Pendant longtemps, l’examen radiologique de la déglutition n’a pas
bénéficié d’une attention suffisante.
C’est une erreur car la radiologie
occupe une position clé dans le diagnostic des troubles de la
déglutition.
Je me propose de discuter de la technique employée, puis de faire
une analyse systématique de la sémiologie normale et pathologique,
et enfin de présenter quelques entités pathologiques.
A - TECHNIQUE RADIOLOGIQUE
:
Comme produit de contraste, nous utilisons en principe la baryte,
notamment une suspension de Micropaque non diluée.
Quand le patient présente des antécédents d’aspiration, nous
utilisons un produit iodé hydrosoluble à faible osmolarité.
Nous
n’employons pas les produits iodés à haute osmolarité à cause du
risque d’oedème pulmonaire.
Parfois, nous complétons l’examen par un bolus solide (notamment
du pain trempé dans du Micropaque) ou par un bolus semi-solide
(notamment un mélange de Micropaque non dilué et d’une poudre
solidifiante à base d’amidon modifié, par exemple Resourcet de la
firme Sandoz Nutrition).
Chez certains patients, en effet, la
dysphagie concerne plutôt les aliments solides que liquides.
L’emploi de bolus à différente viscosité est donc logique.
Certains auteurs emploient un comprimé comme bolus solide.
La position du malade et les incidences sont essentielles pour un
bon examen de la déglutition. Nous examinons les malades en
projection latérale puis postéroantérieure, les deux incidences en
position debout ou assise.
Nous exécutons toujours en premier
lieu la série en projection latérale : c’est en effet la plus
informative.
Ensuite, nous exécutons une série en projection postéroantérieure.
Nous préférons la projection postéroantérieure à
la projection antéropostérieure pour des raisons de radioprotection :
dans la projection postéroantérieure, la glande thyroïde, qui est un
organe radiosensible, est en effet moins irradiée.
Dans certains cas, nous complétons l’examen par une série en
projection oblique ou en position couchée.
Chez des patients
présentant une position haute des épaules, l’analyse de la zone du sphincter supérieur de l’oesophage est souvent difficile. Dans ce cas,
une série complémentaire en incidence oblique est utile.
Quand
le remplissage de l’hypopharynx en projection postéroantérieure est
insuffisant en position debout, il est amélioré en position couchée
parce que l’action accélératrice de la gravitation est éliminée dans
cette position.
En outre, la position couchée démontre mieux que la
position debout un passage passif et une régurgitation dans le nasopharynx.
Comme technique d’imagerie, nous utilisons soit
l’ampliphotographie 100 mm, soit la fluorographie numérisée, à une
vitesse de six images par seconde d’une part, et la vidéofluorographie
à une vitesse de 50 images par seconde d’autre part.
Dans la plupart des cas, un enregistrement pendant 2 secondes suffit
pour l’analyse de la déglutition.
Une vitesse de six images par seconde est un strict minimum pour
l’étude des troubles de la déglutition et est intéressant comme
examen de dépistage dans la majorité des cas, mais ne suffit pas
pour une analyse fine de tous les troubles fonctionnels ; la vidéofluorographie permet un temps d’enregistrement plus long que
les deux autres techniques mentionnées.
Pour ces raisons, nous
utilisons la vidéofluorographie, par exemple en cas de suspicion de
troubles de la phase orale de la déglutition, dans les troubles
complexes de la phase pharyngée, pour déterminer le moment d’une
aspiration dans le cycle de la déglutition (avant, pendant ou après
la déglutition), et quand nous employons un bolus solide ou
semi-solide.
Certains auteurs utilisent comme nous alternativement
l’ampliphotographie ou la fluorographie numérisée d’une part, et la
vidéofluorographie d’autre part, d’autres surtout ou
uniquement la vidéofluorographie, d’autres encore surtout
la cinématographie.
L’avantage de l’ampliphotographie et de la fluorographie numérisée
réside dans la haute qualité de l’image, nécessaire pour la détection
d’anomalies morphologiques, dans les facilités de l’analyse et dans
la communication aisée avec le clinicien.
L’avantage de la vidéofluorographie et de la cinématographie réside dans l’étude
dynamique plus approfondie grâce au nombre plus élevé d’images
par seconde, et dans la réalisation aisée d’un enregistrement de plus
longue durée ; la dose de rayons par unité de temps est plus basse
pour la vidéofluorographie que pour la cinématographie.
La manofluorographie combine la vidéofluorographie avec la
manométrie.
Cette méthode a contribué à une meilleure
compréhension de certains mécanismes de la déglutition, par
exemple l’importance de la contraction de la langue pour la
propulsion du bolus de la cavité orale dans l’oro- et l’hypopharynx, l’importance de la pression négative dans la lumière du sphincter
supérieur de l’oesophage dans la phase pharyngée de la déglutition.
Cette méthode démontre donc également les déficiences de ces
mécanismes.
Elle permet une quantification plus précise des
phénomènes moteurs de la déglutition et une analyse
complémentaire de leurs relations réciproques.
B - SÉMIOLOGIE RADIOLOGIQUE NORMALE
ET PATHOLOGIQUE :
Afin de comprendre la déglutition normale et pathologique, des
connaissances anatomiques et neurophysiologiques de l’appareil musculonerveux sont indispensables.
Il est par exemple
important de savoir que les muscles, qui sont impliqués dans les
phases orale et pharyngée de la déglutition, sont des muscles striés,
et que la mastication, ainsi que la phase orale, sont sous contrôle
volontaire, tandis que la phase pharyngée est sous contrôle réflexe
involontaire.
Il est également intéressant de savoir que, dans la
motilité de la déglutition, interviennent des fibres motrices des nerfs crâniaux n° V (nerf trigeminus), VII (nerf facialis), IX (nerf
glossopharyngeus), X (nerf vagus), XII (nerf hypoglossus), et
accessoirement des fibres motrices du système sympathique.
Dans l’analyse de l’examen, il est souhaitable de suivre un schéma
systématique, en premier lieu réalisation de la série en projection
latérale, puis de la série en projection postéroantérieure.
1- Projection latérale
:
Il faut analyser la formation du bolus oral, le transport oropharyngé,
l’obturation du nasopharynx, le mouvement de l’os hyoïde,
l’obturation du larynx, le comportement du sphincter supérieur et
l’évacuation de l’hypopharynx.
* Phase orale
:
Le sujet normal est capable d’ingérer un bolus de volume moyen et
de le tenir en bouche jusqu’au moment où il décide de l’avaler ;
ensuite, ce bolus est transporté dans le pharynx en une seule
déglutition, suite à une contraction énergique de la langue qui se
déplace en direction crâniale et postérieure et agit comme un piston.
Déjà, à ce stade, il existe plusieurs troubles fonctionnels.
Par exemple, le patient laisse échapper une partie du bolus à travers
les lèvres ; ou il ne réussit pas à former un bolus de volume suffisant
(formation défectueuse du bolus) ; ou le bolus passe, partiellement
ou totalement, dans l’oro- et l’hypopharynx avant la déglutition,
suite à une apposition insuffisante entre la partie postérosupérieure
de la langue et le palais mou (passage passif) ; ou le patient fait,
moyennant des mouvements répétitifs de la langue, plusieurs essais
de déglutition avant d’y parvenir (trouble d’initiation de la
déglutition) ; ou bien le patient ne réussit pas à avaler le bolus oral
en une seule fois (déglutition fractionnée).
Un passage passif peut
occasionner une aspiration dans les voies respiratoires, car les
mécanismes protecteurs du larynx ne fonctionnent pas encore avant
la déglutition.
L’analyse des troubles de la phase orale nécessite la vidéofluorographie
car ces dysfonctions exigent un enregistrement de
5 secondes au minimum, et souvent plus.
* Phase pharyngée
:
Avant la déglutition, il existe une communication aérienne libre
entre le nasopharynx, l’oropharynx et l’hypopharynx.
Pendant le
passage oropharyngé, l’obturation du nasopharynx est obtenue par
un mouvement du palais mou en direction postérosupérieure, et un
mouvement localisé de la paroi postérieure du pharynx en direction
antérieure (bourrelet de Passavant, formé par la contraction du
constricteur supérieur du pharynx), chassant l’air à ce niveau ; l’effet de ces mouvements est bien visible sur les clichés.
Si en revanche cette apposition ne s’effectue pas ou reste incomplète,
une partie du bolus oral s’échappe dans le nasopharynx.
Immédiatement après la déglutition normale, les structures
responsables de l’obturation du nasopharynx regagnent leur
position de repos.
Au début de la déglutition, l’os hyoïde se déplace en direction crâniale et ventrale, sur une distance verticale d’environ la
hauteur d’une vertèbre cervicale.
Ce mouvement commence
déjà avant l’obturation du nasopharynx et est accompagné d’un
mouvement antérosupérieur du cartilage thyroïdien (par
l’intermédiaire de la membrane thyrohyoïdienne et du muscle
thyrohyoïdien) et du cartilage cricoïdien, entraînant ainsi une
traction antérieure sur le sphincter supérieur de l’oesophage.
L’os
hyoïde revient dans sa position initiale immédiatement après la
déglutition ; plus précisément, chez l’adulte normal, l’intervalle
entre le début de la montée de l’os hyoïde pendant la déglutition
d’un bolus liquide et sa descente après la déglutition est en moyenne
de 1,30 s.
Une ascension insuffisante peut être occasionnée par différentes
maladies neuromusculaires.
Une descente retardée peut indiquer
une relaxation musculaire déficiente, comme dans la maladie de
Steinert.
Deux mécanismes préviennent le passage du bolus dans le larynx :
en premier lieu la contraction des muscles intrinsèques du larynx, et
accessoirement le mouvement caudal du bord libre de l’épiglotte.
La fente glottique, qui est limitée par les deux plis vocaux (formés
par les muscles vocaux) et qui est donc la partie la plus importante
du larynx, divise la cavité du larynx en une partie supérieure (le
vestibule) et une partie inférieure (l’espace infraglottique) ; le
vestibule, à son tour, se compose d’un espace supérieur
subépiglottique et d’un espace inférieur supraglottique, comprenant
surtout les ventricules ou sinus de Morgagni.
La cavité du larynx
contient donc de haut en bas trois étages : le vestibule, la fente
glottique et l’espace infraglottique.
La contraction des muscles intrinsèques du larynx, en premier lieu
des muscles vocaux, est visualisée indirectement par la disparition
de l’air de la fente glottique et du vestibule du larynx avant que le bolus arrive dans l’hypopharynx.
Le mouvement du bord libre de l’épiglotte est visible directement :
au repos (avant la déglutition) il est dirigé vers le haut et pendant la
déglutition vers le bas.
La descente du bord libre de
l’épiglotte semble passer par deux phases : le passage de la position
érigée à la position horizontale et le passage de cette dernière
position à la position caudale.
La première phase serait la
conséquence du mouvement crânial de l’hyoïde et du cartilage
thyroïdien, tandis que l’épiglotte reste fixée par les plis
pharyngoépiglottiques.
La deuxième phase serait occasionnée par
la contraction du muscle thyroépiglottique et aryépiglottique.
En
cas de déficience de ces mécanismes, une partie du bolus passe dans
le larynx, éventuellement dans la trachée, et même dans les voies
aériennes périphériques : c’est l’aspiration pendant la déglutition.
Chez le sujet normal, le produit de contraste ne
pénètre pas dans les ventricules (sinus de Morgagni). Une
pénétration dans l’espace subépiglottique est observée chez une
minorité de patients sans plaintes, mais nettement moins
fréquemment que dans un groupe de patients présentant une
dysphagie.
Immédiatement après la déglutition normale, les structures
responsables de l’obturation du larynx reprennent leur position de
repos.
Le sphincter supérieur de l’oesophage est composé de fibres
transversales (le musculus cricopharyngeus qui est la partie
principale et qui est un faisceau du musculus constrictor pharyngis
inferior), de fibres obliques provenant du musculus constrictor
pharyngeus inferior, et de fibres longitudinales provenant de la
musculature oesophagienne.
Entre le musculus cricopharyngeus et
les fibres obliques du musculus constrictor pharyngeus inferior, il
existe une zone de pauvreté musculaire : c’est le triangle décrit par
Killian, dans lequel se développe, selon les notions classiques, le
diverticule de Zenker.
Normalement, ce sphincter est fermé au repos, donc au moment où
le sujet n’avale pas ; il s’ouvre brièvement pendant la déglutition et
se referme immédiatement après.
Le sphincter supérieur de l’oesophage normal est en effet fermé au
repos : il existe notamment à ce niveau une zone de haute pression,
ayant un pic de l’ordre de 50 à 60 mmHg, visualisé sur une courbe
manométrique employant un cathéter qui est retiré progressivement
de l’oesophage thoracique jusque dans l’hypopharynx.
Cette zone
de haute pression a une longueur de 2,5 à 4,5 cm, et le pic se trouve
au niveau des vertèbres cervicales C5-C6.
L’état fermé du
sphincter supérieur au repos est également visible sur le cliché
radiologique.
Au moment de la déglutition normale, ce sphincter s’ouvre
brièvement : ceci correspond à une baisse passagère de la pression intraluminale à ce niveau, jusqu’en dessous de la pression
atmosphérique.
À ce moment, la paroi postérieure du sphincter se
déplace en direction dorsale et s’aligne sur les parois postérieures
de l’hypopharynx et de l’oesophage cervical.
Une dysfonction de ce sphincter peut se situer à différents stades de
la déglutition : l’ouverture incomplète, l’ouverture retardée, la
fermeture prématurée et la fermeture incomplète.
– L’ouverture incomplète du sphincter supérieur est une première
modalité de dysfonction : elle se manifeste par le fait que l’encoche
postérieure du sphincter supérieur ne s’efface pas pendant la
déglutition : c’est l’« achalasie » du sphincter supérieur.
Les termes « relaxation normale » et « achalasie » sont des
termes manométriques.
En radiologie, il vaut mieux employer les
termes « ouverture normale » et « ouverture incomplète », d’autant
que les termes manométriqes et radiologiques ne se superposent pas
entièrement en ce qui concerne le sphincter supérieur de
l’oesophage.
Quatre facteurs semblent contribuer à une ouverture
normale du sphincter supérieur de l’oesophage :
– une relaxation normale du sphincter ;
– une élasticité normale du sphincter relaxé ;
– une traction antérieure suffisante sur le sphincter relaxé par le
mouvement antérieur de l’os hyoïde, entraînant le larynx et le
cricoïde ;
– une pression radiaire intraluminale suffisante du bolus avalé.
Les causes possibles d’une ouverture diminuée de ce sphincter
peuvent donc être déduites des facteurs mentionnés.
– Au moment où le bolus remplit bien l’oesophage cervical,
l’encoche postérieure du sphincter ne peut plus être présente.
Si elle
persiste à ce moment mais s’efface un peu plus tard, on qualifie la
dysfonction d’« ouverture retardée du sphincter supérieur ».
– Normalement, le sphincter supérieur se referme au moment où la
contraction péristaltique pharyngée atteint la zone
sphinctérienne.
Si, au contraire, l’encoche postérieure du sphincter
réapparaît avant que la contraction péristaltique de l’hypopharynx
ait atteint la zone sphinctérienne, la dysfonction est qualifiée de
« contraction prématurée du sphincter supérieur ».
Une
fréquence accrue de contractions prématurées du sphincter
supérieur est signalée dans le reflux gastro-oesophagien.
Plusieurs
des dysfonctions mentionnées du sphincter supérieur pourraient
intervenir dans la pathogenèse du diverticule de Zenker, qui est
considéré comme un « diverticule de pulsion ».
– Une quatrième dysfonction du sphincter supérieur est constituée
par une fermeture incomplète après la déglutition.
Dans ce cas, ce
sphincter reste donc ouvert également dans la phase entre deux déglutitions.
Cette dysfonction s’observe parfois après
laryngectomie et dans des cas avancés de la maladie de Steinert.
Le transport du bolus oral dans l’oropharynx, l’hypopharynx et
l’oesophage, causé par la contraction de la langue, est suivi d’une
contraction péristaltique partant au niveau du bourrelet de
Passavant, parcourant l’oropharynx et l’hypopharynx, et
occasionnant une évacuation pratiquement complète de ceux-ci.
Immédiatement après la déglutition normale, la paroi
postérieure des trois étages du pharynx reprend sa position de
repos.
Une hypocontractilité de l’hypopharynx entraîne, en revanche, un
degré de stase variable selon le degré de l’hypocontractilité.
Les causes d’hypocontractilité de l’hypopharynx sont multiples :
différentes maladies du système nerveux central et maladies
musculaires, atteinte de la jonction myoneurale et atteinte de nerfs
de l’hypopharynx.
Une stase dans l’hypopharynx est la cause d’une aspiration après la
déglutition.
En récapitulant, il existe donc trois moments
d’éventuelle aspiration dans le cycle de la déglutition : avant la
déglutition (après passage passif du bolus oral), pendant la
déglutition (par déficience des mécanismes protecteurs du larynx),
et après la déglutition.
Nous avons observé quelquefois un reflux du bolus hypopharyngé
dans la bouche, suite à une incoordination entre la contraction de
l’hypopharynx et l’ouverture du sphincter supérieur de l’oesophage.
2- Projection postéroantérieure
:
Après l’analyse de la série en projection latérale, nous analysons la
série en projection postéroantérieure.
Il faut s’interroger sur la
contraction des muscles intrinsèques du larynx, le mouvement de
l’épiglotte, le passage du bolus à travers les sinus piriformes, le
comportement du sphincter supérieur, la position de l’hypopharynx
et de l’oesophage cervical, et enfin sur la contraction et l’évacuation
de l’hypopharynx.
La contraction des muscles intrinsèques du larynx peut en effet
également être évaluée de face : l’air visible dans le vestibule et dans
la fente glottique avant la déglutition disparaît avant l’arrivée du bolus dans l’hypopharynx.
Si les muscles intrinsèques du larynx se contractent trop tard ou ne
se contractent pas du tout, l’air ne disparaît pas et on observe une
pénétration de contraste dans la cavité laryngée et éventuellement
dans la trachée.
L’épiglotte se présente pendant la déglutition comme une clarté
linéaire en forme d’accolade symétrique et horizontale.
Parfois cette accolade n’est pas horizontale mais oblique.
Dans la plupart des cas, il n’existe pas de cause apparente ; dans un
examen comparatif entre volontaires sans dysphagie et patients avec
dysphagie, l’obliquité de l’épiglotte a été observée dans un pourcentage égal, notamment ± 4 %.
Toutefois, il faut exclure une
tumeur du pli aryépiglottique du côté élevé de l’épiglotte comme
cause d’une épiglotte oblique.
Enfin, l’hypothèse d’une ascension
défectueuse unilatérale de l’ensemble os hyoïde-cartilage thyroïde,
par déficience musculaire du côté élevé de l’épiglotte, est avancée
comme cause possible d’une épiglotte oblique ; cette hypothèse
est fondée sur le mécanisme décrit précédemment du mouvement
de l’épiglotte pendant la déglutition.
Chez le sujet normal, le passage du bolus à travers les sinus
piriformes se fait de manière symétrique.
Un passage asymétrique peut être dû à plusieurs causes : une
position asymétrique de la tête, une tumeur d’un sinus piriforme,
une paralysie unilatérale des muscles d’un sinus piriforme, ou une
masse extrinsèque comprimant un sinus piriforme.
En tournant la tête vers la droite, le sinus piriforme droit est oblitéré
et il y a un passage préférentiel du côté gauche et vice versa.
Pour
pouvoir attribuer à ce signe (la déglutition asymétrique) une valeur
sémiologique, il est indispensable de placer le patient strictement de
face au moment où il déglutit la baryte.
En cas de tumeur d’un sinus piriforme, il y a évidemment un
passage amoindri du côté homolatéral ; de plus, le relief muqueux
est perturbé dans la zone lacunaire.
Une parésie des muscles d’un sinus piriforme permet un passage
plus facile et occasionne un résidu du même côté : le passage est
donc réduit du côté hétérolatéral.
En cas de compression par une masse extrinsèque sur un sinus
piriforme, il y a un passage réduit du côté homolatéral, comme dans
le cas d’une tumeur intrinsèque, sans toutefois perturbation du relief
muqueux.
La descente asymétrique de l’épiglotte est probablement une cause
supplémentaire de passage asymétrique à travers les sinus
piriformes : nous avons constaté qu’une majorité de malades,
montrant une descente asymétrique de l’épiglotte, présente en même
temps un passage préférentiel par le sinus piriforme du côté déclive
de l’épiglotte.
En projection postéroantérieure, la zone sphinctérienne pendant la
déglutition se manifeste par une encoche bilatérale lisse et
symétrique à grand rayon.
Dans les cas prononcés d’achalasie du sphincter supérieur, il existe
à cet endroit une encoche bilatérale à petit rayon, et au même
niveau, une image de tonalité transversale.
Ces
anomalies correspondent à l’encoche dorsale profonde, démontrée
en projection latérale, de la même dysfonction.
Alors que la trachée occupe une position strictement médiane dans
le cou, l’oesophage cervical est souvent décalé légèrement vers la
gauche, de telle sorte que le bord droit de la trachée devient visible
alors que son bord gauche est masqué par la superposition de
l’oesophage rempli de contraste.
Enfin, la projection postéroantérieure permet, mieux que la
projection latérale, d’évaluer la répartition d’une stase dans les
vallécules et les sinus piriformes.
C - ENTITÉS PATHOLOGIQUES
:
Les causes de dysfonction de la déglutition sont multiples.
Ces causes peuvent interférer dans les différentes phases de la
déglutition : soit dans la phase orale, soit dans la phase pharyngée,
soit dans les deux.
Dans la plupart des maladies mentionnées dans le tableau, la
dysphagie haute est le symptôme le plus commun, l’hypocontractilité
de l’hypopharynx est le phénomène le plus constant et
l’aspiration est la complication la plus redoutée.
Une description détaillée de toutes les causes possibles de
dysfonction de la déglutition et de tous les troubles fonctionnels
qu’elles peuvent entraîner au niveau de la déglutition serait une
oeuvre longue et téméraire, car toujours incomplète.
Pour cette
raison, nous nous sommes limités à présenter seulement quelques
entités de dysfonction.
1- Accidents cérébrovasculaires
:
Ils sont une cause fréquente de troubles de la déglutition.
Les
troubles constatés sont aspécifiques et peuvent intéresser aussi bien
la phase orale que la phase pharyngée.
Dans la phase orale, on peut observer une formation inadéquate du bolus, des mouvements multiples de la langue, un retard du réflexe
entraînant la déglutition, un passage passif, une déglutition
fractionnée et une apraxie orale.
Dans la phase pharyngée, on peut noter un mouvement déficient de
l’os hyoïde, un reflux dans le nasopharynx, une expansion diminuée du sphincter supérieur, une hypocontractilité, le plus souvent
bilatérale mais parfois unilatérale, de l’hypopharynx avec stase
, une contraction déficiente des muscles intrinsèques du
larynx, un mouvement épiglottique déficient et une aspiration.
Pour ce qui concerne la prolongation du temps de transit pharyngé,
les avis ne sont pas uniformes.
Des troubles de la déglutition sont observés à l’occasion de lésions
aussi bien du tronc cérébral que des deux hémisphères.
Les
recherches pour établir une relation entre le côté lésionnel
hémisphérique et des troubles de la phase orale versus pharyngée
n’ont pas mené à une conclusion uniforme.
Chez une grande proportion de malades atteints d’un accident cérébrovasculaire,
on observe une amélioration ou une récupération assez rapide des
troubles de la déglutition.
Le
traitement par logopédie est capable de réduire la fréquence et
l’intensité des aspirations.
2- Myasthenia gravis
:
C’est une maladie de la jonction myoneurale des muscles striés.
L’étiologie est probablement auto-immune : on suppose que la
formation d’anticorps vers les récepteurs d’acétylcholine au niveau
de la jonction myoneurale conduit à une perturbation de la
conduction neuromusculaire et à une parésie musculaire.
Ceci
explique pourquoi l’administration d’inhibiteurs de la cholinestérase
(néostigmine, pyridostigmine) améliore la fonction musculaire.
La maladie cause des parésies musculaires à plusieurs niveaux, dont
le retentissement est aggravé par des contractions répétitives.
Les symptômes en rapport avec une dysfonction des muscles de la
bouche et de la déglutition sont : une dysarthrie, une diminution de
la force masticatoire et une dysphagie.
Les principaux symptômes
associés sont la ptôse des paupières et la diplopie.
Dans la phase orale de la déglutition des patients atteints de myasthenia gravis avancée, on remarque souvent une déglutition
hésitante (troubles d’initiation) et une contractilité diminuée de la
langue, qui de plus s’aggrave après plusieurs essais.
Ceci s’explique
par l’atteinte des muscles striés et par le phénomène d’épuisement
bien connu dans cette maladie.
Dans la phase pharyngée, on remarque un mouvement crânial
réduit de l’os hyoïde et une hypocontractilité de l’hypopharynx : les muscles du plancher buccal et de l’hypopharynx sont
en effet également des muscles striés.
Enfin, après administration de néostigmine (Prostigmine), les
troubles mentionnés s’améliorent.
En principe, la thérapie est médicamenteuse, à base de pyridostigmine (Mestinon).
En cas de thymome, une thymectomie
est indiquée.
3- Dystrophie myotonique de Steinert
:
La dystrophie myotonique, décrite par Steinert, est une maladie
musculaire familiale héréditaire, qui atteint surtout les muscles
striés. On note une parésie, une atrophie et une myotonie.
La myotonie est la contraction persistante après la cessation d’une
contraction volontaire.
La maladie frappe surtout les muscles des mains et des bras, le
muscle sterno-cléido-mastoïdien, les muscles des pieds et des
jambes, les muscles de la face et des yeux, ainsi que les muscles oropharyngés.
Souvent, les muscles lisses, surtout ceux de
l’oesophage, sont également atteints.
Les symptômes associés sont
une cataracte, une alopécie frontale et, chez l’homme, une atrophie
testiculaire.
Dans les cas prononcés de dystrophie myotonique, le sphincter
supérieur de l’oesophage a tendance à se fermer trop tard, ou même
à rester ouvert après la déglutition.
De plus, il existe une hypocontractilité de l’hypopharynx,
accompagnée de stase.
Enfin, l’os hyoïde, qui exécute bien son mouvement crânial pendant
la déglutition, présente un retard de sa descente après la déglutition.
Ce phénomène est dû à la relaxation retardée des muscles
striés dans cette maladie.
C’est le même mécanisme qui explique
que ces patients ne sont pas capables de rouvrir la main
immédiatement après l’avoir serrée.
Rappelons que chez l’adulte
normal, l’intervalle entre le début de la montée de l’os hyoïde
pendant la déglutition d’un bolus liquide et sa descente après la
déglutition, est en moyenne 1,30 s.
L’emploi de baryte refroidie pourrait accentuer les troubles
fonctionnels dans la dystrophie myotonique.
Puisque la maladie atteint non seulement les muscles striés mais
également les muscles lisses, l’oesophage entier peut être atteint.
On
note une hypocontractilité, une acontractilité et des contractions
tertiaires.
La thérapie est médicamenteuse, mais symptomatique.
Elle peut
diminuer la myotonie mais pas la parésie.
4- Achalasie du sphincter supérieur
:
Rappelons que le terme « achalasie » est un terme manométrique,
qui signifie « relaxation perturbée » et qui, de plus, ne s’accorde pas
nécessairement avec la notion radiologique d’« ouverture incomplète
».
Par conséquent, en radiologie, il vaudrait mieux ne pas
employer les termes « achalasie » et « relaxation normale », mais
bien « ouverture incomplète » (ou expansion diminuée) et
« ouverture normale » (ou expansion normale).
Dans plusieurs maladies, on observe
une expansion diminuée du sphincter supérieur de l’oesophage, en
combinaison avec d’autres troubles, comme par exemple une hypocontractilité de l’hypopharynx.
Cependant, en dehors de ces
maladies, il existe des cas où l’expansion diminuée de ce sphincter
est quasi la seule anomalie, et où, de plus, une étiologie évidente
n’est pas retrouvée.
Le groupe de patients présentant une expansion
diminuée du sphincter supérieur n’est donc pas homogène du tout.
La signification clinique d’une encoche postérieure permanente
discrète au niveau du sphincter supérieur pendant la déglutition est
discutée.
Certains auteurs la considèrent comme une variante
normale.
Il faut noter toutefois qu’une encoche postérieure à cet
endroit est rapportée dans seulement 4 % des cas dans un groupe
de volontaires sans dysphagie, et que l’incidence monte à 22 % dans
un groupe de patients avec dysphagie.
Puisque plusieurs facteurs semblent intervenir dans l’ouverture du
sphincter supérieur pendant la déglutition (relaxation, élasticité,
déplacement de l’hyoïde, apport du bolus), il n’est pas étonnant que
dans certaines séries d’expansion radiologique diminuée du
sphincter, une relaxation manométrique normale du sphincter soit
retrouvée, tandis que dans d’autres séries il existe une relaxation
incomplète dans une partie des cas.
Reste encore à explorer
quel est le profil manométrique des cas « purs » et « idiopathiques »
dans de grandes séries, en tenant compte du degré radiologique
d’expansion diminuée du sphincter supérieur.
En cas d’expansion nettement diminuée du sphincter supérieur de
l’oesophage, d’origine connue ou inconnue, la dysphagie peut
disparaître ou s’améliorer après myotomie longitudinale de la zone
sphinctérienne.
Deux facteurs doivent influencer la
décision chirurgicale :
– les résultats sont favorables surtout dans les cas graves, c’est-àdire
ceux où l’encoche postérieure réduit la lumière d’au moins
75 % ;
– les résultats sont meilleurs dans les cas où la contractilité de
l’hypopharynx est bien conservée que dans les cas où cette
contractilité est compromise.
D - CONCLUSION
:
La radiologie occupe une position clé dans le diagnostic des troubles
de la déglutition.
La période où l’intérêt de cette radiologie était purement
académique est passée : les techniques thérapeutiques, aussi bien
conservatrices (techniques compensatrices et techniques de
rééducation de la déglutition) que chirurgicales (par
exemple myotomie du sphincter supérieur de l’oesophage, médialisation d’un muscle vocal paralysé par l’implantation d’une
prothèse en silicone), sont en progression.
Il est donc important que nous fassions l’effort d’utiliser les
techniques nécessaires et d’approfondir la sémiologie des troubles,
parfois complexes, de la déglutition.
Dysphagies d’origine basse
:
Parfois, une dysphagie haute a une origine basse.
En outre, des
troubles moteurs du pharynx peuvent être accompagnés de troubles
moteurs de l’oesophage, en raison d’une étiologie commune.
Pour
ces raisons, il est prudent de combiner l’examen de la déglutition
avec l’examen fonctionnel de l’oesophage, et vice versa.
A - TECHNIQUE RADIOLOGIQUE
:
1- Ingestion du bolus et positionnement du patient
:
Pour l’étude radiologique dynamique de l’oesophage, nous utilisons
un bolus liquide et souvent, en outre, un bolus solide.
Comme bolus liquide, nous employons un bolus baryté, notamment
une suspension de Micropaque.
Pour l’évaluation de la contractilité
de l’oesophage, nous administrons, aussi bien en position debout
qu’en position couchée, un bolus de Micropaque non dilué à
concentration de 100 % poids/volume.
Pour l’étude de l’expansion
des différents segments de l’oesophage et pour les épreuves d’hernie
gastrique et de reflux gastro-oesophagien, nous utilisons du
Micropaque dilué.
En pratique, nous demandons au patient
d’abord d’avaler un bolus de Micropaque non dilué, en position
debout, et ensuite de boire le Micropaque dilué de façon continue
dans la même position ; normalement, dans cette position,
l’évacuation de l’oesophage est rapide et pratiquement totale.
Après
cela, nous positionnons le patient en décubitus dorsal pour avaler
un nouveau bolus non dilué, qui normalement est également
évacué par une seule onde péristaltique.
Ensuite, dans le but de
rechercher une éventuelle hernie gastrique, nous lui demandons de
boire de la baryte diluée, en procubitus, à travers une paille, sous
compression abdominale.
Enfin, pour visualiser un reflux gastrooesophagien,
nous positionnons le patient en décubitus dorsal et
nous lui demandons de tourner lentement plusieurs fois sur le côté
gauche et sur le côté droit.
Nous administrons, en outre, un bolus solide en position debout,
dans les cas où l’évacuation du bolus liquide est normale malgré
des plaintes de dysphagie : en effet, le bolus solide nous permet
d’objectiver une dysphagie qui est limitée à des aliments solides.
Comme bolus solide, nous utilisons les croûtes de deux tranches de
pain beurrées légèrement, couvertes par de la baryte sous forme de
poudre, et ingérées en position debout.
Nous avons acquis l’expérience que chez l’homme normal, en position debout, un bolus
solide singulier, tout comme le repas de pain mentionné, sont
transportés quasi immédiatement dans l’estomac.
Si ce n’est pas le
cas, nous suivons le patient par intermittence pendant 5 minutes et,
si nécessaire, nous administrons un verre d’eau pour rincer le résidu
oesophagien.
Plusieurs auteurs conseillent l’emploi d’un bolus solide
, certains utilisent comme nous le pain associé à la baryte
, d’autres utilisent un comprimé de baryte ou un
« marshmallow ».
2- Enregistrement
:
Nous enregistrons ces images dynamiques sur une bande
magnétique.
Nous préférons la technique de vidéofluorographie à la cinématographie pour des raisons de
radioprotection et de facilité de manipulation.
Également pour des raisons de radioprotection, nous limitons la
durée d’enregistrement à moins de 3 minutes.
3- Relation radiologie-manométrie
:
En prenant la manométrie comme norme du diagnostic, la
vidéofluorographie possède un haut degré de fiabilité dans la
détection, et en général également dans la classification des troubles
moteurs de l’oesophage.
Il faut toutefois se rendre compte du fait que les deux techniques
étudient des aspects différents de la motilité oesophagienne : la
manométrie enregistre des pressions intraluminales quantitatives et
la radiologie visualise l’expansion de la lumière, la contraction des
segments de l’oesophage, ainsi que le déplacement du bolus, y
compris la direction.
Cela implique également que la radiologie
ne démontre pas les phénomènes moteurs dans un segment ne
contenant plus de bolus, tandis que la manométrie est nettement
moins sensible que la radiologie pour la détection de contractions
qui n’oblitèrent pas la lumière.
Enfin, il existe un trouble moteur
de l’oesophage dont le diagnostic est purement manométrique :
l’amplitude accrue dans l’oesophage « casse-noisettes », notée en
manométrie, ne peut pas être visualisée par des techniques
radiologiques.
La radiologie et la manométrie sont donc des
techniques complémentaires dans la détection de la grande majorité
des troubles moteurs de l’oesophage.
B - SÉMIOLOGIE RADIOLOGIQUE NORMALE
ET PATHOLOGIQUE :
1- Sémiologie normale
:
Le pharynx et les 2 à 6 cm de l’oesophage proximal contiennent
uniquement des fibres musculaires striées, la moitié distale de
l’oesophage contient uniquement des fibres musculaires lisses, et
entre les deux parties, il existe une zone de transition mixte.
L’innervation motrice de l’oesophage entier est assurée par des fibres
du nerf vague, et accessoirement par des fibres du système
sympathique.
On ne signale pas d’innervation essentiellement
différente pour les parties de l’oesophage à différente composition
musculaire.
Chez le sujet normal, la déglutition est suivie par une contraction
péristaltique antérograde oblitérant complètement la lumière
oesophagienne : c’est la contraction « péristaltique primaire ».
Cette contraction péristaltique est accompagnée
par une relaxation temporaire du sphincter inférieur de l’oesophage,
se traduisant radiologiquement par une ouverture complète des 2 à
4 cm inférieurs de l’oesophage.
Le sphincter inférieur de l’oesophage
a en effet une longueur de 2 à 4 cm.
En phase de relaxation, sa
limite supérieure correspond approximativement à l’anneau A, et sa
limite inférieure est l’orifice du cardia.
L’anneau A de
Wolf est l’encoche radiologique symétrique au niveau de la
transition entre l’oesophage tubulaire et le vestibule. Il est visible
pendant la phase de relaxation.
L’anneau B de Wolf correspond à la
jonction entre la muqueuse oesophagienne et la muqueuse gastrique,
mais n’est pas visible radiologiquement chez l’homme normal.
Il
devient visible dans la petite hernie par glissement comme une
encoche radiologique symétrique à la limite supérieure de la hernie.
Certains auteurs désignent par le terme « vestibule » le segment
entier entre l’anneau A et l’orifice du cardia.
D’autres réservent le
terme vestibule au segment entre l’anneau A et l’anneau B (non
visible radiologiquement chez l’homme normal et correspondant
approximativement à l’indentation diaphragmatique), donc au
segment ampullaire supradiaphragmatique, sans le segment
immergé infradiaphragmatique.
La contraction péristaltique, dans laquelle interviennent non
seulement les fibres musculaires circulaires mais également les fibres
longitudinales, entraîne une évacuation totale du contenu
oesophagien dans l’estomac, et est suivie par la fermeture du
sphincter inférieur, résultant en une restauration d’une zone de
haute pression d’approximativement 20 mmHg ; l’oesophage
commence alors à se relaxer, sauf ses sphincters supérieur et
inférieur.
Donc, quand le sujet n’avale pas, les deux sphincters de
l’oesophage sont fermés, tandis que l’oesophage même est en
relaxation.
Comme cela a déjà été mentionné, aussi bien le bolus liquide que
nous étudions en position debout et couchée, que le bolus solide
que nous étudions en position debout, sont évacués immédiatement
et quasi totalement chez le sujet normal.
Il est toutefois possible
qu’en position couchée une partie du bolus s’accumule dans la
portion ampullaire supradiaphragmatique du segment sphinctérien
, et que cette « ampoule phrénique » se contracte contre
un hiatus diaphragmatique fermé en inspiration : il y a alors un
reflux vestibulo-oesophagien, c’est-à-dire un reflux de l’ampoule
phrénique dans l’oesophage tubulaire, ce qui est un phénomène
normal.
Quand le sujet normal avale deux fois de suite, la contraction
péristaltique attendue, suite à la première déglutition, est inhibée :
c’est l’inhibition causée par la déglutition.
Cela veut dire
qu’aussi longtemps que le sujet boit de façon continue, il n’y a pas
de contraction péristaltique de l’oesophage.
C’est ce principe que
nous appliquons dans la recherche de l’expansion maximale de tous
les segments oesophagiens.
Puisque, chez le sujet normal, le sphincter inférieur (et supérieur)
est fermé en dehors des périodes de déglutition, il n’y a pas de reflux gastro-oesophagien, même en position couchée.
Certains auteurs
pensent qu’un reflux gastro-oesophagien éphémère peut être
normal.
2- Sémiologie pathologique
:
Les troubles moteurs de l’oesophage peuvent se situer au niveau de
l’oesophage et/ou au niveau de ses sphincters.
La contractilité péristaltique peut être absente dans la totalité ou
dans une partie de l’oesophage.
Dans ce cas, l’évacuation de
l’oesophage est déficiente, surtout en position couchée.
L’hypocontractilité globale ou partielle de l’oesophage est une autre
modalité de trouble moteur.
Dans ce cas, l’onde péristaltique est
conservée, mais son amplitude est diminuée.
La contraction
n’entraîne donc pas une oblitération complète de la lumière
oesophagienne, et par conséquent, l’évacuation de l’oesophage est
incomplète ou retardée.
La contraction « péristaltique secondaire » de l’oesophage est une
contraction péristaltique qui, contrairement à la contraction
péristaltique primaire, n’est pas provoquée par une déglutition mais
par un autre facteur, par exemple la distension de l’oesophage par
un reflux oesophagien, par un résidu oesophagien après une
contraction péristaltique primaire inefficace, ou après l’injection d’un bolus liquide dans l’oesophage au moyen d’un cathéter.
Les « contractions tertiaires » ne sont pas des ondes péristaltiques,
mais des contractions simultanées à divers niveaux,
quoique surtout dans les deux tiers inférieurs de l’oesophage.
Elles peuvent être provoquées par une déglutition, mais peuvent
également apparaître en dehors des déglutitions.
Elles sont rares
chez le jeune adulte et se produisent plus fréquemment au cours du
vieillissement.
Elles se rencontrent surtout dans des conditions
pathologiques.
Les termes « contractions tertiaires », « contractions
simultanées » et « spasmes étagés » sont employés comme
synonymes.
Les dysfonctions du sphincter supérieur de l’oesophage ont été
discutées précédemment, dans les troubles de la déglutition.
Le sphincter inférieur de l’oesophage peut présenter deux types de
dysfonctions : ou bien son ouverture est déficiente, comme dans
l’achalasie ou dans les spasmes diffus de l’oesophage, ou bien sa
fermeture est déficiente, occasionnant le reflux gastro-oesophagien.
Le reflux gastro-oesophagien provoque à son tour des troubles
moteurs de l’oesophage.
C - ENTITÉS PATHOLOGIQUES
:
Le spectre des entités pathologiques qui peuvent se manifester par
des troubles moteurs de l’oesophage est très large.
La classification de Dodds n’inclut pas la totalité des
affections ayant une répercussion sur la motilité oesophagienne, mais
a l’avantage de suivre la logique de la distinction entre des affections
primaires de cause inconnue et des affections secondaires.
Dans la première catégorie, nous traitons l’achalasie, les spasmes
diffus de l’oesophage et le presbyoesophage.
Puis nous abordons le
reflux gastro-oesophagien, la myasthenia gravis, la sclérodermie, le
groupe des maladies neurologiques et la régurgitation
oesophagienne.
Enfin, nous constatons dans notre pratique journalière, de temps à
autre, des troubles moteurs que nous ne réussissons pas à étiqueter.
Les symptômes les plus fréquents dans toutes ces maladies sont la
dysphagie et la douleur.
1- Achalasie du sphincter inférieur
:
C’est une maladie musculaire de l’oesophage d’origine inconnue.
Dans l’achalasie, on note une association de trois troubles moteurs :
– la contraction suite à la déglutition s’arrête en amont de la crosse
de l’aorte ;
– des contractions tertiaires, faibles à modérées, se produisent dans
les deux tiers inférieurs de l’oesophage ;
– l’ouverture du sphincter inférieur est déficiente.
Ceci occasionne un aspect de cardia rétréci à contours réguliers et à
plis muqueux conservés.
Ces caractéristiques
permettent en général le diagnostic différentiel avec la tumeur
maligne du cardia.
Contrairement à l’achalasie du sphincter supérieur de l’oesophage,
dans l’achalasie du sphincter inférieur, l’ouverture radiologique
diminuée du segment sphinctérien pendant la déglutition
correspond toujours à une relaxation manométrique perturbée.
L’« achalasie vigoureuse » est une variante d’achalasie, présentant
des contractions tertiaires profondes et répétitives : elles se
produisent non seulement immédiatement après la déglutition, mais
se prolongent dans le temps.
Parfois, dans le segment sphinctérien à relaxation perturbée, on note
la présence d’un petit pseudodiverticule soit symétrique,
soit asymétrique.
Les effets secondaires de l’achalasie à long terme sont de trois types.
– L’oesophage subit une dilatation et une élongation.
– Rarement, on constate, dans l’achalasie, le développement de
diverticules multiples du corps oesophagien.
– L’achalasie présente en outre un risque accru de cancérisation.
En général, le diagnostic de cette complication est tardif à cause de la dysphagie préexistante et à cause de l’oblitération tardive de la
lumière oesophagienne dilatée.
Nous traitons la thérapie de l’achalasie uniquement du point de vue
de la répercussion radiologique.
La dilatation pneumatique du cardia semble le traitement de choix,
sauf dans les cas de diverticule de l’oesophagus distal.
Elle conduit
en général à une amélioration nette des plaintes.
Le
pourcentage de perforation de l’oesophage par cette méthode est
faible.
Le diagnostic est fait par un examen radiologique avec
un produit iodique hydrosoluble et la guérison est obtenue
dans la grande majorité des cas par thérapie conservatrice.
Certains auteurs évaluent et suivent l’effet de la thérapie par une
méthode radiologique standardisée en faisant des clichés 1, 2 et
5 minutes après l’ingestion d’un volume défini de baryte diluée, en
position debout, avant et après le traitement.
La myotomie longitudinale du cardia, selon Heller, est une
alternative pour la dilatation pneumatique et conduit également à
une meilleure expansion du cardia.
En raison du
reflux gastro-oesophagien qui est une complication de l’intervention,
la myotomie de Heller est actuellement souvent combinée avec une
intervention chirurgicale antireflux.
Dans notre pratique, nous avons observé un cas d’invagination rétrograde gastrooesophagienne
après dilatation pneumatique chez un patient ayant
subi auparavant une myotomie de Heller.
2- Spasmes diffus
:
Les spasmes diffus de l’oesophage constituent une entité précise
dans le spectre des troubles moteurs de l’oesophage : tout comme
pour l’achalasie, l’étiologie profonde est inconnue.
Les spasmes
diffus se distinguent donc des troubles moteurs de l’oesophage qui
sont observés, par exemple, dans le reflux gastro-oesophagien.
Dans les spasmes diffus, les contractions péristaltiques primaires
sont conservées par intermittence, parfois jusqu’au cardia.
On
observe de temps à autre une ouverture normale du sphincter
inférieur.
La maladie est caractérisée surtout par des contractions
tertiaires profondes et répétitives dans les deux tiers inférieurs de
l’oesophage, après la déglutition et même spontanément en dehors
des déglutitions.
Ces contractions tertiaires pincent la lumière
oesophagienne et se fusionnent parfois en formant de plus longs
segments contractés ; elles fragmentent le bolus et le déplacent aussi bien en
direction rétrograde qu’antérograde.
L’oesophage
n’est pas ou est peu dilaté.
Les
contractions tertiaires mentionnées rapprochent les spasmes
diffus de l’achalasie vigoureuse.
Il n’est
donc pas étonnant que dans certains cas le diagnostic
différentiel entre ces deux entités puisse être difficile.
Nous avons
d’ailleurs observé des transitions de spasmes diffus en
achalasie, dans le suivi de certains cas.
Le
traitement des spasmes diffus de l’oesophage est surtout
médicamenteux, mais les résultats à long terme sont plutôt
médiocres.
Les
résultats de la dilatation pneumatique et de la myotomie
longitudinale sont nettement moins bons que dans l’achalasie.
3- Presbyoesophage
:
L’origine exacte des troubles moteurs de l’oesophage, groupés dans
l’entité « presby-oesophage » est inconnue.
Toutefois, depuis longtemps, il est observé que :
– avec l’âge, le pourcentage de déglutitions suivies de troubles
moteurs de l’oesophage s’accroît : le nombre de perturbations de la
contraction péristaltique primaire et le nombre de contractions
tertiaires augmentent notamment ;
– chez une minorité de gens âgés, il existe des troubles moteurs
plus prononcés de l’oesophage, conduisant ou non à une dysphagie.
Dans ces cas, on note surtout que la contraction péristaltique
primaire s’affaiblit dans les deux tiers inférieurs de l’oesophage et
que des contractions tertiaires s’installent dans les mêmes segments,
surtout dans le tiers inférieur.
Parfois, il existe une hypotonie
accentuée du corps oesophagien, dans la phase de repos de la
contractilité oesophagienne, donc hors des périodes de déglutition.
4- Reflux gastro-oesophagien
:
Différents facteurs peuvent intervenir dans la genèse d’un reflux
gastro-oesophagien : la hernie hiatale par glissement, l’incompétence
du sphincter inférieur de l’oesophage sans hernie démontrée, la sclérodermie, la grossesse, une intubation gastrique prolongée,
certaines interventions chirurgicales de l’estomac, la vagotomie et la
myotomie pour achalasie selon Heller.
La plus grande sensibilité de la pH-métrie des 24 heures dans la
détection de reflux gastro-oesophagien, vis-à-vis de l’examen
radiologique qui dure quelques minutes, n’infirme pas l’importance
d’un reflux gastro-oesophagien, visualisé par méthodes
radiologiques.
La plus grande sensibilité de la pH-métrie des
24 heures est probablement liée au fait que, dans le reflux gastrooesophagien,
le tonus du sphincter inférieur de l’oesophage ne
montre pas nécessairement une baisse continue, mais souvent
seulement transitoire, de courte durée.
Le reflux gastro-oesophagien peut induire une contraction
péristaltique secondaire, évacuant le résidu oesophagien.
En plus,
dans le reflux, on constate des troubles moteurs de l’oesophage
analogues à ceux observés dans le presby-oesophage : diminution
de l’amplitude contractile de la contraction péristaltique primaire
dans le tiers ou les deux tiers inférieurs de l’oesophage et présence
de contractions tertiaires dans les mêmes segments.
Ces
troubles moteurs conduisent à une évacuation retardée de
l’oesophage.
La recherche de ces troubles moteurs présente un intérêt pratique,
surtout dans la décision d’une intervention chirurgicale antireflux,
induisant un rétrécissement du segment terminal de l’oesophage.
En
effet, la combinaison de ce rétrécissement opératoire avec une hypocontractilité oesophagienne préexistante peut provoquer une
dysphagie importante et donc un échec de l’intervention.
Certains auteurs suggèrent un lien entre la sensation de globus au
niveau de la gorge et le reflux gastro-oesophagien.
L’hypothèse
d’une relation entre certaines anomalies motrices du sphincter
supérieur de l’oesophage et le reflux gastro-oesophagien a été mentionnée
précédemment.
5- Myasthenia gravis
:
Le pharynx et les 2 à 6 cm de l’oesophage proximal contiennent
uniquement des fibres musculaires striées. Myasthenia gravis est
une maladie des muscles striés.
Cette maladie atteint donc
l’hypopharynx et la partie proximale de l’oesophage.
Les troubles moteurs de l’hypopharynx, dans cette maladie, ont été
discutés précédemment.
Dans l’oesophage cervical et dans la transition oesophage cervicaloesophage
thoracique, la maladie provoque également une
hypocontractilité qui s’aggrave après plusieurs déglutitions.
Ce
trouble est réduit après administration de néostigmine, qui est un
inhibiteur de la cholinestérase.
6- Sclérodermie
:
C’est une maladie d’origine probablement auto-immune qui
appartient au groupe des collagénoses.
On y trouve surtout une
prolifération du collagène, une atrophie des muscles lisses et des
changements vasculaires.
La maladie atteint la peau (mains, face, cou, thorax), le tube digestif
(oesophage, duodénum, grêle, côlon), les poumons, le coeur et les
reins.
L’oesophage est atteint dans 80 % des cas.
Contrairement à la myasthenia gravis, la sclérodermie atteint les
muscles lisses : les troubles moteurs de l’oesophage se situent donc
dans les deux tiers inférieurs de l’oesophage thoracique.
Ces troubles
semblent apparaître assez précocement.
En général, la contraction péristaltique primaire persiste dans le tiers
supérieur de l’oesophage, mais elle s’affaiblit ou disparaît dans les
deux tiers inférieurs.
Parfois, on observe de faibles contractions
tertiaires dans ces deux tiers inférieurs.
Ces mêmes segments sont
souvent légèrement dilatés.
De plus, il existe souvent un reflux gastro-oesophagien et
l’évacuation de l’oesophage est retardée.
Des anomalies radiologiques associées peuvent être détectées au
niveau des mains (résorption osseuse des phalanges terminales,
calcifications des tissus mous des doigts), et au niveau de l’intestin
grêle (dilatation pseudodiverticulaire).
Le pronostic de la sclérodermie est plutôt médiocre.
L’efficacité du traitement médicamenteux général (corticostéroïdes,
antimitotiques) est discutable.
Le reflux gastro-oesophagien nécessite
une médication inhibitrice de la production d’acide gastrique, et
parfois un traitement chirurgical antireflux.
7- Maladies neurologiques
:
Bien que les patients atteints d’une maladie du système nerveux
central forment un groupe inhomogène, on peut constater
qu’en général l’atteinte frappe plus le pharynx que l’oesophage.
Les
troubles moteurs en cas d’atteinte oesophagienne se manifestent
surtout par un affaiblissement ou même une disparition de l’onde
péristaltique primaire, mais en plus, des contractions
tertiaires peuvent être observées.
Dans le diabète et la neuropathie alcoolique, les nerfs périphériques
sont atteints.
On peut observer, dans l’oesophage, une absence ou
une diminution de l’onde péristaltique primaire et la présence de
contractions tertiaires.
8- Régurgitation oesophagienne
:
La régurgitation (ou éructation) oesophagienne est connue dans la
littérature d’expression anglaise sous le nom de esophageal belching.
Le patient présente un syndrome clinique caractérisé par la
production d’un bruit oral biphasique intermittent : un bruit strident
inspiratoire, suivi d’un bruit plus sonore à basse fréquence en phase
expiratoire.
Le bruit inspiratoire s’accompagne d’une aspiration d’air extérieur
dans l’oesophage pendant que la glotte reste fermée ; dans les formes
classiques, l’air aspiré reste dans l’oesophage et n’entre donc pas
dans l’estomac.
Le bruit expiratoire s’accompagne d’une régurgitation de l’air
oesophagien vers l’extérieur : cette régurgitation va de pair avec un
collapsus du corps oesophagien.
L’éructation oesophagienne est considérée comme un acte volontaire,
parce qu’elle peut être induite et arrêtée sur commande.
L’étiologie
est probablement psychique : le phénomène est en général observé
chez des sujets émotionnellement instables ou anxieux.
Il est intéressant de noter que la possibilité du contrôle volontaire
mentionné est utilisée pour obtenir une voix oesophagienne chez les
laryngectomisés.
Conclusion
:
Dans le but de poser un diagnostic aussi précis que possible,
l’enregistrement des troubles moteurs de l’oesophage par vidéofluorographie est nécessaire, et ceci selon un schéma précis.
La vidéofluorographie est un examen fiable pour la détection et la
classification de la grande majorité des troubles moteurs de l’oesophage.
Dans certains cas, d’autres techniques comme la manométrie et la pHmétrie
apportent des éléments utiles ou indispensables mais ne suffisent
pas pour une mise au point complète de ces troubles moteurs.
La
radiologie et ces techniques sont donc complémentaires.
Dans une partie des troubles moteurs de l’oesophage, une thérapie
conservatrice ou chirurgicale est possible : le diagnostic de ces troubles
n’a donc pas uniquement pour but d’exclure une maladie
morphologique de l’oesophage en cas de dysphagie.