Transfusion sanguine : produits sanguins labiles
(Suite) Cours
d'hématologie
*
Anémie simple
:
L’anémie chronique des drépanocytaires, située entre 6 et 9,5 g/dL
d’hémoglobine, est en général bien tolérée et ne nécessite aucune
transfusion sanguine.
La moelle est hyperactive et la production
d’hémoglobine foetale est variable avec l’âge et les individus.
L’hémoglobine foetale reflète aussi l’importance de l’hémolyse et un
taux élevé joue un rôle protecteur vis-à-vis de la falciformation.
Cependant, une aggravation plus ou moins brutale de l’anémie
nécessite le recours aux transfusions sanguines.
L’objectif de ces
transfusions est habituellement de revenir au niveau basal
d’hémoglobine du patient sans chercher à le dépasser.
Cet objectif
est en général atteint par la transfusion de 10 mL/kg de globules
rouges tout en attachant une attention particulière au risque de
surcharge vasculaire.
Dans les anémies plus sévères avec des taux
d’hémoglobine inférieurs à 5 g/dL, il est souvent utile de corriger
l’anémie par l’injection lente de 5 mL/kg de CGR toutes les 2 ou 3
heures accompagnée, au besoin, par l’administration d’un
diurétique.
La présence de symptômes d’intolérance cardiaque ou
pulmonaire à l’anémie peut inciter à remonter le taux d’hémoglobine
à des chiffres normaux.
* Accidents aigus
:
Les accidents aigus de la drépanocytose posent des problèmes
transfusionnels différents.
+ Crises vaso-occlusives :
Elles sont un des accidents majeurs.
La justification de la transfusion
dans leur prévention et leur traitement repose sur l’observation
qu’au-dessous de 40 % d’hématies contenant de l’hémoglobine S, la
probabilité d’un accident vaso-occlusif devient très faible.
Par
ailleurs, le nombre absolu d’hématies susceptibles de se falciformer
et l’hématocrite jouent un rôle important dans la viscosité sanguine.
Cela conduit à prévenir ou traiter ces accidents quand cela est urgent
par des exsanguinotransfusions plutôt que par de simples apports
transfusionnels.
Si l’intérêt de ce geste n’est guère contesté en
urgence, son opportunité et ses modalités sont plus discutées pour
la prévention au long cours de cet accident ou dans la préparation à
un acte chirurgical.
Si l’augmentation du pourcentage d’hématies
AA n’est pas urgente, un simple régime transfusionnel remontant
en quelques semaines le pourcentage d’hématies normales s’avère
suffisant.
+ Séquestration splénique :
Les crises aiguës de séquestration splénique se manifestent par un
collapsus traduisant la séquestration dans la rate, dont les vaisseaux
efférents sont obstrués, des hématies et d’une partie du volume
sanguin du patient.
Ceci conduit à des états de choc avec une
anémie aiguë pouvant atteindre 2 g/dL d’hémoglobine.
Ces crises,
dont l’évolution peut être fatale, concernent surtout les enfants et
disparaissent en règle avec l’âge lorsque les épisodes réitérés
d’infarctus spléniques ont conduit à une asplénie fonctionnelle.
Le
traitement de ces crises nécessite que la volémie et l’anémie soient
corrigées.
Ceci peut être obtenu par la transfusion de sang total, de
sang total reconstitué, ou de colloïde associé à des CGR.
La
transfusion d’un seul CGR peut parfois suffire à résoudre la crise et
permettre la remise en circulation des hématies trappées dans la rate.
+ Autres manifestations vaso-occlusives :
Leur localisation fait leur gravité.
Certaines, comme les phénomènes
douloureux osseux, ne requièrent en général qu’un simple
traitement antalgique alors que d’autres comme les infarctus
cérébraux demandent des traitements d’urgence dans lesquels la
transfusion d’hématies fraîches visant à obtenir des taux
d’hémoglobine S inférieurs à 40, voire 30 %, de l’hémoglobine totale
est un objectif prioritaire.
Les hématies fraîches1, qui ont une affinité
normale pour l’oxygène, assurent immédiatement une oxygénation
tissulaire qui limite l’hypoxie et l’acidose qui sont elles-mêmes des
facteurs de falciformation.
Les règles énoncées plus haut doivent
toujours être considérées car la transfusion, qui contribue à lever
l’obstacle constitué par des hématies falciformées, en réduisant le
pourcentage d’hémoglobine S, est une thérapeutique à envisager
d’emblée dans la plupart des cas.
+ Autres situations particulières :
– La transfusion préventive au cours de la grossesse est discutée au
cas par cas chez la femme enceinte drépanocytaire.
– Les interventions chirurgicales chez les drépanocytaires doivent
faire prendre en compte l’urgence chirurgicale, la fréquence des
accidents antérieurs, les risques d’acidose et d’hypoxie au cours de
l’intervention.
La transfusion préventive n’est pas systématique.
– Les crises aplasiques aiguës sont en général la conséquence d’une
infection virale, notamment par le parvovirus B19.
La brève durée
de vie des hématies drépanocytaires peut conduire rapidement à un
état anémique critique.
La transfusion substitutive n’est indiquée
dans cette situation que si l’aggravation de l’anémie risque à brève
échéance de conduire à des conséquences cardiovasculaires graves
alors qu’il n’existe pas de réticulocytose symptomatique d’une
reprise de l’activité médullaire.
3- Enzymopathies
:
Elles peuvent parfois être marquées par des crises hémolytiques
graves qui peuvent nécessiter des transfusions qui ont pour seul
objet immédiat l’oxygénation normale des tissus.
4- Anomalies de la membrane des globules rouges
:
L’anémie chronique et les crises hémolytiques qui émaillent
l’évolution de ces anomalies ne nécessitent habituellement pas de
programme transfusionnel particulier en dehors d’une crise
particulièrement sévère ou d’une crise érythroblastopénique
intercurrente.
B - ANÉMIES HÉMOLYTIQUES AUTO-IMMUNES (AHAI)
:
Les AHAI forment un groupe disparate d’affections rassemblées par
un mécanisme pathogénique commun : la destruction prématurée
des hématies par un autoanticorps.
L’anémie résultant de cette
destruction est variable dans son intensité, son mode d’installation
et dans son évolution ; le traitement substitutif transfusionnel n’est
indiqué que dans des circonstances extrêmement précises.
L’autoanticorps responsable réagit souvent avec toutes les hématies
normales et, de ce fait, les hématies transfusées ont également une
durée de vie abrégée.
Les examens immunohématologiques
indispensables avant une éventuelle transfusion sont gênés par la
présence de cet autoanticorps et la mise en évidence d’un
alloanticorps associé, qui représente le véritable risque de choc
hémolytique transfusionnel, s’en trouve compliquée.
1- Anémies hémolytiques auto-immunes à anticorps
chauds
:
La spécificité des autoanticorps est souvent dirigée contre des
épitopes portés par les molécules Rh normales, avec parfois des différences d’affinité et de titre entre certains variants allotypiques,
par exemple e et C.
Il est plus rare qu’un des allèles soit isolément
reconnu.
L’objectif du bilan immunohématologique
prétransfusionnel sera :
– établir le groupe sanguin et le phénotype complet du malade sur
un prélèvement réalisé avant toute transfusion ; en effet, leur
détermination peut être compliquée non seulement du fait de
l’autoanticorps mais aussi par la présence d’hématies transfusées ;
– déterminer la spécificité de l’autoanticorps et ses caractéristiques
afin d’évaluer la possibilité de trouver des hématies compatibles
avec l’autoanticorps sans pour autant courir le risque de provoquer
une allo-immunisation ;
– rechercher et caractériser un éventuel alloanticorps associé car tout
CGR transfusé doit être compatible avec cet alloanticorps.
Cette
recherche, souvent difficile du fait de la panréactivité de
l’autoanticorps, prendra en compte les différences d’intensité des
réactions et s’appuiera sur la présence d’un anticorps non absorbable
sur les globules rouges autologues ;
– définir la compatibilité transfusionnelle en privilégiant la
compatibilité et la prévention des alloanticorps par rapport aux
autoanticorps.
Ainsi on sera conduit à transfuser dans le phénotype
Rh du malade tout en se guidant sur des réactions de compatibilité
croisées faites au laboratoire, même si la sélection des unités les
moins réactives avec l’autoanticorps ne garantit pas forcément un
meilleur résultat.
Le maintien en circulation d’au moins 85 % des
hématies transfusées dans l’heure qui suit la fin de la transfusion est
un indice d’absence de réaction hémolytique précoce, sans pour
autant garantir le résultat à plus long terme.
La décision de transfuser dans ces circonstances doit être
extrêmement restrictive et prendre en compte :
– la tolérance clinique de l’anémie et le risque cardiovasculaire et
cérébral ;
– la tendance évolutive spontanée de l’anémie, aiguë, s’aggravant,
mal tolérée ou au contraire stable avec ou sans signe de souffrance
viscérale ;
– les chances d’un traitement corticoïde d’améliorer la situation
dans un délai compatible avec la sécurité du malade ;
– le bénéfice et les risques d’une transfusion dans ces circonstances ;
– la clarté des tests prétransfusionnels sur lesquels on devra fonder
le choix des CGR à transfuser.
La décision transfusionnelle peut cependant être formelle et le seul
recours pour la survie ou la préservation des fonctions vitales du
patient.
Un apport de CGR de volume limité peut souvent améliorer
considérablement l’état d’un malade, ce qui posera rapidement le
problème du protocole transfusionnel nécessaire pour maintenir un
état clinique satisfaisant.
2- Anémies hémolytiques auto-immunes à agglutinines
froides
:
Les problèmes transfusionnels posés par ces AHAI sont, selon leur
contexte aigu ou chronique, très différents.
Dans la forme aiguë, souvent postinfectieuse, affectant surtout
l’enfant, l’anémie et l’hypoxie tissulaire peuvent être très brutales et
profondes et mettre en jeu immédiatement le pronostic vital.
Passé
le cap aigu, l’évolution est brève et rapidement favorable.
Une
transfusion peut s’imposer d’urgence, même si les hématies
transfusées peuvent être très rapidement détruites et que les
corticoïdes accélèrent en règle rapidement la guérison.
Dans la maladie des agglutinines froides (MAF) du sujet âgé, un
anticorps monoclonal de classe IgM, primaire ou secondaire à un
syndrome lymphoprolifératif ou une maladie de Waldenström, est
en cause.
L’hémolyse chronique évolue par poussées déclenchées
par l’exposition au froid.
L’importance et la tolérance de l’anémie
ne nécessitent le recours aux transfusions que dans les cas instables
ou au cours des poussées d’hémolyse.
Le bilan prétransfusionnel
comportera la caractérisation biologique de l’autoanticorps, d’une
part par le test de Coombs direct (TCD) il sera ici le plus souvent
de type complément, et d’autre part par l’étude du sérum, qui
précisera son optimum et son amplitude thermique, généralement
centrée autour de 4 °C, son titre, et sa spécificité, généralement anti
I.
La présence de l’autoanticorps, qui est ici responsable de
phénomènes d’autoagglutination, complique ce bilan ; elle nécessite
que groupage et phénotype soient déterminés sur des hématies et
des réactifs portés à 37 °C et que la recherche d’alloanticorps se fasse
dans des conditions limitant l’interférence de l’autoanticorps.
La fréquence des sujets I négatifs, qui n’excède pas 1/200 000 dans
la population, rend illusoire la recherche de sang compatible.
La
transfusion devra donc avant tout respecter un éventuel alloanticorps et être pratiquée avec du sang réchauffé à 37 °C, le
patient étant lui-même maintenu à une température adéquate.
3- Anémies hémolytiques mixtes
:
Elles représentent un cadre où se mélangent les AHAI à anticorps
froid et les AHAI à anticorps chaud et les règles transfusionnelles,
adaptées à chaque cas particulier, combinent celles qui s’appliquent
aux deux cas précédents.
4- Hémoglobinurie paroxystique a frigore :
L’hémoglobinurie froide paroxystique s’observe aujourd’hui
essentiellement chez l’enfant.
Elle est liée à un autoanticorps anti-P
apparaissant au décours d’un épisode infectieux.
La rareté des sangs
P négatifs et les conditions d’urgence où l’indication d’une
transfusion peut être discutée, conduisent à utiliser du sang phénoidentique
réchauffé.
Il s’agit d’un syndrome aigu guérissant
spontanément ou sous corticothérapie ; la transfusion ne se justifie
que pour passer un cap critique.
C - ANÉMIES D’ORIGINE CENTRALE
:
Les anémies d’origine centrale représentent un groupe hétérogène
d’anémies médicales qui peuvent être chroniques, ou aiguës.
1- Formes chroniques
:
Les formes chroniques se constituent souvent de façon progressive,
permettant une importante adaptation à l’anémie.
Les mécanismes
de compensation à long terme comportent une augmentation du 2,3-DPG intraérythrocytaire qui entraîne une baisse de l’affinité de
l’hémoglobine pour l’oxygène.
Ceci aboutit, pour une PO2 ordinaire,
à un déplacement de la courbe de saturation de l’hémoglobine vers
la droite ; la saturation artérielle en O2 reste pratiquement inchangée,
mais la dissociation est plus élevée au niveau tissulaire, ce qui tend
à compenser la baisse de l’hémoglobine.
C’est ainsi qu’en dépit
d’une hémoglobine basse, ces patients ont souvent une excellente
tolérance de leur anémie.
Le taux d’hémoglobine isolé de son
contexte ne permet donc pas à lui seul d’évaluer le besoin ou
l’urgence transfusionnelle d’un patient dans cette situation.
Les
hématies des CGR au cours de leur conservation voient leur taux de
2,3-DPG s’effondrer et leur affinité pour l’oxygène augmenter.
Cet
état se normalise progressivement en quelques heures après la
transfusion mais il rend compte du fait qu’une transfusion peut,
dans un premier temps, surtout chez les anémiques chroniques, ne
pas améliorer l’oxygénation tissulaire.
Ceci souligne le risque
important de surcharge vasculaire chez les sujets âgés et impose des
débits de transfusion lents.
Schématiquement, deux cas se
présentent.
– Lorsque l’anémie chronique hyporégénérative est bien supportée, sans
signe d’hypoxie tissulaire patente (respiration normale, fréquence
cardiaque < 90/min), elle ne nécessite aucune décision urgente ; il
faut néanmoins considérer que dans ces cas, les mécanismes
physiologiques disponibles pour compenser une aggravation de
l’anémie sont amputés, ce qui peut conduire à des situations
rapidement périlleuses.
La décision dépendra donc de l’existence
d’un traitement étiologique et du délai de réponse à ce traitement.
Il faudra envisager une transfusion si le moindre risque de
décompensation existe, afin qu’elle puisse être réalisée à froid, avec
des débits de perfusion tenant compte de l’état physiologique du
malade.
– Lorsqu’il existe des signes de mauvaise tolérance, un programme
transfusionnel devra être instauré visant à maintenir le taux
d’hémoglobine du patient au-dessus d’un seuil critique de tolérance
de l’anémie.
Les formules permettant d’évaluer les quantités à
transfuser ont été données dans le paragraphe des PSL concernant
les CGR.
L’apport transfusionnel devra prendre en considération le
risque de surcharge.
La répétition des transfusions se fera en
fonction d’une demi-vie des hématies transfusées de 30 jours.
En
dehors de facteurs associés, la tolérance à l’anémie est excellente,
entre 9 et 11g/dL d’hémoglobine/dL, des signes de décompensation
peuvent apparaître à 7,5 g/dL, et le patient ressent une fatigue
significative au-dessous de cette valeur.
L’état cardiopulmonaire doit
nuancer cette appréciation mais en règle, on essaiera de maintenir
l’hémoglobine entre 8 et 11 g/dL.
Ceci peut être obtenu par
l’injection de 2 à 3 CGR toutes les 3 à 4 semaines chez un adulte de
corpulence moyenne dont l’érythropoïèse est nulle.
2- Formes aiguës ou subaiguës
:
Elles peuvent survenir dans des contextes variés ou même venir
aggraver une forme chronique, comme c’est le cas dans les crises érythroblastopéniques.
Mais le cas le plus fréquemment rencontré
aujourd’hui concerne les chimiothérapies aplasiantes.
Bien que
l’ensemble des lignées sanguines soit concerné, le besoin dominant
dans ces circonstances est la prévention des hémorragies liées à la
thrombopénie.
Les règles d’évaluation de la dose et de la fréquence
des transfusions de plaquettes ont été données dans le paragraphe
des PSL correspondant.
L’efficacité des transfusions dépend en
grande partie de l’absence de facteurs susceptibles de raccourcir la
demi-vie plaquettaire : fièvre, splénomégalie, allo-immunisation,
incompatibilité ABO.
Les besoins en concentrés érythrocytaires sont
moins contraignants et seront évalués sur le suivi biologique des
patients.
Quant aux transfusions de granulocytes, leurs indications
restent très limitées à certaines infections rebelles dans les conditions
déjà mentionnées.
D - TRANSFUSION SANGUINE DANS LES GREFFES
DE CELLULES SOUCHES HÉMATOPOÏÉTIQUES :
Les greffes de CSH posent des problèmes transfusionnels
spécifiques.
Certains sont communs à la majorité des situations, qu’il
s’agisse d’auto- ou d’allogreffe ; c’est le cas de la prévention de la RGCH post-transfusionnelle, de la transmission du CMV et de l’alloimmunisation
anti-HLA post-transfusionnelle ; d’autres sont propres
à l’allogreffe et découlent des disparités ABO possibles entre
donneur et receveur.
1- Principes généraux :
– La prévention de la RGCH transfusionnelle repose sur l’utilisation
de sang irradié.
La durée d’application de cette mesure ne fait pas
l’objet d’un consensus ; certains la considèrent comme définitive,
d’autres la limitent à la reconstitution immunitaire.
– La prévention du rejet conduit, avant la greffe, à proscrire les
produits sanguins provenant d’un donneur ayant des liens de
parenté avec le donneur de CSH.
– La prévention de l’infection à CMV dépend à la fois du statut
sérologique du donneur et du receveur et du potentiel faible du sang
déleucocyté à transmettre ou réactiver cette infection.
L’utilisation
de sang CMV négatif est logique lorsque donneur et receveur sont
eux-mêmes négatifs.
Dans les autres situations, l’utilisation des
produits sanguins déleucocytés semble suffisante.
– La prévention de l’allo-immunisation anti-HLA est aujourd’hui
réalisée par l’utilisation systématique de produits déleucocytés.
Cette pratique ne met toutefois pas à l’abri d’une réponse secondaire
chez un patient préalablement sensibilisé par une transfusion ou une
grossesse.
2- Greffes de cellules souches hématopoïétiques ABO
incompatibles
:
Dans les greffes de CSH ABO incompatibles, les règles
transfusionnelles évoluent en fonction de la disparition des
érythrocytes du receveur, de ses anticorps naturels et de l’apparition
des érythrocytes du donneur. On distingue les trois situations
d’incompatibilité suivantes.
* Incompatibilité ABO majeure :
Elle se définit par la présence chez le donneur d’un antigène du
système ABO absent chez le receveur.
Dans ce cas, les
hémagglutinines du receveur, qui disparaîtront avec le temps, ont le
potentiel, d’une part de provoquer l’hémolyse des hématies
présentes avec les cellules souches à greffer, qu’il faudra donc
« désérythrocyter », d’autre part de favoriser le rejet ou de retarder
la prise du greffon.
Ceci impose de suivre le titre de ces
hémagglutinines et de proscrire l’utilisation avant la greffe de tout PSL susceptible de les stimuler.
En cas de titre excessif, on a proposé
de le réduire par des échanges plasmatiques ou par immunoabsorption.
Dans les suites de la greffe, le titre de ces
anticorps baisse spontanément de moitié toutes les 3 semaines et le TCD devient positif dès que les hématies du donneur commencent
à apparaître dans la circulation.
– Les transfusions de CGR devront respecter ces anticorps pendant
le temps nécessaire à leur disparition et donc éviter d’introduire
l’antigène ABO incompatible avec le receveur.
En pratique, la
transfusion se fera avec des érythrocytes du groupe du receveur
jusqu’à ce que le TCD devienne négatif et les isohémagglutinines
du receveur indétectables.
– Les transfusions comportant un volume significatif de plasma,
dont les transfusions de CPA, ne devront pas apporter
d’isohémagglutinines du même type que celle du receveur qui ne feraient qu’en prolonger les inconvénients pour les érythrocytes du
greffon.
Dans ces conditions, il faudra transfuser un plasma ABO
compatible avec le donneur.
La disparition des anticorps et des hématies du receveur permettra
de considérer le groupe du donneur comme adopté par le receveur
et de pratiquer les transfusions de tous les composants sanguins
labiles dans ce nouveau groupe.
* Incompatibilité ABO mineure :
Elle correspond à la situation où le receveur a au moins un antigène
ABO absent chez le donneur ; ceci correspond à la greffe de cellules
produisant des isohémagglutinines réagissant avec les hématies du
receveur.
Le risque de réaction hémolytique au moment de la greffe
peut être prévenu par la déplasmatisation du greffon.
Lors de la
prise de la greffe, le TCD deviendra positif, signalant l’émergence
des hémagglutinines du donneur réagissant avec les hématies
résiduelles du receveur qui seront progressivement éliminées.
Dans
cette situation, l’incompatibilité ABO n’a pas d’inconvénient pour la
prise de la greffe.
Néanmoins, des crises hémolytiques sévères ont
été signalées dans ces circonstances dans les suites de la greffe,
surtout lorsque les CSH greffées sont d’origine périphérique.
– Les transfusions érythrocytaires devront se faire dans le groupe
ABO du donneur afin de ne pas apporter d’antigène susceptible
d’augmenter le pool résiduel d’hématies incompatibles et utiliser des
hématies déplasmatisées afin de ne pas apporter d’hémagglutinines
supplémentaires susceptibles de réagir avec les érythrocytes
résiduels.
– Les transfusions de plasma ou de plaquettes devront se faire dans
le groupe du receveur afin de ne pas augmenter les isohémagglutinines réagissant avec les hématies résiduelles, jusqu’à
ce que celles-ci deviennent indétectables et le TCD négatif.
– La disparition des hématies du receveur et l’apparition des
hémagglutinines du donneur permettront de considérer le groupe
de ce dernier comme adopté par le receveur et de pratiquer les
transfusions de tous les composants sanguins labiles dans ce
nouveau groupe.
* Incompatibilité ABO majeure et mineure
:
Elle combine les deux situations précédentes.
C’est le cas des greffes
de A à B et de B à A.
Dans ces situations, le greffon devra à la fois
être « désérythrocyté » et déplasmatisé par lavage afin d’éviter
l’hémolyse des hématies du donneur et du receveur.
– Les transfusions érythrocytaires devront se faire avec des hématies
de groupe O lavées jusqu’à ce que les hématies et les
hémagglutinines résiduelles du receveur deviennent indétectables
et le TCD négatif.
– Idéalement, les transfusions comportant un apport obligatoire de
plasma devraient se faire avec des plasmas AB jusqu’à disparition
des hématies originelles du receveur.
Dans tous les cas où ces
produits ne seraient pas disponibles, il faudrait utiliser des quantités
réduites de plasma incompatible, voire des plaquettes déplasmatisées, bien qu’actuellement, la survie de celles-ci ne soit
pas garantie.
– La disparition des anticorps et des hématies du receveur
permettra de considérer le groupe du donneur comme adopté et
conduira à transfuser tous les composants sanguins labiles dans ce
nouveau groupe.
Les besoins transfusionnels quantitatifs des patients en situation de
greffe de moelle correspondent aux besoins transfusionnels des
patients ayant une insuffisance médullaire provoquée par une
chimiothérapie myéloablative.
E - TRANSFUSION AU COURS DE LA GROSSESSE :
La grossesse s’accompagne physiologiquement d’une baisse de
l’hématocrite et de la concentration en hémoglobine qui apparaît dès
la huitième semaine de grossesse et se développe au cours du
troisième trimestre.
Elles est essentiellement due à un accroissement
du volume plasmatique qui atteint 140 % de sa valeur basale alors
que le volume globulaire n’augmente pas dans les mêmes
proportions : 118 %, pour un volume sanguin total de 130 %.
Cette hypervolémie avec hémodilution est sans conséquence sur
l’oxygénation tissulaire et se corrige spontanément dans les jours
qui suivent l’accouchement.
Les anémies vraies de la grossesse sont
souvent liées à un déficit vitaminique ou martial et imposent une supplémentation à visée préventive ou curative.
La transfusion d’une femme enceinte impose quelques précautions
supplémentaires :
– la grossesse est par elle-même un épisode allo-immun et les
risques d’allo-immunisation antiérythrocytaire et antileucoplaquettaire,
essentiellement anti-HLA, doivent être pris en compte ;
– chez les femmes à sérologie CMV négative, la primo-infection par
le CMV doit être prévenue par la sélection de sang CMV négatif ;
– tout anticorps IgG étant susceptible de franchir le placenta, le sang
doit être soigneusement sélectionné sur le plan immunologique.
F - TRANSFUSION PÉRINATALE :
La transfusion chez le nouveau-né normal ou prématuré doit
prendre en compte sa situation d’immaturité immunologique
éventuelle et de receveur passif des anticorps maternels de classe
IgG.
L’immaturité immunitaire du foetus et du prématuré et la
moindre suspicion de déficit immunitaire chez un nouveau-né
doivent conduire à prévenir le risque de RGCH posttransfusionnelle
par l’injection de PSL cellulaires irradiés.
La présence chez le nouveau-né et le nourrisson d’anticorps IgG
d’origine maternelle conduit à transfuser des hématies en respectant
la compatibilité avec le sérum de la mère.
Le plasma transfusé doit
impérativement respecter les antigènes portés par les hématies du
nouveau-né, chez qui toute transfusion doit être considérée comme
une transfusion massive.
Le nouveau-né est en effet particulièrement
sensible à l’hémolyse et à l’hyperbilirubinémie qui en découle.
Le respect de ces règles conduit à appliquer les mesures prétransfusionnelles suivantes :
– groupage ABO et Rhésus de la mère et de l’enfant ;
– RAI dans les sérums de la mère et de l’enfant ;
– compatibilisation entre le sérum maternel et le sang à transfuser
dans les situations complexes.
Bien que l’allo-immunisation antiérythrocytaire ne semble pas
possible au cours des 4 premiers mois de la vie, le groupe Rh D
standard doit être respecté et la loi exige que les enfants de sexe
féminin ne reçoivent que du sang phénotypé.
G - TRANSFUSION AUTOLOGUE :
La transfusion autologue consiste à utiliser comme source de sang
le malade lui-même.
Elle comprend quatre techniques
thérapeutiques.
1- Transfusion autologue programmée (TAP)
:
Elle consiste à recueillir à l’avance une réserve de sang autologue et
s’adresse donc essentiellement aux actes de chirurgie programmée
pour lesquels la nécessité et le volume de transfusion sanguine
peuvent être anticipés.
Ces actes chirurgicaux doivent être
parfaitement prédéfinis et les malades concernés aptes à subir les
prélèvements nécessaires.
La TAP nécessite des protocoles précis
établis entre les services utilisateurs et les ETS.
En France, le
prélèvement, la qualification, la distribution et l’acheminement du
sang se font sous la responsabilité des ETS.
Les principales indications de la TAP sont :
– la chirurgie orthopédique (hanche, genou, rachis) ;
– la chirurgie plastique ou réparatrice ;
– la chirurgie cardiovasculaire ;
– la chirurgie coronarienne.
Les principales contre-indications en sont :
– un poids inférieur à 20 kg (pour des raisons d’abord veineux) ;
– une anémie avec une hémoglobine inférieure à 11 g/dL ;
– une pathologie infectieuse patente ou latente ;
– un angor instable ou une crise angineuse dans les 8 jours
précédant le prélèvement ;
– un rétrécissement aortique serré ;
– une cardiopathie cyanogène ;
– une artériopathie cérébrale occlusive sévère ;
– une sérologie virus de l’hépatite B (VHB), VHC, VIH, HTLV,
positive.
Ces contre-indications biologiques peuvent être levées si la
transfusion autologue répond à une impasse immunologique,
groupe rare ou anticorps polyspécifique.
Dans tous les cas, le patient
doit donner son consentement par écrit.
La transfusion autologue concerne en général les CGR qui peuvent
être prélevés par un don simple hebdomadaire ou par une
érythraphérèse.
Le recueil maximal de cinq poches de sang
correspond à la durée de péremption de 42 jours de la première
poche prélevée.
Une prescription de fer doit être envisagée ;
l’utilisation d’érythropoïétine répond à des indications précises,
notamment chez des sujets modérément anémiques, entre 11 et
13 g/dL.
La transfusion autologue peut concerner le plasma thérapeutique
recueilli, soit avec le sang total, soit par aphérèse de plasma ou les
plaquettes recueillies par aphérèse ; leur durée brève de
conservation en limite toutefois très largement les indications.
Elle consiste à recueillir sur des poches citratées, juste avant
l’intervention, l’équivalent de 500 mL de sang qui seront transfusés
au plus tard en fin d’intervention dans les 6 heures qui suivent le
prélèvement.
Le volume prélevé est compensé par l’injection d’une
solution de remplissage vasculaire (hydroxy-éthyl-amidon) de façon
à obtenir un hématocrite de 30 %.
Cette technique permet d’épargner
le potentiel globulaire du patient compromis par le saignement peropératoire tout en améliorant les conditions rhéologiques au
niveau des tissus.
Son intérêt est limité par la baisse de la capacité oxyphorique liée à la baisse de la masse globulaire.
Cette technique
est contre-indiquée en cas de tolérance réduite à l’anémie.
3- Transfusion de sang récupéré en perou
postopératoire
:
Elle consiste à récupérer et à réinjecter au patient le sang épanché
au cours de l’intervention.
Cette technique n’a d’intérêt que si le
volume épanché est supérieur à 15 % de la volémie.
Le sang recueilli
doit être stérile et exempt de débris tissulaires.
Le lavage pratiqué à
l’aide d’un récupérateur-laveur de cellules offre les meilleures
garanties lorsqu’il est manipulé par un personnel qualifié.
En
revanche, la réinjection sans lavage de sang épanché doit être
considérée avec beaucoup de prudence du fait du risque d’activation
des facteurs de la coagulation par les facteurs tissulaires ; il ne peut
concerner que des volumes limités.
4- Transfusion autologue des hématies congelées :
À très basse température, la conservation des hématies est
prolongée.
En France, elle n’est conçue et utilisée que pour répondre
à des impératifs immunohématologiques précis : polyimmunisés,
groupes rares. Dans certains pays, son emploi est plus étendu, mais
le caractère lucratif de certaines de ces pratiques les rend d’autant
plus contestables que leur efficacité opérationnelle n’est pas
démontrée.
H - HÉMORRAGIES ET SAIGNEMENTS CHIRURGICAUX
:
Ils entraînent une effusion de plasma et de cellules sanguines.
Ces
situations peuvent être plus ou moins complexes selon l’abondance
et la rapidité de la perte sanguine.
Au-delà d’une hémorragie
nécessitant des compensations volémiques supérieures à une masse
sanguine en 24 heures, on parle de transfusion massive.
Ces
situations sont diverses mais ont en commun quelques règles
générales.
– La fonction volémique du plasma doit être intégralement et
immédiatement restaurée dès qu’une hémorragie concerne le 1/5e
de la masse sanguine.
– La fonction oncotique du plasma nécessite l’injection de colloïdes
dès que l’hémorragie dépasse le quart de la masse sanguine.
Des
substituts plasmatiques sont d’abord utilisés, puis de l’albumine isooncotique
dès que l’hémorragie atteint les trois quarts de la volémie.
– Les fonctions hémostatiques du plasma sont en jeu lorsque
l’hémorragie atteint et dépasse une masse sanguine ; les conditions
réglementaires d’utilisation du plasma sont alors atteintes.
Ainsi, pour compenser volume à volume la perte volémique, on
utilise de façon séquentielle et en fonction du volume de
l’hémorragie les substituts volémiques (comme les gels d’amidon),
puis l’albumine et enfin le plasma thérapeutique.
– Les pertes en globules rouges doivent faire l’objet d’une substitution
volume à volume à partir d’une hémorragie voisine du quart de la
volémie.
Ceci est à moduler en fonction de la tolérance individuelle
à l’hypoxie, de l’arrêt du saignement et du risque de sa reprise.
Le
rythme de l’injection doit s’adapter à la rapidité du saignement.
– La substitution plaquettaire devient nécessaire lorsque l’hémorragie
atteint ou dépasse une masse sanguine et demie.
Effets indésirables de la transfusion
sanguine
:
Les effets indésirables de la transfusion sanguine peuvent être
classés selon leur délai de survenue par rapport à la transfusion
sanguine ou selon leur nature.
A - ACCIDENTS IMMUNOLOGIQUES :
1- Choc hémolytique aigu
:
Il représente le risque transfusionnel majeur dont la fréquence n’a
pu régresser que par la mise en place de procédures très strictes
encadrées réglementairement par la circulaire DGS/3B/552 du
17 mai 1985.
* Signes cliniques
:
Apparaissant dès le début de la transfusion, les signes sont
bruyants : frissons et sensation de malaise sont accompagnés
rapidement de douleurs lombaires très évocatrices.
Très vite se
constitue un état de choc avec hypotension et tachycardie, apparition
progressive d’un subictère et d’une oligurie faite d’urines foncées,
hémoglobinuriques.
La symptomatologie peut être plus trompeuse
chez le malade anesthésié ou inconscient, chez lequel il faudra savoir
rapporter à l’erreur transfusionnelle l’apparition de signes de choc,
d’un saignement diffus du champ opératoire ou des points
d’injection, liés à la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).
* Conduite à tenir :
Il faut arrêter immédiatement la transfusion, traiter le choc et mettre
en oeuvre des tests diagnostiques.
L’examen du sang prélevé permet
d’emblée de constater que le plasma est rosé et les examens confirment l’hémolyse intravasculaire : l’hémoglobinémie est élevée,
la bilirubine libre augmentée alors que l’haptoglobine est effondrée.
Les examens immunohématologiques systématiques comportent
selon les cas : un TCD sur le sang du malade, le contrôle du groupe
du patient et de la poche complété selon les cas par une RAI sur le
patient et sur la poche, et une réaction de compatibilité croisée entre
le sérum du malade et les hématies de la poche.
Mais le plus
souvent, la cause est évidente devant la constatation de
l’incompatibilité des groupes ABO de la poche et du receveur.
* Cause
:
La cause la plus fréquente est l’erreur ABO, liée à une confusion de
malade ou de poche de sang, à une erreur d’identification,
d’étiquetage ou de groupage.
Plus rarement, il s’agit de la présence
d’un anticorps irrégulier hémolysant qui aurait dû être détecté par
la RAI prétransfusionnelle, anti-D, anti-Kell, anti-c, anti-Jka, anti-
Fya.
Très rarement, il s’agira d’un anticorps dirigé contre un
antigène privé qui aurait échappé à une RAI même bien faite et que
seule une épreuve de compatibilité prétransfusionnelle au
laboratoire aurait pu dépister.
* Traitement :
Il comporte, au-delà de l’arrêt de la transfusion, plusieurs objectifs :
le remplissage vasculaire, le maintien de la diurèse par la
prescription de diurétiques, le traitement de la CIVD, la reprise de
l’apport de sang en respectant les paramètres nouveaux liés à
l’accident d’incompatibilité.
2- Hémolyse subaiguë
:
Elle est due à des anticorps provoquant une hémolyse intratissulaire
et non pas intravasculaire.
Ce sont souvent des anticorps irréguliers
n’activant pas le complément.
La symptomatologie est retardée et
atténuée, le choc absent, le tableau est dominé par l’ictère.
3- Hémolyses retardées :
Elles sont observées dans les jours ou semaines qui suivent une
transfusion de globules rouges.
Elles sont plus ou moins brutales et
se manifestent souvent par un simple ictère témoignant de la
destruction des hématies transfusées.
Elles sont liées, soit à une
réactivation d’un anticorps préexistant, soit à une allo-immunisation
primaire.
Elles surviennent en général dans les 3 premières semaines
qui suivent une transfusion et plutôt entre 3 et 7 jours.
Dans de
rares cas, elles sont le résultat de la destruction tardive des hématies
du receveur par des anticorps présents dans une poche injectée.
Le
diagnostic biologique a pour objectifs de confirmer l’hémolyse par
le dosage de la bilirubine et de l’haptoglobine, de rechercher sa
nature immunologique en pratiquant un TCD, de préciser la nature
de l’anticorps par une RAI ou le cas échéant par l’élution des
anticorps fixés in vivo.
Cet accident est rarement grave et ne
nécessite en général qu’une surveillance de la fonction rénale.
En
revanche, il raccourcit la durée de vie des hématies transfusées et
nécessite que les mesures transfusionnelles de compatibilisation
appropriées soient prises.
4- Inefficacité des transfusions de globules rouges :
Elle résulte d’un raccourcissement de la durée de vie des hématies
transfusées et s’observe parfois chez les malades soumis à des
transfusions itératives.
Elle traduit une hémolyse subaiguë dans
laquelle le tableau est dominé par un subictère accompagné d’une
mauvaise récupération post-transfusionnelle des globules rouges
transfusés.
L’origine immunologique n’est pas toujours évidente et
le rôle d’un hypersplénisme associé est souvent évoqué.
5- Inefficacité des transfusions de plaquettes :
Elle est définie par un rendement post-transfusionnel, évalué 1 heure
après la fin d’une transfusion de plaquettes, inférieur à 20 %.
Constatée à deux reprises consécutives, chez un malade soumis à
un traitement par transfusions itératives, elle définit l’état réfractaire
aux transfusions de plaquettes.
Cet état a des causes multiples qui
ne sont pas seulement immunologiques : fièvre, splénomégalie, CIVD.
Dans environ 50 % des cas, elle est liée à une alloimmunisation
anti-HLA ou antiplaquettes (anti-HPA).
Dans ces cas,
l’injection de plaquettes compatibles avec les anticorps du malade
est seule susceptible de restaurer l’efficacité des transfusions.
Cette
compatibilité peut reposer sur la constatation de l’absence
d’anticorps chez le receveur dirigés contre les plaquettes du
donneur : c’est la sérocompatibilité ; ou sur le choix d’un donneur
ne portant sur ses plaquettes des antigènes que le receveur ne
possède pas : c’est l’antigénocompatibilité.
Le choix entre les deux
possibilités est fondé le plus souvent sur des considérations de
stratégie transfusionnelle et sur la disponibilité des donneurs.
Souvent, la largeur des anticorps du receveur conduit à sélectionner
les donneurs sur leur phénotype HLA, voire, si besoin, HPA.
La
technique utilisée pour réaliser la compatibilisation du concentré de
plaquettes doit être sensible et spécifique.
De plus en plus, les
méthodes de cytométrie en flux sont choisies lorsqu’elles sont
disponibles.
L’utilisation de sang déleucocyté a, semble-t-il,
considérablement réduit la fréquence de ces allo-immunisations,
sauf chez les femmes ayant eu une immunisation primaire au cours
de grossesses qui sont, de ce fait, plus susceptibles de développer
un état réfractaire.
6- Purpura post-transfusionnel
:
C’est un syndrome rare et méconnu.
Il survient 6 à 8 jours après une
transfusion de CGR ou de plaquettes et se manifeste par un purpura
ecchymotique et pétéchial brutal, avec une thrombopénie profonde
généralement inférieure à 109 plaquettes/L.
L’évolution peut être
dramatique en raison de la survenue éventuelle d’un accident
hémorragique. Dans les cas favorables, la guérison survient en
quelques semaines.
Le diagnostic repose sur la mise en évidence
d’une allo-immunisation antiplaquettaire chez le receveur. Dans la
majorité des cas, il s’agit d’un anticorps anti-HPA-1a survenant chez
un sujet HPA-1b homozygote.
Le mécanisme de cet accident est mal
compris dans la mesure où l’anticorps anti-HPA-1a qui réagit avec
les plaquettes HPA-1a du donneur provoque la destruction des
plaquettes HPA-1b du receveur.
La prévention primaire de ce
syndrome n’est pas réalisable étant donné sa rareté ; en revanche, il
faut savoir le reconnaître et demander les examens permettant le
diagnostic : phénotypage HPA et recherche d’anticorps chez le
receveur.
La transfusion de plaquettes non phénotypées a 97,5 % de
chances d’être incompatible puisque 97,5 % des donneurs sont HPA-1a ; il n’est, par ailleurs, pas établi que les plaquettes HPA-1b ne
subissent pas le même sort que les plaquettes propres du malade.
En revanche, la mise en oeuvre d’un programme d’échanges
plasmatiques associés à des perfusions d’Ig intraveineuses est
susceptible d’écourter très significativement la thrombopénie.
Les
risques de récidive peuvent être prévenus par l’injection de PSL
provenant de donneurs HPA-1b homozygotes.
7- Réactions fébriles non hémolytiques
post-transfusionnelles
:
Souvent appelées « syndrome frisson-hyperthermie », elles se
manifestent, dans les cas typiques, par la survenue, environ 1 heure
après la mise en oeuvre d’une transfusion, de frissons intenses et
d’une élévation thermique à 40 °C.
L’évolution est le plus souvent
rapidement résolutive, même en l’absence de tout traitement. Les
causes de ce syndrome sont multiples et difficiles à systématiser.
Dans certains cas, il peut clairement être rapporté à une alloimmunisation
anti-HLA mais aussi parfois antiérythrocyte.
L’identification d’une immunisation contre les protéines transfusées
est plus délicate, même si elle est parfois suggérée par la bonne
tolérance du sang lavé (déplasmatisé).
On ne peut enfin exclure
l’intervention de facteurs pyrogéniques dans le PSL transfusé, qu’il
s’agisse de pyrogènes endogènes comme les cytokines
inflammatoires ou de pyrogènes microbiens.
La survenue de ce
syndrome impose la recherche d’une allo-immunisation
essentiellement anti-HLA et une RAI ; sa récidive à l’occasion de la
transfusion de PSL compatibles pose le problème de la prescription
de produits cellulaires déplasmatisés.
8- Syndrome de détresse respiratoire aiguë
post-transfusionnel :
C’est un syndrome rare, qui se manifeste dans l’heure qui suit une
transfusion par l’apparition d’une insuffisance respiratoire aiguë
associée à un oedème pulmonaire lésionnel non cardiogénique.
L’évolution est grave et le pronostic vital, qui est mis en jeu,
nécessite une réanimation respiratoire en milieu spécialisé.
Le
mécanisme précis de ce syndrome est mal connu.
On invoque
l’activation et l’agrégation des polynucléaires neutrophiles dans les
vaisseaux pulmonaires par des alloanticorps anti-HLA de classe I
ou antigranulocytes présents, le plus souvent, dans le plasma
transfusé.
Plus rarement, l’anticorps est trouvé chez le receveur, mais
cette éventualité est devenue peu probable du fait de l’utilisation de
sang déleucocyté.
Dans d’autres cas, l’accident est associé avec la
présence, chez le donneur, d’anticorps anti-HLA de classe II ; dans
ce cas, on pense qu’ils interviennent en activant, soit directement,
soit indirectement par le biais des monocytes, l’endothélium des
capillaires pulmonaires, provoquant ainsi l’adhésion des
granulocytes.
Enfin, parfois, aucun anticorps n’est identifié et on
invoque alors le rôle de lipides activateurs dans le sang transfusé.
9- Accidents allergiques
:
Ils peuvent revêtir tous les aspects de l’hypersensibilité immédiate,
allant du choc anaphylactique aux urticaires en passant par les angio-oedèmes et les crises d’asthme.
Ils imposent les prescriptions
appropriées : adrénaline, corticoïdes, bronchodilatateurs ou
antihistaminiques selon les cas.
La prévention des récidives conduit
souvent à prémédiquer le malade avant les transfusions ultérieures.
Ces manifestations allergiques peuvent parfois être rapportées à une
immunisation précise dirigée contre les érythrocytes, les plaquettes
ou les leucocytes qu’il convient de rechercher systématiquement.
Dans de rares cas, ces réactions anaphylactiques sont liées à la
présence d’anticorps anti-IgA chez des patients déficients en IgA.
Ce déficit et cette immunisation doivent être recherchés devant toute
réaction transfusionnelle anaphylactique car, dans ce cas, la récidive
à chaque transfusion met en jeu la vie du malade.
Chez ces patients,
l’utilisation de produits cellulaires totalement déplasmatisés
s’impose.
Enfin, très souvent ces réactions restent d’étiologie
indéterminée ; on prescrit alors volontiers, empiriquement, du sang déplasmatisé.
B - ACCIDENTS INFECTIEUX
:
1- Choc toxi-infectieux immédiat :
Il occupe une place très importante dans les accidents graves de la
transfusion.
Il est dû à une prolifération microbienne survenant lors
de la conservation du sang, liée soit à une bactériémie chez le
donneur au moment du prélèvement, soit à une contamination
accidentelle du produit sanguin lors du prélèvement ou du
traitement du sang, soit à une contamination intrinsèque de la poche
de prélèvement.
* Signes cliniques :
Ils sont ceux d’un choc toxi-infectieux survenant dès les premières
minutes de la transfusion, associant frissons intenses et prolongés
avec hyperthermie, pâleur livide avec cyanose et refroidissement des
extrémités, polypnée superficielle, diarrhée, douleurs abdominales
souvent violentes, vomissements, hypotension puis collapsus avec oligoanurie.
* Conduite à tenir :
Elle comporte l’arrêt immédiat de la transfusion, la mise en oeuvre
d’une réanimation adaptée destinée à lutter contre le choc et
l’infection, et la recherche de la cause.
Cette enquête comporte des
mesures immédiates qui auront pour objectif de :
– rechercher une contamination de la poche, par examen direct et mise
en culture par le laboratoire de bactériologie ;
– rechercher l’infection du malade par la pratique d’hémocultures ;
– bloquer l’utilisation des autres produits provenant du même
donneur, et le cas échéant de tous les produits sanguins recueillis
sur des poches provenant du même lot de fabrication.
Une fois les mesures immédiates prises, d’autres examens seront
entrepris pour écarter un autre diagnostic, et on fera notamment
une enquête immunohématologique à la recherche d’un accident
hémolytique.
* Cause de la contamination
:
Sa recherche est orientée par la positivité de l’enquête
bactériologique et la nature du germe impliqué.
Tous les PSL
peuvent être en cause.
Cependant, les conditions de conservation
des plaquettes à 22 °C favorisent la pousse microbienne et rendent
les concentrés plaquettaires particulièrement sensibles à ce type
d’accident par pullulation microbienne.
Dans ces cas, des germes à
Gram positif de la flore cutanée ou des entérobactéries sont souvent
en cause.
Les CGR conservés à 4 °C sont l’objet de contaminations
par des germes à Gram négatif cryophiles, se développant lors de la
conservation, tels que Yersinia enterocolitica ou Pseudomonas
fluorescense.
La symptomatologie des infections secondaires à l’injection de PSL
contaminé par des bactéries n’est pas toujours aussi spectaculaire et
le développement par le réseau d’hémovigilance d’examens
bactériologiques plus systématiques a permis de rattacher à des
infections bactériennes des syndromes plus frustes ou des fièvres
retardées par rapport à la transfusion.
2- Parasitoses post-transfusionnelles
:
* Paludisme post-transfusionnel :
La transmission de plasmodies par le sang transfusé survient avec une
fréquence qui dépend de la fréquence des dons contaminants.
Les
différentes formes de Plasmodium ne comportent pas toutes les mêmes
dangers, et les efforts de prévention portent essentiellement sur
Plasmodium falciparum, même si les autres formes de paludisme, vivax
et malariae, peuvent être occasionnellement transmises par transfusion.
En zone d’endémie, le problème d’un dépistage et d’une prévention
systématique se pose même quand la population des receveurs est
elle-même soumise à un risque permanent d’infection par piqûre
d’anophèle.
Souvent dans ces populations, les receveurs ont développé
une immunité qui les protège contre les dangers d’une réinfestation.
Néanmoins, des mesures systématiques de traitement des donneurs
ou des receveurs par des antipaludéens ont été préconisées dans ces
pays.
En revanche, dans les pays non endémiques, la prévention est
fondée sur l’éviction systématique des sujets ayant voyagé en zone
d’endémie depuis moins de 4 mois.
Au-delà de cette date, les
candidats au don du sang font l’objet d’une recherche d’anticorps anti-Plasmodium falciparum qui, quand elle est négative, permet d’exclure
une contamination latente.
En l’absence de cet examen, l’éviction varie
selon les pays ; elle est de 36 mois en France.
Les produits sanguins exposant à ce risque sont ceux qui contiennent
des globules rouges, même en faible quantité comme les concentrés
de plaquettes.
La conservation à 4 °C n’entraîne aucune réduction de
l’infectiosité, au moins pendant les 3 premières semaines.
Le paludisme post-transfusionnel est souvent insidieux et sa
symptomatologie apparaît 10 à 15 jours après la transfusion
contaminante.
Progressivement s’installent des signes digestifs nausées,
vomissements puis une fièvre et des céphalées, sans que la périodicité
classique soit évidente, tout du moins au début.
Le diagnostic devra
donc être évoqué devant toute fièvre inexpliquée survenant dans les
2 mois suivant une transfusion ; il repose sur la mise en évidence du
parasite sur une goutte épaisse ou sur un frottis sanguin.
* Autres parasitoses
:
Les trypanosomiases et les filarioses peuvent se transmettre par le
sang.
La maladie de Chagas, due à Trypanosoma cruzi, ne s’observe
en pratique qu’en zone rurale en Amérique du Sud, où elle constitue
à la fois un problème de santé publique et un problème
transfusionnel qui conduit dans certaines régions concernées à
ajouter systématiquement 125 mg de violet de gentiane à chaque
unité de sang.
La possibilité de transmission par le sang d’autres parasites comme
les toxoplasmes et les babesia a été signalée.
Ces parasitoses ne font
actuellement l’objet d’aucune mesure systématisée de prévention.
3- Maladies bactériennes post-transfusionnelles :
* Syphilis :
Elle peut être transmise par le sang, mais sa transmission reste
exceptionnelle car le tréponème survit moins de 72 heures à 4 °C.
Par ailleurs, les mesures d’éviction prises pour écarter les donneurs
à risque de transmettre le VIH écartent aussi la majorité de ceux qui
pourraient être les vecteurs de la syphilis.
Les tests de dépistage
sont néanmoins encore systématiquement pratiqués en France et
contribuent incidemment, en prévenant la transmission du
tréponème, à mieux cerner les populations à risque de maladies
sexuellement transmissibles.
Les concentrés plaquettaires, qui sont
conservés moins de 5 jours à 22 °C, comportent un risque significatif
de transmission de cette maladie.
La caractéristique clinique de la
syphilis post-transfusionnelle est d’être d’emblée une syphilis
secondaire, avec roséole, fièvre et polyadénopathie, apparaissant 1 à
4 mois après la transfusion contaminante.
* Maladie de Lyme :
Due à un spirochète, Borrelia burgdorferi, elle pourrait aussi être
transmise par transfusion.
L’absence de cas documentés rend
cependant cette transmission purement hypothétique.
Les donneurs
de sang ayant contracté cette maladie ne pourront être reprélevés
qu’après avoir été traités et être complètement guéris.
* Brucellose post-transfusionnelle :
Elle est rarissime et ne survient qu’en zone endémique.
Elle se
traduit, 1 semaine à 4 mois après la transfusion, par une fièvre
ondulante associée à des céphalées, des myalgies, une sudation
abondante.
La seule prévention possible est l’éviction des donneurs
ayant eux-mêmes des antécédents de brucellose.
4- Maladies virales transmissibles par le sang
:
Malgré les mesures prises pour limiter les risques de transmettre
une maladie infectieuse par transfusion sanguine, cette transmission
reste possible.
C’est notamment le cas lorsque des donneurs
contaminés sont prélevés avant l’apparition de marqueurs
détectables.
Cette période dite « fenêtre sérologique » a été réduite
du fait de l’augmentation de sensibilité des tests de dépistage et de
la mise en oeuvre pour le VIH et le VHC du dépistage du génome
viral.
* Hépatite B post-transfusionnelle :
Environ 300 millions d’individus au monde sont porteurs du VHB.
La contamination demeure donc une éventualité que seule la
pratique extensive de la vaccination pourrait contenir.
La majeure
partie des sujets porteurs de ce virus à titre chronique sont
asymptomatiques.
La transmission sanguine de ce virus concerne
potentiellement tous les PSL.
Elle a été considérablement réduite par l’introduction en 1971 du
test de dépistage systématique de l’antigène de surface de ce virus
(AgHBs), dont la sensibilité n’a cessé, par la suite, de s’améliorer.
Des mesures complémentaires : éviction des donneurs ayant des
antécédents d’hépatite, éviction des donneurs à risque pour le VIH,
dépistage des anti-HBc, dosage des ALAT, sont venues réduire
encore le risque résiduel.
Les techniques de viroatténuation, utilisées
pour les dérivés sanguins stables et le plasma thérapeutique, ainsi
que la sécurisation par quarantaine, utilisée pour le plasma frais
congelé, ont apporté chacune une sécurité complémentaire presque
absolue.
L’incidence des contaminations transfusionnelles par le VHB était estimée en 1998, en France, à 1 pour 220 000 PSL
transfusés, et était liée, pour l’essentiel, à la phase dite
« présérologique » qui, pour le VHB, est estimée à 56 jours.
Ce risque
résiduel non négligeable justifie pleinement les mesures de
vaccination systématique chez les receveurs de transfusions
itératives.
* Hépatite C post-transfusionnelle
:
Plus de 100 millions d’individus sont porteurs du VHC dans le
monde.
Le plus fréquent des agents pathogènes transmis par
transfusion était, en 1990, le virus de l’hépatite C.
Les porteurs de ce
virus, généralement asymptomatiques, ne pouvaient que très
imparfaitement être repérés par des tests indirects comme le dosage
des ALAT et la détection de l’anti-HBc.
En revanche, les mesures
d’éviction appliquées aux populations à risque pour le VIH, la
viroatténuation par solvant détergent et la sécurisation du plasma
ont très certainement contribué à réduire significativement le risque
de cette transmission.
La découverte d’une séquence du génome
viral a permis la mise en oeuvre systématique, à partir du 1er mars
1990, d’un test de détection des anticorps anti-VHC sur tous les dons
de sang.
Très imparfaite au cours de la première année d’utilisation, la sensibilité et la spécificité du test ont été rapidement améliorées.
Cependant, le risque résiduel en France, en 1998, était encore estimé
à 1/375 000 PSL transfusés et semblait essentiellement lié à la
période présérologique, estimée en moyenne pour ce virus à 70
jours.
La mise en oeuvre, en août 2001, du dépistage du génome
viral (DGV) pour le VHC, dans la mesure où il est susceptible de
réduire la fenêtre de dépistage de 59 jours, a probablement encore
réduit ce risque résiduel.
Cependant, les données concernant
l’efficacité réelle de ce dépistage ne sont pas encore disponibles.
Malgré la faiblesse du risque résiduel, un texte officiel recommande
de pratiquer un dépistage des anticorps anti-VHC, chez tous les
transfusés, 4 mois après l’injection de PSL.
* Autres hépatites post-transfusionnelles :
L’existence d’autres hépatites transmissibles par la transfusion de PSL est possible.
L’hépatite A, dont la virémie est très brève, ne
constitue pas un réel danger pour les PSL, qui sont utilisés sous
forme d’unités provenant tout au plus de quelques donneurs.
Le
virus E, découvert ultérieurement, a une pathogénicité voisine de
celle du VHA mais une zone d’endémie différente ; il n’est pas
considéré comme un problème majeur pour la transfusion de PSL
en France.
Des techniques de biologie moléculaire ont permis de
suspecter l’existence d’autres virus, dont le VHG.
La pathogénicité
de ce virus est actuellement considérée comme douteuse.
* Syndrome de l’immunodéficience acquise (sida) post-transfusionnel
:
La découverte du sida en 1981, la mise en évidence de sa possible
transmission par le sang, et la découverte du virus responsable en 1983
constituèrent des événements considérables bouleversant les bases de la
sécurité transfusionnelle.
Les données les plus récentes de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) montrent que plus de 40 millions de
personnes dans le monde ont été infectées par ce virus et que 20 millions
d’entre elles en sont déjà mortes.
Face à cette pandémie dramatique,
les mesures mises en oeuvre ont permis d’enrayer la transmission
transfusionnelle de ce virus.
En Europe de l’Ouest et en Amérique du
Nord, l’éviction des donneurs à risque, initialement cantonnée à des
groupes aux caractéristiques relativement bien définies, a permis avant
toute autre mesure de limiter le risque.
Les tests de dépistage des
anticorps anti-VIH, mis en oeuvre en France en août 1985, ont rendu le
risque de transmission du VIH par le sang extrêmement faible.
L’amélioration constante de leur sensibilité par la suite a encore accru
leurs performances.
Le risque résiduel a été évalué, entre 1996 et 1998, à
1/1 350 000 PSL transfusés.
Ce risque est presque exclusivement lié à la
fenêtre sérologique, évaluée à 22 jours pour le VIH.
Le DGV mis en
oeuvre en août 2001 devrait permettre de réduire encore cette période
muette de 11 jours et de dépister les très exceptionnels sujets
immunologiquement muets rapportés dans la littérature.
Les méthodes
de viroatténuation ou de quarantaine appliquées au plasma
thérapeutique ajoutent encore à la sécurité de ce produit.
Malgré la
faiblesse du risque résiduel, il est recommandé par un texte officiel de
pratiquer un dépistage du VIH 4 mois après l’injection de PSL.
* Transmission des virus HTLV-1 et 2 :
Le dépistage des anticorps contre les virus HTLV-1 et 2 a été rendu
obligatoire en France sur tous les dons de sang dès 1991.
La France
et l’Europe de l’Ouest sont des zones de très faible endémicité de
ces virus et seuls les départements d’outre-mer de la région Caraïbe
ont une prévalence notable.
Entre 1996 et 1998, le risque résiduel
d’acquérir l’un de ces virus par transfusion sanguine en France
métropolitaine a été évalué à 0.
* Parvovirus B19
:
Ce virus est également transmissible par transfusion sanguine et peu
sensible aux méthodes d’inactivation par solvant détergent.
Sa
morbidité post-transfusionnelle est mal connue, et la forte
prévalence des sujets immunisés contre lui rend leur éviction
systématique du don du sang impossible.
Ce virus a cependant été
rendu responsable des crises érythroblastopéniques chez les sujets
transfusés pour une anémie régénérative et de dépression
médullaire chronique chez les immunodéprimés.
La sérothérapie à
partir de sang de donneurs ayant des anticorps neutralisants peut
contribuer à contrôler ces infections.
* Autres maladies virales transmissibles par les PSL :
D’autres virus peuvent être transmis par transfusion sanguine.
C’est
notamment le cas des virus leucotropes du groupe herpès.
Parmi
ceux-ci, le CMV est un virus dont la prévalence est très élevée.
Il ne
donne pas d’infection cliniquement significative chez les sujets bienportants
; tout au plus peut-on lui rattacher quelques syndromes
mononucléosiques, quelques hépatites aiguës ou quelques
syndromes fébriles prolongés.
La bénignité habituelle de ces
infections et la très forte prévalence de ce virus dans la population
adulte, expliquent que le statut sérologique vis-à-vis du CMV ne
soit pas une cause d’exclusion du don du sang.
Cependant, chez les
prématurés, par définition immuno-immatures, et chez les sujets
immunodéprimés, le CMV peut être responsable d’infections
graves : pneumonies interstitielles, choriorétinites nécrosantes,
colites ulcéreuses, qui doivent conduire à une prévention
systématique par l’injection de sang provenant de donneurs CMV
négatifs.
De même, la gravité de l’infection à CMV chez le foetus
d’une mère développant une primo-infection doit conduire à utiliser
du sang CMV négatif chez les femmes enceintes de sérologie CMV
négative ou inconnue.
D’autres virus du même groupe comme l’EBV
ou les human herpes virus (HHV)-6, HHV-7, HHV-8 sont
transmissibles par le sang.
La très haute prévalence du premier et la
relative bénignité de l’infection conduisent à n’adopter aucune
mesure de dépistage concernant ces virus.
En revanche, pour
l’ensemble de ces virus leucotropes, la déleucocytation réduit le
risque de contamination.
Très récemment la transmission du virus du Nil par transfusion
sanguine, suspectée depuis 2002 a été confirmée.
Tous les PSL
semblent pouvoir être des vecteurs, et la déleucocytation ne prévient
pas cette transmission.
Les mesures de prévention portant sur
l’éviction des donneurs infectieux et sur la détection des dons
contaminants sont en cours d’élaboration (Pealer LN et al, for the
West Nile virus investigation team. N Eng J Med 2003 ; 349 :
1236-1245).
5- Maladies à prions
:
La possibilité de transmettre des maladies à protéine prion par la
transfusion de sang ou de PSL n’est pas établie dans les faits, bien
que des cas de transmission de maladie de Creutzfeldt-Jakob par
des produits biologiques aient été documentés, notamment à partir
de l’utilisation d’hormone de croissance extraite d’hypophyse
humaine provenant de sujets atteints de la forme classique.
Néanmoins, les sujets apparentés au premier degré aux malades
ainsi que les patients traités par de l’hormone de croissance extraite
de l’hypophyse sont exclus du don du sang.
L’émergence d’un
nouveau variant de maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ) lié,
semble-t-il, à l’encéphalite bovine spongiforme, a fait naître des
craintes nouvelles, ce d’autant que la protéine anormale a été
retrouvée dans les formations lymphoïdes de sujets atteints.
Ceci a
conduit à de nouvelles mesures d’éviction du don du sang.
Elles
concernent : toutes les personnes ayant reçu des produits
biologiques d’origine humaine, tous les greffés ou transfusés, tous
les sujets ayant séjourné, au total, plus de 6 mois dans les Îles
britanniques ou en Irlande entre le 1er janvier 1980 et le 31 décembre
1996 et toutes les personnes ayant subi une intervention
neurochirurgicale ou des explorations invasives sur le système
nerveux central.
La mise en place de la déleucocytation systématique
des PSL constitue, vis-à-vis de ce risque qui demeure encore
hypothétique, une précaution supplémentaire.
C - ACCIDENTS DE SURCHARGE
:
1- Surcharge volémique :
Elle est devenue plus rare du fait de l’utilisation de concentrés
globulaires.
C’est cependant un accident qui doit être particulièrement redouté lorsque l’on transfuse un anémique
chronique au myocarde fragile ou un insuffisant rénal.
Les mesures
de prévention sont, chez ces patients, l’injection très lente des CGR,
l’association à un diurétique, voire une réduction de la volémie par
saignée associée à l’injection de CGR.
2- Surcharge en citrate
:
C’est devenu un accident rare du fait de la diminution de l’utilisation
du plasma thérapeutique.
Il est lié à la fixation du calcium ionisé sur
le citrate anticoagulant et adopte donc toute la symptomatologie de
l’hypocalcémie, associant des paresthésies péribuccales et des
tremblements à des contractures typiques de la crise de tétanie.
L’électrocardiogramme montre un allongement de l’espace QT et une
onde T pointue et symétrique.
Ce syndrome est particulièrement à
redouter chez les insuffisants hépatiques ou rénaux et chez les
nouveau-nés.
La prévention et le traitement consistent en l’injection
d’une solution de calcium par voie intraveineuse.
3- Hyperkaliémie post-transfusionnelle :
Elle ne survient que chez les insuffisants rénaux au cours de
transfusions importantes et rapides.
En effet, au cours de la
conservation des CGR, la kaliémie de la poche s’élève au détriment
du potassium intraérythrocytaire.
Ce potassium sera rapidement réabsorbé par les globules rouges
dès que leur pompe Na+/K+ se rétablira après transfusion.
Une hyperkaliémie très transitoire peut donc être observée ;
elle est prévenue par une injection lente du sang chez les
sujets concernés.
4- Hémosidérose ou hémochromatose
post-transfusionnelle
:
Elle constitue une préoccupation constante chez tous les transfusés
chroniques.
Chaque transfusion de globules rouges apportant
200 mg de fer, il faut une trentaine de transfusions pour observer
une surcharge martiale cliniquement significative, marquée par une hypersidérémie, une augmentation de la saturation de la transferrine
et une augmentation de la ferritine.
Les conséquences de cette
surcharge sont multiviscérales et superposables à celles de
l’hémochromatose primitive.
Ceci impose, chez les transfusés
chroniques, de mettre en oeuvre une prévention par chélation du fer
par la déféroxamine, aux modalités d’injection contraignantes.