L’examen de la fonction de sensibilité au contraste de luminance est
un test d’appréciation de la capacité visuelle qui analyse la
discrimination spatiale, temporelle, et du mouvement à contraste
variable du système visuel, autrement dit la fonctionnalité pour la
reconnaissance des formes statiques et dynamiques.
En outre, il
étudie le transfert de la stimulation lumineuse le long de la voie
optique.
L’analyse dépend à la fois du système optique de l’oeil et
des facteurs neuronaux des voies optiques.
Le premier élément de
la chaîne est le segment antérieur qui possède deux rôles essentiels :
le transfert de la lumière et le rôle optique de focalisation.
La fonction de transfert de la lumière à travers le système visuel a
d’abord été étudiée par Shade en 1956, puis Campbell en 1965.
Le système se comporte comme filtre passe-bande.
En 1966, Enroth-Cugell et Robson établissent qu’il existe des groupes cellulaires
neurorétiniens fonctionnellement indépendants, uniquement actifs
aux différences de la luminance, et sensibles spécifiquement à
chaque composant du spectre électromagnétique : fréquence
spatiale, fréquence temporelle, longueur d’onde.
La fonction de
sensibilité au contraste de luminance exprime les capacités du
système visuel à détecter des différences de luminance sur des
éléments de dimensions variées, statiques (contraste spatial de
luminance), dynamiques (contraste temporel de luminance).
Il s’agit
d’un test global de la fonction visuelle neurosensorielle, beaucoup
plus informatif que la simple mesure de l’acuité visuelle qui ne va
analyser qu’une partie du transfert du spectre électromagnétique.
Enfin, il explore des unités fonctionnelles et non des groupes cellulaires spécifiques, ce qui explique sa sensibilité à tout
phénomène pathologique, même infraclinique.
Intérêt
:
L’étude associée de la sensibilité au contraste et de l’acuité visuelle
est utile et nécessaire, car elle permet de mieux comprendre la place
de l’un des paramètres par rapport à l’autre et leur
complémentarité.
En outre, l’examen du sens des contrastes est
devenu indispensable avant toute chirurgie à visée fonctionnelle,
afin d’éviter certaines incompréhensions de la part de l’opéré et de
permettre au chirurgien une explication du « mal-être » visuel
apparu.
D’autre part, certaines pathologies, en particulier du nerf
optique, ont une traduction immédiate et spécifique sur le test.
Cependant, l’acuité visuelle et sa mesure restent l’examen de choix,
facile à mettre en oeuvre.
Il convient de choisir quel test utiliser car
de nombreuses variantes sont à disposition des professionnels.
Support physiologique
:
La compréhension du monde environnant passe par la lumière qui
permet d’évidence de « bien voir ».
Cette dernière se sert de l’oeil
comme un médiateur privilégié entre le monde extérieur et
l’individu.
Elle est le support d’une information définie contenue
dans l’image visible.
La lumière est constituée d’une organisation
spatiale et temporelle (les contrastes) et énergétique (la couleur).
L’appareil visuel qui capte la lumière décode son organisation et la
transforme en « influx » dans des structures nerveuses qui
engendreront la cognition, c’est-à-dire une signification et une
reconnaissance pour celui qui reçoit ces signaux lumineux.
L’oeil est
un transformateur de lumière, un récepteur d’images et un
transmetteur d’informations.
L’image une fois capturée est décomposée dès la rétine pour être
transmise aux centres supérieurs cérébraux par l’intermédiaire de
canaux véhiculaires de l’information.
Chaque canal prend en charge
un élément spécifique.
Ainsi, il existe un canal traitant l’information
relative à la perception des formes, un autre pour la perception des
couleurs, un autre pour la perception des mouvements, un autre
pour l’intensité lumineuse.
Ces canaux, qui sont en fait des éléments
cellulaires connectés, conduisent en parallèle les caractéristiques
énergétiques du spectre électromagnétique, réfléchi sur l’image ou
l’objet avec ses différents composants spatiaux, temporels, colorés,
lumineux.
Ainsi, l’information visuelle n’est pas traitée par
un système hiérarchique unique, mais par plusieurs systèmes dont
les propriétés sont très différentes.
Cependant, ces différents éléments sont répartis de manière
structurée permettant de distinguer une vision centrale d’une part,
et une vision périphérique d’autre part, dont le rôle est d’égale
importance et absolument complémentaire.
La vision centrale est le
siège des réceptions spatiales élevées, de l’acuité visuelle, de la
vision chromatique fine.
La vision périphérique est le support des
résolutions spatiales faibles, de la réception des moyennes et basses
fréquences spatiales, du champ visuel, de la perception du
mouvement.
Les travaux de neurophysiologie sur l’analyse de la stimulation
visuelle ont montré que les cellules rétiniennes s’organisent en
champ récepteur des constituants de la lumière.
Elles ont différents
types de réponse en fonction de la fréquence spatiale et du contraste
de stimulation.
La rétine se comporte comme un micro-ordinateur
très puissant qui décompose toutes les images projetées sur elle en
une somme de réseaux sinusoïdaux ayant un contraste variable.
L’aptitude à percevoir les objets dépend des facultés du
système visuel à discerner les contrastes, c’est-à-dire des différences
de luminance entre les surfaces adjacentes des « objets ».
La
sensibilité au contraste consiste, en clinique, à tester la perception
de ces réseaux sinusoïdaux qui sont les seuls stimuli réellement
perçus par le cerveau.
Cependant, la possibilité de transformation
d’une image en une somme de réseaux doit obéir à certaines lois
mathématiques.
Toute image correspond à une seule distribution (ou
spectre fréquentiel) de réseaux et un spectre fréquentiel ne
correspond qu’à une seule image.
L’analyse de Fourier (procédure
de décomposition d’une structure en ses composants sinusoïdaux)
appliquée à l’étude des fréquences spatiales (fréquence d’une
structure lumineuse sinusoïdale permettant de définir le contenu
spatial d’une image) montre qu’un système utilisant la
décompensation spectrale ne perd pas d’informations.
Cette
transformation de Fourier effectuée par la rétine permet au cerveau,
non seulement de reconstituer une image, mais de la comprendre,
ce qui est le but ultime des aires visuelles.
La technique se situe parmi les techniques psychophysiques
mesurant les capacités de transduction de l’environnement physique
au niveau sensoriel de la perception visuelle.
La fonction de
sensibilité au contraste est l’enveloppe qui englobe l’ensemble des
processus de détection et de discrimination des réseaux.
Elle dessine
la limite du domaine visible capté par l’ensemble du système visuel,
en dessous de laquelle est le domaine du vu, et en dessus le
domaine du non-vu.
Par complémentarité, l’acuité visuelle est le pouvoir de distinguer
un objet le plus petit possible.
Elle représente la valeur chiffrée du
pouvoir séparateur des cônes de la macula.
Bases psychophysiques
:
L’examen de la sensibilité au contraste est basé sur une méthode
psychophysique tout comme la mesure de l’acuité visuelle.
Elle
nécessite donc la participation du sujet.
Le patient est placé à une
certaine distance des réseaux sinusoïdaux à tester et l’examen est
réalisé en vision monoculaire.
Les conditions ambiantes doivent
toujours rester identiques afin de pouvoir comparer les résultats
d’un patient à un groupe témoin.
La luminosité de la pièce, le bruit
ambiant et la distance entre l’oeil et le test sont des paramètres très
importants.
Plusieurs techniques de mesure des seuils peuvent être utilisées.
On
peut choisir de présenter un réseau de taille donnée (la taille du
réseau correspondant à une fréquence spatiale) avec un fort
contraste et de diminuer peu à peu ce contraste jusqu’au seuil de
perception.
Il s’agit alors de la méthode des seuils descendants.
Il
est possible aussi de partir d’un réseau imperceptible et d’en
augmenter le contraste (méthode ascendante).
En général, la
technique dite du « choix forcé » est préférée, car elle est plus
rigoureuse.
Elle consiste à présenter des réseaux de moins en moins
perceptibles et d’obliger le sujet à définir une caractéristique (par
exemple, le caractère vertical ou oblique de ce réseau).
L’étude de la sensibilité au contraste doit donc être réalisée dans
des conditions techniques rigoureuses et toujours identiques.
Il existe deux types de sensibilité au contraste : la sensibilité au
contraste spatial et la sensibilité au contraste temporel.
Sensibilité au contraste spatial
:
La fonction de sensibilité au contraste spatial de luminance exprime
les capacités du système visuel à détecter des différences de
luminance sur des éléments de dimensions variées.
La fonction
dessine l’enveloppe du domaine spatial visible par l’ensemble du
système visuel, ainsi que ses possibilités de discrimination du
contraste.
Cette analyse assure le recueil précoce du
dysfonctionnement des cellules ganglionnaires X et partiellement
des cellules ganglionnaires W.
Tout processus ascendant ou
descendant concernant la rétine ou le nerf optique entraîne une
modification qualitative ou quantitative du test.
La fonctionnalité
du système visuel pour la reconnaissance des formes est étudiée
dans son ensemble.
Cette technique permet de mettre en évidence
une zone de capacité visuelle globale.
Elle analyse les différentes
structures ou éléments pris en compte à l’intérieur d’un champ
visuel.
A - PRINCIPE :
Pour analyser les réponses des différents canaux d’analyse, il est
nécessaire de générer une image de stimulation spécifique à un canal
donné.
Cette image est un réseau. Un réseau est formé d’une
alternance de bandes plus ou moins claires et plus ou moins
sombres.
Si un réseau possède des barres noires très foncées et des
barres blanches très claires, il présente un fort contraste.
Si la
différence entre l’intensité lumineuse des barres sombres et des
barres claires est faible, le réseau est doté d’un faible contraste.
Ainsi,
pour chaque canal analyseur est défini un contraste ou profil de
luminance.
Outre l’image de stimulation, le réseau est caractérisé par sa
fréquence spatiale.
Il s’agit de la largeur des bandes.
On la mesure
en nombre de cycles (éléments constitutifs) par degré d’angle visuel.
Le réseau est d’autre part remarquable par son orientation (verticale,
horizontale ou oblique) et sa position dans le champ visuel.
En pratique, un réseau est présenté avec une fréquence spatiale fixe
et seul le contraste de luminance varie.
À partir d’une certaine
valeur de contraste, le réseau apparaît et le sujet perçoit une grille
dont il peut détecter l’orientation.
Cette valeur de contraste
correspond donc au seuil de sensibilité au contraste pour la
fréquence spatiale étudiée et par conséquent à l’analyse complète
du canal analyseur stimulé.
En répétant ces mesures pour plusieurs
fréquences spatiales, on définit l’enveloppe de la sensibilité au
contraste spatial du système visuel, donc l’enveloppe de la capacité
de détection des formes pour un oeil.
B - MÉTHODE D’ANALYSE :
Il existe une infinité de fonctions de sensibilité au contraste spatial
de luminance, selon le test utilisé et les paramètres du test : vision
binoculaire ou monoculaire, ambiance photopique ou scotopique,
présentation centrale, excentrée, périphérique.
Une fonction de
sensibilité au contraste n’est donc utilisable que si tous les
paramètres de sa mesure sont précisés.
Plusieurs méthodes ont été
proposées : les méthodes objectives mettant en jeu le recueil d’un
signal électrophysiologique et les méthodes subjectives,
psychophysiques, qui sont en fait les méthodes privilégiées de
mesure.
Le tube cathodique compose la majorité des systèmes
actuels mais les supports peuvent être autres.
Les réseaux sont
produits sur un écran, type écran de télévision, et générés par un
calculateur spécifique.
Les stimulations sont caractérisées par la
largeur des stries qui va traduire la fréquence spatiale exprimée en
cycles par degré d’angle visuel et par le contraste des stries exprimé
en coordonnées logarithmiques dont la valeur va de 0 à 1, de 100%
de contraste à 0 % de contraste.
C - INTERPRÉTATION :
Quels que soient la méthode et le matériel utilisés, on mesure pour
chaque fréquence spatiale testée une valeur de contraste.
Trois formes de résultats peuvent être mises en évidence en pratique
clinique : la courbe en coordonnées logarithmiques, le visuogramme,
l’enveloppe globale de vision.
1- Courbe en coordonnées logarithmiques
:
Les valeurs de contraste-seuil
exprimées en unité logarithmique sont reportées pour chaque
fréquence spatiale présentée.
Le contraste est indiqué en ordonnée, les fréquences spatiales sont
reportées en abscisse.
L’optimum de sensibilité est situé entre un et quatre cycles par
degré d’angle visuel, dans la zone des moyennes fréquences
spatiales.
Au-delà, il s’agit des hautes fréquences spatiales ; en deçà, des
basses fréquences spatiales.
2- Visuogramme :
Il indique la représentation de l’écart entre une situation testée et
une situation de référence. Pour chaque fréquence spatiale, la
représentation du gain ou de l’atténuation est indiquée.
3- Enveloppe de vision
:
Les valeurs de contraste-seuil pour chaque fréquence spatiale testée
représentent la limite de visibilité pour cette fréquence spatiale. En
joignant les différentes limites, on obtient la courbe classique qui
englobe l’ensemble du domaine visible par l’oeil.
Au-dessus de la
courbe se trouve le domaine de la non-vision.
Le calcul du déficit se
fait par décomposition segmentarisée de l’enveloppe de vision.
Sensibilité au contraste temporel
:
La mesure de la sensibilité au contraste temporel évalue les réponses
des cellules ganglionnaires Y de la voie magnocellulaire,
correspondant à environ 20 % de la totalité des cellules
ganglionnaires.
Le principe de cet examen consiste à présenter une image en
mouvement, soit en opposition de phase ou sous forme de réseaux
sinusoïdaux se déplaçant sur un écran.
Les stimuli en opposition de
phase correspondent à des réseaux dont la luminosité s’inverse, la
partie noire devenant blanche et la partie blanche devenant noire.
La fréquence spatiale de ces réseaux peut être élevée, si bien que le
sujet perçoit des barres semblant papillotées.
À l’inverse, elle peut
être très basse et recouvrir l’ensemble du champ visuel, réalisant un
papillotement général de l’écran.
Sur un moniteur vidéo sont donc présentés des réseaux à profil de
luminance sinusoïdal.
Les barres verticales ont une largeur
(fréquence spatiale) variable.
Elles se déplacent à une vitesse donnée
et le contraste est peu à peu réduit jusqu’à ce qu’elles deviennent
imperceptibles.
La méthode la plus admise est le flicker test.
Celui-ci
utilise une stimulation de très basse fréquence spatiale, si bien que
l’ensemble du champ visuel est stimulé dans un même temps.
Plusieurs fréquences temporelles (exprimées en hertz) sont testées,
et pour chacune d’entre elles, la limite de sensibilité au contraste est
mesurée.
Les hautes fréquences temporelles testent la fréquence
critique de fusion.
La plupart des courbes se présentent sous forme d’une cloche plus
ou moins prononcée.
Il existe une faible sensibilité pour les basses
et hautes fréquences temporelles.
FACTEURS DE VARIATION
:
Cet examen est sensible aux conditions de mesure, comme tout test
psychophysique.
– La diminution de la luminance abaisse les seuils de sensibilité,
surtout sur les fréquences élevées. Les valeurs maximales sont
enregistrées pour des luminances de fond de 100 cd/m2.
– Les conditions d’éclairement rétinien sont à noter, car les résultats
sont différents en fonction de l’ambiance photopique, mésopique ou
scotopique.
– La couleur ajoutée sur les réseaux de présentation montre que la
sensibilité au vert est plus élevée qu’au bleu et qu’au rouge.
– L’orientation des réseaux joue un rôle sur le seuil de sensibilité
qui est variable en fonction des orientations et en fonction des
fréquences spatiales.
– Le temps de présentation, souvent négligé, doit être défini.
L’optimum de présentation est de l’ordre de la seconde.
– Plusieurs formes de test peuvent être mises en oeuvre.
De
ce fait, pour que les résultats soient interprétables, ils doivent se
référer au même processus.
C’est ainsi qu’il existe des tests avec optotypes qui font intervenir les processus cognitifs et les tests avec
réseaux qui sont plus purs dans la stimulation et paradoxalement
plus performants.
– Les milieux transparents ont une action directe sur la normalité
des réponses.
– Le diamètre pupillaire qui semble optimal pour une valeur
moyenne satisfaisante de la courbe est de 2 à 3mm.
– Les saccades et les poursuites diminuent les réponses, excepté sur
les basses fréquences.
– L’âge a une influence majeure.
La courbe de sensibilité au
contraste est optimale vers 11 ans et commence à diminuer à partir
de 40 ans.
Ce facteur est essentiel, car on ne peut comparer des
résultats qu’en intégrant les modifications engendrées par
l’évolution.
Indications
:
A - ANALYSE D’UNE CAPACITÉ VISUELLE :
L’indication se porte naturellement sur l’évaluation globale d’une
capacité visuelle dans sa normalité et dans son déficit.
En effet, la
courbe de sensibilité au contraste rejoint l’extrême limite de
détection des différentes fréquences spatiales et temporelles
intégrées par les canaux analyseurs.
1- Amétropies :
Les amétropies, même corrigées, altèrent le niveau de l’enveloppe
de vision sous-tendue par la courbe de sensibilité au contraste de
manière pathognomonique.
Il apparaît une diminution au contraste
coloré au bleu dans les hautes fréquences spatiales pour les myopies
et au rouge pour les hypermétropies.
La sensibilité au contraste peut permettre de déterminer la meilleure
correction optique chez des sujets qui ne supportent souvent pas la
totalité de la réfraction objective déterminée sous skiascopie.
Les
fortes amétropies entraînent toujours une baisse des moyennes
fréquences, même avec correction.
On peut l’expliquer à la fois par
le mécanisme de consommation énergétique lumineuse par les
lentilles correctrices, par la modification induite de la taille des
images et par les dystrophies tissulaires rétiniennes sous-jacentes
possibles comme par exemple une choroïde myopique.
Néanmoins,
l’enveloppe de vision est plus performante avec lentilles de contact
qu’avec lunettes et meilleure avec les lentilles dures qu’avec les
lentilles souples.
2- Chirurgie réfractive
:
Après chirurgie réfractive, le sujet opéré, malgré une récupération
de 10/10e, voire 12/10e ou 15/10e qualifiée de superacuité, peut ne
pas éprouver une satisfaction totale.
Il est parfois gêné dans sa
perception du monde extérieur, en dehors de tout phénomène
d’éblouissement ou de variation d’amétropie.
L’examen de la
courbe de sensibilité au contraste met souvent en évidence dans ces
cas, une altération dans l’intégration des fréquences
spatiales « moyennes- hautes », qui ampute d’autant l’enveloppe de
vision.
Par ailleurs, les résultats sont différents selon les auteurs et
selon les techniques opératoires.
L’intérêt du test est alors
d’établir avant l’intervention une courbe de sensibilité au contraste
réalisée avec la meilleure correction optique, et de la comparer à
celles réalisées en postopératoire et à la phase cicatricielle pour,
d’une part juger de l’amélioration fonctionnelle donnée au patient
sur l’enveloppe globale de vision, mais aussi d’expliquer, s’il y a
déficit, la gêne en pratique courante.
De ce fait, si une amputation
dans les hautes fréquences a une répercussion sur la discrimination
des détails fins, dans les moyennes fréquences le déficit touche la
visualisation des éléments physiques essentiels de la vie courante
(table, chaises, personnes en déplacement, voiture, etc) et, dans les
basses fréquences, témoigne d’une gêne dans la préhension de
l’espace global environnant.
3- Cataracte
:
En cas de cataracte, les hautes fréquences sont atteintes en
premier.
Les fréquences intermédiaires ne sont atteintes qu’à un
stade plus évolué.
Cependant, sous éclairement mésopique, l’aspect
de la courbe objective une perte moins importante dans les hautes
fréquences par rapport aux fréquences moyennes.
Une personne
souffrant de gêne visuelle crépusculaire peut être soupçonnée de
cataracte débutante si les courbes de sensibilité au contraste sont
parallèles ou superposées en conditions photopique et
mésopique.
L’examen est également indiqué lorsqu’il existe une
différence inexpliquée entre une acuité visuelle bien conservée et un
trouble de la perception.
À l’inverse, s’il existe une opalescence
cristallinienne sans déficit majeur de l’acuité visuelle, et avec peu de
symptômes subjectifs, l’absence d’anomalie dans la courbe de la
sensibilité au contraste peut contre-indiquer l’intervention.
B - DIAGNOSTIC D’UNE NEUROPATHIE GLAUCOMATEUSE
:
La plupart des auteurs estiment que la sensibilité au contraste en
vision centrale est un examen très sensible pour détecter l’apparition
d’une neuropathie dans l’hypertonie oculaire.
Nordmann a constaté
dans le glaucome débutant une atteinte de la sensibilité dans 20 %
des cas d’hypertonie oculaire.
Utilisant la sensibilité au
mouvement, il remarque une baisse dans les hautes fréquences
temporelles pour les glaucomes débutants et de toutes les fréquences
pour des stades plus évolués.
Tytla a également étudié la sensibilité
au contraste temporel chez des sujets normaux d’une part, chez des
patients atteints de glaucome d’autre part, et dans un groupe de
sujets hypertones avant et après traitement.
Au sein du groupe
des patients glaucomateux, il constate, dans 82 % des cas, des pertes
significatives de sensibilité au niveau des hautes fréquences.
La
possible décompensation d’une hypertonie isolée est ainsi une
indication intéressante.
En effet, on constate, chez certains
patients, une perturbation de l’examen sans déficit périmétrique, et
de fait, on peut suspecter une neuropathie glaucomateuse débutante.
Cependant, il n’existe pas de parallélisme entre la gravité de
la pathologie glaucomateuse et l’intensité de l’atteinte.
Le
glaucome entraîne donc une baisse de sensibilité au contraste dans
les hautes et moyennes fréquences.
Cependant, ce déficit n’est pas
global.
Il prédomine enfin en stimulation bleue et verte.
C - NEUROPATHIES OPTIQUES :
De nombreux patients atteints de neuropathies optiques présentent
une altération de la sensibilité au contraste aux basses et moyennes
fréquences spatiales sans déficit de l’acuité visuelle.
La sclérose en
plaques est bénéficiaire de l’examen pour un diagnostic précoce.
La plurifocalité des lésions est un critère d’orientation du diagnostic.
Si
les signes visuels peuvent être absents, il est important de mettre en
évidence une atteinte infraclinique des voies optiques.
Les tests
classiques (acuité visuelle, champ visuel) ne permettent pas toujours d’affirmer le trouble infraclinique et l’examen de la fonction de
sensibilité au contraste semble mettre en évidence un déficit non
reconnu par les potentiels évoqués visuels dans les formes frustes
pour 30 % des cas.
D -
ATTEINTE DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL :
La maladie de Parkinson se manifeste spécifiquement par un déficit
dans les moyennes fréquences spatiales.
Ce déficit particulier est
dû au manque de dopamine chez les parkinsoniens. Or, la dopamine
est un élément important dans le mécanisme de la vision des
contrastes.
Il semble que la maladie d’Alzheimer engendre les
mêmes troubles.
Il est essentiel d’effectuer des tests diagnostiques
précoces, car si la maladie d’Alzheimer se révèle cliniquement audessus
de 72 ans, son début se produit vers 55 ans.
Le test
permettrait, en dehors du diagnostic, de mettre en oeuvre une prise
en charge thérapeutique d’accompagnement.
E - ANALYSE DE LA VISION DE L’ENFANT :
Ce sont, en fait, les cartons de Teller avec la technique du regard
préférentiel.
Le regard de l’enfant est attiré par une forme structurée
se détachant d’un fond uniforme.
Il s’agit de la présentation de
cartons sur lesquels sont constitués des réseaux.
Le test est utilisable
chez des enfants de 3 à 18 mois.
En tenant compte de la distance de
présentation des tests, on convertit les cycles par centimètre, en
cycles par degré.
Ceci représente la valeur en degré de l’angle visuel
qui sous-tend, d’une part l’image rétinienne, d’autre part l’objet
regardé.
On peut considérer comme normale l’acuité visuelle aux
cartons de Teller si elle est de 3 cycles/degré à 3 mois, 9 à
12 cycles/degré à 12 mois ; 30 cycles/degré à 4 ans.
Le même
principe s’applique au test « bébé vision ».
Cependant, il faut garder
à l’esprit la valeur « approchante » de la capacité visuelle de l’enfant
par ces tests, car ils nécessitent une confirmation, du fait de faux
positifs ou faux négatifs.
F - EXPLORATION D’UN MALVOYANT :
L’examen de la sensibilité au contraste trouve une indication
remarquable dans l’évaluation de la capacité visuelle d’un patient
malvoyant ou déficitaire visuel.
La gamme des différentes
fréquences spatiales est précisée pour un patient particulier et
reportée à la constitution des structures physiques
correspondantes.
Ainsi sont isolées les capacités de discrimination
des détails fins (hautes fréquences spatiales), des structures
moyennes (moyennes fréquences spatiales), des structures grossières
(basses fréquences spatiales).
À l’intérieur de l’enveloppe de vision,
la discrimination fine ne représente qu’un élément minime.
Un sujet
atteint de maladie de Stargardt ou un autre avec une dégénérescence
maculaire liée à l’âge présente une acuité visuelle effondrée, c’est-àdire
une altération majeure des hautes fréquences spatiales,
mais une conservation tout à fait remarquable des moyennes et des
basses fréquences spatiales.
En pratique, ce malade se déplace
sans difficultés dans un environnement connu, même dynamique.
Le malvoyant peut ainsi bénéficier avec efficacité des terminaux
d’ordinateur sur lesquels il peut moduler la taille, la couleur, la
forme des informations pour optimiser la présentation.
Dans un
autre domaine qui est celui de la conduite automobile, ce sont les
moyennes fréquences au contraste moyen qui sont souvent en jeu,
et le test, pour certains patients, a valeur d’aptitude pratique.
Conclusion
:
L’examen des fonctions de sensibilité au contraste est un moyen
d’analyse exhaustif du transfert du spectre électromagnétique lumineux
à travers les milieux transparents de l’oeil, puis le long des voies
optiques, jusqu’aux aires visuelles et associatives cérébrales.
L’étude de
la sensibilité au contraste délimite l’enveloppe du domaine visible, où l’acuité visuelle n’est qu’un élément mais de mesure facile.
L’évaluation des limites permet la mesure de capacités visuelles
insoupçonnées encore présentes dans certaines pathologies.