Techniques des vagotomies abdominales Cours de Chirurgie
Introduction
:
La remise en cause de certaines notions étiopathogéniques, les progrès
spectaculaires du traitement médical, ont considérablement raréfié
l’indication du traitement chirurgical de l’ulcère duodénal par
vagotomie abdominale.
La filiation des vagotomies tronculaire, sélective, suprasélective puis
tronculaire postérieure avec séromyotomie antérieure, rendait compte
d’une évolution progressive des idées et des techniques.
Celle-ci tendait
à supprimer la sécrétion acide sans compromettre la motricité gastrique.
Dans les circonstances, rares actuellement, de résistance au traitement
médical, ces notions restent valables.
La vagotomie abdominale ne
disparaît pas totalement de l’arsenal thérapeutique chirurgical.
Sa réalisation en chirurgie classique sera peut-être supplantée par la
laparoscopie.
Elle est cependant à la base du traitement chirurgical de
l’ulcère duodénal.
Temps opératoires communs
à toutes vagotomies :
A - Position opératoire
:
– Le malade est en décubitus dorsal.
– L’usage d’un billot dorsal situé haut sous la base thoracique, la
position proclive de la table sont utiles.
– L’opérateur est à droite.
B - Incision
:
– Elle est habituellement médiane et xipho-ombilicale.
– Une incision transversale bi-sous-costale peut être préférée.
C - Installation
:
– Une rétraction costale efficace est indispensable (rétracteurs d’Olivier
ou de Rochard, valve réglable de Foucault).
– Un cadre abdominal avec valves latérales ou un grand écarteur de
Gosset complètent l’installation.
– Une sonde gastrique est mise en place.
D - Exploration
:
L’inventaire de la cavité abdominale est systématique. Le siège, le stade
évolutif de l’ulcère, l’existence d’une sténose pylorique sont appréciés.
Les rapports de la rate, sa taille, sa situation plus ou moins près de
l’oesophage et de la grande courbure sont précisés.
Des adhérences
éventuelles entre la grande courbure et la capsule splénique sont
soigneusement et délicatement sectionnées sur ligatures.
Au cours de l’intervention, des tractions seront exercées sur l’estomac,
leurs conséquences éventuelles sur l’intégrité splénique sont ainsi
minimisées.
La mobilisation du lobe gauche du foie facilite l’exposition de la région
hiatale par section du ligament triangulaire gauche.
Une valve
suffisamment longue, bien placée, remontant le foie, peut suffire.
E - Libération et dissection de l’oesophage abdominal
:
L’estomac est maintenu par la main gauche de l’opérateur, il est attiré en
bas et en arrière de droite à gauche.
Le péritoine préoesophagien est
incisé transversalement.
Le temps suivant concerne la membrane phréno-oesophagienne de
Leimer-Bertelli.
Il s’agit d’une formation fibroconjonctive qui unit
l’oesophage aux bords de l’hiatus diaphragmatique.
Elle est constituée par deux feuillets, l’un supérieur solide s’invagine pour se fixer dans la
musculeuse de l’oesophage 1 à 2 cm au-dessus du diaphragme, l’autre
inférieur adhère à l’oesophage 1 cm en dessous de l’hiatus.
Un tampon monté repousse délicatement ces feuillets toujours bien visibles
sous l’aspect d’une formation fibreuse très blanche dont la mobilisation et le
décollement par rapport à la face antérieure de l’oesophage, permettent de
dégager l’oesophage thoracique sur 1 à 2 cm.
Une fois la membrane de Leimer-Bertelli remontée, il est déjà possible
de percevoir le ou les troncs et filets nerveux sur la face antérieure de
l’oesophage.
L’index droit s’insinue à gauche entre le bord gauche de l’oesophage et
le pilier gauche.
Il progresse ensuite derrière l’oesophage traversant de
gauche à droite l’espace compris entre l’oesophage en avant et l’aorte en
arrière.
Ce geste essentiellement palpatoire non contrôlé par la vue doit
être réalisé patiemment sans forcer.
L’index réapparaît au bord droit de
l’oesophage très haut au-dessus des branches nerveuses gastrohépatiques.
Un lacs est mis en place autour de l’oesophage.
Ce stade de l’intervention correspond au temps de préparation d’une
vagotomie quel que soit son type :
– l’oesophage abdominal distal est exposé ;
– le péritoine préoesophagien est incisé ;
– la membrane de Leimer-Bertelli est remontée ;
– le méso-oesophage est effondré.
Les temps ultérieurs sont spécifiques du type de vagotomie.
Vagotomie tronculaire
:
A - Vagotomie tronculaire postérieure
:
Le repérage du pneumogastrique droit en situation postérieure se fait
surtout au doigt.
L’estomac est mis en tension vers le bas.
L’index droit
passé en crochet à partir du bord gauche de l’oesophage puis en arrière
de celui-ci et en avant du plan aortique, sent en arrière du bord droit de
l’oesophage une corde tendue : le pneumogastrique postérieur.
Il est
pratiquement toujours tronculaire.
Il est toujours caractérisé par
son calibre et sa direction, oblique en bas à droite et en arrière.
S’il est postérieur, il est recherché dans l’espace compris entre le pilier
droit, le bord droit du cardia et le pédicule coronaire en bas.
Il peut être
exceptionnellement situé sur le pilier droit, voire dans son épaisseur.
La section du tronc doit remonter le plus haut possible au-dessus de la
naissance d’éventuelles branches de division haute ou de branches
communicantes (Grassi).
Il doit être largement réséqué sur 2 à 3 cm.
B -
Vagotomie tronculaire antérieure
:
Les structures nerveuses appliquées sur la face antérieure de la
musculature oesophagienne sont manifestement visibles après mise à nu
de celle-ci.
Un dissecteur isole précautionneusement le tronc antérieur
de la musculeuse oesophagienne, il est réséqué le plus haut possible.
La dissection recherche ensuite systématiquement des filets nerveux
surnuméraires sur toute la face antérieure de l’oesophage à droite et à
gauche du tronc déjà sectionné.
Le bord gauche de l’oesophage en particulier peut être le siège de
branches dites gastriques directes (30 % des cas).
Cette dissection ne doit pas être confinée au niveau de l’hiatus
diaphragmatique, mais à l’ensemble de l’oesophage abdominal distal
jusqu’au cardia.
Enfin, la section du ligament phrénogastrique, quand il existe, est
systématique.
C - Gestes associés
:
– Une reconstruction simple de l’angle de His peut être conseillée par
adossement du bord droit de la grosse tubérosité au bord gauche de
l’oesophage.
– En cas de hernie hiatale associée, une fundoplicature selon Nissen ou
une hémiplicature postérieure selon Toupet peuvent être réalisées.
– Après vagotomie tronculaire, le drainage associé consiste a priori en
une pyloroplastie (la gastroentérostomie ne doit être retenue qu’en cas
de pylore impraticable chirurgicalement).
L’antrectomie associée est un
choix de principe.
Vagotomie sélective
:
Surtout pratiquée dans les années 1960, elle a manifestement été
supplantée ensuite par la vagotomie suprasélective.
Son indication
devient quasiment exceptionnelle.
A - Vagotomie sélective antérieure
:
Le tronc vagal antérieur déjà individualisé, mis sur fil, est mis en tension,
ce qui facilite la section du tissu préoesophagien sous-jacent.
Celle-ci commence au bord droit du cardia au-dessus de la pars
condensa, respecte les branches gastrohépatiques du pneumogastrique
antérieur mais sectionne le nerf de Latarjet antérieur.
Elle est pratiquée entre ligature selon un trajet oblique de bas en haut, de
droite à gauche.
Les faces antérieure et latérale gauche de l’oesophage sont ainsi mises à
nu sur 5 à 7 cm depuis le diaphragme jusqu’au cardia.
Le ligament phrénogastrique est ensuite sectionné.
B - Vagotomie sélective postérieure
:
La dissection est menée au plus près de la petite courbure verticale.
Commencée à la partie moyenne de la petite courbure, elle progresse de
bas en haut, sectionne les feuillets antérieur moyen et postérieur du petit
épiploon, rejoint le bord droit du cardia puis de l’oesophage.
À ce niveau,
la mise en tension du pneumogastrique postérieur facilite la recherche et
la section d’éventuelles branches nerveuses issues très haut de ce tronc.
Au niveau du début de la dissection basse, le pédicule de Latarjet
postérieur est bien individualisé et sectionné.
En fin d’intervention, la moitié supérieure de la petite courbure, les faces
antérieure, postérieure, latérale droite et gauche de l’oesophage
abdominal sont totalement déconnectées de toute attache tissulaire.
Les
pneumogastriques droit et gauche sont réclinés vers la droite, leurs
branches gastrohépatiques et coeliaques sont intactes.
Le drainage associé est nécessaire (pyloroplastie, gastroentérostomie ou
antrectomie).
Vagotomie suprasélective
:
La pars flaccida du petit épiploon est effondrée.
L’index et le médius de
la main gauche de l’opérateur sont passés dans cet orifice et permettent
un contrôle tactile du bord de la petite courbure.
L’estomac est mis en tension vers le bas et la gauche par le premier aide.
A - Vagotomie antérieure
:
1- Temps épiploïque
:
Le point de départ de la dissection est situé immédiatement à gauche et
au-dessus de la branche gauche de division terminale du nerf de Latarjet
antérieur, normalement toujours bien visible.
La face antérieure de la petite courbure va être progressivement séparée
du petit épiploon.
La section du plan séreux antérieur est réalisée au
niveau des attaches tissulaires et vasculaires un peu en avant et à gauche
du bord droit de l’estomac.
Les ligatures vasculonerveuses sont effectuées par de nombreuses prises
en remontant de proche en proche jusqu’au cardia.
Les pinces sont mises en place sur les pédicules, sectionnés entre eux.
Les ligatures assurées
par un fil à résorption lente, sont minutieuses et nombreuses.
Toute
précipitation donne rapidement lieu à des hématomes extensifs dans
l’épaisseur des pédicules de Latarjet.
2- Temps oesocardiotubérositaire
:
Au voisinage du cardia, la dissection change d’orientation.
Elle est
menée de droite à gauche, très obliquement du bas vers le haut.
Elle
sectionne tous les tissus jusqu’au plan séreux oesophagien et à gauche
du tronc antérieur.
Le pneumogastrique gauche mis en tension est
progressivement récliné vers la droite et libéré de toutes les attaches
tissulaires.
La dissection est poussée haut. La face antérieure de l’oesophage
abdominal est totalement libre sur une longueur de 5 à 7 cm.
Le bord gauche de l’oesophage est soigneusement exploré à la recherche
de branches gastriques nerveuses directes latérales.
Le ligament phrénogastrique est sectionné.
B - Vagotomie postérieure
:
1- Temps épiploïque
:
La section du plan antérieur, la mise en traction du pédicule de Latarjet
facilitent la dénervation complète de la petite courbure.
Au fur et à mesure de la montée de cette dissection au plus près, la petite
courbure est progressivement libérée totalement du pédicule
comprenant les nerfs de Latarjet et les branches terminales de l’artère
coronaire.
Le plan intermédiaire est sectionné au ras de la petite courbure.
La
section du plan postérieur est faite en arrière et un peu à gauche du bord
droit de l’estomac, légèrement sur sa face postérieure.
2- Temps cardiotubérositaire
:
La dissection de la petite courbure a atteint le niveau du sommet de la
crosse de l’artère coronaire stomachique qui correspond le plus souvent
au cardia anatomique.
Le feutrage cellulaire à ce niveau est dense.
L’utilisation d’un
écarteur de Langenbeck réclinant en arrière le haut de la petite
courbure, un lacs passé autour de l’oesophage permettant sa traction
en haut et à gauche, facilitent l’abord de la face postérieure du cardia.
Tous les tissus oesocardiotubérositaires sont ainsi sectionnés entre les
ligatures.
La dissection remonte ensuite en arrière le long du bord droit de
l’oesophage le plus haut possible.
La mise en tension du
pneumogastrique droit mis sur un fil facilite la section d’éventuelles
branches postérieures haut situées (Grassi).
Au terme de cette dissection, la petite courbure gastrique, le cardia,
l’ensemble de l’oesophage abdominal sont séparés de toutes leurs
attaches tissulaires.
Les pneumogastriques droit et gauche ont été
totalement réclinés.
Un complément de dissection doit être proposé au niveau de la grande
courbure gastrique, la section du pédicule gastroépiploïque droit à
hauteur du bord inférieur de l’antre.
Le pédicule de la grande courbure
anatomiquement admis peut être une source de vagotomie incomplète.
Par ailleurs, au niveau du point de départ de la dissection basse, doivent
être recherchés d’éventuels rameaux récurrents partant de la terminaison
du nerf de Latarjet.
C - Gestes associés
:
1- Repéritonisation de la petite courbure
:
Elle est faite par points séparés solidarisant les plans séreux gastriques
antérieur et postérieur de la petite courbure.
Trois arguments la justifient pleinement :
– éliminer un hypothétique phénomène de régénérescence nerveuse ;
– compléter l’hémostase ;
– surtout pallier les manifestations d’une éventuelle nécrose de la petite
courbure gastrique.
2- Réparation de l’angle de His
:
La dissection du cardia a détruit ses éléments de fixation anatomique, la
réfection de l’angle de His peut être conseillée, associée ou non à un
montage antireflux.
Section du pédicule pancréatogastrique.
3- Section du pédicule gastroépiploïque gauche
:
Certains auteurs (Donahue) proposent aussi d’associer de principe la
section du pédicule pancréatogastrique quand il existe, contenant
l’artère gastrique gauche, la section du pédicule gastroépiploïque
gauche.
Il s’agit alors d’une vagotomie suprasélective dite étendue.
Vagotomie tronculaire postérieure
avec séromyotomie antérieure
:
A - Vagotomie tronculaire postérieure
:
Déjà décrite, elle est toujours pratiquée le plus haut possible.
B - Séromyotomie antérieure
:
Elle est réalisée à 1,5 cm de la petite courbure.
Elle commence au niveau de la terminaison du nerf de Latarjet antérieur.
Les deux branches droites de division sont respectées, la branche gauche
est sectionnée.
La face antérieure de l’estomac est étalée, la séromyotomie est pratiquée
au bistouri électrique ou au bistouri froid.
Elle sectionne les plans séreux
puis musculaires jusqu’à la muqueuse.
En remontant, l’hémostase de quelques vaisseaux plus ou moins
importants est faite par ligatures appuyées.
Au niveau du cardia, la séromyotomie doit retrouver l’angle
cardiotubérositaire.
Il est prudent de la prolonger un peu sur la face
postérieure de la grosse tubérosité gastrique.
En fin de dissection, l’intégrité de la muqueuse est soigneusement
vérifiée.
Une suture en paletot des deux berges de la séromyotomie est
conseillée.
La section du ligament phrénogastrique est systématique.
Enfin, la section du pédicule gastroépiploïque droit est conseillée.
Les sections du pédicule pancréatogastrique et du pédicule
gastroépiploïque gauche sont plus discutées.
La séromyotomie antérieure peut enfin être pratiquée selon les mêmes
principes anatomiques par applications successives de pinces GIA
assurant section-anastomose (Gomez-Ferrer) du tissu digestif.
L’intervention est alors plus rapide et peut-être plus sûre sur le plan de
l’intégrité muqueuse.
Elle reçoit la dénomination de gastrectomie
linéaire antérieure.
Quel que soit le type de vagotomie réalisé, sa finalité est une
dénervation parasympathique complète de l’estomac (vagotomie
tronculaire) ou du fundus (vagotomie distale).
La vagotomie tronculaire est manifestement plus simple, plus rapide
et plus facilement reproductible.
Elle suppose une dissection
complète de l’oesophage abdominal et un geste de drainage
associé.
Elle sera plus facilement retenue dans les contextes
d’urgence de complication d’un ulcère duodénal.
Les vagotomies distales (suprasélective ou tronculaire avec
séromyotomie) sont plus difficiles, plus minutieuses, plus longues
à réaliser.
Il est logique d’admettre que leur probabilité de dénervation
incomplète est plus importante.
Leur supériorité sur le plan des résultats fonctionnels est
largement prouvée.
Elles doivent donc être choisies dans les indications d’ulcère
duodénal résistant au traitement médical.