Physiologie placentaire
(Suite) Cours de
Gynécologie
Obstétrique
* Circulation placentaire
:
Le placenta est un organe frontière entre deux circulations sanguines
habituellement distinctes.
Les échanges se réalisent sur le mode hémochorial.
Cette définition a été établie par Grosser, elle est basée sur la nature des
tissus séparant les flux sanguins.
Sa terminologie (épithéliochorial,
syndesmochorial, endothéliochorial et hémoendothélial) indique quels sont
les tissus maternels et foetaux juxtaposés.
Certaines précisions ont été
fournies par l’étude en microscopie électronique établissant que le
placenta est hémochorial chez l’homme, hémodichorial chez le lapin,
hémotrichorial chez la souris.
Ces modifications peu importantes permettent
cependant de continuer à utiliser la classification proposée par Grosser.
Le
placenta humain, hémochorial, est donc caractérisé par le contact direct du
sang maternel et du trophoblaste dans la chambre intervilleuse.
Le flux
sanguin maternel y parvient par les artères spiralées dont la portion terminale
a subi des modifications importantes dues à l’invasion trophoblastique.
Les
observations échographiques récentes, dues au développement des sondes intracavitaires, ont permis d’approcher globalement in vivo les différents
régimes circulatoires.
* Circulation utéroplacentaire :
En échographie, elle est accessible par l’imagerie et par l’effet doppler.
Les
modifications vasculaires dues à l’ambiance hormonale lors de l’invasion
trophoblastique ont pour résultat une augmentation du nombre et du calibre
des vaisseaux intramyométriaux et, après la constitution du placenta, un
accroissement de calibre des portions terminales des artères utéroplacentaires.
L’ensemble de ces changements permet une augmentation de débit global
conjointement à une chute des résistances vasculaires.
Ce type de
perturbation circulatoire a pu être approché par l’analyse des signaux doppler,
en se rapportant aux études réalisées sur les vaisseaux périphériques.
En
imagerie dynamique également, il est possible d’approcher la richesse de la
circulation sanguine si la densité des vaisseaux est très élevée et leur calibre
de l’ordre du millimètre.
C’est la situation rencontrée dans l’utérus de
grossesse.
+ Aspects dynamiques
:
L’étude par doppler des artères utérines permet d’approcher les perturbations
hémodynamiques engendrées par les modifications vasculaires.
Dès le
premier trimestre, on constate systématiquement une composante diastolique
au flux circulatoire.
Les artères utérines perdent leurs caractéristiques d’artères musculaires (flux
diastolique nul ou flux protodiastolique inversé) pour manifester les
spécificités d’un territoire à résistances basses.
Elles conservent
cependant, dans près de trois quarts des cas, une incisure protodiastolique
(notch).
Plus tard dans la grossesse (deuxième et troisième
trimestres), cette tendance à l’accroissement du flux diastolique va
s’accentuer. Plusieurs indices ont été publiés, ils recouvrent la même
conception : chiffrer le rapport de fréquence entre le pic systolique et la fin de
la diastole.
C’est Campbell et Arbeille qui, les premiers, ont attiré
l’attention sur les modifications de flux utérin se manifestant lors des
grossesses pathologiques et donc sur l’utilisation potentielle de cette méthode
d’exploration dans la surveillance de la grossesse.
La seule existence d’un notch, à 20-24 semaines dans une population sans
antécédent, sélectionne un groupe ayant significativement plus de risque de
développer une pathologie obstétricale dans le décours de la grossesse, et ce
avant l’apparition du premier symptôme.
Dans notre étude portant sur 600 grossesses sans antécédent (382 nullipares
et 218 multipares), le risque de voir apparaître une toxémie est trois fois plus
élevé, une toxémie sévère, cinq fois, un retard de croissance, quatre fois, un
accouchement prématuré, cinq fois.
Ces risques augmentent encore (cinq fois pour la toxémie, neuf fois pour la toxémie sévère, huit fois pour le retard de
croissance intra-utérin (RCIU) et douze fois pour la prématurité) avec une
meilleure spécificité lorsque le notch est bilatéral.
Ces constatations
permettent de sélectionner une population à risque élevé de complications
obstétricales susceptibles de bénéficier d’une surveillance plus étroite, voire,
le cas échéant, d’une thérapeutique prophylactique.
Ces constatations
recouvrent celles publiées par Harrington et al.
L’importance de la composante diastolique du flux varie selon l’endroit de
l’arbre vasculaire utérin observé.
Elle augmente à mesure que l’on se
rapproche de la chambre intervilleuse.
Dans les conditions normales, quel que
soit le niveau exploré (artères utérines, arquées ou rétroplacentaires), le flux
systolique doit toujours être présent après 15 semaines de gestation quel
que soit le moment de la grossesse.
L’aspect de la couronne trophoblastique dans les grossesses pathologiques
sera décrit dans le chapitre consacré à la pathologie.
Il faut cependant
mentionner le fait que, lorsque l’on prélève des villosités choriales en utilisant
la technique de la pince, le matériel ramené est blanchâtre.
Il est également
possible de pratiquer des chorionoscopies et de voir la chambre
intervilleuse au cours du premier trimestre : elle ne contient pas de sang
maternel.
Le placenta au cours de cette première partie de la grossesse n’est
donc pas hémochorial, la chambre intervilleuse contient un liquide
transparent résultant de la filtration du sang maternel au travers des bouchons
trophoblastiques oblitérant les extrémités des artères spiralées.
* Circulation intraplacentaire :
+ Aspects dynamiques
:
Pendant le premier trimestre, il est impossible, dans les conditions normales,
de visualiser un flux maternel dans la chambre intervilleuse.
Un flux intravillositaire peut être démontré en doppler puissance.
Plus tard, on
constate, en doppler, une perfusion extrêmement lente de la chambre intervilleuse qui contraste avec la densité du réseau vasculaire sousplacentaire
et la richesse intravillositaire.
Il est possible de déceler, en face des lacunes avilleuses, des anomalies
circulatoires maternelles.
On y trouve un flux en jet nettement plus rapide que
le flux habituel de la chambre se dirigeant vers le « trou » placentaire.
N’y
aurait-il pas là un simple phénomène d’érosion dépeuplant cette région en
villosités ?
* Versant foetal de la circulation intraplacentaire :
Il ne peut être approché que de façon indirecte par l’étude du mode
d’écoulement sanguin dans les artères ombilicales.
De nombreux auteurs, en
utilisant différents indices systolodiastoliques, arrivent à la même
conclusion : la composante diastolique du flux ombilical augmente
régulièrement au cours de la grossesse.
Elle est nulle au cours du premier
trimestre et jusque 14-15 SA pour être systématiquement présente à
26 SA.
Physiologie des échanges transplacentaires :
Le placenta humain remplit de nombreuses fonctions physiologiques parmi
lesquelles celles de filtre, d’organe de nutrition, d’épuration et de respiration
sont essentielles.
Ces fonctions reposent fondamentalement sur la notion
d’« échanges » transplacentaires de substances physiologiques, de la mère au
foetus et vice versa.
A - Mécanismes des transferts
:
Les échanges transplacentaires sont conditionnés par des facteurs physiques :
– la superficie de la membrane d’échange : elle est estimée entre 11 et 13 m2
à terme ;
– l’épaisseur de la membrane qui varie de 2 à 5 ím ;
– le débit du sang maternel dans la chambre intervilleuse qui est estimé à
600 mL/min dans les conditions normales ;
– la pression hydrostatique dans la chambre intervilleuse : elle varie de 30 à
50 mmHg comme la pression intra-amniotique ;
– la pression régnant dans les capillaires foetaux qui est de 30 à 35 mmHg ;
– les différences de pressions osmotiques maternelle et foetale : plus élevées
du côté maternel.
Toute variation de l’un ou l’autre de ces facteurs modifie le niveau des
échanges.
Les transferts transplacentaires augmentent au fur et à mesure de
l’évolution de la grossesse.
Ils peuvent être perturbés par des pathologies
gravidiques portant atteinte à l’un ou l’autre des facteurs physiques (par
exemple, la contraction utérine réduit le débit sanguin dans la chambre intervilleuse ; la dégénérescence fibrinoïde du placenta diminue la surface
d’échange, etc).
Les échanges transplacentaires obéissent à différents mécanismes,
classiquement subdivisés comme suit : transfert passif, transport actif,
diffusion facilitée, transfert par liaison moléculaire, pinocytose, passage par
effraction ou solution de continuité.
1- Transfert passif
:
Il s’agit d’une perméabilité libre, dans les deux sens, obéissant à la loi de Fick
(la vitesse de transfert d’une substance dépend de la surface membranaire, de
l’épaisseur membranaire et de la différence de concentration foetomaternelle).
Elle tend à l’égalisation des concentrations des substances de part et d’autre
de la membrane.
Ce mécanisme est soumis à certaines conditions :
– il ne s’applique qu’aux molécules de faible poids moléculaire, sans liaison
avec les protéines circulantes ; il dépend de la liposolubilité de la substance ;
il fait intervenir le niveau de dissociation ionique plus que la simple
concentration pondérale ;
– la molécule échangée doit être inerte sur le plan enzymatique et ne pas
interférer avec l’homéostasie foetale ou maternelle.
2- Diffusion facilitée :
Il y a aussi tendance à l’égalisation des concentrations, mais le taux de
transfert est plus élevé que prévu et fait intervenir un mécanisme métabolique
permettant de vaincre un gradient de pression négatif ; il y a saturation du
système pour des hautes concentrations.
3- Transfert par molécules porteuses :
Il nécessite une dépense d’énergie qui peut vaincre les différences de
concentration.
La molécule porteuse agit au niveau de la membrane cellulaire,
permet l’entrée dans le cytoplasme de la substance qui diffuse ensuite
passivement.
Le transport d’ions, comme le Na+, crée une différence de
potentiel membranaire. Ce type de transfert est limité à quelques substances.
4- Pinocytose :
Il s’agit du prélèvement, par un repli de la membrane cellulaire villositaire,
d’une petite quantité de liquide extracellulaire contenant entre autres des
macromolécules.
5- Effraction membranaire ou solution de continuité
:
Il semble de plus en plus évident à l’heure actuelle que le placenta présente,
par endroits ou dans certaines circonstances, des pertuis permettant les
passages directs, d’un compartiment à l’autre, de substances et de cellules.
Le
transfert obéit alors aux lois de la diffusion simple.
B - Transferts de substances naturelles
:
Plusieurs études ont fait la synthèse de la perméabilité placentaire aux
substances normalement présentes dans l’organisme.
La classification
est basée sur le rôle physiologique des substances et précise le type et le degré
de transfert.
1- Substances intervenant dans l’homéostasie directe
:
Généralement, il s’agit d’une diffusion simple, rapide, mais présentant
certaines particularités.
Le transfert de l’eau est régi par la différence de pression osmotique et par le
niveau de flux sanguin maternel et foetal.
En fin de grossesse, le passage d’eau
de la mère au foetus est de 3 000mL/h environ dont moins de 1 millième est
retenu par le foetus.
Parmi les ions, on sait que le sodium passe par transport actif à raison de
2,5 g/h dont 1/500 est retenu par le foetus.
Il en est de même pour le calcium,
le potassium et le cuivre dont les concentrations sont plus élevées chez le
foetus.
Le chlore, le fluor, le cobalt et le zinc passent par diffusion simple.
L’oxygène diffuse aisément du compartiment maternel vers le foetus, sur la
base de la différence de pression partielle sanguine et en fonction de la courbe
de dissociation de l’oxyhémoglobine foetale qui favorise la captation au
niveau foetal.
Le passage d’oxygène dépend également des flux sanguins
utérins et ombilicaux.
Il faut savoir que l’élévation permanente de la pression
partielle en oxygène plasmatique maternel réduit le flux utéroplacentaire et le
débit ombilical par action réflexe.
Le passage de l’anhydride carbonique du foetus à la mère suit les mêmes lois
que celui de l’oxygène, mais en passant vingt fois plus rapidement.
Il
s’effectue exclusivement sous forme gazeuse et nullement sous forme de
bicarbonate ou d’acide carbonique.
2- Substances intervenant dans la nutrition foetale
:
Le glucose est le métabolite quasi exclusif du foetus Il passe, à raison de
20 mg/min, par diffusion facilitée, c’est-à-dire jamais contre un gradient
éventuel de concentration.
Les autres glucides, notamment le fructose,
suivent le même processus.
D’autres substances nutritives franchissent le placenta contre un gradient de
concentration, c’est le cas du phosphate dont les taux foetaux sont plus élevés
et qui bénéficie d’un transport actif.
Il en est de même pour le fer et l’iode.
En ce qui concerne les protides, ils passent vraisemblablement sous la forme
d’acides aminés contre un gradient de concentration.
La concentration des
acides aminés, dans le plasma foetal, est à peu près deux fois celle rencontrée
chez la mère.
Le fait qu’ils soient nombreux et différents implique, pour
expliquer ce gradient, un rôle métabolique du placenta qui modifie leur
structure spatiale et entrave le passage en retour vers la mère.
Ce mécanisme
est également applicable à l’acide ascorbique, à la riboflavine et aux autres
vitamines hydrosolubles.
Le métabolisme placentaire des acides aminés
ramifiés peut être altéré dans le RCIU, et la quantité d’acides aminés
disponibles pour la consommation du foetus dépend des relations au niveau
du placenta entre leur transport et leur métabolisme.
La fonction principale
de la conversion de sérine placentaire en glycine au sein du placenta serait la
synthèse de substrats métaboliques importants pour la croissance foetale.
La
validité de cette hypothèse reste à explorer par d’autres études.
Les vitamines liposolubles passent également la barrière placentaire mais plus
lentement.
Quant aux lipides, ils ne traversent pas la membrane placentaire, sauf rares
cas d’absorption micellaire.
Ils sont synthétisés par le foetus à partir de
constituants de plus faible poids moléculaire, acétate libre et certains acides
gras libres.
3- Hormones :
Trois grandes catégories hormonales doivent être prises en considération :
stéroïdes, iode et dérivés, et protéines.
4- Substances à activité immunologique :
Le transfert d’anticorps de la mère au foetus est possible jusqu’à un poids
moléculaire de 150 000, ce qui correspond à 7 unités Svedberg (Sf).
Les immunoglobulines-G (IgG, 7Sf) franchissent généralement la barrière, à
l’exception des gamma-1-globulines (7Sf) qui ne passent pas.
Le placenta est,
en revanche, imperméable aux IgM (19Sf) et aux IgA.
C - Transferts de produits étrangers à l’organisme
:
Les cas particuliers du transfert des médicaments et des agents infectieux
seront abordés ailleurs.
D - Mesure des échanges transplacentaires :
Les études expérimentales sont généralement faites chez l’animal.
Chez l’homme, il est licite d’étudier le passage de substances que l’on sait
inoffensives.
Généralement, la substance dont on étudie le passage est
introduite dans le compartiment maternel par voie intraveineuse ; elle est
ensuite recherchée dans les humeurs foetales, le liquide amniotique et le sang
funiculaire à la naissance.
Les développements de l’échographie permettent,
à l’heure actuelle, la ponction aisée in utero de la veine funiculaire et le
prélèvement de sang ou l’introduction d’une substance à étudier.
Cette
technique devrait permettre, dans un avenir proche, d’élargir le champ et
d’affiner l’investigation de la perméabilité placentaire dans les conditions
physiologiques, tant dans le sens mère-foetus que l’inverse.
Biochimie placentaire :
A - Protéines placentaires :
Le trophoblaste humain produit des hormones et des enzymes spécifiques.
Outre cela, les méthodes immunochimiques ont permis la découverte, tant
dans le sérum de femmes enceintes que dans les extraits placentaires, de
protéines spécifiques de l’état gravidique.
1- Définition - Caractérisation
:
De nombreuses études ont été consacrées, depuis 1970, à la dénomination de
ces substances, et une certaine confusion y a régné.
Toutes ces protéines spécifiques du placenta répondent aux critères suivants :
– elles sont différentes de toute hormone ou enzyme connue comme
spécifique à la gestation ;
– leur isolation et leur purification à partir de sang maternel ou d’extrait
placentaire ont été réalisées et elles sont partiellement caractérisées ;
– elles ne sont pas présentes dans d’autres tissus normaux, placenta mis à
part.
Leur spécificité placentaire est néanmoins relative puisqu’elles sont présentes
dans certaines tumeurs malignes, entre autres celles du sein, de l’intestin, du
testicule, de l’ovaire et de l’endomètre.
La SP1, la PAPP-A et la PAPP-B sont des protéines de la grossesse car elles
circulent en quantité élevée dans le sang de la mère, tandis que les PP5, PP10
et PP12 restent localisées dans le placenta et le liquide amniotique, et ne sont
pas significativement sécrétées chez la mère.
La composition en acides aminés et hydrates de carbone est actuellement bien
déterminée pour SP1, PAPP-A, PP5, PP10, PP11 et PP12.
2- Rôles biologiques :
La SP1 pourrait jouer un rôle immunosuppresseur, elle interviendrait comme
protéine de transport des stéroïdes ; elle aurait un rôle métabolique.
La PAPP-A inhibe l’activité caséinolytique de la plasmine et pourrait agir en
diminuant l’activité fibrinolytique du sang ; elle aurait aussi une action
d’immunosuppression.
La PP5 inhibe l’activité de la plasmine et de la trypsine ; elle interviendrait
dans la coagulation sanguine, en particulier dans la chambre intervilleuse.
On ne connaît pas de rôle biologique, jusqu’à présent, pour la PAPP-A, la
PP10, la PP11 et la PP12.
3- Taux sanguins et amniotiques : applications cliniques
* SP1 :
Les taux de SP varient en fonction de la méthode de dosage utilisée.
La
technique Elisa donne les meilleurs résultats.
La SP est quasi indosable en
dehors de la grossesse.
Elle est détectable dans le sérum, 7 jours après la
conception.
Grudzinskas et al et Seppala et al considèrent le dosage de
la SP1 comme le meilleur et le plus précoce test de grossesse.
Les taux
augmentent rapidement jusqu’à 38 semaines de grossesse où ils atteignent
180 mg/L.
La demi-vie est de 30 heures.
La variation d’un jour à l’autre est de
2 à 11 % selon les auteurs.
Dans le liquide amniotique, les taux passent de
0,2 mg/L à 13 semaines à 3 mg/L à terme.
Dans le cordon, la concentration va
de 0,2 à 5 mg/L.
Cela montre que la SP1 est essentiellement sécrétée vers le
compartiment maternel.
Dans le premier trimestre de la grossesse, les taux
bas de SP1 prédisent un avortement dans 75 % des cas.
Jouppila et al
rapportent une sensibilité de 65 % et une spécificité de 98 %.
Dans la deuxième moitié de la grossesse, la SP1 est un marqueur de souffrance
foetale ou foetoplacentaire aussi fiable que l’hormone placentaire lactogène
humaine (hPL [human placental lactogen]).
* PAPP-A :
Les taux de PAPP-A montent progressivement jusqu’à 160 mg/L à terme.
La demi-vie est de 51 heures.
La variation d’un jour à l’autre est estimée à
5 %.
Les variations de taux de PAPP-Arefléteraient des épisodes emboliques
dans le placenta et seraient le témoin de l’intégrité placentaire.
Hughes et
al ont observé une ascension des taux maternels de PAPP-A dans
l’accouchement prématuré, les hémorragies ante partum et surtout la toxémie,
et ce avant l’apparition de signes cliniques.
* PAPP-B :
Lin et al observent une ascension lente des taux sériques jusqu’à
30 semaines, puis rapide jusqu’à 37 semaines, puis une stabilisation autour
de 100 U/mL, valeur de référence.
La demi-vie est inférieure à 24 heures.
Les
taux de PAPP-B seraient abaissés dans le diabète ou la toxémie sévère et
accrus dans la grossesse gémellaire.
* PP6 :
Elle est détectable dans le sérum à partir de 8 semaines de gestation.
À
13 semaines, les taux sont de 4 à 28 mg/L, 23 mg/L à 28 semaines et 32 mg/L
à 36 semaines.
La demi-vie est courte : 15-30 minutes.
La variation d’un jour
à l’autre est de 5 à 15%.
Les concentrations foetales et amniotiques sont
faibles.
La PP6 pourrait refléter des anomalies de coagulation dans la chambre intervilleuse ; lors d’avortements provoqués par prostaglandines, les taux
augmentent dès les premiers signes cliniques.
Un taux élevé de PP6 à
16 semaines serait prédictif d’un accouchement prématuré.
* PP10 et PP12 :
Les taux de PP10 s’expriment en U/L correspondant à environ 1 g/L.
La PP10
est significativement présente à 10 semaines et augmente jusqu’à 10 mU/L à
terme).
Dans le liquide amniotique, le taux maximal est de 2 mU/L.
La
demi-vie serait longue, de 2 à 4 jours.
Des taux bas de PP10 seraient associés
de manière significative à une hypotrophie foetale.
La PP12 est significativement accrue dès 5 semaines de grossesse puis le taux
est stable, 100 à 350 mg/L entre 20 et 40 semaines. Les taux sont plus
élevés dans le liquide amniotique.
Dans les urines, les concentrations sont de
8 mg/L.
La très grande dispersion des valeurs sériques normales de grossesse
rend la PP12 inapte aux applications cliniques.
B - Hormones
:
1- Hormones protéiques :
Depuis le début du siècle, on reconnaît au placenta la capacité de produire des
protéines spécifiques.
Parmi celles-ci, on a identifié, au fil du temps, une série
de polypeptides, très voisins des hormones hypophysaires ou
hypothalamiques.
* Human chorionic gonadotropin (hCG)
:
+ Structure :
La gonadostimuline présente un squelette protéique avec des chaînes latérales
hydrocarbonées contenant sur base pondérale 12 %d’acide sialique alors que,
par comparaison, l’hormone folliculostimulante (FSH [follicle stimulating
hormone]) en contient 5 %, l’hormone thyréotrope (TSH [thyroid stimulating
hormone]) et l’hormone lutéinisante (LH) : 1 %.
La hCG-alpha est constituée
par une chaîne polypeptidique de 92 acides aminés sur laquelle sont branchées
deux chaînes latérales oligosaccharidiques.
La hCG-bêta contient 145 acides
aminés alors que la hLH-bêta n’en compte que 115 ; 80 % de ces acides
aminés sont identiques lorsque ces deux structures sont alignées à partir de
leur fonction NH2 terminale.
La hCG-bêta possède donc 30 aminoacides
supplémentaires à son extrémité carboxyle. Le poids moléculaire est
respectivement de 14 930 pour la sous-unité alpha et de 23 470 pour la sousunité
bêta, soit un poids moléculaire total de 38 400 pour la hCG non
dissociée.
+ Propriétés biologiques :
Comme beaucoup d’autres hormones protéiques, la hCG agit en tant
qu’activateur enzymatique.
La hCG se combine en effet, avec grande affinité
au niveau de la membrane plasmique, avec un récepteur spécifique ; ce
récepteur spécifique constitue la sous-unité fonctionnelle d’un complexe
enzymatique membranaire (l’adénylcyclase).
L’activation de ce complexe
aboutit à la génération d’adénosine 3’5’ monophosphate cyclique (AMPc) et
éventuellement d’autres nucléotides cycliques qui agissent par le biais de
l’activation de systèmes enzymatiques cellulaires ubiquitaires, les protéines
kinases, sur les activités métaboliques et synthétiques des cellules cibles.
L’effet biologique principal de la hCG, qui est sécrétée en grande abondance
au début de la gestation, est de maintenir le corps jaune et sa sécrétion
stéroïdienne au cours du premier trimestre jusqu’à ce que le placenta luimême
puisse assurer le relais en ce qui concerne la stéroïdosécrétion.
Cet effet lutéinisant est superposable à celui de laLHhypophysaire, à la différence près
que la hCG a une demi-vie six à huit fois plus longue dans le sang circulant.
+ Dosage et concentrations dans les milieux biologiques
:
Au cours des dernières années, l’attention s’est focalisée sur le
développement de techniques de plus en plus fines, permettant le dosage
spécifique sensible et précis de la hCG non dissociée dans le placenta et les
divers milieux biologiques, malgré la présence éventuelle de LH
hypophysaire dont la structure et le comportement immunologique sont très
voisins de ceux de la hCG et malgré la présence de sous-unités libres de la
hCG dans ces différents milieux.
Quelles que soient les méthodes utilisées,
les résultats obtenus montrent que l’évolution des concentrations de hCG
présente les mêmes variations dans le tissu placentaire, l’urine et le sérum
maternels ainsi que dans le liquide amniotique au cours de la progression de
la grossesse.
Des valeurs élevées passant par un pic vers 10 semaines de gestation sont tout
d’abord enregistrées, puis on observe, dès la 14e semaine, une chute des taux
de hCG qui atteignent alors un niveau bas et stable au cours des deux derniers
trimestres.
Alors que les concentrations de la hCG sérique et
urinaire sont de niveau comparable, les taux amniotiques sont, quant à eux,
10 à 40 fois inférieurs aux taux sanguins maternels et présentent des valeurs
intermédiaires vis-à-vis des concentrations sériques foetales.
Celles-ci sont, à
la naissance, 200 à 400 fois inférieures aux taux maternels circulants.
+ Production et métabolisme
:
Le taux de clairance métabolique (MCR : metabolic clearance rate) de hCG
est de 3,38 L/24 h chez l’homme et de 3,86 L/24 h chez la femme.
Ces valeurs
sont approximativement 12 à 15 fois plus faibles que celles décrites pour le MCR de la LH hypophysaire.
La demi-vie de la hCG présente des valeurs
variables selon les auteurs oscillant autour de 7 heures et 21 minutes.
Par
comparaison, la demi-vie assignée à la LH hypophysaire oscille entre 30 et
60 minutes.
La hCG apparaît dans les urines 2 à 3 jours après l’injection
intramusculaire et la quantité excrétée ne dépasse guère 5,4-7 % de la dose
totale injectée.
La clairance rénale de hCG est de 0,94 ± 0,27 mL/min en début
de gestation et 0,85 ± 0,10 en fin de celle-ci.
Enfin, la production quotidienne
de hCG, qui varie évidemment en fonction de l’âge gestationnel, est d’environ
503 000 UI/j au pic sécrétoire entre les 8e et 10e semaines de grossesse et
29 999 UI/j au troisième trimestre lorsque les taux de hCG sont les plus bas.
Il s’agit ici d’unités internationales correspondant au second standard
international de hCG.
Ceci correspond, selon les calculs de Saxena à
respectivement 26 mg et 1,5 mg/j aux premier et troisième trimestres de la
gestation.
+ Mécanisme de contrôle de la sécrétion :
On n’a pu, jusqu’à présent, définir de mécanisme distinct qui puisse expliquer
la régulation de la production et de la sécrétion de hCG par le tissu placentaire.
Contrairement à la sécrétion de l’hPL qui augmente de manière relativement
parallèle à l’augmentation du poids placentaire jusqu’au 8e mois de gestation,
la sécrétion de hCG passe par un maximum à la fin du premier trimestre alors
que le poids placentaire moyen, à ce moment, ne dépasse guère 50 g ; cette
sécrétion est réduite de trois à dix fois en fin de gestation alors que le poids
placentaire a crû de 10 à 12 fois.
L’extraction des ARNm codant pour la hCG-alpha, la hCG-bêta et leur
translation in vitro dans un système non cellulaire hétérologue, permet
d’entraîner la synthèse distincte de hCG-alpha et de hCG-bêta.
L’ARNm isolé du placenta de premier trimestre permet de synthétiser huit fois plus de
protéines alpha qu’en cas de placenta de terme, tandis que la synthèse de
protéines bêta, élevée au premier trimestre, devient presque indétectable à
terme.
Ces résultats indiquent que la synthèse des sous-unités fait suite à la
translation d’ARNm séparés, que les taux deARNm subunitaires disponibles
pour la translation sont parallèles aux taux sanguins de l’hormone native et
que la synthèse de la sous-unité bêta pourrait être un facteur limitant dans le
processus sécrétoire de la hCG in vitro.
+ Applications cliniques
:
Dans les grossesses unifoetales normales, les taux de la hCG-bêta libre dans le
sérum maternel présentent un décours semblable à celui de la hCG non
dissociée, c’est-à-dire un pic en fin de premier trimestre suivi d’une
décroissance par la suite ; les taux de la hCG-bêta sont cependant bas dans les
conditions normales et ne représentent jamais plus de 0,7 à 3,5 %, des taux de
la hCG native.
Le décours gestationnel des concentrations sériques de la hCGalpha
est totalement différent puisque cette glycoprotéine croît
progressivement et atteint, au troisième trimestre, 10 à 30 % des taux de la
hCG native.
+ Grossesses gémellaires :
Elles présentent des taux circulants accrus de ces trois substances.
Dans les môles hydatiformes, les taux sériques de la hCG native et de sa sousunité
bêta présentent un accroissement important, respectivement de sept à
13 fois, par rapport à notre série de grossesses témoins d’âge comparable.
En
revanche, les taux de hCG-alpha sont normaux ou à peine accrus, avec pour
conséquence que les rapports alpha/hCG et alpha/bêta sont
pathognomoniquement effondrés.
En l’absence de récidive, les taux de la hCG et de ses sous-unités deviennent indétectables pendant les 90 jours qui
suivent l’évacuation du processus môlaire.
En revanche, la persistance de
tissu normal actif se traduit par un réaccroissement des taux de la hCG native
et de la HCG-bêta libre qui constituent un témoin indubitable d’évolutivité,
même si ces taux sont très bas ; la détection de la sous-unité alpha est parfois
moins précoce en cas de récidive tumorale.
Dans les menaces d’avortement spontané, la détermination des taux de la hCG
native est en excellente corrélation avec l’évolution clinique : les taux sont
normaux en cas de menace avec récupération subséquente, et effondrés si la
menace clinique évolue vers l’avortement.
La valeur prédictive positive des
taux de la hCG est de 91 % ; la cause d’erreur essentielle consiste dans
l’observation des taux de hCG normaux en cas d’avortement par insuffisance
cervico-isthmique, situation clinique dont la cause est mécanique et ne
dépend pas de la qualité ovulaire.
Dans les grossesses ectopiques, les taux de la hCG native et de hCG-bêta sont
effondrés si la survie du trophoblaste ectopique est totalement compromise.
Enfin, la hCG peut être sécrétée en dehors de la grossesse par certains
processus tumoraux non trophoblastiques (poumon, estomac, foie, rein, sein,
pancréas, ovaire, testicule).
Elle constitue donc un marqueur tumoral
intéressant.
* Human placental lactogen :
+ Structure :
Il s’agit d’une holoprotéine qui contient 191 acides aminés avec deux ponts disulfures.
Le poids moléculaire est évalué à 21 600.
Il existe des formes
polymères à poids moléculaire plus élevé (45 000, big hPL),
physiologiquement sécrétées par le placenta, représentant 3 % du total.
Le hPL présente des analogies de structure avec l’hormone de croissance et la
prolactine.
L’homologie de hPL et de l’hormone de croissance (STH
[somatotrophine hypophysaire]) est de 96 %.
L’identité de séquence avec
l’hormone galactogène (hPRL) est de 13 %.
Ces trois hormones (hPL, STH
et hPRL) ont certaines propriétés biologiques et immunologiques communes.
+ Propriétés biologiques
:
Le hPL possède une activité somatotrope, de croissance.
Injecté à des sujets
non gravides, il induit des modifications métaboliques semblables à celles de
la grossesse : augmentation des acides gras libres, diminution de la sensibilité
à l’insuline et réponse insulinique accrue à la surcharge en glucose.
Il a donc
un effet insulinogénique et diabétogène ainsi qu’une action lipolytique.
Il
aurait un effet protéoanabolisant.
L’activité lactogénique et mammotrope du
hPL est bien connue tant chez l’humain que chez l’animal.
Le hPL agit seul
ou en synergie avec hPRL mais son action mammaire doit avoir été préparée
par l’action des stéroïdes.
Quant aux activités lutéotrophiques et
érythropoïétiques, elles n’ont été démontrées que chez l’animal.
+ Dosage et concentrations dans les milieux biologiques
:
Les taux sériques maternels de hPL augmentent au cours de la grossesse, de 5
jusqu’à 36 semaines où ils culminent à 7-8 íg/mL.
Cette augmentation est
proportionnelle au poids du placenta.
Il existe une bonne corrélation entre les
taux maternels et amniotiques.
En revanche, les taux circulants foetaux,
comme pour la hCG, sont cent fois moins élevés.
Il n’y a donc pas de sécrétion
de hPL chez le foetus alors qu’une diffusion simple existe entre la mère et le
liquide amniotique.
Dans l’urine, les concentrations sont faibles en raison
d’une dégradation par les tubules rénaux.
+ Production et métabolisme
:
Le hPL est présent dans le syncytiotrophoblaste 12 à 18 jours après la
fertilisation d’ovocytes et 5 à 10 jours après l’implantation.
Les
concentrations tissulaires du hPL restent constantes pendant toute la
gestation : de 100 à 700 íg/g de placenta.
La production du placenta passe de
0,4 à 3 g/24 h.
La demi-vie du hPL a deux composantes : rapide, de 10 à
15 minutes, et lente, de 30 à 60 minutes.
La clairance métabolique est de
173 L/24 h.
+ Mécanisme de contrôle de la sécrétion
:
On connaît mal les facteurs qui règlent la production dans le trophoblaste et
on suppose que la sécrétion est semi-autonome.
Néanmoins, Gaspard a pu
montrer que les taux circulants de hPL sont essentiellement sensibles aux
variations glycémiques, la disette en glucose étant le facteur le plus efficace
pour stimuler la sécrétion de hPL.
+ Applications cliniques :
En raison des concentrations sanguines maternelles élevées, de la demi-vie
courte et de la corrélation entre les taux circulants et le poids placentaire, le hPL est considéré comme un des meilleurs marqueurs de la fonction
placentaire et donc, indirectement, du bien-être foetal.
Les études prospectives
de Spellacy ont bien montré l’incidence de ce paramètre sur une réduction de
la mortalité périnatale.
Gaspard a montré que, dans la toxémie gravidique,
les taux étaient généralement abaissés et que des valeurs inférieures au
percentile 5 indiquaient un risque de perte foetale de 25 %.
Dans le diabète,
les taux sont en moyenne plus élevés sauf si la grossesse se complique
d’hypertension.
Dans l’hypotrophie foetale, la fiabilité d’un seul dosage de hPL est faible
puisque la spécificité est de 90 %, mais la sensibilité de 40 % seulement,
d’où l’intérêt de suivre plutôt une courbe d’évolution comprenant au moins
trois dosages.
* hCC :
La présence de la corticotrophine chorionique humaine dans le placenta a été
décrite par Genazzani et al, Osathanonoh et al et Rees et al.
Cette
substance a des propriétés immunologiques communes au syndrome
d’insensibilité congénitale à l’hormone adrénocorticotrope (ACTH
[adrenocorticotropic hormone]).
Sa structure n’est pas encore bien connue.
Les taux sanguins maternels augmentent pendant la grossesse.
* hCT :
L’existence de la thyrotrophine chorionique humaine a été démontrée par
Akasu et al puis Hennen.
C’est une glycoprotéine d’un poids
moléculaire de 28 000. Les taux sanguins maternels passent de 7 mg/mL à
30 mg/mL à terme.
L’hormone thyréotrope placentaire (hCT) ne répond pas
à l’injection de facteur déclenchant la sécrétion de thyréostimuline (TRH
[thyrotropin releasing hormone]).
Le rôle de hCT durant la grossesse n’est
pas encore clair.
* hCFSH :
Les explants de placenta du premier trimestre de la gestation produisent de la
folliculostimuline différente de la hCG par sa composition en acides
aminés.
Cette activité hCFSH n’est pas retrouvée dans le sérum de femmes
enceintes.
* GH placentaire
:
L’hormone de croissance placentaire (GH [growth hormone]) a pu être mise
en évidence par la technique des anticorps monoclonaux.
Il s’agit d’un
variant de l’hormone de croissance hypophysaire, agoniste puissant de celleci.
Le taux circulant augmente à partir de 20 semaines jusqu’au terme de la
grossesse.
Elle possède des propriétés biologiques qui l’apparentent à la fois à l’hormone de croissance et à la prolactine.
Certaines données suggèrent
qu’elle contrôlerait la production du facteur de croissance analogue à
l’insuline I (IFH-I) pendant la seconde moitié de la grossesse, et qu’elle
jouerait un rôle important dans la préparation des seins à la lactation.
La
liaison spécifique de hGH aux membranes placentaires humaines et la
réactivité immunitaire au sein du placenta évoquent la possibilité qu’elle
possède une fonction autocrine dans le placenta.
* hCLRH et hCTRH :
Gibbons et al ont mis en évidence, dans des extraits de placenta à terme,
une LH active stimulante et TSH stimulante.
L’activité LRH est retrouvée dans le sérum maternel foetal et le liquide
amnotique.
2- Hormones stéroïdes :
Pendant la grossesse, le placenta synthétise de très grandes quantités de
progestérone, d’oestradiol, d’oestrone et d’oestriol.
Ces stéroïdes sont sécrétés
dans le compartiment sanguin aussi bien maternel que foetal.
L’évolution
normale de la grossesse dépend, sans nul doute, de la production de ces
hormones placentaires qui agissent sur le tractus génital de la mère et sur les
systèmes métaboliques.
Les stéroïdes placentaires qui passent chez le foetus
sont entièrement métabolisés et conjugués, et le rôle qu’ils jouent dans le
développement et le métabolisme du foetus n’est pas encore bien connu, à
l’heure actuelle. Bien que le placenta soit une glande endocrine, au sens
propre du terme, son fonctionnement n’est pas du tout autonome.
Les
stéroïdes qu’il produit sont dérivés de précurseurs qui lui sont fournis par la
mère ou par le foetus : la progestérone à partir de cholestérol maternel,
l’oestradiol et l’oestrone à partir de déhydroépiandrostérone maternelle et
foetale et enfin l’oestriol à partir de la 16-alpha-hydroxydéhydroépiandrostérone.
Ces modalités particulières de biosynthèse des stéroïdes par
le placenta expliquent l’utilisation de la terminologie d’« unité foetoplacentaire » ou encore d’« unité maternofoetoplacentaire ».
* Progestérone :
+ Biosynthèse :
Le placenta ne dispose pas des capacités enzymatiques nécessaires à la
synthèse du cholestérol à partir de la petite molécule d’acétate.
Elle implique l’intervention d’un système
d’oxydation comportant le cytochrome P450, l’oxygène et le NADPH.
Le
foetus n’intervient pas dans la régulation des taux sériques maternels de
progestérone, aucun précurseur d’origine foetale n’étant nécessaire à la
biosynthèse placentaire de la progestérone.
La progestérone peut être
synthétisée en l’absence d’hypophyse et de surrénales maternelles, excluant
tout rôle régulateur de ces glandes endocrines.
Le cholestérol apparaît donc
comme le précurseur exclusif de la biosynthèse placentaire de progestérone.
Au terme de la grossesse, le placenta produit environ 250 à 350 mg/j de
progestérone, dont 90 % sont sécrétés dans la circulation maternelle et 10 %
chez le foetus.
Malgré cela, les taux circulants foetaux sont sept fois plus élevés
que les taux maternels.
Pendant la grossesse, le taux plasmatique de
progestérone évolue de 25 à 175 ng/mL en fin de grossesse.
Il ne
semble pas y avoir de variation circadienne des taux de progestérone.
+ Applications cliniques
:
Le dosage du métabolite urinaire de la progestérone, le prégnandiol et la
progestérone maternelle n’est plus guère utilisé.
Néanmoins, on sait que le
taux de progestérone diminue lors d’une menace d’avortement.
En fin de
grossesse, la mesure de la progestérone circulante maternelle n’est pas d’un
grand secours pour prévoir l’évolution foetale.
En effet, des souffrances
foetales chroniques importantes et même des décès in utero ont été décrits sans
modification des taux de progestérone.
* OEstrogènes :
La diversité des hormones sécrétées, la spécificité de nombre d’entre elles et
les taux de production souvent élevés font de l’état gravidique un phénomène
endocrinien exceptionnel.
C’est en 1929 seulement que l’oestrone E1,
première hormone oestrogénique de la grossesse, a été isolée des urines de
femmes enceintes.
Peu après, l’oestriol E3 a été identifié comme second
oestrogène gravidique tandis que le 17-bêta-oestradiol E2 est isolé des tissus
placentaires et des urines de femmes enceintes en 1940.
+ Métabolisme des oestrogènes - Concept d’unité foetoplacentaire
:
La formation des oestrogènes au niveau placentaire a particulièrement été
étudiée par l’école de Diczfalusy.
La synthèse a lieu dans les
mitochondries du syncytiotrophoblaste où les oestrogènes existent,
essentiellement sous forme libre.
Le placenta est incapable de synthétiser des oestrogènes « de novo » à partir
de petites molécules d’acétate.
Son potentiel enzymatique ne lui permet
d’accomplir que les dernières étapes de la biosynthèse et se limite à la
transformation des précurseurs stéroïdiens fournis par la mère et le foetus.
Ainsi, l’association mère-foetus-placenta constitue une unité fonctionnelle
capable de produire d’énormes quantités d’oestrogènes.
Les productions
placentaires en fin de gestation sont de l’ordre de 100 à 1 000 fois plus
importantes que celles des ovaires au cours du cycle menstruel.
Le précurseur majeur des oestrogènes, pendant la grossesse, est la déhydroépiandrostérone (DHEA) et son sulfate (DHEA-S), stéroïdes
androgéniques à 19 atomes de carbone.
La biosynthèse à partir d’autres
stéroïdes comme le cholestérol ou la progestérone est quantitativement très
faible.
Le DHEA-S est sécrété par les surrénales maternelles et foetales, la part
prise par les dernières s’intensifiant au fil de la grossesse.
En fin de gestation,
la surrénale du foetus assure 40 % de la production de E1 et E2 et 90 %de celle
de E3.
Elle sécrète alors environ 75 mg/j de DHEA-S.
Pourtant, les taux
plasmatiques maternels de DHEA-S qui sont de ± 750 ng/mL chez la femme
non gravide ne se situent qu’à ± 400 ng/mL au terme de la gestation.
La
clairance métabolique du DHEA-S est, en effet, multipliée par dix en fin de
grossesse (100 L/24 h), preuve d’une intense utilisation placentaire.
La formation des oestrogènes à partir des précurseurs en C-19 a été établie par
des incubations in vitro des perfusions de placenta, ainsi que des injections
d’hormones marquées chez la femme enceinte.
Le DHEA-S qui circule en très
grande concentration dans l’artère funiculaire va subir une série de
transformations dans le placenta.
Il est, en premier lieu, hydrolysé en DHEA par la sulfatase placentaire.
La DHEA est ensuite transformée en delta4-androstènedione (A) par
l’intervention de l’enzyme 3-bêta-hydroxydéshydrogénase.
Enfin, dans la
troisième étape, un système enzymatique complexe, repris sous le vocable
d’aromatase, va transformer l’androstènedione en oestrone, molécule
phénolique à 18 atomes de carbone, étape ultime du métabolisme.
Le passage
d’A en E1 implique toute une série de transformations biochimiques
nécessitant également la présence du système NADH-NAD et de l’oxygène.
L’oestrone est ensuite transformée en E2 par la 17-bêta-déshydrogénase.
La
conversion de A en testostérone (T) par la même enzyme est faible dans le
placenta.
La majeure partie des oestrogènes synthétisés passe dans la
circulation maternelle pour y être métabolisée dans le cycle entérohépatique
et ensuite excrétée dans les urines.
La biosynthèse de E3 s’effectue quasi essentiellement par trois voies.
La plus
importante est la « voie neutre » où le DHEA-S est 16-alpha-hydroxylé en
16-alpha-OH-DHEA-S et aromatisé en oestriol par le placenta, via le 16-
alpha-OH-A.
Le 16-alpha-OH-DHEA-S est surtout d’origine foetale,
l’intervention du compartiment maternel étant très faible.
Le point essentiel
de cette voie métabolique réside dans le fait que le placenta est totalement
dépourvu de la 16-alpha-hydroxylase nécessaire à la formation de E3.
C’est
le foetus qui réalise cette 16-alpha-hydroxylation, en majeure partie, dans son
parenchyme hépatique.
La seconde voie de synthèse de E3 appelée « voie
phénolique », semble quantitativement moins importante.
L’oestrone produite
dans le placenta est sécrétée en majeure partie dans le compartiment maternel
et en partie moindre chez le foetus.Au niveau du foie maternel et foetal, E1 est
16-alpha-hydroxylée en E3.
Une dernière voie de synthèse de E3 appelée
« voie placentaire », dont l’importance physiologique est mal connue, réside
dans la production par le placenta, à partir de cholestérol, de E2 métabolisé
ensuite en E3 chez la mère, sans aucune intervention foetale.
Enfin, de
l’oestétrol (E4) a été isolé des urines de femmes gravides et de nouveau-nés.
Ce dernier oestrogène semble représenter une production oestrogénique
caractéristique du foetus.
En effet, sa molécule porte un radical hydroxyle en
position 15 (15-alpha-OH-E3).
Or jusqu’à présent, la 15-alpha-hydroxylation
n’a été démontrée que dans le parenchyme hépatique foetal. Les études in vivo
et in vitro ont établi que les oestrogènes principalement E2 et les stéroïdes
en C-19 d’origine surrénalienne foetale servent à la synthèse de E4.
Ce dernier,
ainsi formé dans le foie foetal, passe dans la circulation maternelle et est
excrété dans les urines sous forme glycuronoconjuguée.
Les précurseurs d’oestrogènes les plus importants élaborés dans l’unité foetoplacentaire sont donc la DHEA, le DHEA-S, la 16-alpha-OH-DHA et le
16-alpha-OH-DHEA-S.
Ces précurseurs sont « aromatisés » au sens large du
terme, c’est-à-dire hydrolysés par le sulfatage, oxydés en position 3 par la
3-bêta-1-déshydrogénase puis finalement aromatisés au sens métabolique du
terme.
Dans le placenta, les oestrogènes existent essentiellement sous forme
libre, contrairement au compartiment foetal où ils sont à peu près totalement
conjugués, notamment sous la forme de sulfates.
Les oestrogènes produits par l’unité foetoplacentaire sont déversés en grande
partie chez la mère.
Ils sont aussi partiellement excrétés par le foetus dans le
liquide amniotique et rejoignent le compartiment maternel, via les
membranes chorioamniotiques.
La sécrétion dans le sang maternel atteint 10 à 25 mg/j pour E2 et 40 à 50 mg/j
pour E3. E1 circule à 80-90 % sous forme de sulfate.
E2 circule à 75 % sous
forme non conjuguée tandis que 90 à 95 % de E3 sont glycurono- ou
sulfoglycuronoconjugués.
La durée de la demi-vie de E2 et E3 non conjugués
est d’environ 20 minutes.
Les taux circulants d’oestrogènes non conjugués, en fin de grossesse,
atteignent les valeurs suivantes : 7 à 10 ng/mLpour E1, 12 à 18 ng/mL
pour E2 et 7 à 15 ng/mL pour E3.
La grande majorité des oestrogènes produits par l’unité foetoplacentaire est
excrétée principalement par le rein maternel.
Cette voie d’élimination
implique la transformation des oestrogènes, stéroïdes phénoliques
essentiellement peu solubles en métabolites glycurono-, sulfo- ou
sulfoglycuronoconjugués.
La conjugaison se réalise surtout au niveau
hépatique mais est également possible dans l’intestin grêle et dans le rein.
L’élimination rénale se fait à des degrés variables pour les différents
oestrogènes.
En effet, la clairance rénale de E3 est environ 20 fois plus élevée
que celle de E1 et E2 avec une moyenne de 77 à 205 mL/min.
Cela explique
que 90 à 95 % des oestrogènes excrétés le sont sous forme de E3, et plus
spécifiquement sous forme glycuronoconjuguée, car les sulfates et les
oestrogènes libres sont réabsorbés par le tubule rénal.
En fin de gestation, les
taux urinaires d’oestrogènes s’établissent autour de 1 à 2 mg/24 h pour E1 ; de
0,5 mg/24 h pour E2 ; de 10 à 30 mg/24 h pour E3 ; de 0,2 mg/24 h pour E4.
+ Applications cliniques
:
Jusqu’aux années 1980, la mesure des paramètres hormonaux a été très
largement utilisée pour apprécier l’état fonctionnel du placenta et du foetus.
La détermination de l’oestriol dans les urines des 24 heures de la femme
enceinte a constitué, pendant longtemps, le paramètre essentiel du
fonctionnement de l’unité foetoplacentaire.
On lui préfère, à l’heure actuelle,
le dosage par radio-immunologie des oestrogènes du compartiment sanguin
maternel.
Le dosage de l’E2 sérique n’a pas fait les preuves de son intérêt
clinique.
En revanche, l’E3 sérique a été couramment utilisé pour évaluer la
vitalité foetoplacentaire.
Il est bien prouvé que des valeurs basses sont
associées à la toxémie gravidique, au RCIU et à un risque accru de mort
foetale.
La spécificité est d’environ 80 %mais la sensibilité n’est que de 40 %.
La portée pratique de ces dosages à l’échelon individuel est moins évidente
qu’on ne le crut initialement.
Les fluctuations quotidiennes sont de l’ordre de 15 % pour E3 non conjugué
et de 14 à 21 % pour E1 et E2 non conjugués.
Il en résulte qu’une chute des
valeurs en oestrogènes, d’un jour à l’autre, chez une patiente déterminée, peut
revêtir un caractère faussement alarmant.
À l’inverse, une hausse des
concentrations peut masquer l’amorce d’une insuffisance de production à
caractère pathologique.
Diverses circonstances physiologiques et pathologiques peuvent être à
l’origine d’une fausse interprétation des résultats.
Ces paramètres sont
progressivement tombés en désuétude.
* Contrôle de la sécrétion et rôle des stéroïdes
:
La synthèse des oestrogènes dans le placenta est contrôlée par les gonadotrophines
via l’adénosine monophosphorique (AMPc).
La LH et la hCG augmentent
l’activité aromatase du placenta, la mobilisation du glycogène et la formation de
NADPH.
La prolactine aurait un rôle inhibiteur sur la synthèse des oestrogènes.
Les gestantes prenant de la bromocriptine ont des taux accrus d’oestrogènes
circulants.
Le rôle physiologique de cette énorme synthèse de stéroïdes au cours
de la gestation est mal connu ; certains faits sont cependant bien démontrés.
La
progestérone intervient dans la protection immunologique de la grossesse et dans
l’inhibition de la contraction du myomètre.
La progestérone et les oestrogènes
combinent leurs effets mammotrophiques et freinent la lactogenèse jusqu’à la
naissance.
L’E2 augmente la sécrétion hépatique des protéines de transport, ce qui
modifie le rôle et la demi-vie de l’hormone.
L’E3 accroît le débit sanguin utéroplacentaire, action médiée par la prostaglandine.
Les résultats d’études
récentes ajoutent à la notion classique de la production endocrine avec sécrétion hormonale dans la circulation foetale ou maternelle celle d’une régulation paracrine/autocrine intraplacentaire hautement autonome, variable selon les
différents stades de la grossesse et en fonction de situations pathologiques
diverses.
C - Enzymes spécifiques
:
La description des activités enzymatiques et du métabolisme placentaire
nécessiterait un chapitre extensif qui serait, en fait, la répétition de la plupart
des processus biochimiques décrits au niveau d’autres tissus de mammifères.
Le placenta comprend, en effet, de nombreuses enzymes impliquées dans le
métabolisme des glucides, des acides nucléiques, des protéines, des acides
gras et de lipides, des prostaglandines, du système cholinergique, des
lysosomes....
La plupart des enzymes placentaires existent sous la forme
de deux ou plusieurs isoenzymes.
Certaines de celles-ci ont des propriétés
catalytiques et biochimiques identiques aux isoenzymes isolées d’autres
sources tissulaires.
Toutefois, certaines isoenzymes placentaires sont
spécifiques de cet organe ou présentent des similitudes avec des isoenzymes
extraites de tumeurs humaines.
L’origine cellulaire de ces enzymes est complexe et parfois controversée.
Le
trophoblaste, qui représente 13 % de la masse placentaire à terme, est
probablement le composant cellulaire doté du plus riche bagage enzymatique.
Deux tiers de la masse placentaire sont toutefois composés de tissu conjonctif, de septa fibreux et de sang dans les espaces intervilleux.
Finalement, les 20 % de la
masse placentaire restante contiennent d’autres structures tissulaires et cellulaires
qui contribuent également à la production d’enzymes placentaires.
Celles-ci
participent au métabolisme complexe du placenta, véritable usine produisant,
contrôlant et modifiant de nombreux composés chimiques simples ou des
protéines sophistiquées, pour ses propres besoins et ceux du foetus.
De plus, le
placenta élimine des déchets toxiques foetaux et les résidus du métabolisme foetal
vers la mère.
Ces importantes activités métaboliques placentaires sont le résultat
d’un contrôle précis des multiples activités enzymatiques réglées au niveau des
divers compartiments cellulaires du placenta.