Allogreffes de cellules souches hématopoïétiques dans les hémopathies malignes et les aplasies médullaires : réalisation et complications Cours
d'hématologie
Introduction
:
L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) constitue
un traitement curatif dans les hémopathies malignes et dans
certaines maladies non malignes de la moelle osseuse ou du système
immunitaire (notamment les aplasies médullaires, les
hémoglobinopathies, les déficits immunitaires congénitaux).
Dans les hémopathies malignes, l’allogreffe a pour but d’éradiquer un
clone malin ; dans les autres cas, il s’agit schématiquement de
remplacer une moelle déficiente par une moelle fonctionnelle.
La réalisation d’une allogreffe implique l’administration d’un
conditionnement qui permet :
– l’immunosuppression de l’hôte nécessaire à la prise de greffon et
à la prévention du rejet de greffe ;
– la destruction des cellules hématopoïétiques de l’hôte, visant à
supprimer un clone malin potentiel et éventuellement à assurer la
« vacuité » médullaire.
La greffe de CSH peut s’accompagner de réactions immunologiques
dues à la disparité des groupes tissulaires entre le donneur et le receveur : il s’agit principalement de la réaction du greffon contre
l’hôte (GVHD : graft versus host disease) et du rejet de greffe (réaction
de l’hôte contre le greffon [HVG : host versus graft]).
Dans des
conditions habituelles de greffe, la fréquence de la RGCH est
beaucoup plus élevée que celle du rejet.
La GVHD est due à la
reconnaissance d’alloantigènes (majeurs ou mineurs
d’histocompatibilité) du receveur par les lymphocytes T du donneur.
Si l’activation de ces lymphocytes peut provoquer des réactions
délétères au niveau de certains organes cibles du receveur, elle peut
aussi être responsable de la reconnaissance et de la destruction des
cellules tumorales résiduelles du receveur (effet greffon contre
leucémie [GVL (graft versus leukemia)]).
C’est cet effet qui justifie
principalement la réalisation d’allogreffes de CSH dans les
hémopathies malignes.
Le développement de nouvelles techniques et modalités de greffe a
permis d’améliorer la survie des patients et d’étendre les indications
d’allogreffe.
Ainsi, les progrès réalisés dans le domaine du typage
HLA ont eu pour conséquence une amélioration des résultats des
greffes réalisées en situation non apparentée.
Par ailleurs,
l’utilisation de greffons de cellules souches périphériques (CSP) et
de conditionnements non myéloablatifs permet d’envisager de
greffer des patients plus âgés ou plus fragiles.
Le recours à des
greffons de sang placentaire et à des techniques de manipulation ex
vivo du greffon permet d’envisager des greffes chez des patients ne presentant
pas de donneur parfaitement HLA compatible.
Enfin, l'injection de lymphocytes du donneur a prouve son
efficacité dans
le contrôle de certaines rechutes postgreffe.
Principes et
méthodes :
A -
DIFFERENTS TYPES DE GREFFONS :
Un greffon permettant une allogreffe de CSH peut provenir de trois
sources : moelle, sang périphérique ou sang placentaire.
1- Greffon médullaire :
Actuellement, la
majorité des allogreffes est encore réalisée a partir
d'un greffon médullaire.
Les conditions de
prélèvement médullaire
sont relativement stéréotypées.
Le donneur est
prélève sous
anesthésie générale au niveau des crêtes iliaques postérieures et, si
besoin, des crêtes iliaques antérieures et du sternum.
A chaque
aspiration, une faible quantité de moelle (3 a 5 mL) est prélevée.
La
moelle héparinée est ensuite filtrée.
En cours de
prélèvement, un
compte de cellules nucléées sur échantillon permet de calculer un
volume a prélever pour assurer un minimum de 2 a 3.108 cellules
nucléées/kg de poids de receveur.
La moelle est ensuite
transfusée au receveur qui a reçu le
conditionnement de greffe, si besoin après séparation des hématies,
du plasma ou manipulation immunologique du greffon.
Une
incompatibilité érythrocytaire peut poser des problèmes : le
risque encouru est l'hémolyse au moment de la greffe des
cellules du greffon exprimant l'antigène contre lequel sont
diriges des anticorps naturels ou immuns du receveur.
Ce risque
existe donc en cas d'incompatibilité entre le système ABO et en
cas d'alloimmunisation
du receveur dans un autre système de groupe.
Il est
efficacement prévenu par la deserythrocytation du greffon.
Afin
d'éviter le risque de GVHD post-transfusionnelle, tous les produits
sanguins labiles d'un tiers (susceptibles d'être contamines par des
lymphocytes) doivent impérativement être irradies.
2- Greffon de sang périphérique (cellules souches
peripheriques)
:
Un greffon de CSP allogenique peut
être constitue a partir d'un prélèvement sanguin après mobilisation par facteurs de croissance
hematopoietiques.
Par exemple, du granulocyte colony stimulating
factor (G-CSF) (a la dose de 10 µg/kg/j) est administre au donneur
et le recueil de CSP par une a trois cytapherese(s) est commence a partir du 5e
jour d'administration de G-CSF.
Le greffon
ainsi constitue contient en moyenne quatre fois plus de cellules
souches (exprimant l'antigene CD34) et dix fois plus de lymphocytes T qu'un
greffon médullaire.
3- Sang placentaire
:
Les cellules du sang placentaire sont
prélevées a la naissance et
congelées.
Deux techniques de collecte de sang placentaire peuvent
être utilisées.
La
première consiste a prélever le sang de cordon des
le clampage de celui-ci alors que le placenta n'est pas encore expulse ; l'autre consiste a transporter le placenta et a recueillir le
sang placentaire dans un second temps.
La
première technique a l'avantage de donner un prélèvement plus abondant, la seconde est
de réalisation plus facile.
Bien que le nombre de cellules
nucléées soit plus faible dans le sang
placentaire que dans un greffon médullaire, les CSH du sang de
cordon ont des capacités de prolifération et d'expansion plus grandes,
favorisant la prise de greffe.
En outre,
la " naïveté " du système immunitaire pourrait diminuer
l'intensité et la fréquence
de la GVHD.
Ces
propriétés permettent de pratiquer les greffes
dans des situations ou il existe une ou plusieurs différence(s) HLA.
L'utilisation d'un greffon de sang placentaire est cependant
limitée par le poids du receveur : on estime qu'une quantité de 3-107 cellules
nucléées/kg de receveur est nécessaire a ce type de greffe.
Pour cette
raison, les greffes de sang placentaire sont principalement realisees
chez des enfants.
Ces greffes sont
réalisées soit en situation familiale,
soit en situation non apparentée.
B - CHOIX DU DONNEUR :
La plupart des allogreffes sont encore
réalisées a partir de frères ou
de soeurs HLA identiques, mais on assiste depuis ces 10 dernières années a une augmentation importante du nombre de greffes
réalisées a partir d'un donneur non apparente.
Par ailleurs, les
techniques de manipulations ex vivo du greffon permettent de réaliser des
greffes a partir de donneur non HLA identique.
1- Frère ou soeur geno-identique :
Lorsqu'il existe dans la famille du patient un germain HLA
identique (frère ou soeur ayant hérité de ses parents des mêmes antigènes HLA codes par des
gènes situes sur le chromosome 6 que
le receveur), ce donneur est choisi en priorité.
L'identité HLA est
contrôlée pour les antigènes de classe I par des tests
sérologiques,
éventuellement complètes par des techniques de biologie
moléculaire.
L'identité HLA de classe II est
vérifiée par le typage en
biologie moléculaire des antigènes HLA DR, DQ et DP.
L'utilisation
des techniques de biologie moléculaire s'est accompagnée d'une
quasi-disparition des cultures mixtes lymphocytaires.
S'il existe dans
une fratrie plusieurs frères et soeurs HLA identiques avec le patient,
le donneur est choisi en fonction de son statut cytomegalovirus
(CMV) et de facteurs de risque de GVHD (sexe du donneur,
différence de sexe entre le donneur et le receveur, nombre de
grossesses chez la femme donneuse...).
2- Donneur non apparente
:
Trente-cinq pour cent seulement des patients
présentant une indication d'allogreffe ont un donneur HLA identique dans la fratrie.
Pour les patients restants, une allogreffe peut
être envisagée a partir
d'un donneur non apparente : les fichiers de donneurs volontaires
comptaient en 2001 plus de 7 millions de donneurs.
Cependant, les
patients originaires de populations peu représentées dans les fichiers
de donneurs volontaires ont peu de chances de trouver un donneur.
Le pronostic des patients greffes a partir d'un donneur non
apparente dépend de la compatibilité HLA entre donneur et receveur.
En raison
d'une compatibilité HLA moins parfaite qu'en
situation familiale (identité phénotypique et non génotypique), les
greffes réalisées a partir d'un donneur non apparente présentent
classiquement un risque supérieur de GVHD et de rejet. Cependant,
depuis quelques années, la plupart des typages HLA de classe I
(HLA A, B et C) et de classe II (HLA DR, DQ, DP) sont réalises par
des techniques de biologie moléculaire de haute résolution.
La
généralisation de ces techniques permet un meilleur appariement
entre donneur et receveur et une amélioration du taux de survie des
patients.
En cas de greffe parfaitement bien
appariée par des
techniques de biologie moléculaire de haute résolution, (au niveau
des antigènes HLA A, B, C, DR, DQ, DP), le risque de GVHD et le
taux de survie semblent proches de ceux observes après greffe
geno-identique.
3- Donneur familial non HLA identique :
En l'absence de donneur familial geno-identique et de donneur non
apparente, des greffes a partir d'un donneur familial non genoidentique
(semi-identique dans la plupart des cas) peuvent être envisagées dans certains cas.
Dans cette situation, le risque de GVHD et de rejet est majeur,
nécessitant les mises en oeuvre de
techniques particulières :
* pour
prévenir la GVHD : manipulation ex vivo du greffon pour
supprimer les lymphocytes T du donneur ;
* pour
prévenir le rejet : conditionnement alourdi et apport d'un
greffon très riche en cellules souches CD34+.
Ces techniques seront
évoquées plus loin dans le chapitre consacre
a la greffe HLA haplo-identique.
C - CONDITIONNEMENT À LA GREFFE :
1- Conditionnement myéloablatif :
Le conditionnement de greffe myéloablatif obéit théoriquement à
deux objectifs : l’immunosuppression de l’hôte nécessaire à la prise
du greffon, et la destruction de cellules hématopoïétiques de l’hôte
permettant d’assurer la vacuité médullaire hématologique et de
détruire un éventuel clone malin.
Ce conditionnement est donc à la
fois immunosuppresseur et myélotoxique.
La soumission à ces
impératifs n’a pas la même importance selon les indications de la
greffe et selon le degré de compatibilité HLA entre le donneur et le
receveur.
* Techniques
:
+ Irradiation corporelle totale
Le choix des paramètres d’irradiation peut avoir des conséquences
sur l’efficacité de l’irradiation corporelle totale (ICT) en ce qui
concerne son pouvoir de réduction tumorale, son pouvoir
immunosuppresseur et son action au niveau des cellules médullaires
non tumorales.
Ces paramètres (dose totale, nombre de fractions et
débit de dose) ne doivent pas être considérés indépendamment les
uns des autres : pour une même dose délivrée, l’effet biologique
d’une ICT peut varier en fonction du nombre de fractions et du débit
de dose.
En situation standard, et en l’absence de manipulation
médullaire, l’influence des paramètres de l’ICT semble toutefois plus
importante pour les tissus sains que pour les cellules tumorales.
ICT en dose unique.
C’est le schéma proposé initialement par l’équipe du Fred
Hutchinson Cancer Center de Seattle.
La dose totale est de 10 Gy
délivrée en une seule fois au cobalt 60.
Ce schéma d’ICT continue à
être largement utilisé.
Le problème posé par l’ICT en une seule
fraction est celui de sa tolérance immédiate et surtout à long terme.
L’irradiation dure plusieurs heures et est souvent pénible pour le
patient.
Les effets secondaires immédiats sont essentiellement des
troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée), une
hyperthermie, des céphalées, une parotidite et un syndrome sec.
Ils
régressent en quelques heures à quelques jours. Les effets plus
tardifs survenant dans les semaines ou les mois qui suivent la greffe
sont plus préoccupants : il s’agit des pneumopathies interstitielles,
de la maladie veino-occlusive (MVO) du foie, de la cataracte et des
troubles endocriniens.
Plusieurs aménagements des paramètres d’irradiation ont été
proposés pour réduire la toxicité de l’ICT : diminution de la dose,
utilisation d’un faible débit de dose et fractionnement.
Le poumon
étant l’organe critique principal, il est apparu qu’il fallait réduire la
dose à ce niveau.
Cela est possible par la simple interposition de
caches en plomb entre la source d’irradiation et le patient pendant
une partie de l’ICT.
Habituellement, la dose pulmonaire délivrée est
de l’ordre de 8 Gy.
Par ailleurs, en permettant une meilleure
réparation cellulaire, un faible débit de dose assure une protection
relative des tissus.
Or, il est possible, sans problème technique
majeur et sans trop augmenter la durée de la séance d’irradiation,
d’utiliser un débit de dose de l’ordre de 3 cGy/min.
La séance
dure alors de 6 à 8 heures.
Cette technique est adoptée par de
nombreuses équipes et a probablement permis de diminuer
l’incidence des pneumopathies interstitielles. ICT fractionnée.
Le fractionnement de la dose est un autre moyen d’obtenir une
meilleure réparation des lésions sublétales au niveau des tissus
sains, notamment du poumon. Dans ces conditions, le débit de dose
instantané jouerait un rôle moins important.
Plusieurs schémas sont
utilisés, la dose totale étant généralement de l’ordre de 12 Gy,
délivrée en six fractions de 2 Gy sur 3 jours.
Un cache pulmonaire
interposé pendant une partie de l’irradiation permet le plus souvent
de réduire la dose à ce niveau.
Peu d’études randomisées ont été
publiées comparant l’ICT en une seule fraction à l’ICT fractionnée.
Cependant, de nombreux essais non contrôlés semblent
confirmer l’effet bénéfique du fractionnement sur le risque de
pneumopathie interstitielle.
Le risque de MVO paraît également
diminué par ce schéma d’irradiation, de même que les effets
secondaires immédiats ou retardés (cataracte).
Le fractionnement
permet d’augmenter les doses par rapport à l’irradiation en dose
unique, mais la toxicité augmente avec la dose.
Ainsi, dans un essai
randomisé comparant une ICT de 12 Gy en six fractions et une ICT
de 15,75 Gy en sept fractions, la survie sans maladie était identique
dans les deux groupes, mais avec moins de toxicité dans le premier
et moins de rechutes dans le second.
+ Irradiation lymphoïde totale
:
L’irradiation lymphoïde totale (ILT) a une action essentiellement
immunodépressive.
Tous les territoires ganglionnaires et la rate sont
irradiés par deux faisceaux antérieurs et postérieurs opposés, en
protégeant les poumons et le foie.
L’appareil le plus souvent utilisé
est un petit accélérateur délivrant des photons de 6 MeV.
Une dose
totale de 6 Gy fractionnée en trois séances de 2 Gy, ou quatre séances
de 1,5 Gy chez le petit enfant est généralement délivrée.
+ Chimiothérapie
:
Plusieurs types de chimiothérapies peuvent être utilisés dans le
conditionnement à l’allogreffe.
L’ICT peut être remplacée
par le busulfan : la grande majorité des conditionnements associent
un ou plusieurs agents de chimiothérapie à une ICT ou à du
busulfan.
2- Indications
:
* Hémopathies malignes
:
Le conditionnement de référence a longtemps été l’association d’une ICT délivrée en dose unique à 10 Gy et de cyclophosphamide
(60 mg/kg pendant 2 jours).
De nombreuses modulations sont ensuite intervenues pour diminuer la toxicité (en particulier
pulmonaire et hépatique) de cette association radiochimiothérapique
et augmenter son activité antileucémique.
Ces deux impératifs sont
souvent contradictoires. Par ailleurs, des tentatives intéressantes ont
été réalisées, qui visent à substituer le busulfan à forte dose à l’ICT.
+ Conditionnement avec ICT
:
Les diverses modalités d’ICT utilisées dépendent des habitudes et
des possibilités locales des centres de transplantation.
Outre
l’association classique de l’ICT et du cyclophosphamide, d’autres
schémas sont utilisés : la cytarabine (Ara-C) à forte dose a été
associée à l’ICT ou au melphalan et à l’ICT.
De très fortes
doses de cytarabine (jusqu’à 36 g/m2) semblent tolérées, au moins
chez l’enfant, mais il n’est pas prouvé que des doses deux ou trois
fois moins importantes soient moins efficaces.
L’étoposide (VP16) à
forte dose (60 mg/kg) associé à l’ICT a pu paraître plus efficace dans
les leucémies aiguës lymphoïdes (LAL) que le cyclophosphamide.
Les quelques cas d’échec de reconstitution hématopoïétique, en
situation HLA identique intrafamiliale, laissent supposer une faible
activité immunodépressive du VP16 et ont incité à l’associer au cyclophosphamide et à l’ICT avec une toxicité tolérable.
Du fait de
sa bonne activité antileucémique, le melphalan a, dans certains cas,
remplacé le cyclophosphamide, avec une incidence de rechute qui
serait diminuée par rapport à celle de séries témoins.
Enfin, des
résultats intéressants semblent être obtenus dans les hémopathies
malignes réfractaires avec une association d’ICT, de
cyclophosphamide et de busulfan.
Les avantages théoriques d’un conditionnement avec ICT par
rapport à un conditionnement purement chimiothérapique restent :
– la meilleure immunodépression ;
– l’atteinte de toutes les cellules tumorales, même en phase G0 ;
– l’éradication tumorale des sanctuaires ;
– la possibilité de moduler les doses délivrées sur certains organes
que l’on souhaite protéger (du fait du risque de toxicité) ou que l’on
souhaite surirradier (risque de rechute).
+ Conditionnements sans ICT
:
La lourdeur, les contraintes et les complications de l’ICT ont incité
certaines équipes à utiliser des conditionnements sans irradiation.
Le busulfan (à la dose habituelle de 16 mg/kg chez l’adulte) est
alors, le plus souvent associé au cyclophosphamide (120 ou
200 mg/kg).
Dans les leucémies myéloïdes chroniques, les
résultats sont peu différents de ceux rapportés avec une association
de cyclophosphamide et d’une ICT.
En revanche, plusieurs études
comparant un conditionnement par busulfan et cyclophosphamide
à un conditionnement par cyclophosphamide et ITC, chez des
patients atteints de leucémies aiguës, montrent une mortalité liée à
la greffe supérieure chez les patients conditionnés par busulfan.
De plus, une étude rapporte une incidence élevée de rejets
dans les greffes non apparentées après conditionnement par busulfan.
Les conditionnements de greffe peuvent aussi comporter des
anticorps monoclonaux ou des immunotoxines.
+ Synthèse
:
En résumé, il n’y a pas de conditionnement idéal pour l’allogreffe
d’une hémopathie maligne.
Il faut choisir entre deux risques : celui
de la toxicité (immédiate ou retardée) et celui de la rechute.
C’est en
fonction de l’état des malades (âge, statut) et de l’état de
l’hémopathie (haut risque de rechute ou non) que l’on choisit le
conditionnement.
Chez le jeune enfant, l’association cyclophosphamide-busulfan paraît séduisante, car elle est supposée
diminuer les séquelles endocriniennes observées après ICT.
En
cas d’hémopathie réfractaire à la chimiothérapie ou en rémission
précaire, on choisira par exemple d’ajouter au régime de base du
VP16 ou de l’Aracytinet.
* Aplasies médullaires sévères
:
Chez les rares malades non transfusés avant la greffe, un
conditionnement par cyclophosphamide seul (50 mg/kg pendant
4 jours) assure la prise de la greffe.
En cas de transfusion antérieure
et, a fortiori, d’immunisation anti-HLA décelable, le risque de rejet
peut atteindre 40 à 50 %.
Pour prévenir ce risque, on est amené à
augmenter l’immunosuppression du conditionnement en associant
au cyclophosphamide soit une irradiation (ICT ou ILT), soit du
sérum antilymphocytaire (SAL).
Dans le cas particulier de l’aplasie de la maladie de Fanconi, compte
tenu de la fragilité chromosomique particulière aux alkylants et à la
radiothérapie, les doses de cyclophosphamide et de radiothérapie
doivent dans tous les cas être réduites.
Les problèmes particuliers concernent les greffes non HLA
identiques et les greffes déplétées en lymphocytes T.
Toute greffe
non strictement HLA identique entraîne, outre un risque élevé de GVHD, un risque accru de non-prise et de rejet.
Le risque de nonprise
et de rejet est également important après les greffes déplétées
en lymphocytes T.
Cela justifie l’utilisation de conditionnements plus
fortement myéloablatifs (thiotépa) et surtout plus immunodépresseurs
(SAL, fludarabine, anticorps monoclonaux).
3- Conditionnement non myéloablatif :
La notion de conditionnement non myéloablatif repose sur les
principes suivants :
– l’effet antitumoral observé après l’allogreffe est plus en rapport
avec l’effet GVL qu’avec le conditionnement chimiothérapique et
radiothérapique ;
– la destruction de la moelle du receveur par le conditionnement
n’est pas indispensable à la prise de greffe.
La prise de greffe
pourrait être assurée par les lymphocytes alloréactifs du donneur.
Selon cette théorie, le conditionnement a pour fonction principale
de prévenir le rejet de greffe en détruisant le système immunitaire
du receveur.
Ce conditionnement doit, de ce fait, être plus
immunosuppresseur que myéloablatif.
Il comporte habituellement
du cyclophosphamide ou du busulfan, à des doses plus faibles que
celles utilisées dans les conditionnements classiques, ou une ICT à
une dose inférieure à 5 Gy, associés à des produits
immunosuppresseurs telles que la fludarabine ou le SAL.
L’allègement du conditionnement devrait s’accompagner d’une
diminution de la fréquence de la GVHD.
L’immunosuppression postgreffe, utilisée pour prévenir la GVHD,
peut contribuer à prévenir le rejet.
Les conditionnements non myéloablatifs ont pour avantage une moindre toxicité
extrahématologique.
Ils peuvent, de ce fait, être proposés à des
patients plus âgés et à des patients fragiles chez qui un
conditionnement myéloablatif est contre-indiqué.
Réactions immunologiques
et allogreffes de cellules souches
hématopoïétiques :
Un greffon hématopoïétique comprend des cellules souches capables
de reconstituer de façon durable l’hématopoïèse.
Il comprend
également des cellules immunocompétentes susceptibles de
reconnaître l’hôte comme étranger.
Cette réactivité allogénique est responsable d’une complication importante dont la morbidité et la
mortalité demeurent élevées : la GVHD.
De plus, les lymphocytes T
du donneur contenus dans le greffon :
– jouent un rôle important dans la prévention du rejet de greffe, en
participant à la destruction du système immunitaire de l’hôte ;
– contribuent de façon significative à l’effet antitumoral associé à la
greffe : l’effet du greffon contre la leucémie.
Par ailleurs, le transfert au cours de la greffe de cellules
immunocompétentes du donneur permet la reconstitution postgreffe
d’un système immunitaire chez le receveur.
A - RÉACTION DU GREFFON CONTRE L’HÔTE :
1- Physiopathologie :
Trois conditions sont nécessaires au développement d’une GVHD ;
il faut :
– que le greffon contienne des cellules immunocompétentes ;
– que l’hôte présente, avec le donneur, des différences au niveau
des antigènes majeurs (antigènes HLA) ou antigènes mineurs
d’histocompatibilité (antigènes mineurs : peptides dérivés de
protéines polymorphiques codées par des gènes non liés au
complexe majeur d’histocompatibilité) capables d’être reconnus
comme étrangers par le système immunitaire du donneur ;
– que l’hôte soit suffisamment immunodéprimé pour être incapable
de rejeter les cellules du donneur.
La physiopathologie de la GVHD est complexe et encore
imparfaitement connue.
Elle fait intervenir l’immunité cellulaire,
humorale et des phénomènes inflammatoires, avec de nombreuses
interactions entre ces différents types de réactions.
Deux faits sont
importants à souligner :
– la GVHD n’est pas une réponse anormale du système
immunitaire.
Les lymphocytes transfusés ont un comportement
approprié à l’environnement anormal dans lequel ils se trouvent ;
– Les lymphocytes T contenus dans le greffon sont injectés dans un
environnement altéré par la maladie sous-jacente, les infections et
par le conditionnement, responsables de phénomènes
inflammatoires au niveau des endothéliums et des épithéliums.
Les phénomènes infectieux jouent un rôle important dans le
déclenchement de la GVHD et expliquent que les organes cibles de
cette réaction soient en particulier le tube digestif et la peau : il existe
dans ces cas des endotoxines ou des bactéries responsables de
phénomènes inflammatoires qui favorisent le développement de la
GVHD.
* Physiopathologie de la réaction aiguë du greffon contre l’hôte
:
Les cellules du donneur s’activent non seulement vis-à-vis
d’alloantigènes du receveur, mais aussi de manière non spécifique.
Cela aboutit à l’activation et la prolifération de cellules de
l’inflammation, et à l’augmentation de l’expression de différentes
molécules de surface, en particulier de molécules d’adhésion et de
cytokines.
La physiopathologie de la GVHD aiguë peut se
décomposer en trois phases.
+ Première phase : durant le conditionnement
La première phase débute avant la greffe, au moment du
conditionnement.
Celui-ci est responsable de lésions tissulaires de
l’épithélium et de l’endothélium aboutissant à la sécrétion, par les
cellules de l’hôte, de cytokines de l’inflammation (tumour necrosis
factor TNF-a et interleukine IL-1), et de granulocyte macrophagecolony
stimulating factor (GM-CSF).
Les cytokines de
l’inflammation entraînent une surexpression des molécules
d’adhésion et des molécules du complexe majeur
d’histocompatibilité (CMH) responsables de la reconnaissance des
antigènes mineurs ou majeurs de l’hôte par les cellules immunitaires
du greffon.
Cela explique que la fréquence de la GVHD
augmente avec la lourdeur du conditionnement et que le risque de
GVHD est moins important après un conditionnement non
myéloablatif ou lorsque les lymphocytes du donneur sont injectés à
distance du conditionnement (après 30 à 45 jours).
+ Deuxième phase : l’activation des lymphocytes T du donneur
L’activation des lymphocytes T du donneur inclut la présentation
de l’antigène, l’activation propre des lymphocytes, leur prolifération
et leur différenciation en cellules effectrices.
Les alloantigènes, après
avoir été apprêtés, sont présentés par les cellules présentatrices
d’antigènes aux lymphocytes T du donneur.
Les antigènes présentés
par des molécules de classe I activent les lymphocytes CD8, ceux
présentés par des molécules de classe II activent les lymphocytes
CD4.
Avec le premier contact antigène/récepteur du lymphocyte T,
les molécules d’adhésion et de costimulation jouent un rôle
important dans le phénomène d’activation lymphocytaire : ces
molécules sont principalement les molécules CD40L, CD28, CD4,
CD8, LFA-1, LFA-2, CD44.
Ces interactions entraînent des
modifications biochimiques intracellulaires conduisant à une
activation de protéines kinases C et de tyrosine kinase.
Ces
phénomènes aboutissent à une transcription des gènes de l’IL-2, de
l’IL-12, de l’interféron c (IFN-c), et de leurs récepteurs.
Les cytokines
produites en réponse à une stimulation par des alloantigènes sont
principalement de type Th1 (secrétant de l’IFN-c et de l’IL-2).
Ces
cytokines jouent un rôle central :
– dans l’activation, la prolifération et l’induction de la cytotoxicité T
du donneur ;
– dans la réponse natural killer (NK) du donneur ;
– dans l’activation des cellules phagocytaires de l’hôte et du
donneur, aboutissant à la sécrétion d’IL-1 et de TNF-a.
La phase
d’activation lymphocytaire T est suivie d’une phase d’expansion et
de différenciation.
+ Troisième phase : les effecteurs de l’inflammation
Il s’agit de la phase la plus complexe et la moins bien connue.
Les
lymphocytes T cytotoxiques ne sont probablement pas responsables
de la totalité des atteintes tissulaires observées et, dans plusieurs
modèles animaux, il a été montré que les cellules NK étaient
également des effecteurs importants de la GVHD.
Les lymphocytes
T cytotoxiques et les cellules NK induisent l’apoptose des cellules
cibles.
Les cellules phagocytaires, stimulées par les cytokines
de type Th1 ou par des lipopolysaccharides libérés par les
muqueuses intestinales de l’hôte lésées par le conditionnement,
sécrètent des cytokines de l’inflammation (IL-1 et TNF-a).
Le TNF-a
peut induire directement la nécrose des cellules cibles ou intervenir dans les phénomènes d’apoptose.
Par ailleurs, le monoxyde d’azote
(NO), produit par les macrophages activés, est également
responsable de lésions des tissus cibles de la GVHD.
La mort des
cellules cibles fait intervenir trois mécanismes principaux : la voie granzyme-perforine, la voie Fas-Fas ligand, et la toxicité directe des
cytokines.
* Physiopathologie de la réaction du greffon contre l’hôte chronique
:
Les mécanismes de la GVHD chronique se rapprochent de ceux de
l’auto-immunité.
Dans des modèles animaux, il a été montré que, si
les lymphocytes T impliqués dans la GVHD aiguë étaient
spécifiques d’alloantigènes, ceux impliqués dans la GVHD
chronique reconnaissaient des antigènes publics du CMH de classe
II.
Ces lymphocytes T produisent des cytokines de type Th2 : IL-4 et
IL-10.
Ces cytokines peuvent stimuler la production de collagène
par les fibroblastes.
2- Réaction aiguë du greffon contre l’hôte : diagnostic
et traitement
Sa fréquence est maximale entre les 2e et 4e semaines postgreffe,
mais elle peut se déclarer pendant les 3 premiers mois suivant la
greffe.
* Manifestations cliniques
:
La peau, le foie et le tube digestif en sont les organes cibles.
L’atteinte cutanée, en général inaugurale, réalise un érythème morbilliforme parfois prurigineux, prédominant sur le visage, les
faces d’extension des membres, le thorax, et surtout les paumes, les
plantes et les régions rétroauriculaires.
Son évolution, souvent
stoppée par le traitement, peut se faire vers la diffusion des lésions
qui deviennent confluentes et pourpres.
À un stade de plus,
peuvent, plus rarement, apparaître des décollements cutanés,
d’abord localisés et provoqués (signe de Nikolsky), puis diffus et
spontanés, réalisant une authentique épidermolyse.
L’atteinte digestive se manifeste par une diarrhée subaiguë,
d’intensité variable, parfois dysentériforme, associée ou non à des
douleurs abdominales.
La surinfection, les hémorragies associées, la
dénutrition peuvent mettre en jeu le pronostic vital.
L’atteinte hépatique, en règle plus tardive, est surtout biologique,
associant à des degrés variables cytolyse et surtout cholestase, mais
sans insuffisance hépatocellulaire.
En fonction du nombre et de la
sévérité des localisations de la maladie, on classe la GVHD aiguë en
quatre grades (classification de Glucksberg).
* Diagnostic
:
En fonction de la symptomatologie peuvent se discuter : les
toxidermies, les éruptions virales, les hépatites médicamenteuses ou
virales, la MVO hépatique, et enfin, les diarrhées infectieuses.
Le
diagnostic est orienté par l’association des symptômes et leur date
de survenue.
Sur le plan histopathologique, les lésions cutanées ne sont typiques
qu’à partir du 20e jour après la greffe ; auparavant, elles sont
difficiles à distinguer des lésions toxiques dues au conditionnement
ou des lésions infectieuses.
À partir du 20e jour, les principales
lésions sont composées de foyers de nécrose avec vacuolisation des
cellules basales de l’épiderme, d’oedèmes et d’un infiltrat
inflammatoire lymphocytaire du derme superficiel.
Schématiquement, on distingue quatre grades corrélés à l’atteinte
clinique :
– grade I : dégénérescence vacuolaire des kératinocytes de la basale
épidermique et infiltrat du derme superficiel ;
– grade II : même aspect plus marqué, avec nécrose de cellules
épidermiques de la couche basale dont le noyau devient pycnotique
et le cytoplasme rétracté éosinophile ;
– grade III : confluence des zones de nécrose aboutissant à la
formation de bulles ;
– grade IV : nécrose épidermique totale et étendue, proche du
syndrome de Lyell.
L’atteinte hépatique se traduit par des foyers de nécroses
éosinophiles, une dégénérescence des canaux biliaires, une
hypertrophie des cellules de Kupffer et des infiltrats lymphocytaires
péribiliaires.
L’atteinte digestive se caractérise sur le plan macroscopique par une
muqueuse inflammatoire, siège de lésions érosives, d’exsudats à
tendance hémorragique.
Anatomiquement, les lésions histologiques
associent une atrophie villositaire, une nécrose cellulaire des cryptes,
une infiltration lymphocytaire de la lamina propria évoluant vers la
formation de microabcès, voire de nécroses complètes focales ou
diffuses de la couche muqueuse.
* Incidence
:
Avec les techniques classiques de prévention de la GVHD, et selon
les séries, 25 à 75 % des patients allogreffés à partir d’un germain
HLA identique présentent une GVHD aiguë.
Environ un malade
atteint sur trois meurt des conséquences directes ou indirectes
(infection) de la GVHD aiguë.
Le taux de mortalité des GVHD de
grade III ou IV peut atteindre 90 %.
Certains facteurs favorisent la survenue d’une GVHD :
– l’âge élevé du receveur ;
– les femmes donneuses (surtout en cas de grossesses antérieures et
si le receveur est un homme) ;
– les greffes réalisées en poussée de l’hémopathie ;
– l’utilisation d’un conditionnement alourdi ;
– les infections après la greffe : c’est un facteur favorisant démontré
chez la souris.
Chez l’homme, il est montré que les réactivations à CMV sont corrélées à une augmentation de l’incidence de la GVHD ;
– la disparité HLA : cela explique la plus grande incidence de GVHD dans des greffes non apparentées ;
– le type de greffon : les greffes réalisées à partir de sang placentaire
s’accompagnent moins fréquemment de GVHD que les greffes
réalisées à partir de la moelle ou de CSP.
Cela peut être expliqué par
la naïveté du système immunitaire des greffons de sang placentaire.
Bien que certains facteurs favorisant la GVHD soient connus, cette
réaction reste difficile à prévoir.
En situation de greffe familiale génoidentique,
la GVHD est secondaire à la reconnaissance par les
lymphocytes T du donneur, d’antigènes mineurs sur les cellules
cibles du receveur et la plupart de ces antigènes mineurs
d’histocompatibilité sont encore inconnus.
* Traitement préventif
:
La fréquence et la gravité de la GVHD aiguë imposent un traitement
préventif systématique, sauf en cas de greffe syngénique (réalisée à
partir d’un donneur jumeau monozygote). Habituellement, le
traitement préventif consiste en l’utilisation d’un traitement
immunosuppresseur en postgreffe.
+ Immunosuppression postgreffe
:
L’association de ciclosporine A et de méthotrexate est, depuis plus
de 15 ans, considérée comme la prophylaxie de référence.
Une
corticothérapie peut y être associée ou remplacer le méthotrexate.
Plus récemment, l’intérêt du tacrolimus (FK 506) a été évalué
à la place de la ciclosporine.
Par ailleurs, le SAL, utilisé au
moment du conditionnement de greffe pour prévenir le rejet, joue
également un rôle dans la prévention de la GVHD en raison de sa
durée de vie responsable d’une déplétion T in vivo.
+ Manipulation du greffon avant la greffe
:
Il a été prouvé que l’élimination des lymphocytes T du greffon était
un moyen très efficace de prévention de la GVHD aiguë et chronique.
Ces techniques étaient auparavant réalisées par anticorps
monoclonaux anti-T et faisaient le plus souvent appel, soit à un
système de lyse par le complément, soit à une immunotoxine.
Actuellement, la déplétion en lymphocytes T se fait le plus souvent
par sélection positive des cellules souches CD34+.
Cette technique
est principalement utilisée dans les greffes à haut risque de GVHD.
L’utilisation de techniques de déplétion T présente trois
inconvénients principaux :
– une incidence de rechutes plus élevée, l’abolition de la GVHD
s’accompagnant d’une abolition de l’effet GVL ;
– une augmentation du risque de non-prise ou de rejet ;
– une aggravation du déficit immunitaire postgreffe.
* Traitement curatif
:
Le traitement curatif est indiqué pour les GVHD de grade supérieur
à I.
Les corticoïdes sont initialement employés à la dose de
2 mg/kg/j de méthylprednisolone, puis, en cas de non-réponse, à
des doses massives et brèves pouvant atteindre 20 mg/kg/j.
En cas d’échec de la corticothérapie, le SAL peut être efficace, à des
doses cependant difficiles à définir.
Des résultats encourageants
sont observés avec de nouveaux immunosuppresseurs tels que le mycophénolate mofétil (MMF).
Les anticorps monoclonaux in
vivo sont utilisés habituellement après l’échec de la corticothérapie :
il peut s’agir d’anticorps antirécepteurs de l’IL-2 ou d’anticorps anti-
TNF.
Ces anticorps monoclonaux sont habituellement efficaces mais
parfois transitoirement.
3- Réaction chronique du greffon contre l’hôte c-GVHD : diagnostic et traitement
Elle apparaît en règle à partir du 3e mois, mais parfois plus tôt, et
les formes précoces, voire subaiguës intermédiaires, ne sont pas
exceptionnelles.
* Description
:
En raison de la multiplicité des organes cibles possibles, le tableau
clinique est d’un grand polymorphisme.
La symptomatologie
est celle d’une maladie de type auto-immun.
Généralement, la c-GVHD est précédée d’une GVHD aiguë, mais elle peut également
apparaître de novo.
L’atteinte cutanée est quasi constante : elle est constituée de zones
d’hyper- et/ou d’hypopigmentation, le plus souvent planes (type
lichen plan) ou associées à des papules plus ou moins squameuses.
Il peut s’agir d’un érythème diffus associé à une desquamation
intense.
Le lichen plan peut évoluer vers une forme scléroatrophique, puis vers d’authentiques lésions de sclérodermie
avec atteinte tendineuse et articulaire.
L’atteinte des muqueuses, fréquente au niveau de la langue, des
gencives, de la face interne des joues, comporte des lésions lichéniennes associées à un syndrome sec au niveau oral, oculaire et
génital. Une atteinte oesophagienne, séreuse ou articulaire peut y
être associée.
Des biopsies cutanées montrent, à un stade initial, une hypertrophie
épidermique avec hyperkératose et des lésions lichénoïdes le long
de la couche basale.
Ultérieurement, les lésions associent une fibrose
et une atrophie de l’épiderme.
Lorsque les lésions cutanées sont
isolées, les réactions lichénoïdes sont rares et une fibrose intense,
sans infiltrat lymphocytaire, est observée.
L’atteinte hépatique, au moins biologique, est très fréquente (95 % des
cas) : elle se traduit par une cytolyse d’intensité variable, le plus
souvent modérée, associée à une importante cholestase responsable
ou non d’un ictère.
Son diagnostic est souvent histologique : les
nécroses sont limitées, mais l’atteinte des canalicules biliaires y est
prépondérante, pouvant aller jusqu’à une raréfaction extrême.
Des
infiltrats inflammatoires péribiliaires sont marqués par une
différenciation plasmocytaire et les destructions hépatiques et
biliaires sont fréquemment observées au contact des lymphocytes.
Les anomalies biologiques et histologiques de la c-GVHD sont très
comparables à celles observées dans la cirrhose biliaire primitive.
L’atteinte bronchique n’est pas exceptionnelle : il s’agit d’une
bronchiolite oblitérante.
Elle se manifeste initialement par une
atteinte obstructive des bronches distales avec au scanner des images
de bronchectasies.
L’atteinte bronchique de la c-GVHD est
relativement résistante au traitement et peut évoluer vers une
insuffisance respiratoire terminale.
L’atteinte des autres organes est variable dans sa fréquence et sa
sévérité : l’atteinte digestive avec malabsorption est plus rare que
dans la GVHD aiguë.
Les atteintes oculaires, musculaires,
oesophagiennes, vaginales ne sont pas rares.
Le tableau clinique de c-GVHD est voisin de pathologies autoimmunes
décrites en dehors de la greffe de moelle, telles que le
lupus, le syndrome de Goujerot-Sjögren, la cirrhose biliaire
primitive, la sclérodermie.
Au plan biologique, une hyperéosinophilie est fréquente. Plusieurs
types d’anticorps antitissus ont été décrits : anticorps antinoyaux,
antimuscles lisses, antimitochondries, antithyroïdien et, plus
rarement, antirécepteurs de l’acétylcholine.
Il existe une hypo- ou
une hyperglobulinémie, avec fréquemment un profond et durable
déficit en immoglobulines IgA associé à un déficit en IgG2 et IgG4.
L’immunopathologie des lésions cutanées ou labiales révèle des
dépôts d’IgM et de complément le long des membranes basales.
La c-GVHD est classée en forme limitée et en forme extensive.
* Incidence et facteurs favorisants
:
Vingt-cinq pour cent des patients greffés avec un donneur génoidentique
et 49 % des patients greffés avec un donneur non
apparenté et survivant plus de 150 jours après la greffe sont atteints
de la c-GVHD.
La c-GVHD apparaît de novo, ou plus souvent
succède à une GVH aiguë, avec ou sans intervalle libre.
Les facteurs
favorisants sont l’âge et la préexistence d’une GVHD aiguë.
* Prévention et traitement
:
La meilleure prévention de la c-GVHD est celle de la GVHD aiguë.
Le traitement de référence de la c-GVHD en première intention
associe la ciclosporine A et la corticothérapie.
L’azathioprine ou le
thalidomide ont parfois été utilisés avec succès.
De nouveaux
immunosuppresseurs tels que le mycophénolate mofétil sont
actuellement en cours d’évaluation.
Par ailleurs, la photothérapie
extracorporelle a montré une certaine efficacité, principalement dans
les formes sclérodermiques.
Malgré cela, 10 à 15 % des malades
atteints de c-GVHD meurent de complications infectieuses
secondaires à l’immunosuppression liée à la c-GVHD ou aux
traitements de celle-ci.
B - NON-PRISE ET REJET DE GREFFE
:
La non-prise peut être liée à un rejet ou à une inhibition de
l’hématopoïèse toxique ou virale.
Le rejet (host versus graft effect : HVG) est dû à la persistance, après
le conditionnement, de lymphocytes T de l’hôte capables de s’activer
et de rejeter le greffon.
Il a été montré par l’étude du polymorphisme
de l’ADN, qu’il existe alors, temporairement, un chimérisme mixte,
c’est-à-dire la cohabitation de cellules hématopoïétiques de l’hôte et
du donneur.
La HVG est une complication rare (moins de 2 %) après greffe de
moelle géno-identique utilisant un conditionnement myéloablatif et
en l’absence de manipulation ex vivo du greffon.
Elle est favorisée
par :
– la disparité HLA entre donneur et receveur ;
– l’utilisation d’un conditionnement non myéloablatif ;
– l’utilisation d’un greffon pauvre en cellules CD34+ ;
– la déplétion en cellules T du greffon.
Dans les situations à haut risque d’HVG, différentes techniques de
prévention sont utilisées :
– modifications du conditionnement le rendant plus
immunosuppresseur afin de détruire les lymphocytes T résiduels de
l’hôte (utilisation de SAL, d’anticorps monoclonaux anti-T…) ;
– augmentation du nombre de cellules souches périphériques CD34
contenues dans le greffon par l’utilisation d’un greffon de cellules
souches périphériques (CSP) plus riche en cellules CD34 qu’un
greffon médullaire.
En cas de rejet, dans quelques cas, des secondes greffes ont été
réalisées avec succès.
Il paraît alors préférable de choisir un greffon
de CSP (graft versus leukemia effect [GVL]).
C - RÉACTION DU GREFFON CONTRE LA LEUCÉMIE :
La notion que l’alloréactivité puisse générer un effet antileucémique
a été suggérée dans un modèle murin de leucémie, où le taux de
rechute après greffe syngénique est supérieur à celui observé après
greffe allogénique.
Chez l’homme, la GVL est étroitement corrélée à
la GVHD : le taux de rechutes de la leucémie est moindre chez les
patients présentant une GVHD aiguë et/ou chronique.
Cet effet GVL est cependant observé, même en l’absence de GVHD clinique,
comme l’indique le taux de rechutes plus élevé après une greffe
allogénique comportant une déplétion des lymphocytes T, qu’après
une greffe allogénique sans déplétion des lymphocytes T en
l’absence même de GVHD patente.
La physiopathologie de la GVL n’est qu’imparfaitement connue.
Des
questions restent posées au sujet des cibles et des effecteurs exacts
de cette réaction, et donc de la possibilité de dissocier la GVL et la
GVHD.
Il est probable que la réponse dépend principalement de
l’antigène cible en cause.
Si l’antigène impliqué dans l’effet GVL est
spécifique de la cellule tumorale ou d’expression restreinte au tissu
hématopoïétique, effet GVL et GVHD sont potentiellement
séparables.
En revanche, si l’antigène reconnu est un antigène
mineur ou majeur d’histocompatibilité exprimé sur la plupart des
cellules de l’organisme, l’effet GVL sera proportionnel à l’intensité
de la GVHD.
Dans la leucémie myéloïde chronique (LMC) une cible
évidente pourrait être la protéine de fusion bcr-abl.
Il est
cependant difficile de mettre en évidence in vivo, chez l’homme, des
lymphocytes cytotoxiques reconnaissant spécifiquement cette
protéine à la surface des cellules de la LMC.
Les lymphocytes T
contenus dans le greffon sont probablement les effecteurs de la GVL,
celle-ci diminuant après déplétion T du greffon.
Dans des greffes réalisées en situation d’histo-incompatibilité
partielle, les cellules NK pourraient être responsables d’un effet GVL
en lysant les cellules leucémiques n’exprimant pas les molécules
HLA de classe I reconnues par leur récepteurs.
Si les cibles et les effecteurs de l’effet GVL ne sont qu’imparfaitement
connus, l’importance de ce phénomène est cependant bien établie
chez l’homme.
Elle justifie l’utilisation de la greffe de CSH
allogénique dans le traitement des hémopathies malignes.
L’efficacité clinique de l’effet GVL dépend du type d’hémopathie
maligne.
Il paraît très important dans la LMC : environ 15 % des
patients greffés en phase chronique avec une moelle non manipulée
rechutent contre plus de 70 % lorsque la moelle est déplétée en
cellules T.
L’effet GVL semble moins important dans le cas des
leucémies aiguës myéloïdes et surtout lymphoïdes.
L’existence d’un
effet GVL justifie les techniques consistant à injecter les lymphocytes
du donneur pour traiter les rechutes postallogreffe.