L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) est une
technique atraumatique permettant de reproduire la somatotopie
des aires fonctionnelles basée sur des séquences d’acquisitions
rapides, comme l’échoplanar.
Les premières expérimentations
utilisaient des agents de contraste comme les chélates de gadolinium
mais, actuellement, la technique est basée sur une substance
endogène : la désoxyhémoglobine des globules rouges et ses
variations locales.
L’IRMf de caractère atraumatique bénéficie aussi d’une résolution
anatomique supérieure à la tomographie par émission de positons
(TEP).
Elle est impliquée dans la recherche fondamentale, comme
dans la mise en évidence de l’origine du signal ou dans
d’autres voies de recherches permettant d’appréhender le cortex
visuel, auditif, moteur et sensitif.
Les
approches cliniques de l’IRMf déjà réalisées s’appuient sur le parc
d’IRM diagnostiques car, dès que l’IRMf a été décrite, elle a pu être
transférée à 1,5 T sur les imageurs cliniques sans modification de
matériel, au moins en ce qui concerne la mise en évidence des zones
d’activations primaires.
Principes
:
A - ASPECTS TECHNIQUES
:
1- Contraste en IRM fonctionnelle
:
En IRMf, le marqueur est une molécule paramagnétique endogène
agissant sur le temps de relaxation des protons de l’eau, ainsi que
sur leur cohérence de phase : le couple oxyhémoglobinedésoxyhémoglobine.
Le passage d’une molécule, type agent de contraste paramagnétique,
présentant un moment magnétique intense induit une perte de
signal par production de déphasages des spins qui diffèrent selon
leur position.
La présence d’un tel composé dans le compartiment intravasculaire
induit des différences de susceptibilité magnétique entre les
compartiments intra- et extravasculaires.
Localement, celles-ci
produisent un gradient de champ magnétique qui affecte la
fréquence de résonance des protons de l’eau.
La présence
d’hétérogénéités statiques de champ magnétique à l’intérieur d’un voxel induit une distribution de fréquence de résonance moins
centrée et un élargissement de la raie de l’eau et par conséquent,
une baisse de signal.
Ce dernier phénomène, non compensé en écho
de gradient, n’est pas irréversible.
Parallèlement, les phénomènes
de diffusion de l’eau ainsi que la perméabilité des membranes entre
les divers compartiments amplifient la perte de signal.
Les molécules
d’eau contenues dans les tissus diffusent à travers ces gradients de
champ magnétique.
Ces processus irréversibles, entraînant une perte
de cohérence de phase des spins de l’eau, se caractérisent par une
diminution du temps de relaxation transversale (T2).
La contribution
cumulée de ces deux phénomènes est quantifiée par le paramètre
noté T2*.
Hémoglobine : un produit de contraste endogène
L’état d’oxygénation du sang est un paramètre important dans le
contraste obtenu en IRMf.
L’hémoglobine est formée de quatre sousunités,
composées chacune d’un polypeptide, la globine, et d’un
groupement prosthétique, l’hème, affiné pour le fer.
La captation de
l’oxygène conduit à l’oxydation du fer ferreux (Fe ++) en fer ferrique
(Fe3+).
La configuration électronique d’un atome de fer à l’état
ferreux (Fe2+) est 1s2 2s2 2p6 3s2 3p6 3d6, avec six électrons sur
l’orbitale 3d.
Dans l’oxyhémoglobine, la molécule d’oxygène (O2)
crée un champ fort qui provoque une levée de dégénérescence
importante des niveaux énergétiques des orbitales 3d.
Tous les
électrons se placent sur le niveau d’énergie stable (basse énergie) et
sont appariés.
La molécule possède alors des caractéristiques
diamagnétiques.
En revanche, pour la désoxyhémoglobine, l’écart
énergétique entre les orbitales 3d est faible, les électrons se
répartissent sur les deux niveaux d’énergie et ne sont plus appariés.
La présence de quatre électrons célibataires confère à cette molécule
un caractère paramagnétique.
Possédant des propriétés magnétiques différentes selon son degré
d’oxydation, l’hémoglobine devient un produit de contraste
endogène idéal en IRM.
Ainsi, la présence de désoxyhémoglobine
est détectée en IRM par une diminution de signal liée au déphasage
des spins de l’eau en images pondérées en T2*.
Les mesures de spectroscopie proche infrarouge ont permis de
déterminer les proportions relatives d’oxyhémoglobine (pic
d’absorption à 575 nm), de désoxyhémoglobine (550 nm) et de
méthémoglobine (635 nm).
Grâce à ces paramètres, il apparaît que
durant la première phase d’une activation cérébrale
l’oxyhémoglobine et la désoxyhémoglobine augmentent de manière
similaire.
Au bout de 2 secondes, la désoxyhémoglobine atteint un
maximum, puis diminue alors que la quantité locale
d’oxyhémoglobine continue de croître.
Six secondes après la
stimulation, l’oxyhémoglobine atteint un maximum concomitant
avec le minimum de la désoxyhémoglobine.
Enfin, 10 secondes
après l’activation, les quantités de désoxyhémoglobine et
d’oxyhémoglobine retournent au niveau basal.
Ces données permettent d’extrapoler les phénomènes observés en
IRM où seule l’influence de la désoxyhémoglobine est détectée
durant l’activation.
Le modèle de base est appelé le contraste BOLD
(blood oxygen level dependent contrast).
2- Effet BOLD
:
L’IRMf est réalisée grâce à des séquences sensibles aux différences
de susceptibilité magnétique du sang induites par les variations de
concentration en désoxyhémoglobine lors d’une activation cérébrale.
Dans un premier temps, un stimulus provoque une consommation
locale d’oxygène responsable d’une augmentation du taux de désoxyhémoglobine.
La susceptibilité magnétique plus importante
induit une baisse du signal d’IRM.
Ce phénomène, de très faible
amplitude (1 à 2 %), appelé réponse rapide (résolution temporelle
de 1 à 2 secondes), n’est observable que sur des imageurs à hauts
champs (2 ou 3 T).
Dans un deuxième temps, l’organisme réagit en augmentant le flux
et le volume sanguin cérébral pour compenser cette lacune en O2,
parallèlement à une baisse de la fraction d’extraction de l’O2.
Cette
hausse disproportionnée lave le compartiment capillaire de la désoxyhémoglobine.
Le champ magnétique local devient plus
homogène et induit une cohérence de phase des spins de l’eau plus
importante.
Une augmentation de signal pondéré en T2* de 4 à 6%
est observable pour un champ magnétique de 1,5 T.
Seul ce deuxième phénomène est observable sur les appareils utilisés
en exploration clinique.
De plus, plusieurs compartiments sanguins
et tissulaires contribuent à ces différences de signaux : le
compartiment macrovasculaire, le compartiment microvasculaire
(veinules et capillaires), le compartiment extravasculaire.
Les contributions relatives sur le contraste IRMf de chacun de ces
compartiments sont étroitement liées aux conditions d’acquisition
du signal et posent un problème de sélectivité.
3- Influence des conditions d’acquisition sur le contraste
fonctionnel :
Les bases physiologiques sur lesquelles reposent la cartographie
cérébrale par IRMf sont généralement attribuées à une
hyperoxygénation transitoire du sang du compartiment veineux
suivant une augmentation régionale du débit sanguin cérébral après
consommation d’oxygène.
Ainsi, les applications actuelles sont
souvent reliées à l’interprétation d’effets ou de différences
significatives plutôt qu’à une analyse rigoureuse entre l’activité
neuronale, les conséquences hémodynamiques et la physique de
l’IRM.
Il résulte que la visualisation de variations liées à un stimulus
est grandement soumise aux conditions expérimentales.
* Sensibilité au signal des macrovaisseaux
:
Les variations observées sur ces images fonctionnelles acquises avec
des séquences d’échos de gradient classiques à temps de répétition
(TR) court (environ 60 millisecondes) et angles de nutation
importants (90°) sont fortement influencées par les variations de
signaux au sein des macrovaisseaux.
En effet, la forte pondération
T1 des images augmente le phénomène d’entrée de coupe qui
s’accompagne de variations de plusieurs dizaines de pour-cent du
signal entre les périodes de repos et d’activation.
Ce problème a été mis en évidence par des études menées en
angiographie par résonance magnétique fonctionnelle (ARMf).
Plusieurs équipes ont montré que certains « foyers d’activation »
étaient parfaitement superposables aux vaisseaux observés par ARM.
Les zones correspondant aux macrovaisseaux, peu spécifiques,
peuvent ainsi induire des erreurs de localisation importantes des
foyers d’activation.
Parallèlement, les différences de susceptibilité magnétique au sein
du compartiment capillaire n’induisent des variations de signaux
que de 4 à 6%.
Cette faible dynamique pénalise la spécificité des
résultats obtenus en IRMf par des séquences conventionnelles en
écho de gradient.
Néanmoins, ce problème peut être minimisé en
optimisant les paramètres d’acquisition.
* Minimisation de la contamination par le compartiment macrovasculaire
:
Le choix d’un angle de nutation faible, d’environ 10°, élimine la
saturation des spins immobiles tout en garantissant la sensibilité aux
variations de T2* engendrées par la variation d’oxygénation du sang,
en maintenant un temps d’écho assez long.
Le phénomène d’entrée de coupe peut être également minimisé par
l’utilisation d’acquisitions volumiques. Malheureusement, malgré
un gain en rapport signal/bruit et une meilleure résolution spatiale,
cette approche reste limitée par sa résolution temporelle médiocre.
Il est également possible d’utiliser des séquences échoplanar,
aujourd’hui les plus usitées en IRMf, qui permettent de s’affranchir
des phénomènes de saturation des spins grâce à un TR infini
(TR = ∞).
L’excitation des spins n’étant réalisée qu’une seule fois
avant échantillonnage du plan de Fourier, la saturation des spins est
uniquement dépendante du délai séparant deux acquisitions de la
même coupe.
De nombreuses équipes utilisent les séquences d’écho de gradientéchoplanar
qui sont sensibles à la fois aux variations de T2 et aux
hétérogénéités de champ magnétique.
Cette option est généralement
choisie dans le cas d’imageurs cliniques de 1,5 T.
Pour des aimants à
haut champ (supérieur ou égal à 2 T), il apparaît intéressant
d’utiliser des séquences d’écho de spin-échoplanar à échos décalés.
Elles semblent générer un signal beaucoup plus sélectif que les
séquences d’écho de gradient-échoplanar avec une meilleure
sensibilité vis-à-vis du signal des microvaisseaux, un effet moins
prononcé des artefacts pulsatiles de flux et une sensibilité moins
importante aux gradients de champ macroscopique en rapport avec
les imperfections de shim et les interfaces tissu/air/os.
Toutefois,
ces séquences possèdent une sensibilité plus faible que les séquences
d’écho de gradient-échoplanar aux variations de susceptibilité magnétique, car les phénomènes liés aux gradients statiques sont en
grande partie compensés.
De ce fait, l’écho de spin-échoplanar
EPI-SE (spin-echo-echoplanar imaging) n’est applicable qu’à champ
magnétique intense supérieur ou égal à 2 T.
En définitive, la plupart des groupes travaillant sur des imageurs
cliniques de 1,5 T utilisent les séquences d’écho de gradientéchoplanar
pour minimiser les effets d’entrée de coupes et garder
une sensibilité suffisante.
B - ANALYSE D’IMAGES ET CORRÉLATION
AUX TECHNIQUES ÉLECTROPHYSIOLOGIQUES :
1- Traitement et analyse des images en IRMf
:
Une expérimentation typique en IRMf consiste en une alternance de
phases de repos et de phases d’activation.
Pendant la phase de
repos, le sujet n’exécute aucune tâche spécifique, il lui est demandé
de se relaxer et de ne penser à rien ; tandis que dans la phase
d’activation, il a pour instruction d’exécuter une tâche spécifiée à
l’avance.
Ces deux phases sont alternées et répétées un certain nombre de
fois (typiquement quatre phases de repos et quatre phases
d’activation, durant chacune 30 secondes) tandis qu’un volume
d’images (dix à 12 coupes) est acquis périodiquement (typiquement
toutes les 3 secondes).
Une expérimentation génère un ensemble de
volumes d’images et chaque pixel est ainsi caractérisé par un signal
temporel (composé de 80 valeurs) qui traduit l’activité de ce pixel
pendant le déroulement de l’examen.
C’est ce signal qui sera soumis
aux analyses statistiques pour décider si ce pixel est impliqué dans
l’exécution de la tâche.
De manière plus générale, l’IRMf permet de mener des
expérimentations avec des conditions autres que les deux seules
conditions activation-repos.
La condition appelée ici « repos » doit
être considérée comme une condition contrôle à laquelle est
comparée la condition active.
Avant d’arriver au résultat final qui consiste à détecter les pixels
impliqués dans l’exécution d’une tâche, certains traitements
préliminaires sont nécessaires : le recalage des images et le filtrage
du bruit.
* Recalage d’images
:
Cette étape a pour but de rendre superposables les volumes
d’images acquises aux différents instants.
Ces images pouvant
provenir du même sujet (recalage intrasujet) ou de plusieurs sujets
dans une étude de groupe (recalage intersujets).
+ Recalage intrasujet
:
Dans tous les cas, le recalage individuel est une étape indispensable
car tout défaut de superposition fait que le signal attribué à un pixel
serait en réalité l’enchaînement de morceaux de signaux provenant
de plusieurs pixels.
Le mouvement de la tête du sujet pendant
l’examen en est la cause principale ; tout mouvement, même
imperceptible (de l’ordre de quelques dixièmes de millimètres) peut
avoir un effet artefactuel important.
Les méthodes permettant de corriger le mouvement de la tête du
sujet consistent à choisir un volume comme référence et à calculer
les paramètres de translations (trois, correspondant aux trois axes)
et de rotations (trois rotations) à appliquer à chacun des autres
volumes pour le rendre superposable à cette référence.
Elles sont
toutes basées sur le même principe avec trois composantes :
– méthode de mesure de la différence entre les deux volumes
d’images (volume transformé et référence) ;
– méthode de recherche des six paramètres de transformations
permettant de rendre cette différence minimale ;
– méthode d’interpolation.
L’interpolation est nécessaire car les coordonnées transformées d’un
pixel ne sont pas toujours des nombres entiers et ainsi il se trouve
situé entre des pixels de la grille des coordonnées ; la valeur en ce
pixel doit être calculée à partir des pixels de la grille qui l’entoure.
La méthode la plus simple est l’interpolation linéaire (ou
multilinéaire), mais celle qui est la plus adaptée à l’IRM est basée
sur des fonctions d’interpolation en sinus cardinal qui offrent
l’avantage de préserver au mieux le contenu fréquentiel des images,
mais ont l’inconvénient de nécessiter des temps de calculs très longs.
La plus connue des méthodes de recalage est due à Woods ; elle a
été initialement développée pour la TEP, puis appliquée à l’IRMf.
Elle exploite l’idée que deux images sont peu différentes lorsque le
rapport pixel à pixel des valeurs dans les deux images est proche
d’une constante.
Elle procède par approximations successives ; les six paramètres du
mouvement sont ajustés de proche en proche jusqu’à obtenir ceux
qui fournissent la meilleure qualité de recalage estimé au sens du
rapport défini ci-dessus.
D’autres méthodes utilisent la moyenne des
carrés des différences entre pixels comme critère de qualité du
recalage et utilisent des méthodes basées sur les dérivées pour
déterminer les paramètres de translations et rotations qui rendent
cette différence minimale.
Il faut noter que ces méthodes de recalage sont basées sur
l’hypothèse de déformations rigides et si elles corrigent correctement
les effets dus au mouvement de la tête du sujet, elles ne prennent
pas en compte les déformations dues aux mouvements
physiologiques telles que les pulsations cardiaques ou la respiration
qui, elles, se traduisent par des déformations non rigides.
Ceci signifie que ces techniques ne peuvent pas fournir un recalage
meilleur que 0,2 mm et même davantage en cas de respiration
forcée, par exemple.
Par ailleurs, elles ne peuvent s’appliquer que
pour des mouvements de petite amplitude (de l’ordre de quelques
millimètres).
Les mouvements de grande amplitude sont difficiles à
corriger et introduisent un bruit trop important pour que les images
soient exploitables.
Si le mouvement a été insuffisamment corrigé,
ceci se traduit, généralement, par des artefacts situés en bordure de
l’image.
+ Recalage intersujets
:
Il est nécessaire lorsque le but est une analyse de groupe ou une
étude comparative entre différents sujets.
Ce problème est rendu
difficile par la variabilité dans la forme des cerveaux et surtout la
configuration des circonvolutions.
Les méthodes décrites de recalage intrasujet ne sont plus suffisantes puisque les
déformations à déterminer ne sont pas de type corps rigide mais
sont différentes selon la position dans le volume d’images.
Il s’agit
d’identifier chacune des structures composant les cerveaux et de les
rendre superposables structure par structure.
La méthode la plus
simple consiste à définir des points de repères identifiables sur tous
les cerveaux et de calculer une transformation non linéaire
(contrairement à la transformation corps rigide qui est linéaire)
permettant de ramener tous les cerveaux à un cerveau de référence.
Mais cette méthode est lourde à mettre en oeuvre car elle demande à
l’utilisateur la définition d’un grand nombre de points de repères
dont l’identification n’est pas toujours aisée.
Des approches alternatives automatiques, ne nécessitant pas
l’intervention de l’utilisateur, ont été proposées.
La plupart sont une
généralisation des méthodes citées précédemment.
Pour obtenir
une meilleure précision dans le recalage, il est préférable de
l’appliquer d’abord sur les images anatomiques (acquises en T1) de
meilleure résolution, puis d’appliquer les transformations calculées
sur ces images anatomiques aux images fonctionnelles en ayant pris
la précaution, lors de l’acquisition, de faire en sorte que les coupes
fonctionnelles et les coupes anatomiques se correspondent.
Souvent,
le cerveau de référence auquel sont ramenés tous les cerveaux est
un cerveau standard qui correspond à l’atlas de Talairach-Tournoux
et sert de normalisation.
Ceci nécessite le repérage de la
commissure antérieure dans tous les cerveaux.
Pour rendre le
recalage plus facile, il est préférable que les coupes soient acquises
parallèlement au plan bicommissural.
* Filtrage du bruit
:
+ Lissage spatial
:
Il est fait par un noyau gaussien (chaque valeur de pixel est
remplacée par une somme pondérée par une gaussienne de ses
voisins dans les trois directions x-y-z).
Ce lissage augmente, comme
tout lissage, le signal rapport/bruit.
Il permet aussi de corriger les
défauts résiduels de recalage.
Typiquement, la largeur à mi-hauteur
du filtre est prise égale à trois fois la résolution (taille du pixel).
Dans une étude de groupe, pour tenir compte de la variabilité
anatomique des cerveaux des sujets, il est conseillé de la prendre
égale à quatre ou cinq fois cette résolution.
+ Lissage temporel
:
Pour améliorer le rapport signal/bruit, un filtre passe-bas est
appliqué au signal.
Un second filtre passe-haut est appliqué.
Il a
pour but de corriger le signal des dérives éventuelles se traduisant
par une modulation de basses fréquences dues principalement aux
effets des oscillations physiologiques (respiration, battements
cardiaques) qui, par repliements du spectre, deviennent des basses
fréquences.
Les fréquences largement plus basses que la fréquence
de stimulation (alternance de repos-activation) sont éliminées.
* Détection des pixels activés
:
On considère que le signal observé en chaque pixel est le résultat
d’une convolution de la fonction d’entrée (alternance de reposactivation)
par la fonction de réponse hémodynamique.
Ceci se
traduit pour les pixels activés par une montée progressive du signal
lors de la transition de la phase de repos à la phase d’activation, et
par une décroissance progressive lorsque l’activation cesse.
Pour être efficace, l’analyse statistique doit tenir compte de la forme
temporelle introduite dans le signal par la réponse hémodynamique.
Les premiers travaux tenant compte de la réponse hémodynamique
utilisent comme indice d’activation du pixel la
corrélation entre le signal et une fonction modélisant le signal
théorique attendu. Friston et al ont mis la résolution du problème
dans le cadre général du modèle linéaire généralisé.
L’idée
principale de ce modèle réside dans la décomposition du signal
observé en une somme pondérée de variables explicatives : ainsi,
chaque condition est modélisée par une fonction de forme
sinusoïdale (d’autres formes permettant de prendre en compte la
réponse hémodynamique sont possibles) pour les échantillons
temporels où cette condition est présente et nulle ailleurs.
L’effet d’une condition sur l’activité d’un pixel est traduit par le
coefficient de pondération associé.
Ceci conduit à un système
d’équations dont les inconnues sont les coefficients de pondération.
Dans ce modèle linéaire peut être incluse, outre les variables
« condition », toute autre variable pouvant expliquer l’intensité du
signal, telles que la vitesse d’exécution de la tâche (pour une
activation motrice) ou le nombre de mots traités ou produits (pour
le langage).
L’exploitation du modèle linéaire est faite en deux
étapes. Une première étape permet de tester l’ajustement du modèle
au signal et est faite par un test de F.
Ce premier test permet de ne
retenir que les pixels où l’un quelconque des effets (à p < 0,05) est
présent, les autres pixels ne se distinguant pas du bruit.
La différence
d’activité entre deux conditions (activation-repos) pour chaque pixel
est évaluée par un T-test.
Le résultat obtenu est une carte statistique,
d’où le nom de statistical parametric mapping (SPM) donné au
logiciel.
Le seuillage de cette carte statistique effectué pixel à pixel
se heurte au problème des comparaisons multiples connu en
statistique.
En effet, un seuil fixe à p < 0,001, par exemple, conduit à
une probabilité de faux positif cumulée sur la totalité des pixels
beaucoup plus grande.
Les auteurs de SPM ont développé une
théorie basée sur les champs aléatoires gaussiens qui permet de
corriger les probabilités afin de tenir compte des comparaisons
multiples.
Pour appliquer cette théorie, les valeurs de « t » sont
transformées en valeurs d’écart réduit ou Z-score.
De plus, cette
théorie permet d’évaluer la probabilité qu’une région (au sens
d’ensemble de pixels connexes) soit activée en fonction de son
étendue spatiale.
L’interprétation des cartes statistiques et la
détection des pixels significativement activés est faite en fixant une
probabilité pour le pixel (généralement p < 0,001) et une probabilité
sur la région (généralement p < 0,05).
Les pixels et les régions
satisfaisant à ces conditions sont retenus et projetés sur les images
anatomiques (préalablement recalées sur les images fonctionnelles)
pour une analyse de la signification anatomofonctionnelle des
activations obtenues.
Les méthodes décrites ci-dessus supposent la connaissance d’un
modèle de la fonction de réponse hémodynamique, fonction qui ne
peut être connue que de manière imparfaite et qui peut varier selon
les aires cérébrales.
D’autres approches ne nécessitant pas la
formulation explicite de cette fonction ont été proposées.
Ces approches sont basées sur le fait que la répétition d’une
condition durant le déroulement de l’examen induit sur le signal
une composante fréquentielle fondamentale liée à la période de
répétition de la tâche.
Elles analysent donc le signal dans l’espace
des fréquences et sont applicables dans le cas (le plus courant) où la
stimulation est périodique.
Quelle que soit la méthode appliquée, les résultats dépendent des
seuils de significativité choisis.
L’expérience montre que les
aires primaires (notamment les aires motrices et visuelles) peuvent
être détectées avec un seuil élevé sur le « t » ou le « Z »
(correspondant à p < 0,001 ou p < 0,001), tandis que les aires
associatives le sont à un seuil plus bas (correspondant à p < 0,01).
Le
choix du seuil dépend aussi du nombre de sujets traités.
Souvent, l’interprétation fonctionnelle des aires cérébrales passe par
une comparaison du degré d’activation de ces aires.
Pour cela,
plusieurs critères de comparaison sont utilisés.
Le premier est le Z-score ou le « t » maximal dans chacune des aires : plus cette valeur
est élevée et plus l’activation de l’aire est grande.
Le deuxième est la
différence entre activation et repos qui doit être calculée à partir du
signal corrigé des effets indésirables tel que celui des basses
fréquences.
Enfin, le troisième est celui de l’étendue en nombre de
pixels de la région.
Il est à noter qu’une région révélée par l’analyse
statistique ne correspond pas toujours à une aire anatomique unique
au sens de Brodmann. Il est courant d’associer à une région l’aire de
Brodmann correspondant à la localisation du pixel d’activité
maximale.
Si la région est étendue, les pixels maximaux locaux
(maxima dans un voisinage de taille dépendants du lissage introduit
dans les images) sont aussi pris en considération.
* Méthode évènementielle
:
Les travaux les plus récents utilisent un paradigme expérimental
appelé event-related où le sujet est stimulé pendant une brève période (de quelques secondes), contrairement à la méthode bloquée
décrite plus haut où la stimulation dure quelques dizaines de
secondes.
L’un des avantages de cette nouvelle technique est
d’offrir la possibilité d’étudier le séquencement temporel de
l’activation des aires cérébrales.
2- Corrélation de l’IRMf aux techniques
électrophysiologiques :
L’analyse du signal et la détermination des seuils de significativité
sont une part essentielle de la recherche en IRMf.
Le petit nombre
de sujets étudiés, les tâches diverses utilisées et leur nonstandardisation,
les techniques d’acquisition d’image, les artefacts
causés par les mouvements, l’intérêt porté surtout aux activations
sus-tentorielles ont tous contribué, avant même toute analyse
statistique du signal, à alimenter les controverses.
La valeur
localisatrice du signal, la réalité de son étendue spatiale et sa
possible quantification sont actuellement des axes de recherche
importants.
Lors de cette analyse, l’établissement de seuils de
significativité reste du domaine du savoir-faire.
L’abaissement de ce
seuil ou son élévation peut générer des cartes d’activation
statistiques différentes par leur étendue pour une même tâche.
C’est la pertinence de cette carte statistique et sa capacité à se
rapprocher de la réalité physiologique qui est sujette à caution et
requiert validation.
L’IRMf a déjà été comparée à des techniques
électrophysiologiques de référence pour valider le signal obtenu.
Une bonne corrélation des informations a été ainsi retrouvée
quand l’IRMf a été comparée à la magnétoencéphalographie, à
la TEP, à l’électroencéphalogramme, à la stimulation corticale
directe et aux potentiels évoqués moteurs.
Ramsey a
retrouvé aussi une corrélation spatiale IRMf 3D-TEP excellente
(distance moyenne = 6,7 mm).
Puce a souligné la bonne
corrélation entre les activations sensitives de l’IRMf avec les
potentiels évoqués somesthésiques (PES) enregistrés en
peropératoire.
Toutefois, le recouvrement par le signal IRMf, dans le
sillon central, des zones sensitives et motrices est une limite relative
à la qualité de distinction somatotopique de l’IRMf.
Les techniques
de stimulation transcrânienne ont aussi été corrélées avec l’IRMf.
Krings a souligné que les régions activées en IRMf
correspondaient aux aires où les potentiels évoqués moteurs (PEM)
avaient montré une densité motoneuronale la plus importante.
Brandt a mesuré le signal IRMf face une stimulation
transcrânienne électrique et a observé un signal IRMf plus localisé
et de moindre amplitude par rapport à un mouvement volontaire.
Principaux résultats
:
A - APPLICATIONS EN RECHERCHE
:
Les grands axes de recherche en IRMf
sont dominés par les études sur la motricité, le langage, les
aires visuelles et les études fondamentales sur l’origine du
signal.
D’autres
applications sont actuellement en train de se développer, comme
les études portant sur les fonctions cognitives, la pathologie
psychiatrique.
1- IRMf et fonction motrice
:
Les premières publications d’IRMf sur la motricité ont insisté sur la
possibilité de démonstration de la somatotopie de l’homonculus
moteur en réponse à des tâches précises (mouvement des doigts,
flexion et extension du pied...).
Les activations controlatérales observées s’accompagnent souvent
d’activation des aires motrices supplémentaires et possèdent
une composante homolatérale, reflétant probablement la partie non
croisée du faisceau pyramidal.
Les études sur les aires
motrices supplémentaires se sont attachées à démontrer l’implication
de celles-ci dans la préparation et l’apprentissage du mouvement.
D’autres auteurs ont montré la relation linéaire existant entre la
rapidité d’exécution du mouvement (1, 2, 3 et 5 Hz) et
l’augmentation du nombre de pixels activés.
En voulant étudier
les phénomènes de plasticité cérébrale lors de l’apprentissage d’une
tâche donnée sur plusieurs mois, Karni a montré le caractère
variable dans le temps de l’activation cérébrale, répondant peut-être
à plusieurs phénomènes d’encodage différents.
L’apprentissage
correspondrait d’abord à une diminution de l’activation, puis à une
augmentation sensible de celle-ci quand la tâche est parfaitement
maîtrisée.
Enfin, Kim a
montré chez des sujets sains droitiers et gauchers une asymétrie
motrice corticale plus grande chez les sujets droitiers que chez
les gauchers.
Ceci
pourrait en partie expliquer les déficits moteurs plus prononcés
observés en clinique lors d’une lésion de l’hémisphère gauche.
2- IRMf et aires visuelles
:
Les premières expérimentations sur les aires visuelles se sont
attachées à montrer la capacité de l’IRMf à activer le cortex visuel
primaire, le noyau géniculé latéral et les interactions
thalamocorticales.
Rombouts a testé la dominance oculaire et a montré, chez
26 volontaires, une plus grande activation du cortex visuel primaire
lors des stimulations de l’oeil dominant par rapport à l’oeil non
dominant.
Ross, comparant les activations visuelles de sujets âgés
à celles de sujets jeunes a démontré un effet âge-dépendant des
activations visuelles à mettre peut-être en relation avec la baisse de
la fonction visuelle avec l’âge.
De nombreuses études ont porté sur
la reconnaissance visuelle.
Puce a montré des zones d’activation corticale différentes pour la reconnaissance de lettres non
signifiantes et de figures humaines inconnues.
Dans cette étude, les
figures humaines activaient plus l’hémisphère droit que le gauche,
et le contraire pour la reconnaissance des lettres.
Les figures
activaient le gyrus fusiforme bilatéralement, mais aussi les sulci
droits occipitotemporaux et occipitaux inférieurs, ainsi que le gyrus
temporal moyen.
Les lettres activaient principalement les sulci
gauches occipitotemporaux et occipitaux inférieurs.
Miki a
démontré la capacité de l’IRMf en clinique pour mettre en évidence des déficits
du champ visuel en rapport avec une compression chiasmatique ou
une atrophie optique.
3- IRMf et langage
:
Une autre grande application de l’IRMf concerne les études sur le
langage.
Par rapport à la TEP, l’IRMf dans les études sur le langage
donne une meilleure résolution spatiale et temporelle.
En conditions
physiologiques, les activations retrouvées en génération de mots
sont souvent asymétriques, localisées dans les gyri temporal
supérieur et moyen et au pied de la frontale ascendante.
L’acquisition des images en IRMf requiert une immobilité parfaite
du sujet.
Les expérimentateurs sont confrontés à ce problème lors
des phases de production de mots car tout mouvement de
mandibule peut produire un artefact perturbant fortement l’analyse
d’image.
Ce problème n’existe pas en TEP. Pour les études de
reconnaissance d’objets, on est alors obligé d’utiliser des artifices lors
de l’acquisition d’images pour éviter tout mouvement au sujet testé
(méthode soustractive).
Parce que les études sur le langage font
intervenir plusieurs fonctions cognitives différentes, chaque région
est étudiée en faisant intervenir la méthode dite « soustractive ».
Les études réalisées jusqu’à présent ont déjà permis de réviser une
partie du modèle classique d’organisation du langage.
Le langage
fait intervenir, entre autres, des fonctions phonologiques et lexicosémantiques.
Binder a montré l’existence d’aires temporopariétales gauches activées de manière plus importantes
(gyri temporaux moyen et inférieur, fusiforme et angulaire) que la
traditionnelle aire de Wernicke ainsi que des zones gauches
préfrontales, là aussi dépassant les limites classiques de l’aire de
Broca.
Ces aires frontales gauches étaient d’ailleurs clairement
activées lors des tâches soulignant les fonctions « réceptrices » du
langage.
D’autres auteurs se sont attachés à montrer la
latéralisation du langage. Binder en utilisant une tâche
soustractive auditive a démontré la prédominance hémisphérique
gauche du langage.
Wildgruber a retrouvé une activation
prédominant à droite pour le langage chanté alors que le langage
parlé était prédominant à gauche.
Xiong a corrélé l’IRMf à la TEP,
toujours dans l’évaluation de la dominance hémisphérique du langage, dans une série de production de verbes.
Sur l’ensemble des
pixels activés retrouvés en TEP, 92 % ont été observés en IRMf.
Ceci souligne l’excellente corrélation entre les deux techniques, la
différence relevée pouvant être due aux différentes résolutions
spatiales, de sensibilité, de procédure et de mécanisme
physiologique analysé entre les deux techniques.
Quant au langage
écrit, il a été notamment étudié par Sugishita.
Quatre régions ont
montré une activation significative pour des tâches d’écriture avec
phonogrammes : les régions autour du sulcus interpariétal gauche
et droit, celle de la partie moyenne du sulcus précentral gauche, la
partie postérieure du sulcus frontal supérieur gauche.
La région du sulcus interpariétal gauche était d’ailleurs la région le plus
significativement activée, suggérant son implication majeure dans
l’écriture et la possibilité de tester le langage écrit par IRMf.
Enfin,
l’influence du sexe sur la somatotopie du langage a aussi été étudiée.
L’hypothèse la plus répandue est celle d’une représentation plus
diffuse, bilatérale, du langage chez les femmes alors que les aires du
langage chez les hommes seraient plus focalisées dans l’hémisphère
dominant.
Shaywitz, utilisant des tâches orthographiques
(reconnaissance de lettres), phonologiques (rimes) et sémantiques, a
pu montrer une différence significative dans l’organisation du
langage chez les femmes (activations plus diffuses dans les gyri
frontaux inférieurs gauche et droit) par rapport aux hommes
(activations surtout dans le gyrus frontal inférieur gauche).
De telles
données sont à mettre en rapport avec les résultats des stimulations
corticales pratiquées par Ojemann qui, lui aussi, a retrouvé des
différences « sexuelles » dans l’organisation du langage.
B - APPLICATIONS CLINIQUES
:
1- IRMf et chirurgie d’exérèse tumorale
:
Évoqué dès 1994 par certains auteurs, le rôle que pourrait jouer
l’IRMf dans la caractérisation des zones fonctionnelles face à un
processus tumoral a déjà fait l’objet de quelques publications
, même si, manifestement, nous sommes encore au tout
début de ce genre d’application clinique.
Les progrès de la
neuroradiologie et de l’anatomopathologie ont permis ces dernières
années de mieux comprendre l’organisation spatiale des tumeurs
cérébrales.
L’envahissement du cortex primaire par une tumeur
engage souvent le pronostic fonctionnel.
Cependant, les phénomènes de plasticité cérébrale et de
chevauchement des capacités fonctionnelles (diachisis) permettent,
temporairement, d’atteindre un état d’équilibre dans lequel un
déficit fonctionnel ne s’exprime pas.
Quand il apparaît, son
origine n’est pas univoque.
La grande majorité des tumeurs astrocytaires proviennent des régions sous-corticales.
Dans les
phases initiales de progression, elles maintiennent d’étroites
relations avec les axones de la substance blanche du gyrus d’origine,
les infiltrant parfois mais surtout les repoussant et les séparant.
On
assiste alors à une modification, une distorsion de l’anatomie
générale des gyri, repoussés mais non détruits.
Les zones
fonctionnelles s’adaptent et peuvent persister longtemps après que
la tumeur soit passée dans une phase plus active d’infiltration.
Ces phénomènes dépendent largement d’autres facteurs comme le
degré, la durée et la rapidité de la compression.
Utilisée dans le bilan préchirurgical des tumeurs cérébrales, l’IRMf permet de donner des
informations fonctionnelles complémentaires aux données
anatomoradiologiques et histologiques classiques.
Les études publiées jusqu’à présent ont porté essentiellement sur la
faisabilité de l’IRMf en conditions pathologiques. Dans une étude
d’IRMf portant sur sept gliomes, Atlas a remarqué un
déplacement des zones fonctionnelles par la tumeur qui pourrait
refouler et infiltrer le tissu fonctionnel tout en l’épargnant
partiellement.
Yousry a également relevé une modification de la
représentation corticale de la main avec une activation plus large et
plus diffusée chez quatre patients porteurs de tumeur cérébrale.
Mueller a souligné l’utilité de l’IRMf dans le planning
préchirurgical des tumeurs cérébrales en zone fonctionnelle dans
une étude sur 12 patients.
Il semble que le comportement des zones
fonctionnelles face à un processus tumoral périrolandique dépende
de la nature histopathologique de celui-ci, mais aussi de sa taille
et de sa configuration, de sa durée d’évolution et de l’âge du
patient.
Lorsque la tumeur fait l’objet d’une exérèse et donc que
l’effet de masse disparaît, les aires activées peuvent revenir en
position symétrique.
Si la faisabilité de l’IRMf dans les tumeurs cérébrales a été
démontrée, plusieurs questions sont encore nettement
controversées : quelle est la meilleure tâche à choisir pour
caractériser une zone fonctionnelle donnée et quelles sont les
indications précises de l’utilisation de l’IRMf ?
À notre avis, l’IRMf
est particulièrement utile dans les tumeurs cérébrales
périrolandiques de bas grade, très souvent d’évolution lente chez
des sujets jeunes, souvent peu ou pas déficitaires.
Elle peut aider à
la décision thérapeutique, à la programmation de la chirurgie et à
l’évaluation du bénéfice escompté par rapport au risque fonctionnel
encouru.
Couplée à la neuronavigation et à la cartographie
cérébrale peropératoire, elle permet une meilleure évaluation pré- et
peropératoire de l’anatomie tumorale par rapport aux zones
fonctionnelles à respecter.
Parmi les choix de tâches dans le bilan préchirurgical, celui des tâches linguistiques à utiliser dans le cadre
des tumeurs en zones du langage pose le plus de problème.
En effet,
l’utilisation de tâches de dénomination d’objets ou de production de
verbes, par exemple, repose sur un choix arbitraire d’étude du
langage.
La pertinence de ces tâches du langage dans ce genre d’application reste encore à valider.
Au-delà de son utilisation dans
le cadre d’un bilan préchirurgical avant une chirurgie d’exérèse
tumorale classique, l’IRMf a été utilisée pour caractériser les zones
fonctionnelles avant une radiochirurgie, en chirurgie de
l’épilepsie ou lors de traitements endovasculaires.
L’IRMf a
même été utilisée par certaines équipes chez l’enfant dans le
planning chirurgical de tumeurs cérébrales ou en chirurgie de
l’épilepsie dès l’âge minimal de 5 ans.
2- IRMf et chirurgie de l’épilepsie
:
Une autre application clinique directe de l’IRMf est son utilisation
en chirurgie de l’épilepsie en remplacement du test de Wada.
Toutes
les études actuellement publiées sur le sujet ont montré une
excellente corrélation entre le test de Wada et l’IRMf lors des tâches
de production de mots.
Au-delà de la caractérisation de la
dominance hémisphérique, l’IRMf aurait le grand avantage de
localiser anatomiquement les sites essentiels du langage. Cette
information peut alors se révéler très importante dans le choix des
zones à réséquer.
Cette dernière application reste à valider
formellement par des techniques électrophysiologiques établies.
Le
problème le plus important est celui du choix des tâches
linguistiques à employer.
L’IRMf peut aussi, dans certains cas
particuliers, être utilisée pour localiser une zone ictale.
Ainsi, Detre a décrit la localisation par IRMf et sa corrélation
peropératoire par électrophysiologie d’un foyer épileptique chez un patient
porteur d’une épilepsie partielle temporale.
3- IRMf et plasticité cérébrale
:
Un intérêt majeur de l’IRMf est de permettre une étude
longitudinale (dans le temps) des zones fonctionnelles.
Karni
a démontré une réorganisation cérébrale motrice dépendante de
l’apprentissage d’une tâche donnée.
L’étude des lésions d’évolution
lente ou congénitales semble particulièrement intéressante pour
comprendre les phénomènes de réorganisation cérébrale.
Étudiant la réorganisation sensorimotrice de la main chez six
patients porteurs de lésions hémisphériques unilatérales périnatales,
Cao a montré que l’hémisphère sain de ces patients était
également activé par les mouvements contro- et ipsilatéral des
doigts, suggérant une réorganisation cérébrale en réponse à la lésion
initiale.
Maldjian a utilisé l’IRMf chez six patients porteurs de
malformation artérioveineuse et a remarqué que certains avaient des
sites d’activation cérébrale inattendus, suggérant que ces
phénomènes de réorganisation cérébrale pourraient être en rapport
avec la présence de telles lésions congénitales.
D’autres études IRMf
ont pu mettre en évidence des activations attribuées à du tissu
fonctionnel situé à l’intérieur des malformations artérioveineuses.
Schlosser a envisagé de classer les types d’activations obtenues selon
l’impact fonctionnel de malformations artérioveineuses observées
sur une série de 24 patients.
Les activations retrouvées pour une tâche donnée sont symétriques
en étendue et non déplacées chez les patients non déficitaires.
En
revanche, un déficit clinique dans une fonction donnée s’exprime
invariablement par un déplacement des activations.
De plus, il a
été mis en évidence que, chez certains patients porteurs de
malformations artérioveineuses en zone rolandique, les mains
contro- et ipsilatérales à la lésion pouvaient être contrôlées par le
même hémisphère sain, mais dans deux zones d’activation
différentes.
Ceci est à mettre en parallèle avec les phénomènes de
recrutements prédominants (mais non exclusifs) d’aires ipsilatérales
à la tâche d’activation chez des patients porteurs de malformation
artérioveineuse ou de tumeur d’évolution lente.
Ces phénomènes
de recrutements d’aires ipsilatérales observés en IRMf sont sûrement
évolutifs dans le temps, en reflet de l’adaptation progressive du
cerveau au processus tumoral.
De telles observations sont à
rapprocher des observations faites en TEP sur les phénomènes de
récupération motrice après accident vasculaire cérébral.
Les activations bilatérales des voies motrices et le recrutement
d’aires motrices additionnelles dépendent de facteurs individuels
largement imprévisibles et du site de la lésion sous-corticale.
D’autres ont montré que les tumeurs d’évolution lente pouvaient
induire des phénomènes de réorganisation à large échelle non
confinés dans les aires motrices propres.
Certains ont suggéré que
la quantification du signal IRMf ou l’effet de masse exercé sur la
zone d’activation pourrait refléter l’étendue du déficit moteur
d’un patient porteur d’une tumeur rolandique, donnant la possibilité
de confirmer par l’IRMf une éventuelle aggravation (ou
récupération) clinique.
Conclusion
:
L’IRMf est une méthode désormais assez simple à mettre en oeuvre, tant
en recherche fondamentale, où peu de types d’expériences demeurent
impossibles en raison de l’environnement magnétique, qu’en
exploration clinique.
Pour celle-ci, la fiabilité, même demandant encore
quelques contrôles, est suffisante pour que les cliniciens en fassent déjà
largement la demande dans les bilans préthérapeutiques.
Le traitement
d’images est une étape restant lourde et non automatisable.
Il faut en
effet qu’un opérateur averti puisse garantir la qualité de chacune des
étapes, car la présentation finale ne permet pas a posteriori de contrôler
la qualité de l’acquisition.
Or, celle-ci dépend de plusieurs facteurs
critiques incluant, en particulier, la compliance du sujet avec la tâche et
l’absence d’artefact de mouvement et de susceptibilité magnétique.
La
réalisation d’une IRMf dans des conditions non contrôlées peut
produire des résultats erronés et la qualité du travail d’équipe qui est
nécessaire pour l’éviter est primordiale.
Cette imagerie fonctionnelle
représente un aspect nouveau de la neuroradiologie, complémentaire de
techniques radio-isotopiques et d’autres méthodes d’IRM dont la phase
de validation est en marche de manière parallèle, telles que l’IRM de
diffusion et l’IRM de perfusion.
Elle va certainement apporter un
progrès conséquent dans la stratégie thérapeutique et mérite de
s’intégrer dans l’arbre décisionnel pour plusieurs types de pathologies.