anomalie rétinienne
vasculaire (diabète, occlusion…) ou maculopathie.
Le risque allergique est à évaluer avant l’examen. Celuici
permet la recherche d’anomalie circulatoire, anomalie
de perfusion, diffusion anormale…
3- Échographie oculaire (mode B) :
En cas de trouble des milieux empêchant la visualisation
du fond d’oeil, elle permet d’apprécier l’état du cristallin,
du vitré, de la rétine.
4- Radiographies standard
et tomodensitométrie (scanner) :
Elles peuvent être demandées, entre autres, en cas de
traumatisme : lésion osseuse, corps étranger…
5- Électrophysiologie :
Les potentiels évoqués visuels (PEV) étudient la
conduction au niveau des voies optiques.
Ils sont particulièrement
intéressants en cas de suspicion de névrite
optique rétrobulbaire (NORB), de lésions centrales.
6- Autres examens
:
Doppler des vaisseaux du cou, imagerie par résonance
magnétique (IRM)… constituent les autres examens à
réaliser en fonction du contexte.
Au terme de l’ensemble des données recueillies par
l’interrogatoire, l’examen clinique et les examens complémentaires,
le diagnostic de la baisse de l’acuité
visuelle est le plus souvent connu.
Étiologie
:
A -
Baisses de l’acuité visuelle unilatérales
sur un oeil blanc, non douloureux
:
Le segment antérieur est alors normal.
Il s’agit d’une
lésion située au niveau du vitré, de la rétine ou du nerf
optique.
1- Hémorragie intravitréenne :
La baisse de l’acuité visuelle est provoquée par l’épanchement
sanguin développé dans la cavité vitréenne.
Les signes fonctionnels sont variables : de simples
mouches volantes jusqu’à une baisse d’acuité importante
limitée à des perceptions lumineuses.
Le patient peut
décrire une sensation de « pluie de suie ».
L’oeil est calme, non douloureux, non rouge.
On recherche une pathologie rétinienne et en particulier
une déchirure de la rétine qui peut alors se compliquer
d’un décollement de rétine.
L’hémorragie intravitréenne
(HIV) peut également être secondaire à une rétinopathie
proliférante liée à une ischémie rétinienne chronique ;
on recherche un diabète, une occlusion de la veine centrale
de la rétine, une maladie d’Eales et, plus rarement,
une drépanocytose, une thalassémie, une vascularite.
Enfin, plus rarement, les tumeurs, les angiomatoses, et
certaines hémopathies peuvent provoquer une hémorragie intravitréenne.
En cas d’hémorragie importante, l’échographie en mode
B permet de diagnostiquer un décollement du vitré ou
un décollement de rétine.
2- Inflammation du vitré (hyalite) :
Il s’agit le plus souvent d’une réaction inflammatoire
secondaire à une pathologie infectieuse ou inflammatoire
rétinienne (toxoplasmose…).
La baisse de l’acuité visuelle
est proportionnelle à l’importance du Tyndall vitréen.
3- Occlusions vasculaires :
• Oblitération de l’artère centrale de la rétine ou de
l’une de ses branches : classiquement, la baisse de
l’acuité visuelle est brutale et majeure, le patient pouvant
ne plus percevoir la lumière.
L’oeil est blanc, indolore.
Le réflexe photomoteur est aboli.
Le diagnostic est
fait à l’examen du fond d’oeil qui est caractéristique : les
artères sont grêles, filiformes, la rétine est pâle, ischémique, oedématiée dans laquelle se détache la macula
dont l’aspect rouge cerise est typique.
L’angiographie montre un défaut de perfusion franc.
La réalisation de la mesure de la vitesse de sédimentation
en urgence est nécessaire pour la recherche d’arguments
en faveur d’une maladie de Horton ; le traitement
(corticothérapie) doit alors être institué sans délai.
Les autres causes sont : l’hypertension artérielle, le diabète,
les embolies (plaque athéromateuse carotidienne,
cardiopathies emboligènes) les thromboses (artérites
inflammatoires, artérites dégénératives : artériosclérose),
les anomalies de la coagulation, les spasmes artériels.
Le bilan est essentiellement à visée vasculaire.
Le pronostic visuel est très sombre.
• Oblitération de la veine centrale de la rétine ou de
l’une de ses branches : le patient décrit une baisse de
l’acuité visuelle rapidement progressive qui peut laisser
une acuité visuelle résiduelle de quelques dixièmes.
L’oeil est également blanc et indolore.
L’examen du fond d’oeil montre des hémorragies rétiniennes
allant jusqu’en périphérie rétinienne, des veines
dilatées et tortueuses, un oedème papillo-rétinien majeur
et parfois des nodules cotonneux (forme ischémique).
La forme oedémateuse est la plus fréquente.
L’acuité
visuelle peut se maintenir à plusieurs dixièmes.
Le
risque est l’évolution à la forme ischémique.
La forme ischémique est beaucoup moins fréquente mais
présente un tableau plus grave avec baisse de l’acuité
visuelle sévère et pronostic sombre avec un risque
important d’évolution vers un glaucome néovasculaire.
L’artériosclérose est la cause principale de cette pathologie.
Les autres causes sont les syndromes d’hyperviscosité
plasmatique, les troubles de la crase sanguine,
les pathologies des parois veineuses (lupus, Behçet).
• Neuropathie optique ischémique antérieure aiguë :
la baisse de l’acuité visuelle est brutale et souvent sévère.
Elle est liée à l’atteinte des fibres visuelles détruites par
l’ischémie (occlusion d’une artère ciliaire irriguant la
tête du nerf optique).
Cliniquement, il existe une amputation
du champ visuel en secteur, le plus souvent altitudinal
et intéressant une partie de l’aire maculaire.
L’examen du fond d’oeil met en évidence un oedème
papillaire en secteur ou total, associé parfois à quelques
hémorragies en regard.
La maladie de Horton doit être évoquée systématiquement
; la vitesse de sédimentation est donc demandée en
urgence, une corticothérapie est instaurée au moindre
doute et une biopsie de l’artère temporale devra être
faite.
En pratique, l’atteinte est souvent liée à un terrain
vasculaire précaire (artériosclérose, hypertension artérielle,
diabète) ; le bilan sera donc en conséquence.
4- Décollement de rétine :
Il correspond à un clivage entre l’épithélium pigmentaire
de la rétine (feuillet externe) et la rétine neuro-sensorielle
ou rétine visuelle (feuillet interne).
Ce clivage est dû au
développement d’une poche liquidienne qui va s’étendre
et entraîner, lorsqu’elle atteint la macula, une chute brutale
de la vision.
Le décollement de la rétine peut être
total. Le point de départ du décollement est un trou ou
une déchirure de la rétine, plus rarement une zone microkystique ou une désinsertion rétinienne.
Pour se
réaliser, il nécessite obligatoirement un décollement au
moins partiel du vitré.
Les signes fonctionnels sont des phosphènes (éclairs),
des myodésopsies (mouches volantes), un voile noir
(amputation progressive du champ visuel) et une baisse
de l’acuité visuelle quand la macula est soulevée.
L’examen du fond d’oeil fait le diagnostic.
La myopie, l’aphakie (absence de cristallin), la pseudophakie
(cristallin artificiel après chirurgie de la cataracte)
et les traumatismes oculaires sont les facteurs de risque
principaux.
5- Hémorragie maculaire compliquant
une dégénérescence maculaire liée à l’âge)
:
L’existence d’une membrane de néovaisseaux choroïdiens
sous-rétiniens dans le cadre des dégénérescences
maculaires liées à l’âge (DMLA), exsudatives, peut être
à l’origine d’une hémorragie siégeant sous l’aire maculaire.
Cette hémorragie crée une baisse de l’acuité
visuelle importante surajoutée à une acuité visuelle souvent
altérée par la maladie initiale.
6- Maculopathies :
Toute lésion atteignant la macula peut entraîner une baisse
de l’acuité visuelle (scotome central), des métamorphopsies
(déformation des objets).
Ces lésions peuvent être
dégénératives (dégénérescence maculaire liée à l’âge),
infectieuses (choriorétinite toxoplasmique, rétinite à cytomégalovirus),
microvasculaires (diabète…), tumorales
(mélanome choroïdien), traumatiques (cf. plus loin).
La choriorétinopathie séreuse centrale est une bulle de
soulèvement du neuroépithélium intéressant le plus souvent
la région maculaire.
L’évolution classique est la
guérison spontanée en quelques semaines.
L’examen du fond d’oeil et les examens appropriés (dont
l’angiographie à la fluorescéine) permettent le plus souvent
le diagnostic.
7- Neuropathie optique rétrobulbaire :
La baisse de l’acuité visuelle est rapide, associée à un
scotome central.
L’examen clinique est « normal » (oeil
blanc, non douloureux, fond d’oeil normal).
L’étude des
potentiels évoqués visuels (PEV) montre une altération
de la conduction au niveau des voies optiques.
Une douleur à la mobilisation du globe signe le caractère
inflammatoire de l’atteinte.
L’étiologie est dominée par la sclérose en plaques chez
l’adulte jeune et par l’intoxication alcoolo-tabagique.
B - Baisses de l’acuité visuelle unilatérales
sur un oeil douloureux :
1- Glaucome aigu par fermeture de l’angle :
Il s’agit d’un phénomène brutal consécutif au blocage
de la circulation de l’humeur aqueuse depuis la chambre
postérieure vers la chambre antérieure.
L’accolement
entre la face postérieure de l’iris et la face antérieure du
cristallin bloque l’humeur aqueuse dans la chambre postérieure
ce qui entraîne un déplacement antérieur de la
racine de l’iris et une fermeture de l’angle irido-cornéen.
La crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle
(GFA) survient sur un oeil anatomiquement prédisposé
(hypermétrope).
Les signes cliniques sont une baisse de l’acuité visuelle,
des douleurs très intenses, une buée de cornée, une semi-mydriase aréflexique, une rougeur oculaire (cercle
périkératique) et une hypertonie oculaire majeure
(40, 50 voire 60 mmHg).
C’est une urgence ophtalmologique : un traitement hypotonisant
par voie générale acétazolamide
(Diamox), mannitol et local (hypotonisant, myotique)
ainsi que des antalgiques sont prescrits avant la réalisation
d’une iridotomie au laser YAG (ou d’une iridectomie
chirurgicale si le laser est impossible).
Le traitement préventif de l’oeil adelphe est systématique
(iridotomie).
2- Uvéite antérieure :
C’est une inflammation de l’une ou des différentes composantes
de l’uvée antérieure : l’iris (iritis), le corps
ciliaire (cyclite) ou l’ensemble (iridocyclite).
L’oeil est
rouge et douloureux, la baisse de l’acuité visuelle est
d’intensité variable associée à une photophobie et un
larmoiement.
Les signes sont une hyperhémie conjonctivale
et irienne, un Tyndall de l’humeur aqueuse, des précipités rétrodescemétiques, une pupille en myosis.
On
peut parfois observer un hypopyon.
Les complications
sont l’apparition de synéchies irido-cristalliniennes, une
hypertonie oculaire, une cataracte.
Les principales causes sont les spondylarthropathies, les
maladies de système (sarcoïdose, lupus), les maladies
infectieuses – herpès, virus varicelle-zona (VZV),
syphilis, la maladie de Behçet, la cyclite hétérochromique
de Fuchs.
Le bilan minimal comprend : numération formule sanguine
(NFS), vitesse de sédimentation (VS), plaquettes,
sérologie syphilitique, typage HLA (human leucocyte
antigen), radiographie de thorax, dosage de l’enzyme de
conversion de l’angiotensinogène (ECA), intradermoréaction
(IDR) à la tuberculine.
3- Kératite :
• Les kératites aiguës superficielles sont à l’origine de
douleurs, photophobie, larmoiement et baisse de l’acuité
visuelle d’intensité variable. L’examen montre des altérations
superficielles de la cornée (test à la fluorescéine
en lumière bleu).
Contrairement à la crise de glaucome
aigu par fermeture de l’angle, la cornée reste claire, le
réflexe photomoteur est conservé.
En dehors des kératites traumatiques très fréquentes,
l’étiologie est dominée par les atteintes virales et en particulier
l’herpès (kératite dendritique caractéristique),
l’adénovirus (kératoconjonctivite).
• Les kératites stromales (disciformes et interstitielles)
sont souvent d’origine herpétique.
B - Baisses de l’acuité bilatérales :
1- Neuropathie optique :
Que la cause soit vasculaire, tumorale, toxique ou
inflammatoire, l’atteinte bilatérale simultanée des deux
nerfs optiques est rare.
On doit rechercher particulièrement
une cause toxique (intoxication alcoolo-tabagique).
2- Lésions chiasmatiques :
Une compression tumorale, une pathologie vasculaire
anévrismale ou encore un traumatisme peuvent être à
l’origine d’une lésion du chiasma responsable d’une
hémianopsie bitemporale avec baisse d’acuité visuelle.
Le scanner crânien voire l’imagerie par résonance
magnétique est utile au diagnostic précis de la lésion.
3- Lésions rétrochiasmatiques :
Le déficit du champ visuel associé à la baisse de l’acuité
visuelle est de type hémianopsie latérale homonyme.
Les causes vasculaires sont les plus fréquentes. Le scanner
crânien est également nécessaire.
4- Cécité corticale :
C’est une atteinte exceptionnelle.
C - Baisses de l’acuité visuelle
post-traumatiques
:
Tous les traumatismes oculaires peuvent engendrer une
baisse de l’acuité visuelle d’importance variable.
Le
pronostic toujours réservé initialement est fonction de la
structure oculaire lésée.
Ici, le contexte de la baisse de l’acuité visuelle est évident.
L’examen clinique s’attache à faire le bilan le plus
précis des lésions oculaires.
1- Traumatismes bénins :
• Érosion cornéenne post-traumatique : elle peut être
provoquée par une branche d’arbre, un coup d’ongle.
La
lésion est superficielle.
Le test à la fluorescéine permet
de visualiser l’irritation épithéliale ; le traitement est
symptomatique.
• Corps étranger conjonctival ou cornéen : l’ablation
soigneuse, sous anesthésie topique, du corps étranger
repéré au biomicroscope permet de traiter le patient.
Il faut savoir rechercher systématiquement un corps
étranger sous-palpébral.
2- Traumatismes graves :
• Traumatismes non perforants ou contusions, très
fréquents : balle de tennis, bouchons de champagne,
coup de poing…
Le traumatisme peut intéresser :
– le segment antérieur : ulcération de cornée, oedème de
cornée, hyphéma (épanchement sanguin dans la
chambre antérieure), iridodialyse (désinsertion de la
racine de l’iris), luxation du cristallin, hypertonie oculaire
;
– le segment postérieur : hémorragie dans le vitré,
hémorragie rétinienne, oedème rétinien (oedème de
Berlin lorsqu’il intéresse la macula), décollement de
rétine, hématome choroïdien.
• Traumatismes perforants : une plaie du globe avec
ou sans corps étranger intra-oculaire doit être systématiquement
évoquée devant tout traumatisé oculaire.
On recherche : une hypotonie oculaire, une plaie des
différentes structures (cornée, iris, cristallin, sclère), le corps étranger éventuel.
On s’aidera facilement
d’examen d’imagerie comme les radiographies standard
des orbites (pour les corps étrangers radio-opaques) ou,
mieux, le scanner orbitaire.
La prise en charge doit être réalisée en milieu spécialisé.
• Traumatismes du nerf optique, rares mais souvent
très graves : avulsion ou arrachement du nerf optique
(NO), compression de celui-ci (oedème, hématome,
fragment osseux), sidération.
3- Projections oculaires et brûlures :
• Les brûlures chimiques par bases sont les plus
graves ; leur pronostic peut être redoutable, les conséquences
pouvant aller jusqu’à la fonte purulente du
globe.
Les brûlures par acide entraînent une nécrose
brutale de l’épithélium cornéen qui empêche généralement
la pénétration plus en avant du produit.
Le rinçage abondant est le geste le plus urgent à réaliser
sur les lieux même de l’accident.
• Les brûlures thermiques par flamme ou par contact
(cigarette, métal en fusion) sont responsables d’atteintes
généralement superficielles.
• Les brûlures par radiation : « ophtalmie des neiges »
par les ultraviolets et « coup d’arc ».
L’atteinte est également
superficielle.
La récupération de l’acuité visuelle
est parallèle à la disparition des douleurs lors de la cicatrisation
épithéliale.