Devenue rare, on la rencontre cependant dans 0,2 à
0,4 % des grossesses.
Cette pathologie est intimement
liée aux conduites à risque de maladie sexuellement transmisible, en particulier avec l’épidémie de sida et
dans les milieux où sévit la toxicomanie.
Cette pathologie
sexuellement transmissible est causée par un spirochète
(Treponema pallidum) très difficilement cultivable in vitro.
Le dépistage de la syphilis est obligatoire (sérologie VDRL
et TPHA) lors de l’examen prénuptial, et lors du premier
examen de grossesse s’appuyant sur le fait que la transmission
(maternofoetale transplacentaire exclusive) ne se fait
qu’exceptionnellement avant 16 semaines d’aménorrhée.
L’affection n’est pas modifiée par la grossesse, et le diagnostic
difficile repose sur la clinique habituelle, la bactériologie
et la sérologie.
2- Diagnostic clinique :
La syphilis peut mimer grand nombre d’affections cutanées
; c’est à juste titre que l’on peut la qualifier de grande
simulatrice.
La phase primaire (associée au chancre) passe
le plus souvent inaperçue ; toute lésion cutanée généralisée
(associée ou non à des lésions muqueuses et à des adénopathies),
toute lésion génitale ulcérée ou non doit faire évoquer
le diagnostic.
En cas de séropositivité au virus de
l’immunodéficience humaine (VIH), associée on évoquera
d’autant plus facilement ce diagnostic.
Seule la sérologie permettra de faire le diagnostic.
3- Diagnostic biologique :
• Diagnostic bactériologique : il s’agit du classique examen
direct à l’état frais sous microscope à fond noir, au
cours duquel on examine un produit de grattage de lésion
(chancre, lésion cutanée…).
D’acquisition plus récente, on peut utiliser les techniques
d’immunofluorescence directe ou indirecte, examen beaucoup
plus spécifique (exclut les tréponèmes commensaux).
Ces examens sont en pratique rarement réalisés en routine
obstétricale.
• Le diagnostic sérologique est obligatoire en début de
grossesse.
Ce test de dépistage doit comprendre l’association
d’un test tréponémique et non tréponémique ; les 2
tests pratiqués sont le TPHA (treponema pallidum haemaglutination
assay) et le VDRL (veneral desease resærch
laboratory).
– Tests non tréponémiques (ou réaction lipidique) : tests
sensibles mais non spécifiques, ils sont dirigés contre un
anticorps cardiolipidique non spécifique.
Classiquement on utilise le VDRL ; il se positive 15 jours après l’apparition
du chancre.
Ce test peut être soit qualitatif soit quantitatif,
et permet de suivre l’évolution et (ou) le traitement de la
pathologie.
Il peut présenter des réactions faussement positives
(grossesse, infections aiguë et chronique, pathologie
inflammatoire type lupus érythémateux disséminé, vaccination,
pathologies tumorales...).
– Test tréponémiques ; ces tests sont sensibles et spécifiques
:
. TPHA , réponse positive dans les 15 premiers jours suivant
l’apparition du chancre, tests qualitatif et quantitatif
permettant de suivre l’évolution de la maladie.
. FTA ou FTA-abs (fluorescent treponema antibody),
réponse précoce (7 à 10 jours après le chancre) spécifique
et persistante.
Il s’agit d’un test quantitatif et utilisé en
deuxième ligne après les tests de dépistage.
. ELISA (enzyme linked immunosorbent assay), permet la
détection d’anticorps totaux.
Une variante est le SPHA
(solid phase hemagglutination assay) qui recherche les anticorps
anti-IgM.
. Le test de référence qui permet de trancher dans les situations
délicates est le test de Nelson et Mayer (1949) ou test
d’immobilisation des tréponèmes.
Ce test est rigoureusement
spécifique, l’antigène est le tréponème pâle vivant
(souche Nichols entretenu par passage sur testicule de
lapin).
– Interprétation des résultats de la sérologie :
. TPHA(-) VDRL(-) : ces résultats sont négatifs, et en
dehors d’un contexte clinique évocateur (chancre, facteur de
risque récent), il n’y a pas lieu de poursuivre les investigations.
. TPHA(+) VDRL(+) : il s’agit d’une tréponématose ; l’interrogatoire
du patient est ici primordial, en cas de syphilis
connue, ancienne et traitée il s’agit d’une cicatrice sérologique
ne nécessitant pas d’investigations supplémentaires.
En l’absence de précision des examens supplémentaires
sont nécessaires.
. TPHA(+) VDRL(-) : le test est tout à fait spécifique
(99,5%), il faut pratiquer des tests pour vérifier qu’il s’agit
bien d’une syphilis (Nelson, FTA-abs, IgM), si le Nelson et
le FTA sont positifs avec des IgM négatifs, il s’agit alors
probablement d’une syphilis ancienne ou décapitée, si le
patient sait qu’il a été contaminé et traité, il s’agit d’une
cicatrice sérologique ; dans le cas contraire, un traitement
est à envisager.
Il peut aussi s’agir d’une autre tréponématose
(pian, bejel…) ; l’avis d’un spécialiste des maladies
infectieuses est alors nécessaire.
. TPHA(-) VDRL(+) : pour pouvoir affirmer qu’il s’agit
d’une réaction faussement positive, les autres réactions doivent
être réalisées (Nelson, FTA-abs) et revenir négatives.
Le cas contraire est exceptionnel mais peut se rencontrer
chez des sujets immunodéprimés ;
. Les faux VDRL (+) peuvent se présenter sur un mode aigu
ou chronique :
- mode aigu : (infections virales, parasitaires et parfois bactériennes).
En cours de grossesse, témoins alors de modifications
immunologiques, ou après une ou des vaccinations;
- mode chronique : ces réactions sont alors les témoins d’éventuelles pathologies sous-jacentes beaucoup plus
inquiétantes (lupus, myélome, sclérodermie...) nécessitent
un bilan par ailleurs.
Un bilan minimal de complément
comprendra une recherche de : facteurs antinucléaires
(FAN) ; anticorps anticardiolipines ; anticorps anticoagulants
circulants.
L’association syphilis et VIH est particulière et on pourra
alors observer des VDRL faussement positifs ou négatifs,
ainsi qu’une aggravation de l’évolution de la syphilis (neurosyphilis
en particulier).
4- Risque foetal et néonatal
:
La transmission (maternofoetale transplacentaire exclusive)
ne se fait en général qu’à partir de 16 semaines
d’aménorrhée.
Plus l’infection est récente, plus le risque
de contamination foetale est élevé ; il en est de même en
l’absence de traitement.
En cas d’infection récente (< 1 an) non traitée, 90 % des
enfants sont infectés dont 50 % seront symptomatiques.
En cas de syphilis évoluée secondaire et tertiaire 15 à
40 % des enfants pourront être infectés.
• L’infection foetale peut se traduire par , un avortement
précoce , une mort in utero , une anasarque par anémie
et hypoprotidémie , une hépatosplénomégalie , une prématurité
, une hypotrophie.
Ces signes peuvent être visualisables à l’échographie.
On pourra parfois isoler Treponema pallidum dans le
liquide amniotique et le sang foetal.
Globalement, la mortalité périnatale est de 40 % dans
les syphilis précoces non traitées et 20 % dans les syphilis
tardives non traitées.
• L’infection néonatale peut être asymptomatique
(contamination tardive ou syphilis maternelle décapitée)
ou se présenter sous une forme congénitale sévère (ictère, hépatosplénomégalie, polyadénopathie, atteinte
osseuse (ostéochondrite des os longs), atteintes cutanées
bulleuses de la paume des mains et de la plante des
pieds, atteintes muqueuses, anémie, thrombopénie.
Le diagnostic repose alors sur :
- la microbiologie, recherche de Treponema pallidum
sur divers prélèvements (amnios, placenta, cordon
ombilical, sécrétions nasales, peau...) ;
- les sérologies spécifiques (IgM) comparées aux sérologies
maternelles.
Si le nouveau-né est apparemment normal
et que les anticorps se stabilisent ou augmentent en
titre au lieu de disparaître au bout de 3-4 mois, il faut
considérer qu’il s’agit d’une syphilis congénitale ;
- la radiographie des os longs (recherche d’une dystrphie
métaphysaire) ;
- la ponction lombaire.
Cet ensemble d’examens peut être réalisé en partie ou
dans sa totalité en cas de syphilis maternelle traitée (ou
non) en cours de grossesse ; il complète la prise en charge
pédiatrique et l’examen clinique soigneux indispensable
chez les nouveau-nés de mère ayant une sérologie
syphilitique découverte en cours de grossesse.
5- Traitement :
Le traitement maternel repose sur la pénicilline G par
voie parentérale (Extencilline, Biclinocilline) très efficace,
avec un très bon passage transplacentaire et une
prévention de la réaction d’Herxheimer (corticothérapie).
En cas d’allergie, l’alternative repose sur les céphalosporines
(attention à l’allergie croisée) ou l’érythromycine
(efficacité moindre nécessitant souvent un traitement complémentaire
du nouveau-né à la naissance).
Le traitement
comporte aussi une surveillance maternelle (sérologique
et clinique), une évaluation néonatale précoce et tardive du
nouveau-né (sérologique et clinique) mais aussi un traitement
du ou des partenaires.
La déclaration est obligatoire.
• Traitement de la syphilis récente : benzathine-benzylpénicilline
(Extencilline injectable) 1 injection intramusculaire
(2,4 MUI) par semaine pendant 2 semaines ou une
injection dans chaque fesse en une seule fois ou bénéthamine-
pénicilline (Biclinocilline injectable) 1 injection
intramusculaire (1 MUI) par jour pendant 15 jours, faire
2 cures à 2 mois d’intervalle ou (en cas d’allergie) érythromycine-éthylsuccinate (Erythrocine 1000) , per os
1 sachet (1 g) x 2 par jour pendant 3 semaines.
• jusqu’à ce jour, Treponema pallidum est resté remarquablement
sensible à la pénicilline ; aucune vaccination
n’est encore disponible ; un sujet bien traité n’est pas
immunisé et peut s’infecter à nouveau ; la plupart des
échecs de traitement sont liés à une réinfection ;
• la prévention de l’infection foetale repose sur : la prévention
primaire de la syphilis (information vis-à-vis des
maladies sexuellement transmissibles, usage du préservatif…)
; le diagnostic et le traitement précoce de l’infection
maternelle, une syphilis récente et traitée de façon adaptée
avant 20 semaines d’aménorrhée s’accompagnent d’un
risque quasiment nul d’infection congénitale.
Le traitement du nouveau-né repose sur la pénicilline G.