Soins palliatifs et de confort Cours de santé publique
D’après la définition donnée par la Société française
d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP, 1992) :
« Les soins palliatifs sont des soins actifs dans une
approche globale de la personne en phase évoluée ou
terminale d’une maladie potentiellement mortelle.
Prendre en compte et viser à soulager les douleurs
physiques ainsi que la souffrance psychologique, morale
et spirituelle devient alors primordial […]
Les soins
palliatifs et l’accompagnement considèrent le malade
comme un vivant et sa mort comme un processus normal.
Ils ne hâtent, ni ne retardent le décès.
Leur but est de
préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu’à la
mort.
Ils sont multidisciplinaires dans leur démarche ».
Au plan législatif, les soins palliatifs sont envisagés
pour la première fois en France dans le cadre de la
circulaire de la direction générale de la Santé du 26 août
1986 relative à l’organisation des soins et à l’accompagnement
des malades en phase terminale.
Depuis la loi
du 31 juillet 1991, les soins palliatifs font partie des
missions du service public hospitalier au même titre que
les soins préventifs et curatifs.
Depuis le 9 juin 1999, le
droit à l’accès aux soins palliatifs est garanti par la loi :
« Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit
d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ».
Mise en oeuvre
:
A - Quels malades ?
Les soins palliatifs se sont développés à l’origine pour
les malades cancéreux, mais leur usage s’est aujourd’hui
étendu à toutes les personnes atteintes d’une maladie
évoluée potentiellement mortelle pour laquelle il n’existe
pas ou plus de traitement curatif envisageable, c’est-àdire
les patients atteints de sida, de maladies neurologiques
mortelles (sclérose latérale amyotrophique…),
d’insuffisances cardiaque, respiratoire ou rénale terminales
et les malades âgés atteints de polypathologies ou de
processus démentiels très évolués.
B - En quoi consistent les soins palliatifs
et de confort ?
Il s’agit « de tout ce qu’il reste à faire quand il n’y a plus
rien à faire » suivant l’expression célèbre du Dr Thérèse Vanier du Saint Christopher’s Hospice de Londres.
Il
s’agit de la prise en charge globale et multidisciplinaire
de tous les besoins physiques, psychologiques, sociaux
et spirituels du malade, mais également du soutien de
ses proches, avant et après le décès.
Reconnaître l’impossibilité
de guérir un malade marque incontestablement
un tournant dans sa prise en charge thérapeutique.
En
effet, la qualité de vie et le confort du patient deviennent
dès lors les objectifs premiers.
Il faut certes
distinguer la phase terminale proprement dite (derniers
jours) de la phase palliative qui, elle, peut durer
quelques semaines ou même plusieurs mois ; mais dans les 2 cas, il faut utiliser au mieux toutes les connaissances
et les ressources thérapeutiques dont nous disposons
aujourd’hui pour permettre au malade et à son entourage
de vivre le mieux possible ce temps de fin de vie.
Quelques objectifs sont prioritaires.
1- Soulager la douleur de façon efficace
:
Il s’agit d’évaluer la douleur à l’aide d’échelles d’autoévaluation
ou d’hétéro-évaluation chez les patients qui
ne peuvent pas coopérer à l’auto-évaluation, d’en préciser
le type (douleur par excès de nociception, neurogène ou mixte), la ou les causes
et de prescrire le ou les antalgiques adaptés en fonction de
l’intensité et de la typologie de la douleur, sans craindre
d’administrer des opiacés lorsqu’ils sont nécessaires.
2- Traiter les autres symptômes dont se plaint
le malade :
Il peut s’agir de nausées, de vomissements, d’anxiété, de
toux, de dyspnée, d’encombrement bronchique…
Chacun de ces symptômes peut bénéficier aujourd’hui
d’un traitement adapté.
On peut en particulier signaler
un certain nombre de points.
• La constipation, souvent déjà présente du fait de
l’alitement, est aggravée par le traitement opiacé
(solution de chlorhydrate de morphine ou comprimés de
sulfate de morphine, morphines à libération prolongée),
mais aussi par les médicaments à bases d’opiacés faibles
du deuxième palier de l’Organisation mondiale de la
santé.
Il est donc indispensable de prescrire simultanément
ou de renforcer le traitement préventif de la
constipation qui aggraverait l’inconfort du patient.
• Les nausées et vomissements peuvent être provoqués
par les opiacés, en particulier au début du traitement.
Ils
peuvent résulter d’une stase gastrique (traitement
par la dompéridone [Motilium] ou le métoclopramide
[Primpéran]) ou d’une stimulation de la zone gâchette
au niveau du 4e ventricule (traitement par l’halopéridol
[Haldol]).
• L’encombrement bronchique et le râle terminal,
toujours impressionnants pour l’entourage, peuvent être
contrôlés par un anticholinergique comme la scopolamine
par voie sous-cutanée ou transdermique.
3- Assurer le confort
:
Les soins de nursage ont une importance capitale pour
prévenir les escarres.
Les massages relaxants apportent
du bien-être et améliorent l’antalgie.
Les soins de
bouche réguliers, au minimum toutes les 2 heures, sont
essentiels pour permettre au malade de continuer à
boire, à manger et à parler.
4- Proposer une alimentation
et une hydratation adaptées :
Il faut toujours
– comme pour l’administration des
médicaments d’ailleurs
– privilégier la voie orale.
En
cas de besoin, la voie sous-cutanée est préférable à la
voie intraveineuse, dont il faut limiter les indications.
Les quantités absorbées par ces patients sont souvent
réduites.
Il faut donc fractionner les apports tout au long
de la journée. Les désirs du malade doivent guider le
choix des aliments et des boissons proposés.
5- Assurer une présence régulière auprès
du malade :
Une écoute compréhensive et respectueuse de son vécu
peut lui apporter beaucoup de confort et de réconfort.
C’est
là que le terme d’accompagnement prend tout son sens.
6- Rester à la disposition des proches
:
Fournir des informations régulières, leur apporter
l’écoute et le soutien psychologique dont ils ont besoin
pour affronter l’épreuve que constitue pour eux la
séparation prochaine avec l’être cher en fin de vie,
prendre également toutes les mesures matérielles pour
favoriser leur présence au chevet de leur parent, facilite
incontestablement leur vécu et leur deuil ultérieur.
7- Respecter les croyances
:
Il faut veiller enfin au respect des croyances religieuses et
philosophiques du malade et de sa famille et tenir compte
de son identité et de ses caractéristiques culturelles.
C - Où donner des soins palliatifs ?
Les soins palliatifs peuvent se pratiquer partout où un
patient en a besoin, c’est-à-dire au domicile, lorsque le
malade le souhaite et que le contexte familial le permet,
et dans toutes les institutions (hôpitaux, cliniques, maisons
de retraite) où surviennent aujourd’hui la majorité des
décès.
Dans les hôpitaux, les services où le nombre de
décès est élevé (services de médecine interne, cancérologie,
pneumologie, gériatrie, maladies infectieuses,
réanimation) sont plus particulièrement concernés.
Le
personnel médical et soignant de ces services doit donc
recevoir une formation spécifique adaptée.
Il peut être
utilement conseillé et soutenu par les membres de
l’équipe mobile de soins palliatifs la plus proche. Les
unités de soins palliatifs ne peuvent ni ne doivent
accueillir tous les malades qui relèvent des soins palliatifs.
Ces unités spécialisées ont été créées pour former les
professionnels de santé et assurer la prise en charge des
cas les plus difficiles.
Aspects éthiques
:
Quand et comment reconnaître qu’un malade relève des
soins palliatifs ?
La première fonction du médecin est
bien entendu de guérir.
C’est ce qu’on lui enseigne et
c’est ce que l’on attend de lui, chaque fois qu’il le peut.
Mais il existe malheureusement des situations pathologiques
où la guérison, ou du moins la stabilisation de
la maladie, n’est pas ou plus possible.
La mort devient
alors inéluctable à plus ou moins brève échéance.
Cela
ne veut pas dire pour autant que le médecin n’a plus de
rôle à jouer auprès du malade et de sa famille. Au
contraire, notre responsabilité éthique, l’engagement de
soins que nous avons pris vis-à-vis du malade doivent
nous conduire à ne pas le fuir, ni l’abandonner, mais à
poursuivre au contraire nos soins de façon adaptée en lui
assurant le meilleur confort possible (traitement de la
douleur et des autres symptômes, soins du corps vigilants,
alimentation et hydratation adaptées) et en l’accompagnant
jusqu’au bout de sa vie.
Cette deuxième fonction
de soins, tout aussi importante que la première, que les
malades et les familles sont en droit d’attendre de nous,
fait partie intégrante de la médecine.
Il n’est pas toujours aisé de discerner le moment où les
soins doivent s’orienter davantage vers une prise en
charge palliative, en privilégiant le confort, notamment
lorsque la relation médecin-malade est forte (jeune âge
du malade, phénomène d’identification ou attachement
relationnel particulier) ou lorsque des sentiments
d’échec, de souffrance et de culpabilité peuvent conduire
vers le déni de la situation réelle du malade et vers des
comportements d’acharnement thérapeutique inutiles.
Le travail en équipe multidisciplinaire, la concertation
avec d’autres médecins plus expérimentés représentent
ici une aide précieuse.
Il faut savoir prendre le temps
d’analyser régulièrement et le plus objectivement
possible, les données du dossier médical correctement
documenté.
Il faut suivre très régulièrement l’évolution
clinique et psychologique du malade.
Il faut savoir
reconnaître le moment où un examen complémentaire
ou un traitement sont devenus plus nuisibles que bénéfiques…
donc inutiles.
C’est donc savoir discerner le
moment où la qualité de la vie devient plus importante
que sa durée, qui est de toute façon limitée dans le
temps.
L’adaptation des soins à l’évolution du malade et
de sa maladie doit se faire progressivement.
La transition
des soins curatifs vers les soins palliatifs ne doit jamais
être brutale.
Certains préfèrent d’ailleurs le terme de
soins continus pour supprimer justement toute idée de
rupture.
Elle doit résulter d’une réflexion et d’une
concertation multidisciplinaire où chaque professionnel
qui côtoie le malade (médecins, infirmières, aides-soignantes,
kinésithérapeute, psychologue, assistante
sociale) peut venir apporter son point de vue et éclairer
de façon très utile la prise de décision. Même si cette
dernière reste médicale pour finir.
L’avis du malade est
bien entendu fondamental à prendre en compte.
Et il
faut lui consacrer tout le temps nécessaire pour qu’il
puisse exprimer son vécu, ses désirs – parfois contradictoires
– et ses craintes. Lorsqu’il n’est plus en mesure de le faire, l’observation attentive de son comportement
corporel et de sa coopération aux soins s’avère très
précieuse.
La famille du malade doit également être
considérée dans le cadre de cette réflexion globale mais
elle ne doit pas porter le poids de la décision, qui reste
médicale, pour ne pas générer de culpabilité inutile au
cours du deuil ultérieur.
L’essentiel
:
Les soins palliatifs font partie des missions de soins de
l’hôpital et constituent un nouveau droit pour les
malades.
Ils s’adressent à toute personne en phase
évoluée ou terminale d’une maladie potentiellement
mortelle.
Leur but est de prendre en charge et soulager
toute souffrance physique, morale ou spirituelle du
malade par une approche personnalisée, globale et multidisciplinaire.
Sans oublier d’apporter le soutien nécessaire
à la famille, avant et après le décès.
Les soins palliatifs
doivent pouvoir être prodigués dans toutes les institutions
(hôpitaux, cliniques, maisons de retraite) amenées à
prendre en charge des personnes en fin de vie, mais ils
peuvent parfaitement être assurés à domicile si le patient
et sa famille le souhaitent.
Les unités et les équipes
mobiles de soins palliatifs ont un rôle de formation
essentiel et sont un recours très précieux pour les cas les
plus difficiles.