A - Streptokinase (SK)
et complexe plasminogène-streptokinase
acylée (APSAC ou Éminase)
:
1- Streptokinase
:
La streptokinase est produite par plusieurs variétés de streptocoques.
Elle na pas dactivité enzymatique propre.
Elle
ne peut transformer le plasminogène en plasmine quaprès
formation dun complexe équimoléculaire streptokinaseplasminogène
dit complexe activateur. Elle na aucune
fibrino-spécificité.
Elle est antigénique.
Le taux danticorps
reste élevé plusieurs mois, contre-indiquant les traitements
répétés dans un délai de 6 à 12 mois.
Il est nécessaire de
donner une dose de charge initiale pour neutraliser déventuels
anticorps anti-streptokinase.
2- Anistreplase ou APSAC
(anisoylated plasminogen streptokinase
activator complexe)
:
Lanistreplase est un complexe équimoléculaire de streptokinase
et de lysil plasminogène.
Le site actif de ce complexe
est bloqué par un groupement anisoyl retardant la
formation de plasmine active après injection intraveineuse.
Laffinité de lanistreplase pour la fibrine du thrombus est
limitée.
Les problèmes allergiques et antigéniques sont les
mêmes quavec la streptokinase.
B - Urokinase et pro-urokinase :
1- Urokinase
:
Elle est produite à partir de cultures de cellules rénales.
Formée
de deux chaînes polypeptidiques, elle existe sous deux
formes de haut et de bas poids moléculaire.
Lurokinase
transforme directement le plasminogène en plasmine, elle
nest pas antigénique, les traitements itératifs sont possibles.
2- Pro-urokinase :
Ou single chain urokinase type plasminogen activator (scu-
PA).
Synthétisée par génie génétique, la pro-urokinase ou
saruplase est un polypeptide monocaténaire précurseur de
lurokinase.
En présence de fibrine, elle devient capable
dactiver le plasminogène en plasmine ; elle a donc une
fibrinospécificité relative.
C - Activateur tissulaire du plasminogène
(tissue-plasminogen activator t-PA) et dérivés
:
1. t-PA :
Il est synthétisé par les cellules endothéliales.
Il est présent
à létat de traces dans le plasma. Produit par génie génétique,
le recombinant t-PA (rt-PA) ou alteplase est une glycoprotéine
monocaténaire.
En présence de fibrine, le rt-PA
devient un activateur très puissant et très rapide du plasminogène.
Il se fixe sur la fibrine du thrombus et est donc fibrinospécifique.
Leffet lytique plasmatique est plus faible
quavec les autres thrombolytiques.
2- Reteplase :
Produite par génie génétique, cest un dérivé du t-PA naturel,
dont la structure moléculaire a été modifiée.
Ce changement
de structure entraîne une diminution de la clairance
plasmatique et donc une augmentation de la demi-vie et
une augmentation du pouvoir thrombolytique (5 fois plus
puissant expérimentalement que le t-PA).
Complications des thrombolytiques :
A -
Accidents vasculaires cérébraux (AVC)
:
La fréquence des accidents vasculaires cérébraux lors des
thrombolyses dans le traitement de linfarctus du myocarde
(IDM) est de lordre de 1,2 % contre 0,8 % avec lhéparine
standard.
Cette différence de 0,4 % est due essentiellement à laugmentation de la fréquence des hémorragies
cérébrales dont 60 à 70 % sont mortelles.
Avec lalteplase
et la reteplase, le risque dhémorragies cérébrales est plus
important quavec la streptokinase.
Dautre part, le risque
daccidents vasculaires cérébraux augmente chez les sujets
âgés, de faible poids, ayant des antécédents daccidents
vasculaires cérébraux et dhypertension artérielle.
B - Accidents hémorragiques autres :
Les accidents hémorragiques majeurs nécessitant une transfusion
ou comportant un risque vital sont rares, de lordre
de 1 % avec la thrombolyse contre 0,4 % avec lhéparine
seule.
Les accidents sont très dépendants de la pratique
dexplorations complémentaires invasives
coronarographies
ou angiographies.
Ladjonction dhéparine ou
dautres antithrombotiques, en dehors de laspirine, augmente
le risque hémorragique.
C - Hypotension artérielle :
Elle survient surtout avec la streptokinase et lanistreplase.
Linjection rapide de streptokinase en augmente la fréquence.
Les hypotensions majeures sont peu fréquentes,
5% environ avec la streptokinase, 7 % avec lanistreplase
et 2 % avec lalteplase.
D - Réactions allergiques :
La streptokinase et lanistreplase sont souvent responsables
des réactions allergiques ; les réactions anaphylactiques
graves avec état de choc sont exceptionnelles (0,5 %).
Les
réactions minimes
fièvres, arthralgies, éruption cutanée
sont favorisées par lexistence dun taux élevé danticorps
anti-streptokinase.
Surveillance biologique
des thrombolytiques :
Elle a été simplifiée au cours des années.
Elle est utile au
décours de la thrombolyse pour adapter les traitements anticoagulants.
A - Bilan initial :
Il comporte au minimum numération globulaire et plaquettaire,
taux de prothrombine (TP), temps de céphaline
activée (TCA) et dosage du fibrinogène.
Il peut mettre en
évidence une contre-indication éventuelle à la thrombolyse
: thrombopénie inférieure à 100 000/mm3, taux de prothrombine inférieur à 50 %, allongement excessif du temps
de céphaline activée.
C - Après thrombolyse :
La surveillance du temps de céphaline activée permet
dadapter le traitement anticoagulant et la numération globulaire
pourra dépister un saignement non extériorisé.
Le
taux de fibrinogène circulant reflète létat lytique systémique
mais il nest pas corrélé avec le risque hémorragique
ou lefficacité du traitement.
Utilisation des thrombolytiques :
A -
Dans linfarctus du myocarde
:
Le traitement thrombolytique, quel quil soit, réduit la mortalité
de l'infarctus du myocarde par rapport au traitement
classique par héparine intraveineuse.
1- Sélection des patients :
La thrombolyse est indiquée chez un patient ayant un
tableau clinique dinfarctus du myocarde avec douleur
angineuse évoluant depuis plus de 30 min et moins de 12 h
avec, sur lélectrocardiogramme, un sus-décalage du segment
ST ou un bloc de branche quel que soit lâge.
Testés
contre placebo au cours des 3 premières heures dans plusieurs
essais géants, les thrombolytiques permettent une
réduction de la mortalité précoce de linfarctus du myocarde
denviron 28 %.
Dans linfarctus antérieur où la zone
myocardique menacée est importante, les résultats sont plus
significatifs que dans linfarctus du myocarde inférieur.
2- Délai de traitement :
Le bénéfice des thrombolytiques est dautant plus important
que le traitement est commencé précocement.
Ainsi,
en cas de thrombolyse dès la première heure, la mortalité
diminue de 50 %, de 30 % dans les trois premières heures, puis 18 % entre la 4e et la 6e heure et 14 % entre la 7e et la
12e h.
Les tentatives de réduction des délais de traitement
sont à lorigine de la thrombolyse préhospitalière, à domicile
ou dans les SAMU.
3- Choix du thrombolytique
et modalités de traitement
:
La stratégie thérapeutique de thrombolyse de
linfarctus du myocarde aigu traité avant la 6e-12e h, sauf
contre-indication, comprend ladministration systématique
daspirine à la dose de 160 à 325 mg dont lintérêt a été
démontré dès 1988.
Lhéparine intraveineuse est associée
à lalteplase et la reteplase.
La comparaison des thrombolytiques entre eux lors dessais
géants est en faveur dune association alteplase accélérée
plus aspirine et héparine standard par voie intraveineuse.
Avec ce traitement, la perméabilité coronaire
précoce satisfaisante est notée dans 54 % des cas dès la
90e min, la fonction ventriculaire gauche est meilleure
quavec la streptokinase et la mortalité globale est diminuée
de 14 % par rapport à celle-ci.
Certes, ces résultats
sont obtenus au prix dun taux daccidents vasculaires cérébraux
et dhémorragies cérébrales légèrement supérieur.
La reteplase comparée à lalteplase donne des résultats
similaires quant à la mortalité précoce, de lordre de 7,4 %,
avec un taux daccidents vasculaires cérébraux identique.
B - Dans lembolie pulmonaire (EP) :
La mortalité de lembolie pulmonaire est corrélée au degré
dobstruction artérielle pulmonaire et au retentissement clinique.
Récemment, a été mise en évidence la relation entre
mortalité et surcharge ventriculaire droite.
Le but de la
thrombolyse est de désobstruer rapidement les artères pulmonaires
afin de diminuer la surcharge ventriculaire droite.
Tous les thrombolytiques sont supérieurs à lhéparine standard
par voie intraveineuse quant à la rapidité et limportance
de la désobstruction artérielle pulmonaire et à lamélioration
hémodynamique qui en résultent.
En revanche, la diminution de la mortalité nest clairement
établie que dans les embolies pulmonaires massives avec
mauvaise tolérance clinique.
Dans des essais récents, les thrombolytiques se sont montrés plus efficaces que lhéparine
standard dans le traitement des embolies pulmonaires
avec dysfonction ventriculaire droite.
Parmi les thrombolytiques
utilisés, lalteplase 100 mg/2 h est plus rapidement
efficace que lurokinase à dose conventionnelle.
Dans tous les cas, le recours à la thrombolyse augmente le
risque hémorragique (3 fois plus dans les registres récents
consacrés à lembolie pulmonaire).
Le risque daccidents
vasculaires cérébraux est au moins aussi important que dans
le traitement de linfarctus du myocarde de lordre de 1 à
1,5 %.
Cela souligne la nécessité dune grande prudence
pour la prescription de la thrombolyse dans lembolie pulmonaire
et de lappréciation soigneuse du rapport du bénéfice
au risque.
C - Indications autres des thrombolytiques :
1- Thromboses veineuses des membres inférieurs :
Les thrombolytiques permettent une désobstruction veineuse
plus rapide et plus fréquente que lhéparine seule.
Cependant, le risque hémorragique est multiplié par 2,9.
Les schémas thérapeutiques sont imprécis, le traitement est
souvent poursuivi plusieurs jours, soit en continu, soit avec
des injections répétées.
2- Thromboses des prothèses valvulaires :
Peu de patients ont été traités ; le pourcentage de succès est
de lordre de 70 à 80 % avec des complications hémorragiques
rares mais, en revanche, les accidents emboliques
cérébraux ou périphériques sont fréquents (7 à 8 %).
Les
protocoles sont encore assez flous quant à la posologie et
la durée du traitement.
Lalteplase semble très efficace.
3- Accidents vasculaires cérébraux ischémiques :
Les résultats des différents essais randomisés sont discordants,
seul un essai avec lalteplase donne des résultats en
faveur de la thrombolyse.
Le délai « idéal » de traitement
est mal déterminé ; le choix entre alteplase et streptokinase
est encore incertain.