Le juste choix de l’indication thérapeutique est déterminant pour la
qualité de la reconstruction du nez.
Il repose sur le respect de trois
principes.
Le premier principe est de faire un diagnostic précis de la perte de
substance dont la topographie, l’étendue et la profondeur sont les
éléments clefs.
Le second, commun à toutes les reconstructions faciales, est de
remplacer chaque tissu par son meilleur équivalent : les meilleurs
équivalents sont locaux ou mitoyens.
Leurs coloration, texture,
épaisseur, souplesse et résistance sont aussi proches que possible de
celles des revêtements, des doublures et des pièces de la charpente à
remplacer.
Tous les éléments disponibles pour la reconstruction doivent
être recensés lors de l’étape diagnostique.
Le troisième est de respecter les unités esthétiques.
À l’origine des
progrès les plus récents, il est étroitement lié à une meilleure analyse de
l’anatomie artistique du nez qui a vu se développer le concept des unités
esthétiques initié par Gonzalez-Ulloa, amplifié par Millard puis
affiné en sous-unités esthétiques par Burget.
La pyramide nasale
alterne l’éclat lumineux de zones convexes bien éclairées et l’ombre de
facettes concaves, ainsi que de vallées et de sillons plus profonds.
Dans
ce jeu d’ombres et de lumières qu’est la perception visuelle, le regard va
à l’essentiel.
Il perçoit d’abord les repères lumineux qui lui suffisent
presque intuitivement à évaluer la forme et à la reconnaître, avant qu’il
ne scrute les détails qui le surprennent.
Une bonne reconstruction recrée à l’identique, avec délicatesse et symétrie, ces zones qui réfléchissent la
lumière, en camouflant leurs cicatrices dans l’ombre périphérique.
Le
phénomène cicatriciel, en rétractant la face profonde du lambeau, en fait
bomber la face superficielle qui renvoie la lumière.
Ce phénomène est
plus intense si les lambeaux sont petits et circonscrits par la cicatrice,
alors qu’il est peu marqué avec les greffes.
On a tout intérêt à s’en faire
un allié, en recherchant une parfaite coïncidence de la surface des
lambeaux avec ces zones lumineuses et en reportant leurs cicatrices dans
l’ombre des sillons naturels où le regard les oublie.
Les unités topographiques convexes qui réfléchissent la lumière et se
confondent avec les unités esthétiques du nez sont : le dos du nez,
étendu de la région glabellaire à la région sus-apicale ; la pointe, que l’on
peut diviser en deux hémipointes avec le double reflet des dômes séparés
par l’ombre d’une discrète dépression ; les ailes narinaires ; la
columelle.
De part et d’autre du dorsum, les faces latérales du nez sont
au contraire des surfaces concaves un peu ombrées.
Séparées de la joue
par une rupture de pente, elles sont étendues du canthus interne des
paupières en haut, au sillon sus-narinaire en bas.
L’harmonie de la ligne
courbe qui suit le sourcil puis se prolonge sur la frontière entre la face
latérale et le dorsum est un élément esthétique essentiel du visage.
De
chaque côté de la pointe, l’ombre des triangles mous sépare les ailes narinaires de la columelle.
Le respect du principe des sous-unités esthétiques et la recherche de la
symétrie font toute la différence entre les plus belles reconstructions,
pratiquement indécelables, et celles qui, en utilisant les mêmes
lambeaux mal exploités, sont informes et provocantes tant elles
accrochent le regard.
Comme le soulignent Burget et Menick, en
1994, dans l’épilogue de leur livre sur la reconstruction esthétique du
nez, « le travail n’est terminé que lorsque le nez apparaît normal et même
beau...
Sans l’intelligence visuelle, c’est-à-dire cette aptitude à percevoir
et à maîtriser les formes, les contours et l’harmonie de leurs proportions
dans les trois dimensions, même un chirurgien plastique intelligent et
instruit donnera de médiocres résultats esthétiques à ses patients. »
L’intelligence esthétique et la créativité ne sont pas seulement innées.
Elles s’éduquent, mûrissent par la confrontation et l’échange, et mettent
à leur service la virtuosité technique et les connaissances scientifiques
de base.
Diagnostic de la perte de substance
:
A - Topographie
:
Elle permet de distinguer deux régions très différentes :
– les deux tiers supérieurs du nez, qui concernent l’arête nasale, de la
glabelle à la région sus-apicale, et les faces latérales du nez.
Sur ce
support rigide, les téguments, fins et mobiles, sont relativement
abondants, au point de constituer la zone de réserve du nez surtout chez
le vieillard ;
– le tiers inférieur du nez, qui rassemble six sous-unités esthétiques :
les deux ailes, séparées de la pointe par les triangles mous, la pointe et la
columelle.
La peau y est plus épaisse, sauf sur la columelle, et peu
mobile sur les structures cartilagineuses élastiques sous-jacentes.
Les
orifices narinaires et les valves nasales sont fonctionnellement essentiels
et très exposés aux séquelles cicatricielles des reconstructions.
Toute extension des pertes de substance du tiers inférieur du nez aux
régions voisines, nasogéniennes et labiale supérieure, complique les
reconstructions où l’application rigoureuse du principe des unités
esthétiques est la seule voie du succès.
Il faut le plus souvent reconstruire
le nez dans un deuxième temps sur une plate-forme jugale et labiale
stabilisée.
Les pertes de substance étendues, qui intéressent l’ensemble de la
pyramide nasale, ne sont pratiquement jamais totales avec disparition
de toutes les structures osseuses et cartilagineuses.
On ne rencontre
habituellement que des pertes de substance subtotales qui peuvent être
verticales et jeter alors un difficile défi au chirurgien en laissant un héminez qui est à la fois un précieux modèle pour la reconstruction et
une référence redoutable.
Les pertes de substance emportant plus ou
moins l’essentiel de la pointe du nez sont les plus difficiles à
reconstruire, surtout par manque de toute référence précise, mais avec
l’avantage théorique de pouvoir reconstruire symétriquement.
B - Profondeur
:
C’est la deuxième caractéristique de l’étendue d’une perte de substance.
– Les pertes de substance superficielles, qui sont surtout le fait des deux
tiers supérieurs du nez, sont soit purement cutanées, laissant un sous-sol
techniquement greffable si cette indication est retenue, soit plus
profondes, avec un support ostéocartilagineux dénudé qu’il faut
recouvrir par lambeau.
– Les pertes de substance transfixiantes, qui intéressent souvent le tiers
inférieur du nez, doivent être réparées plan par plan par association de
lambeaux pour la doublure muqueuse et la couverture cutanée et
reconstruction du support cartilagineux.
Dans quelques cas, ces pertes
de substance transfixiantes peuvent être réparées par greffes composées
si elles intéressent l’aile narinaire, la pointe ou la columelle.
C - Étiologie et gestion du risque de récidive
:
Certaines étiologies tumorales ne permettent pas d’être assurées
cliniquement d’une exérèse totale.
Cela est particulièrement le cas des
épithéliomas basocellulaires sclérodermiformes, assez fréquents au
niveau du nez.
Même l’examen histologique extemporané ne permet pas
formellement d’apprécier le caractère radical de l’exérèse.
Il faut dans
ces cas, avant d’envisager la réparation par lambeau, attendre le résultat
histologique définitif donnant confirmation d’une exérèse large.
Cette
attitude prudente est d’autant plus justifiée qu’une reprise d’exérèse ne
peut pas toujours être aisément compensée par une adaptation du
lambeau.
Si la réparation par lambeau frontal est déjà mise en oeuvre, il
faut profiter de la présence du pédicule pour reprendre l’exérèse.
Même après confirmation histologique du caractère complet de
l’exérèse d’un épithélioma basocellulaire sclérodermiforme, le risque de
récidive ne peut être complètement écarté.
Une surveillance reste
nécessaire et le chirurgien doit gérer le capital de lambeaux disponible
chez un patient de telle façon que la première reconstruction étendue du
nez par lambeau frontal puisse préserver l’étoffe frontale nécessaire à
une deuxième reconstruction, voire une troisième.
Cette conception de
l’économie des zones donneuses évite certaines impasses qui ne sont pas
exceptionnelles, mais elle est aussi utile dans les séquelles traumatiques
ou de malformation, à plus forte raison s’il s’agit d’enfants.
D - Terrain
:
Les reconstructions sont très différentes selon l’âge.
– Elles sont surtout réalisées chez des sujets adultes et même plutôt
âgés.
Ce terrain est favorable grâce à une grande laxité cutanée et à des
tissus plus fins dont la cicatrisation est bonne à tous les niveaux.
– Chez le sujet jeune, la cicatrisation, plus souvent hypertrophique,
impose une plus grande prudence dans le choix des lambeaux locaux, en
particulier dans la région nasogénienne.
– Peut-on entreprendre une reconstruction nasale chez l’enfant jeune de
5 à 6 ans, pour mutilation traumatique ou pour malformation
congénitale ?
Les expériences de maîtres comme Tessier, celle publiée
par Burget et notre expérience personnelle nous conduisent à
encourager la reconstruction nasale entre des mains très entraînées, avec
des techniques prudentes qui préservent le potentiel de croissance et
laissent la possibilité de compléter la reconstruction.
Le respect de
quelques règles et principes conduisent à conseiller :
– une étude particulièrement attentive des structures présentes et de
leurs déformations ;
– la création de support ostéocartilagineux chondrocostal, ou
cartilagineux de conque auriculaire, en utilisant pour le plan
endonasal des lambeaux cutanés de retournement prélevés sur les
berges ;
– la mise en place d’emblée de conformateurs pour préserver une
bonne perméabilité narinaire ;
– l’interdiction de lambeaux susceptibles de laisser des cicatrices
visibles comme les lambeaux nasogéniens ;
– le respect de la muqueuse nasale et du septum nasal ;
– la couverture par lambeau frontal qui peut suivre la croissance,
mais avec une gestion très économe du capital cutané frontal et le
respect du cartilage d’au moins une oreille pour laisser la possibilité
de compléter la reconstruction de façon efficace à la fin de
l’adolescence.
On peut ainsi faire de bonnes reconstructions nasales chez les enfants et
leur permettre d’attendre dans de meilleures conditions fonctionnelles
et psychologiques la dernière poussée de croissance.
E - Antécédents
:
Ils peuvent modifier les choix thérapeutiques.
Les récidives multiples
d’épithéliomas basocellulaires sclérodermiformes doivent rendre très
prudents dans l’indication d’une reconstruction par lambeau.
La même
prudence est de mise devant des antécédents de radiothérapie
locorégionale, aussi bien pour les lambeaux que pour les greffes
composées.
Le terrain le plus défavorable est en fait lié au tabagisme. Il
est pratiquement impossible de réussir normalement une greffe
composée chez un patient jeune qui fume.
À n’en pas douter, beaucoup
d’échecs relèvent uniquement de cette raison.
Elle est facile à dépister et
doit être systématiquement combattue car, si le grand fumeur reste un
moins bon terrain même après plusieurs années de sevrage, l’arrêt
complet du tabac pendant le mois qui précède l’opération redonne au
sujet jeune des capacités satisfaisantes pour la prise des greffes
composées et la survie des lambeaux axiaux.
Reconstructions partielles
:
Les deux régions supérieure et inférieure du nez posent des problèmes
de couverture cutanée très différents.
Ils sont généralement simples pour
les deux tiers supérieurs de la pyramide nasale, alors que, au niveau de
la pointe, des ailes narinaires et de la columelle, les bonnes méthodes
sont complexes et qu’il faut beaucoup plus de rigueur dans la sélection
des techniques, de métier et de sens artistique dans la réalisation pour
obtenir de beaux résultats esthétiques.
A - Partie supérieure de la pyramide nasale
:
Elle comprend la région dorsale médiane du nez, étendue de la glabelle
à la pointe du nez, et les faces latérales du nez jusqu’au canthus interne
inclus.
Cette région est une véritable réserve de peau fine et mobile pour
les zones voisines.
Cet excédent cutané est beaucoup plus disponible
dans le sens vertical qu’horizontal.
Les pertes de substance de cette
région sont le plus souvent superficielles, épargnant le périoste et le
périchondre, de sorte que toutes les techniques de réparations sont
envisageables.
1- Cicatrisation dirigée
:
Elle peut donner ici des résultats satisfaisants, même pour des surfaces
étendues.
La meilleure indication en est la région du canthus interne où
elle aboutit le plus souvent à une réparation esthétique pour des pertes
de substance atteignant 20 mm de diamètre.
Il y a néanmoins un risque
de bride épicanthale si la perte de substance n’est pas bien centrée par
rapport au canthus.
Sur le dos et la face latérale du nez, la cicatrisation
dirigée est plutôt une méthode de secours dans une région où la laxité
cutanée permet des réparations faciles.
2- Suture directe
:
En fuseau, verticale sur la ligne médiane et parfois horizontale dans les
rides des peaux très plissées des sujets âgés, la suture directe est la bonne
méthode pour les pertes de substance inférieures à 10 mm de large
environ.
Un fuseau oblique radié vers l’oeil est mieux adapté sur la face
latérale du nez.
3- Greffes de peau totale
:
Elles ont peu d’indications sur la région glabellaire aux téguments épais
et abondants.
Sur la partie moyenne du dos du nez où la peau fine est tendue sur le
billot de la bosse nasale, les greffes se rétractent peu et donnent de bons
résultats, surtout chez le sujet âgé.
La qualité en est meilleure si l’on
répare monobloc l’ensemble du dorsum et s’il persiste un plan
musculaire au-dessus du périoste qui évite une dépression et laisse un
peu de mobilité à la greffe.
Les greffes sont également satisfaisantes sur la face latérale du nez et
éventuellement sur le canthus.
Chaque fois que possible, il faut tenir
compte du principe des unité esthétiques, spécialement sur la frontière
entre le dorsum et la face latérale.
Le risque de dyschromie chez le sujet
jeune donne un avantage au lambeau.
La zone donneuse de choix des greffes de peau totale pour cette
indication topographique est essentiellement la région préauriculaire
dont la couleur est meilleure que celle, trop rouge ou trop pigmentée, de
la région rétroauriculaire et mastoïdienne qui est plus généreuse en
surface.
La greffe de peau frontale donne de très bons résultats, avec une
épaisseur et une texture idéales.
Elle ne doit pas être trop amincie pour
garder sa remarquable aptitude à masquer la charpente sous-jacente.
Cette greffe plus épaisse que les autres doit être faite avec une rigueur
technique identique à celle des greffes composées, ce qui assure une
prise très constante.
La coloration des greffes frontales est probablement
la plus proche de celle du nez, quoique souvent un peu plus pâle.
Le siège
et l’orientation du prélèvement frontal doivent bien sûr tenir compte de
l’extraordinaire réserve de lambeau que représente cette région dans le
cadre de la reconstruction nasale.
On peut prélever dans l’un des golfes frontotemporaux, obliquement ou horizontalement à la limite du cuir
chevelu, ou à proximité de la ligne médiane selon un grand axe vertical
s’inclinant en haut sur l’un des côtés de l’avancée chevelue médiane.
Le
tracé du prélèvement doit toujours préserver la possibilité de soulever
ultérieurement au moins un lambeau paramédian à pédicule inférieur et
un lambeau frontal scalpant de Converse.
Si la greffe de peau totale doit être très étendue dans des indications
exceptionnelles comme le resurfaçage de l’ensemble de nez (pour
uniformisation de la couleur de reconstructions précédentes), la région
sus-claviculaire est la mieux adaptée par sa couleur.
Chez la femme,
pour éviter une rançon cicatricielle en plein décolleté, on peut prélever
sur la face interne du bras.
4- Lambeaux
:
* Lambeau de rotation ou de transposition frontoglabellaire
:
C’est la plastie locale la mieux adaptée à l’ensemble de cette région.
Sa zone donneuse est fermée en VY.
La perte de substance réparable
dépasse difficilement 2 cm.
Il faut veiller dans la mesure du possible à
ne pas exagérer la rançon habituelle de ce lambeau : rapprochement des
sourcils et comblement de l’angle frontonasal.
Il est levé au ras du
périoste qui est respecté, faisant de ce lambeau un lambeau fasciomusculo-
cutané.
Comme l’a montré Marchac, ce lambeau peut
devenir un lambeau axial centré sur les vaisseaux angulaires, de sorte
que le pédicule cutané placé du côté opposé à la perte de substance
latérale peut être réduit à un simple pont et autorise une rotation
importante (120° à 150°).
Il faut, pour bénéficier du maximum de
rotation, soigneusement disséquer les muscles de la région canthale
interne, en sous-périosté pour préserver le pédicule.
Ces considérations
sont surtout utiles lorsque le lambeau de Marchac est agrandi vers le bas
pour réparer les pertes de substance de la pointe du nez et vient alors
remplir le même office que le lambeau de Rieger.
* Lambeau d’avancement en U du dos du nez (Rintala)
:
Ce long lambeau enUest vascularisé par les branches longitudinales des
artères angulaires. Les incisions partant de la perte de substance montent
parallèlement au dorsum et peuvent atteindre la glabelle.
La longueur
peut dépasser le double de la largeur et permettre d’atteindre la pointe
du nez (Jackson).
Des pertes de substance allant jusqu’à 2,5 cm de
largeur peuvent être fermées par cette technique.
Le lambeau est levé au
ras du périchondre et du périoste, et l’excision de deux triangles de part
et d’autre du pédicule permet d’éliminer l’excédent latéral.
Les cicatrices finales respectent l’unité esthétique du dorsum.
Sauf cas
d’espèce, l’ascension de la pointe du nez est un réel inconvénient,
surtout chez le sujet jeune, tout comme l’effacement de l’angle frontonasal qui toutefois s’atténue en 2 à 3 mois.
* Lambeaux d’avancement en îlot à pédicule sous-cutané
:
Le principe du lambeau en îlot à pédicule sous-cutané nous est très
familier aujourd’hui.
+ Lambeau triangulaire en îlot
:
Ce type de plastie en îlot à pédicule sous-cutané est utile sur la partie
supérieure de la pyramide nasale pour des pertes de substance
n’excédant pas 20 mm.
Les triangles, larges comme le diamètre de la
perte de substance, doivent être une fois et demi à deux fois plus longs
que larges.
Leur longueur est adaptée pour que la fermeture en VY ne
déforme pas les structures voisines, en particulier l’implantation de l’aile
narinaire.
Cette technique est intéressante selon l’axe vertical pour les
pertes de substance de la région dorsale médiane.
On peut l’utiliser avec
un seul vaste lambeau triangulaire volontairement hypertrophié pour les
pertes de substance de la région sus-apicale de l’arête.
À
la partie basse de l’arête et à proximité de la pointe du nez, ces lambeaux
sont peu mobiles, surtout l’inférieur, et il faut alors deux lambeaux
opposés pour réparer des pertes de substance de 10 mm et plus.
Sous
réserve d’une manipulation délicate et d’une bonne orientation des
sutures, ces plasties donnent de bons résultats.
+ Lambeau fusiforme en îlot
:
La variante technique proposée par Ono, qui dessine un lambeau
fusiforme, tangentiel par sa base à la perte de substance circulaire,
améliore l’excursion du lambeau, en combinant un mouvement de
translation latérale à son avancement selon le grand axe du fuseau.
La couverture est meilleure et la tension réduite.
Ce tracé atténue
l’aspect initial en « brioche » lié à la rétraction profonde.
Il faut penser à
cet excellent lambeau indiqué pour les pertes de substance situées sur la
zone de rupture de pente entre le dorsum et la face latérale du nez.
+ Lambeau en îlot nasogénien dans la région latéronasale
:
Le lambeau nasogénien d’avancement en îlot est fort utile pour réparer
les pertes de substance latéronasales sus-narinaires.
Il peut avancer de
35 à 40 mm, mais il faut veiller à préserver la conformation
du sillon nasojugal ou « vallée des larmes » qui suit la zone de rupture de
pente entre la joue et le nez.
La réparation d’un seul tenant des pertes de
substance latéronasales étendues de la joue jusqu’à l’arête incluse par
un lambeau unique (frontal par exemple), efface la dépression du sillon
nasojugal (Lebeau, 1985).
Pour le préserver, il faut un procédé de
réparation double, l’un sur l’arête nasale, l’autre venant de la joue de
telle sorte que la cicatrice d’union suive l’axe de la rupture de pente du
sillon nasojugal.
Le respect rigoureux des sous-unités esthétiques est
également essentiel entre l’arête et la face latérale du nez, où la cicatrice
se perd dans cette démarcation courbe et très précise qui part du sourcil
et se poursuit au-dessous de lui à la limite de l’ombre de la face latérale
du nez et de la lumière du dorsum.
Quelques autres lambeaux en îlot sont utiles.
+ Lambeau cerf-volant de Dufourmentel
:
Il est destiné à réparer les pertes de substance de la racine du nez par
avancement d’un lambeau triangulaire glabellaire à pédicule souscutané,
tout en atténuant l’inévitable rapprochement des sourcils.
Mais,
en fait, la structure sous-cutanée de la glabelle se prête mal à une
mobilité satisfaisante de lambeaux laissés solidaires de leur pédicule
profond.
Il faut ici modifier ce principe, et décoller le lambeau à sa face
profonde en ne lui laissant que des pédicules latéraux fasciomusculaires.
Revol, dans le rapport du 38e congrès de la Société française de chirurgie
plastique reconstructrice et esthétique (SOFCPRE), déconseille ce
lambeau pour son risque vasculaire.
+ Lambeau en hachette de Emmet
:
Ce lambeau en îlot, avec un étroit pédicule cutané, et son dérivé le
lambeau en hachette de Reynaud, qui ne garde qu’un étroit pédicule
cutané, sont surtout indiqués dans la région sus-narinaire où ils pivotent
selon un axe proche de la verticale.
À ce niveau, le lambeau en îlot de Rybka, qui se déplace horizontalement sur un pédicule profond
musculaire, est un meilleur choix.
* Autres lambeaux locaux
:
Ce sont les lambeaux de rotation de type Imre, dont le soulèvement est
fait dans le plan sous-cutané et qui permettent comme pour le lambeau
de Cronin, la rotation de tout l’héminez pour distribuer à la région
apicale les excédents de la racine du nez et de la glabelle.
Les lambeaux
de transposition les plus simples peuvent être employés pour des pertes
de substance n’excédant pas 12 mm, que ce soit le lambeau en drapeau
introduit par Elliot et modifié par Masson, ou le lambeau LLL de
Dufourmentel.
B - Partie inférieure du nez
:
Si l’on excepte la columelle qui pose des problèmes très spécifiques
, les autres régions ont en commun d’avoir une peau épaisse,
adhérant à une charpente cartilagineuse élastique et se réfléchissant pour
dessiner les contours des orifices narinaires.
Ailes, pointe, columelle
constituent des sous-unités esthétiques qu’il faut le plus possible
respecter, même pour des réparations superficielles.
1- Cicatrisation dirigée et suture directe
:
Ce sont des méthodes à rejeter, sauf pour de minuscules lésions
médianes n’excédant pas 5 mm, à distance des contours narinaires et
respectant le périchondre.
Les risques de cicatrices déprimées, dyschromiques et rétractant le bord libre et la pointe sont élevés et
doivent inciter chaque fois que possible à une réparation plastique. Une
grande exception à cette loi générale est le traitement du rhinophyma par
décortication selon le procédé de Morestin.
Le rhinophyma est
remarquablement corrigé par cette technique de sculpture faite au
bistouri en enlevant des pelures successives comme on le ferait sur une
pomme de terre, jusqu’à ce que la forme soit satisfaisante, mais en
préservant suffisamment d’annexes cutanées pour obtenir une
épithélialisation rapide en 15 à 21 jours.
La greffe n’est pas justifiée sauf
traitement très profond conduisant à un retard de cicatrisation ou dans
une pathologie aussi exceptionnelle que la sarcoïdose nasale.
2- Greffes de peau totale
:
Contrairement à une notion souvent répandue, elles peuvent avoir de
bonnes indications pour de petites lésions, surtout chez les sujets âgés,
et quelle que soit l’étendue de la lésion, en cas de refus de réparation par
les méthodes les meilleures qui peuvent s’avérer lourdes en comparaison
des greffes.
* Pertes de substance superficielles de l’aile narinaire
:
Les meilleures greffes sont soit prétragiennes, soit surtout
nasogéniennes, pour leurs colorations et leurs épaisseurs, proches de
celle du nez.
La peau rétroauriculaire est plus abondante, mais
trop fine et trop rose ou trop pigmentée.
La peau frontale, plus
épaisse que les précédentes, est également très satisfaisante pour des
greffes petites ou d’étendue moyenne.
+ Greffe de peau totale et greffe associée de cartilage
pour l’aile du nez :
Burget a publié de bonnes reconstructions superficielles de l’ensemble
de la sous-unité esthétique de l’aile du nez en posant sur la doublure
narinaire intacte, et en la fixant tout le long du rebord, une greffe de
cartilage auriculaire de 3 mmde haut, enfouie à ses deux extrémités dans
l’épaisseur de la base narinaire en arrière et de la pointe du nez en avant.
L’ensemble du defect est ensuite recouvert par une greffe de peau totale
prétragienne (pour Burget) dont la prise n’est pas perturbée par le
greffon cartilagineux.
Notre expérience confirme que l’on peut associer
dans le même temps greffes de cartilage et greffes de peau totale même
étendues, sans gêner la prise de la greffe de peau.
On sait déjà
depuis longtemps que des greffes chondrocutanées ou
chondromuqueuses étendues peuvent reconstruire toute la longueur de la paupière inférieure avec de bons résultats obtenus à peu de frais.
Il
est fort probable que le cartilage ne se comporte pas comme un écran
entre le lit receveur et la greffe cutanée ou muqueuse, surtout si sa
surface est réduite par rapport à celle de la greffe cutanée.
* Pointe du nez
:
Les mêmes greffes prétragiennes ou nasogéniennes ont un grand intérêt,
car elles sont moins exposées à la dyschromie.
L’altération des contours
avec un aspect déprimé en cuvette et la perception anormale des reliefs
cartilagineux de la pointe sont une séquelle fréquente des greffes trop
minces d’origine rétroauriculaire.
L’épaisseur des greffes nasogéniennes est souvent bonne, et celle des greffes frontales est
habituellement idéale : elles sont les meilleures greffes de peau totale
pour la pointe du nez.
* Greffe de peau totale et dyschromie
:
Il est possible d’améliorer les séquelles de greffes composées
auriculaires trop fines et hyperpigmentées par reprise des cicatrices et
remodelage par apport de cartilage puis remplacement de la greffe
cutanée auriculaire par une greffe de peau totale frontale dont la couleur
devient très proche de celle du nez.
Dans les mauvais
cas, elle est un peu plus pâle et donc facile à maquiller.
Les greffes nasogéniennes peuvent également convenir parfaitement.
Pour les petites greffes frontales trop blanches qui font pièces
rapportées, une dermabrasion associée à un overgrafting à partir de
l’épiderme nasal mitoyen peut améliorer considérablement la
dyschromie.
C’est un procédé si simple à mettre en oeuvre qu’il serait
dommage de s’en passer.
* Greffe de peau totale et respect des sous-unités esthétiques
:
La meilleure topographie pour les greffes de peau totale sur la pointe du
nez est son versant sous-apical où elle est moins en évidence car moins
en lumière.
Sur le versant supérieur de la pointe, la limite de la greffe
perturbe le reflet lumineux de cette région et accroche le regard.
Pour
qu’une telle greffe soit acceptable dans cette topographie, comme l’a
démontré Burget, il faudrait qu’elle concerne l’ensemble de la sousunité
ce qui n’est pas facilement concevable si cette
motivation esthétique exige de sacrifier les 50 % restants de l’unité.
C’est pourtant la décision que l’on prendrait si l’on faisait un lambeau
frontal mais, dans ce cas, on a la quasi-certitude d’avoir la couleur, la
texture et l’épaisseur cutanée idéales, que la greffe ne donne pas
toujours.
Pour conclure, la greffe de peau totale sur la pointe du nez est souvent
surprenante sur le plan esthétique.
Elle préserve la possibilité d’un
recours au lambeau frontal, ce qui peut inciter à un choix minimaliste.
3- Lambeaux locaux
:
Pour des pertes de substance superficielles de la pointe du nez,
n’excédant pas 20 mm, certains lambeaux locaux permettent des
réparations de bonne qualité par une peau de couleur, d’épaisseur et de
texture semblables.
C’est là leur avantage essentiel sur les greffes,
surtout chez les sujets âgés.
Chez les sujets jeunes, a fortiori chez
l’enfant, on doit beaucoup se méfier de leur rançon cicatricielle.
* Pertes de substance médianes et paramédianes
:
Toutes les plasties locales de transposition les plus simples se contentent
d’utiliser la laxité disponible localement, sans apporter de tissu.
Les
lambeaux rhomboïdes (LLL), lambeaux en drapeau et autres,
acceptables sur la peau fine de la partie supérieure de la pyramide nasale,
sont médiocres ou même mauvais sur la peau épaisse et rigide de la
pointe du nez.
Avec ces lambeaux à pédicule court, la transposition
entraîne des oreilles importantes, proportionnelles à la rotation, avec des
distorsions fréquentes des contours narinaires.
La tentation de réduire et d’affiner le pédicule est sanctionnée par des nécroses partielles.
Sur la
ligne médiane, les plasties à lambeaux triangulaires opposés en îlots sont
utiles pour des pertes de substance de 10 à 15 mm, sous réserve d’une
grande minutie.
Certains types de lambeaux locaux, qui exploitent mieux la laxité
disponible sur la pointe et les régions voisines, peuvent échapper aux
critiques précédentes.
Ainsi, les lambeaux nasofrontaux de Rieger ou de
Marchac, le lambeau bilobé modifié par Zitelli, le lambeau en îlot de
Rybka, le lambeau de transposition dorsale du nez en îlot de Texier, le
lambeau nasogénien de transposition de Préaux doivent faire partie de
l’arsenal des spécialistes de cette chirurgie.
+ Lambeaux frontonasaux
:
Ils vont chercher la laxité cutanée dans la région glabellaire et peuvent
atteindre la pointe du nez par rotation-transposition, comme le lambeau
de Marchac à pédicule axial, ou par glissement rotation, comme le
lambeau de Rieger.
Ils couvrent sans déformation des pertes de
substance de 20 mm.
Aucun d’eux ne peut réparer les pertes de
substance des bords alaires ou de la columelle.
– Lambeau de Rieger.
Sa vocation est de réparer les pertes de substance médianes ou
paramédianes de la pointe du nez. Le tracé, tangentiel au pôle inférieur
de la perte de substance, se dirige transversalement vers le pli alogénien
controlatéral.
Dans cette portion, on peut s’efforcer de respecter le sillon sus-narinaire si la perte de substance n’est pas trop basse sur la pointe.
Puis le tracé remonte le long du sillon nasogénien, vers le canthus, en
une courbe un peu convexe vers la joue pour donner plus d’ampleur au
lambeau.
Il passe à 3 mm en dedans du canthus puis s’incurve vers la
glabelle remontant sur le front jusqu’à la ligne médiane, plus ou moins
haut selon l’effet recherché.
Du côté du pédicule, le tracé de l’incision
est symétrisé en le prolongeant vers le bas selon les besoins de la
rotation, tout en restant à distance du canthus.
Si le glissementtranslation
vers le bas est privilégié, cette extension a surtout pour
objectif d’éviter le rapprochement des sourcils (Rieger).
Elle est donc
proportionnelle à la hauteur de la perte de substance.
Si l’on souhaite
surtout une rotation, avec même une transposition du lambeau glabellaire qui enjambe la ligne des sourcils vers l’orbite opposée, on
allonge la partie glabellaire du lambeau (Marchac).
Le soulèvement du
lambeau est fait sous le système musculo-aponévrotique superficiel
(SMAS), respectant le périchondre et le périoste.
La mise en place du
lambeau sur la perte de substance se fait par une association de
translation inférieure et de rotation.
Plus la rotation est importante, plus
il faut disséquer les muscles de la région canthale interne qui peuvent
brider, plus l’oreille inférieure demande une correction sacrifiant des
tissus sains et rétrécissant le pédicule.
Cela ne comporte pas de danger
quand on sait la possibilité de transformer selon les besoins le lambeau
de Rieger en lambeau de Marchac avec un étroit pédicule cutané en
regard des vaisseaux angulaires.
Toutefois, s’il y a une vascularisation
axiale, elle est moins aléatoire dans le lambeau de Rieger qui a un
pédicule large que dans le lambeau de Marchac.
Soyons donc prudents
en ne faisant que l’utile et en gardant le pédicule le plus large possible.
Comme l’a écrit Texier dans le rapport sur la réparation des pertes de
substance du nez chez l’adulte : « le lambeau de Marchac permet une
rotation de plus de 100° qui nécessite un pédicule étroit pour supprimer
l’oreille.
Il n’est pas prouvé que ce lambeau puisse toujours être axial
puisque l’artère angulaire qui s’anastomose avec l’artère nasale est
généralement en dehors du lambeau ; l’artère dorsale paramédiane du
nez de Ricbourg est inconstante (80 %).
Le lambeau de Marchac est
mieux adapté aux pertes de substance de la partie moyenne du nez. »
Un autre avantage des deux lambeaux précédents, directement lié à leur
vascularisation axiale, réside dans la possibilité de les resoulever sans
aucun risque, pour un nouveau gain.
– Cascade flap d’Emmet.
Il associe deux lambeaux, l’un nasal pour la perte de substance, l’autre glabellaire pour combler la zone donneuse du précédent et réussit, en
utilisant les mêmes tissus qu’un lambeau de Marchac, ou de Rieger
prolongé sur le front, à couvrir une zone plus vaste de 25 à 30 mm de
diamètre et à atteindre la partie supérieure de la columelle.
Cela est au
prix d’une cicatrice oblique supplémentaire mais de bonne qualité en
travers de la partie moyenne de l’arête nasale.
Lorsque la perte de
substance est haute sur le nez, les pédicules des deux lambeaux sont l’un
au-dessus de l’autre, sur le même côté.
Lorsque la perte de substance est
très basse, les pédicules des deux lambeaux sont opposés et on a alors un
réel effet d’allongement.
Le lambeau nasal inférieur grâce à une contreincision
au-dessous du canthus interne peut descendre plus bas que le
lambeau de Rieger ou de Marchac.
Le lambeau glabellaire est tracé à la
demande quand le lambeau inférieur est positionné.
On peut reprocher à tous ces lambeaux frontonasaux des cicatrices
étendues, ne respectant que partiellement le principe des sous-unités
esthétiques.
Néanmoins, la cicatrice de la pointe du nez si elle n’est pas
idéalement placée est habituellement bonne et les autres cicatrices sont
cachées à la périphérie du nez.
Le défaut le plus fréquent est situé dans
la région du canthus où la suture entre des tissus d’épaisseur très
différente, même après affinement de la berge glabellaire, laisse une
cicatrice en relief qui peut ressembler à un épicanthus.
+ Lambeau bilobé revu et corrigé par Zitelli
:
Zitelli a repris l’étude du tracé de cette plastie pour l’adapter aux
difficiles conditions de la pointe du nez.
La mauvaise
réputation du lambeau bilobé à l’origine de déformations des contours,
avec risque de distorsion secondaire de l’aile du nez et habituelle
rétraction en « brioche » des lambeaux, n’était pas partagée par tous. McGregor en faisait sa plastie de choix pour les pertes de substance
de la pointe et de la partie antérieure de l’aile du nez.
Burget vient d’en
faire son cheval de bataille pour des pertes de substance de 15 mm au
maximum dans cette même localisation, en suivant le nouveau tracé de
Zitelli.
Il considère que cette plastie locale est la seule capable de
satisfaire les exigences esthétiques les plus hautes en une opération ; la
réparation étant faite uniquement avec les téguments voisins, sans
distorsion ni effet de rétraction, les cicatrices deviennent très discrètes
et n’attirent pas le regard parce que les contours sont bons.
Pour réussir cette plastie, cinq règles sont à respecter :
– ne pas dépasser 50° de rotation pour chaque lobe ; l’arc de rotation
global est de 90° à 100° au lieu de 180° ; cela réduit considérablement
les distorsions ;
– le centre de l’arc de rotation est placé en dehors de la perte de
substance circulaire à une distance minimale d’un rayon du cercle ; plus
le point pivot est éloigné du defect, plus le lambeau est grand, repoussant
le deuxième lambeau vers les téguments souples de la partie haute du nez à proximité de la bosse ; il faut éviter de placer le pivot trop près de
la narine et du canthus interne ; commencer l’opération en réséquant le
triangle cutané entre le defect et le pivot ;
– puis faire un très large décollement au ras du périoste et du
périchondre, sous les deux berges, sauf vers la narine, et le canthus
interne ;
– le diamètre du premier lambeau est égal à celui du defect.
Il faut
réduire la largeur du deuxième lambeau pour s’assurer d’une fermeture
facile de sa zone donneuse, mais veiller à ce qu’il soit assez large pour
fermer sans tension celle du premier lambeau ; la pointe du deuxième
lambeau, un peu plus longue pour éviter une oreille lors de la fermeture
de sa zone donneuse, est adaptée au dernier moment ; les pédicules des
deux lambeaux sont situés à une distance de 2 R du point pivot et le
sommet du premier lambeau est à 3 R du point pivot ;
– le lambeau bilobé doit être utilisé pour des pertes de substance ne
dépassant pas 1,5 à 1,7 cm ; au-delà, la peau nasale restante n’est pas
suffisante pour permettre la fermeture ; l’ensemble du tracé doit siéger sur
le nez et ne pas empiéter sur la joue ; en général, un pédicule latéral est
tracé pour les defects de la pointe du nez et un pédicule médian pour les
defect de la partie postérieure de la narine ; le tracé est satisfaisant quand
le deuxième lambeau est situé dans la partie supérieure du nez, proche de
l’arête où la peau est souple, mais à distance de la paupière inférieure.
+ Lambeau d’avancement en îlot de Rybka
:
Les lambeaux triangulaires d’avancement à pédicule sous-cutané ne
sont pas utilisables au niveau de la pointe du nez, sauf avec une grande
prudence sur l’axe vertical médian.
Grâce à un changement de plan de
dissection, le lambeau de Rybka fait exception.
Lambeau triangulaire
dont l’avancement se fait selon un VY à grand axe horizontal, il permet
la fermeture de pertes de substance de la pointe du nez de 15 mm de
diamètre, médianes et surtout paramédianes, au-dessus du sillon
narinaire.
Le bord antérieur du lambeau est tangentiel au defect, le bord inférieur suit le sillon narinaire, jusqu’à la base de l’aile du nez.
Le bord supérieur est au niveau de la limite supérieure du defect.
Si le
lambeau a une grande hauteur, on a intérêt à l’allonger en arrière, plus
que ne le fait Rybka, pour que la fermeture de la zone donneuse
n’ascensionne pas la base narinaire.
Le pédicule du lambeau est le
muscle transverse (nasalis) qui reçoit une perforante destinée à la narine
et qui pénètre le muscle au niveau du bord caudal de la crus latérale.
Dans ses deux tiers antérieurs, le lambeau est incisé d’emblée jusqu’au
muscle.
En avant, la dissection est immédiatement profonde sous le plan
musculaire, le long du cartilage.
Latéralement, le lambeau est détaché
de ses berges.
Au contact de l’orifice piriforme, la dissection suspériostée
donne une bonne mobilité au lambeau en libérant le muscle
par traction.
Dans le tiers distal du lambeau, la dissection sous-cutanée
reste superficielle et quelques étirements suffisent pour permettre
d’avancer le lambeau sans frein.
La zone donneuse est fermée en VY.
Pour des pertes de substance médianes, supérieures à 15 mm, il faut
utiliser deux lambeaux opposés.
C’est une excellente plastie, utilisable
sur la moitié inférieure de la pyramide nasale, avec le minimum de
rançon cicatricielle, car les cicatrices sont bien placées et orientées, sans
distorsion des structures voisines, sans déformation en « brioche ».
Elle
laisse une parésie de la narine qui récupère au cours des mois suivants.
+ Lambeau de transposition dorsal du nez en îlot de Texier
:
Texier a présenté dans le rapport de la SOFCPRE en 1994 un excellent
lambeau médiodorsal en îlot, elliptique, long de 50 mm de la pointe à la
glabelle, avec une largeur à peu près uniforme de 12 à 15 mm au
maximum (plus étroit en haut).
C’est un lambeau fasciomusculo-cutané, qui se contente d’un pédicule profond en regard de son
quart inférieur et tourne facilement de 90° vers l’aile du nez, sans
entraîner de distorsions sur la pointe.
Il peut réparer l’ensemble du plan
superficiel de la narine, mais la perte de substance doit respecter la partie
médiane de la pointe.
Il est très bien vascularisé puisque, dans un cas, le
tiers distal du lambeau a pu être transformé en îlot cutané et replié sur
lui-même à 180° pour reconstruire une partie de la doublure narinaire.
Les cicatrices sont bien positionnées, la forme du lobule de la pointe du
nez bien préservée et la couverture de l’ensemble de l’aile du nez est
fidèle au principe des sous-unités esthétiques.
Ce lambeau d’utilisation
récente ne peut pas être considéré comme apte à reconstruire largement
la doublure narinaire ; une autre solution doit être envisagée dans ces
cas-là.
La technique de mise en oeuvre du lambeau de Texier est simple : le
lambeau dorsal médian est tracé symétriquement par rapport à l’axe
médian, de la région sous-apicale en bas (sur une horizontale passant par
le pôle supérieur des narines) à la glabelle en haut.
Sa largeur est de 12 à
15 mm.
Elle doit être compatible avec une fermeture par avancement
vers la ligne médiane de la couverture cutanée des faces latérales du nez.
Le lambeau médiodorsal est incisé franchement sur tout son tracé.
Dans
ses trois quarts supérieurs, il est soulevé dans le plan sousfasciomusculaire.
Au niveau du quart inférieur, le pédicule profond est
respecté et permet facilement après décollement des berges latérales une
rotation de 90° qui amène le lambeau en regard de l’aile du nez, sans la
moindre résistance car les tissus sous-cutanés sont assez lâches au
niveau de la pointe.
La fermeture de la zone donneuse est simple après
décollement étendu au-delà du sillon nasogénien.
+ Lambeau nasogénien de transposition de Préaux
:
Qui peut le plus peut le moins.
Le lambeau nasogénien replié sur luimême
est capable de réparer des pertes de substance transfixiantes
partielles de l’aile du nez.
Il peut donc être une bonne solution
pour réparer avec des téguments de texture et de couleur idéales une
perte de substance superficielle intéressant le bord narinaire sur une
largeur qui peut atteindre 25 mm.
4- Lambeaux à pédicule transitoire
:
* Lambeau nasogénien à pédicule transitoire
:
Burget, dans l’esprit de ses reconstructions pour pertes de substance
transfixiantes, propose pour réparer une perte de substance superficielle
intéressant plus de 50 % de l’aile du nez de l’élargir à l’ensemble de la
sous-unité esthétique.
La doublure narinaire est intacte et elle doit être
soutenue et protégée de la rétraction cicatricielle par une greffe de
cartilage de conque ou de septum de 25 mm de long sur 7 mm de
hauteur, épaisse de 1 mm, dont la face superficielle et les bords sont
sculptés pour obtenir la courbure d’une aile narinaire normale.
Le
greffon doit être réduit de 2 mm sur toute sa circonférence par rapport
au patron cutané de la sous-unité esthétique.
Les deux extrémités du
greffon sont enfouies sous les tissus receveurs de part et d’autre de la perte de substance et sa portion centrale est suturée finement à la
doublure narinaire.
Le moment est venu de tracer et soulever le lambeau nasogénien en îlot à pédicule sous-cutané supérieur.
Un patron conformé
en trois dimensions sur l’aile du nez opposée est découpé avec précision
dans une feuille d’aluminium (emballage de suture).
Il est aplani pour
transcrire en deux dimensions la forme et l’étendue de tissu cutané
nécessaire, puis retourné pour avoir la représentation exacte du lambeau
à tailler.
Après repérage précis du sillon nasolabial, le patron va guider
le tracé du lambeau juste au-dessus du pli, en ajoutant 1 mm à toutes ses
dimensions (contrairement à ce que l’on ferait pour un lambeau frontal
qui ne se rétracte pas autant qu’un lambeau nasogénien).
L’extrémité
distale du lambeau, qui sera suturée à la pointe du nez, doit être tracée à
peu près à hauteur de la commissure buccale pour une mobilisation aisée
du lambeau.
Au-dessous du lambeau, l’excision triangulaire pour
prévenir l’apparition d’une oreille à la fermeture descend à hauteur de la
lèvre inférieure.
Au-dessus du lambeau, le tracé s’effile en pointe jusqu’à
proximité du sillon nasogénien qu’il n’atteint pas.
Après incision
cutanée, l’extrémité distale du lambeau est levée et la mobilisation
poursuivie pour permettre la transposition de 150° utile pour atteindre
le nez.Vers le sillon nasogénien, la dissection très superficielle maintient
un large pédicule sous-cutané au lambeau.
La partie distale du lambeau
est partiellement dégraissée et le lambeau suturé à la pointe du nez à
points séparés.
Sur la zone donneuse, un décollement latéral prépare la
suture placée exactement dans le sillon nasolabial.
Le pédicule est sevré
au 21e jour.
La peau résiduelle de l’aile du nez, excisée sur la base narinaire et le seuil narinaire, est remplacée par la portion proximale du
lambeau.
Les phénomènes cicatriciels donnent un arrondi très naturel à
la base narinaire.
Les résultats obtenus d’emblée ou après de minimes
retouches pour creuser le sillon sus-narinaire et désépaissir la narine sont
remarquables.
* Lambeau frontal à pédicule transitoire
:
Il assure la meilleure couverture des pertes de substance étendues de la
pointe du nez, pour au minimum l’une des unités esthétiques dans sa
totalité et a fortiori pour l’association de plusieurs d’entre elles.
Il est
sans concurrence dès que la perte de substance est supérieure à 25 mm
de diamètre et représente même souvent la meilleure méthode esthétique
pour des pertes de substance comprises entre 15 et 25 mm.
En respectant le principe des unités esthétiques, le lambeau frontal peut
répondre à toutes les situations difficiles où les lambeaux locaux sont
aux limites de leurs possibilités.
Il le fait avec brio, simplicité et une
belle réussite esthétique.
La rançon cicatricielle est également l’une des
plus discrètes, sans avoir à recourir pour cela aux méthodes lourdes de
l’expansion cutanée.
Le lambeau frontal a donc une large place dans la
couverture des defects étendus de la pointe du nez, même si l’armature
cartilagineuse et la doublure narinaire sont respectées.
La technique de
mise en oeuvre est décrite pour les pertes de substance transfixiantes
où il est la meilleure solution dans l’immense majorité des
cas.