Techniques endovasculaires appliquées aux artères des membres inférieurs
(Suite) Cours de Chirurgie
Traitement des thromboses artérielles
:
Thrombolyse médicamenteuse
:
Depuis le premier cas de thrombolyse locorégionale rapporté en
1971, la streptokinase (SK), l’urokinase (UK) et de nouvelles
molécules comme l’activateur tissulaire du plasminogène (tPA) ont
été administrées par l’intermédiaire d’un cathéter positionné au
voisinage de la lésion dans le traitement des occlusions
thrombotiques et emboliques, primitives, et secondaires à un
pontage ou à un traitement endoluminal.
Notre propos n’est pas de
discuter les indications de la thrombolyse locorégionale, mais
d’exposer les différents schémas thérapeutiques.
Il est important de
garder à l’esprit qu’aucune technique n’assure d’administration
vraiment sélective du thrombolytique : ni les complications
hémorragiques générales, parfois mortelles, ni les complications
locales (hématomes au point de ponction nécessitant parfois une
hémostase chirurgicale) ne sont directement liées à la dose horaire,
à la dose totale, ou aux paramètres biologiques de surveillance.
Un
strict respect des contre-indications des thrombolytiques est donc de
mise.
A - AGENTS THROMBOLYTIQUES
:
1- Streptokinase (SK)
:
C’est une protéine d’origine bactérienne dont la demi-vie est de 30
minutes. Son administration suscite une réponse antigénique en 5
jours pour une durée de 4 à 6 mois.
Les protocoles varient suivant
les auteurs : certains débutent par un bolus, puis la dose horaire
varie entre 2 000 et 30 000 U/h, la dose totale entre 25 000
et 1 700 000 U.
La dose horaire la plus couramment utilisée est
5 000 U/h.
2- Urokinase (UK)
:
C’est une protéine extraite de l’urine humaine dont la demi-vie
biologique est de 10 minutes, et qui ne suscite pas de réaction
antigénique.
Alors qu’elle est administrée à forte dose par voie
systémique dans l’infarctus du myocarde (2 à 3 MU en 60 à 90
minutes), les doses d’administration par voie locorégionale sont en
règle dix fois moindres.
Il existe de nombreux protocoles, certains
auteurs recommandant l’association avec le lysyl-plasminogène :
le protocole le plus souvent appliqué est celui de McNamara qui
injecte une dose de 4 000 U/min tant que l’occlusion artérielle est
totale, puis 1 000 à 2 000 U/min dès la levée partielle de l’occlusion.
3- Activateur tissulaire du plasminogène (tPA)
:
C’est une protéine sérique normalement présente à faible
concentration chez l’homme, qui est maintenant synthétisée par
génie génétique.
Sa demi-vie biologique est de 3 à 5 minutes. Alors
qu’elle est administrée à forte dose par voie systémique dans
l’infarctus du myocarde (1 mg/kg en 90 à 180 minutes), la dose
horaire étudiée en thrombolyse artérielle varie entre 3 et 10 mg/h,
éventuellement précédée d’un bolus de 5 à 10mg.
Bien que ce thrombolytique soit censé être plus spécifique que SK et UK, des
accidents hémorragiques ont été rapportés avec une fréquence
sensiblement identique avec ces trois agents.
La corrélation de ces
accidents avec une baisse du taux de fibrinogène est beaucoup
moins fréquente en cas d’utilisation du tPA.
4- Surveillance biologique
:
Il n’y a pas de corrélation formelle entre le risque hémorragique
local ou à distance, et les paramètres biologiques.
Le temps de
procédure, l’utilisation d’héparine, et la taille des introducteurs
utilisés ont également une influence.
Le bilan d’hémostase initial doit comprendre un taux de
prothrombine (TP), un temps de céphaline activé (TCA), un temps
de thrombine (TT), un dosage de fibrinogène (Fg), une numération
globulaire et plaquettaire, en évitant de faire un temps de
saignement, en raison du risque important de reprise du saignement
si le traitement thrombolytique est actif.
La prudence est de répéter
un dosage de fibrinogène et un temps de céphaline + activateur
toutes les 4 heures pendant le traitement, puis 1 heure et 4 heures
après la fin de celui-ci, pour évaluer l’efficacité et le risque
hémorragique.
Un taux de fibrinogène inférieur à 1g/L ou chutant
de plus de 50 % de sa valeur initiale, un allongement du TCA
supérieur à 2,5 fois le temps du témoin (interprétable si Fg > 1g/L)
indiquent l’arrêt ou la modification de posologie du traitement.
B - MODALITÉS D’ADMINISTRATION
:
L’agent thrombolytique peut être administré en amont du thrombus
ou au sein de celui-ci à l’aide d’un guide ou d’un cathéter fin.
Nous
avons vu que des guides 0,035 inches à âme amovible permettent
l’infusion d’une solution thrombolytique par leur extrémité distale
ou par des orifices latéraux après retrait de l’âme.
Des cathéters fins
d’angiographie, 4 ou 5 F, perforés sur une plus ou moins grande
hauteur avec une extrémité distale éventuellement borgne,
permettent l’infusion de thrombolytique sur toute la hauteur de
l’occlusion, ou en amont de celle-ci selon leur position.
L’injection
d’une certaine quantité de thrombolytiques en amont éviterait les
thromboses sur cathéter, qui se voient surtout en cas de thrombolyse
prolongée.
Hess a montré que si on suit en scopie la progression
de la thrombolyse en avançant régulièrement le cathéter dans
l’occlusion, on réduit le temps de procédure.
Deux éventualités sont possibles :
– si le guide ou le cathéter butent au niveau de l’occlusion, on peut
choisir d’administrer le thrombolytique juste en amont de
l’occlusion, pour éviter de s’engager dans un faux chenal.
On avance
le cathéter en fonction des progrès de la thrombolyse, jusqu’à passer
l’occlusion.
Une fois l’occlusion franchie, on peut, selon l’estimation
que l’on fait de la quantité de thrombus résiduel :
– poursuivre l’infusion de thrombolytique au niveau de la zone
recanalisée, l’arrêt de la thrombolyse étant alors décidé en cas
d’absence d’amélioration du calibre artériel ;
– compléter la thrombolyse par une thrombectomie, une
thrombolyse mécanique ou une angioplastie transluminale, qui
impacte le thrombus résiduel en même temps que la lésion
athéromateuse sous-jacente ;
– si l’occlusion est franchie en totalité, on peut procéder de plusieurs
façons :
– infiltrer le thrombus sur toute sa hauteur par un bolus de
thrombolytique avant de commencer l’infusion ;
– positionner un cathéter fenêtré sur toute la hauteur du
thrombus et procéder à une infusion continue ;
– réaliser une thrombolyse « pulsée » pharmacomécanique en
répétant des micro-injections sous pression, faisant pénétrer le
thrombolytique dans le thrombus, toutes les minutes ;
– Tonnesen a proposé un cathéter à deux ballonnets que l’on
positionne de part et d’autre de la lésion pour limiter le plus
possible la diffusion systémique de l’agent thrombolytique, qui
est administré entre les deux ballons.
Thrombectomie mécanique
:
Des procédés d’extraction, d’aspiration, de fragmentation du
thrombus ont été développés comme alternative ou comme complément de la thrombolyse médicamenteuse.
À côté de
l’angioplastie transluminale ou de certains athérotomes, différents
procédés ont été développés, depuis la sonde à ballonnet de Fogarty,
utilisée depuis 1963, que l’on pourrait considérer comme le
précurseur des techniques endoluminales, jusqu’à des procédés de
fragmentation du thrombus encore en voie d’évaluation.
Ces
différentes techniques peuvent être utilisées à travers une
artériotomie, mais également dans certains cas par voie percutanée,
à condition que l’on soit sûr d’éviter toute embolie distale (en
particulier lorsqu’on réalise la thrombectomie sans interrompre
totalement le flux sanguin), et à condition de pouvoir retirer le
matériel thrombotique à travers un cathéter ou un introducteur de
taille suffisante.
A - CATHÉTERS DE FOGARTY
:
1- Cathéter pour embolectomie artérielle
:
Il s’agit d’un cathéter pourvu à son extrémité d’un ballon en latex,
qui peut être gonflé par injection de sérum physiologique à son
extrémité proximale.
Il en existe plusieurs tailles, de 2 F à 7 F, chaque
taille correspondant à un ballon de calibre allant de 4 mm à 14 mm,
pour une contenance de 0,2 à 5 mL.
Il est important de bien
connaître la contenance de chaque ballon de façon à éviter tout surgonflage, qui entraînerait une hyperpression sur la paroi artérielle
et risquerait de faire éclater le ballon.
Après introduction du cathéter
dans l’artère jusqu’en aval de l’occlusion, on gonfle le ballonnet et
l’on retire le cathéter en maintenant le ballonnet gonflé.
Afin d’éviter les complications pariétales liées au retrait du cathéter
(fracture de plaque, voire rupture artérielle ; hyperplasie intimale
secondaire), il convient de prendre plusieurs précautions :
– dans le traitement d’occlusions longues, il est prudent de réaliser
la thrombectomie en plusieurs fois, de façon à éviter des forces de
friction trop importantes sur la paroi ;
– il n’est pas toujours nécessaire de gonfler le ballon au maximum.
On teste le ballon avant introduction du cathéter, pour se rendre
compte de la quantité de liquide nécessaire à provoquer un début
d’inflation du ballon.
Une fois le cathéter en place, le ballon étant en
aval de l’occlusion, on gonfle très progressivement, jusqu’à sentir
une résistance au retrait du cathéter.
Cette inflation suffit en règle
pour permettre une thrombectomie dans de bonnes conditions.
Lorsqu’on perçoit une résistance plus importante au cours du retrait
du cathéter, il convient de relâcher légèrement la pression de façon
à éviter de créer une lésion pariétale, en particulier lors des thrombectomies sur artères athéromateuses.
Sur les cathéters de petit
calibre, certains recommandent le gonflage du ballonnet à l’air plutôt
qu’au sérum physiologique, de façon à avoir une sensation plus fine
du gonflage ;
– il est souvent inutile de multiplier les passages pour que la thrombectomie soit complète.
Si le cathéter ne ramène pas de
thrombus ou si le reflux n’est pas satisfaisant, il est recommandé de
réaliser une artériographie ou une angioscopie pour localiser un
thrombus résiduel ou une lésion sous-jacente qui peut justifier un
geste complémentaire, thrombectomie à l’aide d’un autre cathéter
ou geste chirurgical associé.
2- Autres cathéters de thrombectomie
:
*
Cathéter double-lumière (thru-lumen)
:
Lors des thrombectomies sur artères athéromateuses, il existe un
risque de dissection lors de l’introduction du cathéter.
L’extrémité
du cathéter est courte et effilée, mais elle n’est pas toujours centrée
par rapport à l’artère : on doit donc se méfier quand on rencontre
une résistance, alors que la traversée d’un thrombus est souvent
facile.
Des cathéters coaxiaux d’embolectomie existent dans les
mêmes tailles que les cathéters d’embolectomie simples, pourvus
d’une lumière centrale autorisant le passage d’un guide de 0,013 à
0,035 inches.
Devant une occlusion sur artère pathologique, il est
plus prudent de passer d’abord un guide, puis le cathéter, et de
vérifier, après retrait du guide, que l’on est bien dans la vraie
lumière artérielle par une angiographie à travers le cathéter.
* Cathéter pour thrombus adhérent (Adherent Clot Catheter)
:
Sur ce cathéter, le ballon est remplacé par une double spirale
métallique gainée de latex, dont on peut régler le calibre grâce à une
manette à l’extrémité proximale du cathéter.
La spirale se moule sur
la paroi artérielle, et les forces de friction se répartissent sur toute la
hauteur de la spirale. Ce cathéter existe en trois tailles (7 à 9 F)
permettant des thrombectomies dans des artères de 6 à 10mm.
* Cathéter pour thrombectomie de pontage
:
Il est constitué comme le précédent d’une double spirale, qui peut
être expandue à 14 ou à 16 mm.
Il permet une thrombectomie de
pontage à frottement dur, la spirale n’étant pas gainée de latex.
B - INSTRUMENTATION ENDOLUMINALE
:
Le développement de l’angioscopie a permis d’améliorer certaines
procédures de thrombectomie, en évitant le recours à des
angiographies répétées en cours de procédure.
L’enthousiasme
initial pouvait faire espérer l’avènement d’une instrumentation endoluminale spécifique qui aurait permis de développer de
nouvelles techniques sous contrôle de la vue.
Les résultats ont été
décevants, même si certains instruments comme des pinces à
préhension ou des sondes de Dormia peuvent être utilisés dans des
cas particuliers.
L’utilisation des anneaux de Vollmar sous contrôle
angioscopique permet l’ablation des dépôts de fibrine et des thrombi
adhérents, qui résistent souvent au passage de la sonde de Fogarty
dans les thrombectomies de prothèse.
C - THROMBOLYSE MÉCANIQUE
:
Un certain nombre de systèmes de fragmentation du caillot par hydrodissection, rotation, vibration ou ultrasons ont été développés.
S’ils ont prouvé une certaine efficacité dans les thromboses d’accès
d’hémodialyse, leur efficacité et leur innocuité en raison du risque
de traumatisme pariétal et d’embolies distales qu’ils comportent
restent à démontrer au niveau des membres inférieurs.
D - THROMBOASPIRATION
:
La thrombectomie par aspiration a été développée
initialement pour compléter les thrombolyses incomplètes, ou pour
traiter les complications emboliques des angioplasties
transluminales.
Elle peut être employée comme alternative à la
sonde de Fogarty ou à la thrombolyse dans les embolies d’origine
cardiaque, voire dans les thromboses sur artères athéromateuses.
Le thrombus peut être aspiré à l’intérieur du cathéter ou
« ventousé » à l’extrémité distale de celui-ci, quand le thrombus est
trop dur ou trop volumineux pour être remodelé par l’aspiration.
C’est dans ce dernier cas que l’extraction du thrombus de l’artère
peut être difficile. Deux solutions existent :
– on peut réaliser un court abord chirurgical et réaliser la procédure
par une artériotomie transversale que l’on referme à points séparés
de Prolènet ;
– l’utilisation d’introducteurs de 8 à 10 F à valve amovible permet
de réaliser la thromboaspiration en percutané.
Les cathéters utilisés doivent avoir un calibre suffisant pour assurer
une aspiration efficace. On peut utiliser un cathéter droit ou un
cathéter légèrement angulé.
Certains cathéters, utilisés en
coronarographie, ont une paroi très fine et sont munis d’une
extrémité plus souple (soft tip), moins traumatisante lors de la
progression dans l’artère : un exemple est le cathéter « Judkins
droit », qui pour un calibre externe de 8 F (2,6 mm) a une lumière
interne de 0,078 inches (2 mm) et permet la plupart des
thrombectomies fémoropoplitées.
Pour descendre dans les artères de
jambe, des cathéters de 5 ou 6 F sont préférables.
Il vaut mieux débuter la procédure sous scopie : après avoir repéré
le niveau du thrombus par une injection de produit de contraste, on
commence par passer un guide hydrophile en aval, et on descend le
cathéter de thromboaspiration sur le guide, pour minimiser le risque
de traumatisme pariétal.
On retire alors le guide et on assure
l’aspiration en connectant une seringue de 20 mL à l’embout Luer à
l’extrémité proximale du cathéter.
Un cathéter légèrement angulé est
utile en cas d’artères sinueuses ou de thrombus marginé.
La thromboaspiration n’est pas toujours aisée.
En cas de thrombus
ancien partiellement adhérent, on peut commencer par injecter
quelques millilitres de sérum hépariné sous pression pour détacher
le thrombus : le risque embolique est minime tant que le thrombus
n’est pas fragmenté.
Certains utilisent la thromboaspiration couplée
à la thrombolyse.
D’autres préconisent une angioplastie
transluminale préalable pour fractionner ou ramollir le thrombus,
ou une angioplastie complémentaire si persiste un thrombus
marginé partiellement sténosant.
Indication des différentes techniques
:
Angioplastie transluminale
:
L’angioplastie transluminale par ballonnet reste la technique endoluminale de référence pour le traitement des sténoses et
occlusions athéromateuses dans les cas simples, où elle a fait preuve
de son efficacité et de son innocuité.
Ses résultats sont actuellement
bien établis, et ont été étudiés dans le Transatlantic Intersociety
Consensus (TASC) entre les différentes sociétés de radiologie et
de chirurgie vasculaire à l’échelon international.
A - ÉTAGE ILIAQUE
:
À l’étage iliaque, Johnston avait depuis longtemps souligné
l’influence du caractère (occlusion ou sténose), de la localisation
(iliaque primitive ou externe), de la longueur de la lésion, du stade
clinique et du lit d’aval sur les résultats à long terme.
Le taux de
complications est de 3 à 6%, et le taux de succès technique est de
95 % à 83 % selon que l’on traite une sténose ou une occlusion.
Les taux de perméabilité (échecs techniques inclus), sont le plus
souvent basés sur la mesure des index de pression systolique au
cours de l’évolution : 78 % et 68 % à 1 an, 66 % et 60 % à 3 ans, selon
que l’on a traité une sténose ou une occlusion.
Dans une méta-analyse récente, Bosch a montré une réduction par
les endoprothèses du risque relatif d’échec à long terme de 39 %. Le
recours de principe aux endoprothèses ne semble pas justifié, mais
on leur reconnaît les indications suivantes :
– résultat hémodynamique insuffisant par resténose élastique
immédiate évaluée par mesure du gradient de pression ;
– dissection sténosante à l’artériographie de contrôle ;
– lésions complexes.
Les indications lésionnelles à l’échelon aorto-iliaque ont été définies
en quatre groupes par le consensus TASC.
Le
groupe A correspond aux indications préférentielles de l’angioplastie
transluminale, alors que le groupe D correspond aux indications de
la chirurgie conventionnelle.
Il n’y a pas de consensus concernant
les lésions des groupes B et C, même si les sociétés de radiologie
insistent sur le fait que le traitement endovasculaire est celui qui est
le plus souvent réalisé.
Il est probable que c’est dans ces lésions que
le recours aux endoprothèses permet d’améliorer les résultats du
traitement endovasculaire.
B - ÉTAGE FÉMOROPOPLITÉ
:
À l’étage fémoropoplité, les résultats du traitement des lésions
étendues sont plus décevants.
Les résultats sont moins bons en
cas d’occlusion qu’en cas de sténose, mais cette différence a tendance
à s’atténuer dans les séries récentes.
C’est surtout l’état du lit d’aval
qui conditionne la pérennité des résultats.
Le problème essentiel
reste de définir, sur l’artériographie préopératoire, l’étendue des
lésions au-delà desquelles une recanalisation endoluminale est
déraisonnable.
Le consensus TASC définit quatre groupes de A à
D, comme à l’étage iliaque, en indiquant que la
chirurgie est le traitement de choix pour les occlusions de plus de
5 cm (groupe D).
Dans la littérature, la longueur des occlusions est
fixée à 5,8 cm voire 10 cm selon les auteurs, mais il est rare qu’ils distinguent les occlusions thrombotiques en amont d’une lésion
segmentaire des occlusions athéromateuses étendues.
Par ailleurs, le
terme de lésions « diffuses » est rarement précisé : il est certain que
l’évolutivité d’une fémorale superficielle de petit calibre, siège de
sténoses étagées, à la limite de la significativité quand on les
examine séparément, laisse peu d’espoir.
Quant aux lésions
segmentaires, on peut se poser la question du bien-fondé de leur
traitement, car la plupart des patients présentant ce type de lésions
sont ou deviendront rapidement asymptomatiques.
Des critères de
prédictibilité hémodynamiques (pressions distales, réentrée
poplitée), anatomiques (état du lit d’aval, de la fémorale profonde),
et le contexte clinique du patient, sont autant d’aides à la décision
thérapeutique.
Il n’existe aucun argument dans la littérature pour
défendre le recours de première intention aux endoprothèses à
l’échelon fémoropoplité, mais le consensus TASC leur reconnaît
un rôle limité dans le traitement des échecs ou complications de
l’angioplastie.
– Au stade de claudication : le principal argument pour traiter des
lésions segmentaires est la possibilité de les voir se transformer en
occlusion fémoropoplitée.
Cette éventualité semble rare, mais peut
justifier l’angioplastie de telles lésions chez les sujets jeunes, à
condition d’obtenir de leur part une suppression des facteurs de
risque.
L’angioplastie est également défendable chez les patients
chez qui la réentrée poplitée est médiocre, soit parce que la lésion
touche la poplitée au voisinage de l’interligne articulaire, soit parce
que la fémorale profonde est très pathologique.
– Au stade d’ischémie critique, les patients présentent souvent des
lésions à plusieurs étages : le traitement d’une atteinte fémoropoplitée peut permettre de passer un cap, seul ou associé à
un geste de revascularisation chirurgicale ou endoluminale à l’étage
aorto-iliaque.
En fonction du profil lésionnel, il faut considérer le
bénéfice respectif de chaque traitement : l’angioplastie d’une lésion
segmentaire peut être préférable à un pontage long sur un lit d’aval
aléatoire ; à l’inverse, un pontage présentant de bonnes chances de
succès à moyen terme est préférable à l’angioplastie de lésions
étendues.
C - ARTÈRES DE JAMBE
:
Les risques à court terme et les résultats à moyen terme de
l’angioplastie sur des artères de petit calibre ne justifient pas le
traitement des lésions des artères de jambe chez des patients au
stade de claudication, d’autant que ce sont rarement ces lésions
qui sont responsables de claudication : soit il existe une lésion
proximale qu’il convient de traiter, soit il existe une artériopathie
plus distale avec des résistances périphériques élevées, que ne
modifiera pas le traitement.
En revanche, au stade d’ischémie
critique, l’angioplastie peut être discutée comme alternative ou
comme complément des revascularisations fémoropoplitées ou
fémorojambières.
Enfin, dans le suivi évolutif des pontages,
l’angioplastie d’une sténose anastomotique ou d’une lésion
segmentaire sous-jacente peut être mise en balance avec une
« retouche » chirurgicale parfois aléatoire.
Le consensus TASC
propose une stratification des lésions comme aux autres étages de A
à D :
– type A : sténose unique de moins de 1 cm ;
– type B : sténoses focales multiples de moins de 1 cm ; une ou deux
sténoses de moins de 1 cm du trépied jambier ; sténose courte
associée à une angioplastie fémoropoplitée ;
– type C : sténoses de 1 à 4 cmde longueur ; occlusions de 1 à 2 cm;
sténose étendue du trépied jambier ;
– type D : occlusions de plus de 2 cm ; atteinte diffuse.
Alternatives à l’angioplastie
:
Certains profils lésionnels sont responsables d’échecs techniques
initiaux de l’angioplastie ou de détérioration du résultat à court ou
moyen terme.
C’est dans ces indications que le recours à des
techniques complémentaires doit être mis en balance avec
l’indication d’une chirurgie vasculaire plus traditionnelle.
Chacune
des technologies nouvelles développées n’ayant trouvé d’indication
que dans un profil lésionnel particulier, l’angiographie seule ne
représente pas un facteur décisionnel suffisant.
Le recours à des
examens préopératoires, comme l’échographie couplée au doppler
couleur (même si ses résultats dépendent de la qualité de
l’opérateur), ou peropératoires, comme l’étude des gradients de
pression ou l’échographie endovasculaire, semble licite dans bien
des cas (même si ces examens entraînent un surcoût et un
allongement du temps de procédure).
A - OCCLUSIONS
:
Le traitement d’occlusions segmentaires peut être simple et obtenir
un résultat durable, mais on ne doit pas perdre de vue qu’il
peut exposer à des complications et à des échecs.
La recanalisation d’une occlusion impose donc l’analyse rigoureuse de
ses caractéristiques en fonction du contexte clinique (durée de la
symptomatologie, état prothrombotique), de l’artériographie (lésions
controlatérales symétriques à un stade plus précoce, aspect des
artères à distance du site lésionnel plus que les caractères de la lésion
elle-même) et des données de l’échographie doppler (qui permet une
analyse plus fine de la structure pariétale, de la répartition des
calcifications éventuelles, et de l’existence de matériel endoluminal).
On peut ainsi distinguer plusieurs situations.
* Occlusions thrombotiques
:
Le traitement du thrombus permet souvent de simplifier le profil
lésionnel, la lésion causale étant bien souvent une lésion
segmentaire.
Une thrombolyse, médicamenteuse ou mécanique, ou
une thromboaspiration, peuvent être complétées par une
angioplastie transluminale simple, voire par la mise en place d’une
endoprothèse pour limiter le risque embolique devant un thrombus
marginé résiduel irrégulier.
* Occlusions calcifiées
:
Le seul athérotome efficace sur les lésions calcifiées est le
Rotablatort, qui peut permettre de se passer d’angioplastie sur les
artères de petit calibre, mais son usage a été limité par son coût et
par l’absence de résultats cliniques probants.
On peut néanmoins
tenter une angioplastie, en sachant que le risque de fracture de
plaque oblige souvent à la mise en place d’une endoprothèse.
C’est
sur les artères calcifiées que le risque de rupture est le plus
important : il justifie des précautions lors de l’inflation du ballonnet,
certains auteurs prônant une prédilatation à l’aide d’un ballon de
petit calibre, et le stenting de principe.
Les résultats préliminaires
des endoprothèses couvertes demandent toujours à être confirmés.
* Occlusions fibreuses-plaques complexes
:
Le recours aux endoprothèses est licite en cas d’artères de gros
calibre (aorte, iliaques).
Leur résultat est plus décevant au niveau
des artères fémorale et poplitée (en particulier au pli de flexion), et
mal évalué au niveau des artères de jambe (un parallèle avec les
coronaires serait tentant, en raison d’un calibre identique, mais les
différences de structure pariétale, de régime hémodynamique, et
surtout le caractère diffus des lésions incitent à la prudence).
* Occlusions longues
:
Le recours aux endoprothèses multiples donne des résultats qui se
détériorent rapidement, et pose des problèmes de coût par rapport
à la chirurgie traditionnelle.
Certains auteurs sont partisans de
l’angioplastie sous-intimale, en particulier dans les situations
d’ischémie critique : ce mode de recanalisation n’est pas couplé à la
mise en place d’endoprothèses, mais le résultat hémodynamique,
jugé sur la rapidité de progression du produit de contraste à
l’artériographie de contrôle, doit être bon.
Au moindre doute, une
angioplastie itérative est indiquée.
* Occlusions de pontages
:
Les bons résultats cliniques de la thrombolyse par rapport à la
chirurgie, en cas d’occlusion vue tôt (moins de 14 jours) sont
tempérés par la possibilité d’incidents hémorragiques, et surtout par
des résultats sensiblement équivalents à moyen terme.
Les deux
options thérapeutiques ne dispensent pas du traitement de
l’étiologie de l’occlusion.
La thrombectomie mécanique d’un pontage
dans le même temps qu’un prolongement de celui-ci ou que la
correction d’une anomalie anastomotique est parfaitement licite.
À
l’inverse, une greffe veineuse occluse est peut-être traitée avec moins
de dégâts pariétaux par thrombolyse que par thrombectomie
mécanique ou chirurgicale, d’autant qu’une anomalie segmentaire
responsable de l’occlusion, identifiée par l’artériographie de
contrôle, peut être traitée dans le même temps par angioplastie.
B - LÉSIONS DIFFUSES
:
Quelle que soit la technique utilisée, les résultats sont décevants à
court (risque de thrombose extensive) ou moyen terme (resténose).
L’utilisation de stents longs ou étagés ne se justifie que dans un
contexte de sauvetage de membre, dans les cas peu favorables à la
chirurgie conventionnelle.
C - ATHÉROEMBOLISME
:
Des publications, généralement sans suivi clinique à long terme, ont
fait état du traitement par athérectomie des artériopathies
emboligènes.
Même si la mise en place d’une endoprothèse peut se compliquer
d’embolies distales, ce traitement est à mettre en balance avec les
solutions beaucoup plus « lourdes » de la chirurgie classique
(endartériectomie ou pontage-exclusion).
D - COMPLICATIONS DE L’ANGIOPLASTIE
TRANSLUMINALE :
La survenue d’une complication limitée au cours d’une angioplastie
doit faire mettre en balance le bénéfice éventuel, le coût et le risque
propres à la procédure complémentaire qu’on envisage.
Il est parfois
plus sage de se contenter d’un échec technique qui n’aggrave pas le
patient, ou de se tourner vers une intervention chirurgicale de
réalisation simple, que de se laisser guider par un « vertige
technique » qui peut conduire à une situation irréparable.
* Complications thromboemboliques
:
Selon la localisation et l’étendue des lésions, on discute une thrombectomie, une thromboaspiration ou une thrombolyse, en
gardant présent à l’esprit le risque hémorragique de celle-ci.
* Complications pariétales
:
Certaines fractures de plaque sont accessibles à une endoprothèse,
dont la mise en place doit être discutée également si des lésions plus diffuses résistent à une angioplastie itérative.
En cas de rupture
artérielle évoquée devant une douleur à l’inflation, une chute de
tension, et visualisée par une fuite de produit de contraste, le
premier geste est d’assurer l’hémostase en regonflant le ballon
d’angioplastie.
On a alors le choix entre une chirurgie d’hémostase,
ou la mise en place d’une endoprothèse, couverte ou non.
* Resténoses
:
Elles peuvent être accessibles à une angioplastie itérative ou à une
athérectomie, mais surtout à la mise en place d’une endoprothèse.
Les traitements médicamenteux, surtout étudiés en coronaire, n’ont
pas encore fait preuve d’une efficacité miraculeuse.
La radiothérapie endocavitaire est en voie d’évaluation.
La survenue d’une resténose
sur une artère de petit calibre laisse néanmoins mal augurer du
maintien de la perméabilité à long terme du site traité.
Conclusion
:
L’essor du traitement des anévrismes artériels par des endoprothèses
couvertes, la discussion de nouvelles applications comme les troncs
supra-aortiques, les progrès réalisés en pathologie coronaire, ont
bénéficié aux techniques endoluminales appliquées aux membres
inférieurs.
Dans l’arsenal thérapeutique du chirurgien vasculaire,
l’angioplastie transluminale a maintenant une place bien établie : ses
indications cliniques et lésionnelles sont maintenant bien codifiées, bien
distinctes du mauvais réflexe « oculosténotique ».
L’essor de la
chirurgie endoluminale continuera probablement à susciter recherches
et polémiques dans les années à venir.