Paralysie faciale (Suite)
Cours de Médecine Dentaire
°
Transposition des masticateurs
:
Les muscles masticateurs, voisins immédiats, ont
été mis à contribution pour réanimer les sangles
faciales.
L’idée initiale était de neurotiser les
peauciers par transposition de languettes musculaires,
procédé phare de l’école allemande avec Erlacher,
Rosenthal et Lexer.
Ces convictions ne se
sont pas maintenues et les muscles sont actuellement
utilisés essentiellement comme vecteurs
d’animation, dans une direction donnée, d’un
groupe de muscles ou d’une sangle.
Il convient d’en
envisager les données anatomiques, les protocoles
de transposition et les compléments de rééducation,
aussi bien orthophoniques que kinésithérapiques.
Données anatomiques. En ce qui concerne
l’anatomie du sourire, alors que la sangle
palpébrale oscille dans un plan frontal curviligne
entre ouverture et fermeture de la fente, la sangle buccale est animée dans toutes les directions par
trois groupes de muscles ou rênes d’animation :
• le groupe releveur ou couronne des élévateurs
des anatomistes ;
• le groupe élongateur ou dilatateur, responsable
de l’excursion latérale par le buccinateur et le
risorius ;
• le groupe abaisseur composé du triangulaire des
lèvres et du carré du menton.
Rubin, en 1974, distingue trois types morphologiques
de sourire, en fonction de la disposition
des muscles et de leur insertion dermique, en particulier
de l’élévateur de la lèvre supérieure et des
particularités du soubassement osseux et occlusal :
• le sourire « Mona Lisa » (67 %) sous la dominante
du grand zygomatique à direction oblique, relevant
les commissures et découvrant légèrement
la denture ;
• le sourire « canin » (31 %) sous la prépondérance
des élévateurs de la lèvre supérieure à direction
verticale, exposant les canines ;
• le sourire « gingival » (2 %) caractérisé par
l’excès de hauteur de soubassement maxillodentaire,
découvrant l’arcade alvéolodentaire.
Cette analyse est capitale pour définir le mode
de fixation des transplants musculaires, arrimage à
double étage, musculaire profond au niveau du
sillon nasogénien, dermique superficiel au plus près
de la commissure et de la lèvre.
Cette pratique est indispensable pour éviter l’effilement
commissural et son antépulsion
lors de la contraction des transplants.
L’analyse du mouvement montre qu’il existe
trois modes de sourire :
• le sourire esquissé ou ébauché, par l’action du
risorius à excursion courte de la commissure ;
• le sourire appuyé à course longue de la commissure
sur un trajet de 1 à 2,5 cm, selon une
direction oblique à 30° à 80° sur l’horizontale
selon les types individuels, rieur à bouche généreuse
ou rébarbatif à bouche pincée ;
• l’éclat de rire, en « flash », lequel n’est possible
qu’à la faveur d’une transmission ultra-rapide
de l’influx.
Anatomie des transplants. Leur choix tient
compte d’un ensemble d’impératifs :
• de vitalité : la préservation de la vascularisation
est essentielle pour éviter la fibrose, qui réduirait
le muscle à l’état de languette fibreuse
inerte ;
• de contractilité : bien évidemment, l’innervation
doit être respectée, en fonction des données
anatomiques lors du prélèvement musculaire.
De plus, on doit s’assurer que le potentiel
contractile du transplant n’a pas été affecté par
l’étiologie de la paralysie faciale, (exemple
type : la poliomyélite) ;
• d’orientation : le muscle transplanté se situera
dans la direction d’action du groupe musculaire
à réanimer ;
• de rééducation : l’innervation de ces transplants
par un nerf dont le noyau moteur est
voisin de celui du VII, ce qui crée une condition
favorable au processus de rééducation et, par
ailleurs, la cinétique mandibulaire s’y adapte
aisément.
De ce fait, les muscles masticateurs
constituent les transplants les plus appropriés :
+ le temporal pour l’élévation ;
+ le masséter pour l’élongation ;
+ le digastrique pour l’abaissement.
Protocoles d’utilisation. Nous décrirons la
transposition du digastrique et du masséter, en insistant sur celle du temporal, qui est le pivot de
cette réanimation.
Digastrique. Le ventre antérieur,
innervé par le V, est utilisable pour le transfert
sur les abaisseurs.
Le corps musculaire court et
trapu doit être prolongé :
• soit par une bandelette tendineuse ou aponévrotique
;
• soit par son tendon intermédiaire, prélevé en
dehors jusqu’au sein du ventre postérieur.
Ce prolongement est arrimé en boucle sur le
triangulaire des lèvres et le carré du menton.
Deux
courtes incisions, l’une sous-mentale oblique et
l’autre dans le pli mentolabial, procurent un accès
adéquat.
Masséter. Le faisceau antérieur est isolé en arrière
de l’artère faciale par une incision verticale
oblique en avant dans un pli cutané.
Le hamac périosté est incisé sur la face postérieure du rebord
mandibulaire, le muscle est ruginé, puis discisé à la
spatule pour atteindre le pédicule.
L’hémimasséter
antérieur est volté vers le haut et vers l’avant dans
une tunnellisation pour gagner la région commissurale.
Le muscle temporal est le muscle essentiel de la
réanimation faciale, de par son emplacement, ainsi
que ses caractéristiques morphologiques et fonctionnelles.
L’ingéniosité chirurgicale s’est donné libre
cours dans les protocoles d’utilisation, mais nous
ne décrirons que les deux méthodes à retenir à ce
jour : l’utilisation globale, palpébrale et buccale
et le procédé de Labbé de transposition-glissement
:
• l’utilisation globale. Nombre d’auteurs s’en
sont fait les champions, prolongeant le muscle
par des bandelettes de son aponévrose :
+ le chef antérieur est transféré sur la sangle
palpébrale à travers une perforation de la
paroi orbitaire externe pour éviter la luxation
antérieure des paupières, les bandelettes aponévrotiques
gagnent par tunnellisation le canthus
interne et sont arrimées au ligament palpébral
interne (LPI) ;
+ les chefs moyen et postérieur sont transférés
sur la sangle buccale dans la coulisse temporale
de préférence, parfois par devant l’arcade zygomatomalaire dont la hauteur est réduite
par abrasion ;
+ la région temporale est deshabitée, déprimée
en un « creux » disgracieux, constrastant avec
la surépaisseur sous-jacente due au retournement
musculaire ;
• le protocole de Labbé.
Ce dernier a
initié une technique de transposition-glissement
du muscle sur son pédicule avec section du
tendon, qui est transféré sur la sangle buccale
dans la coulisse rétromalaire, à travers la sysarcose
manducatrice de la boule de Bichat.
La
technique très logique est de simplicité apparente,
mais de réalisation parfois délicate, les
points de détails sont d’importance :
+ le tendon temporal s’enroule très bas sur le coroné ; il doit être soigneusement ruginé en
spirale avant la section osseuse et ce geste
peut être mené de façon plus précise par une
courte incision endobuccale ;
+ la distance de transfert varie selon la morphologie
faciale et les faces courtes sont moins
favorables ;
+ la section osseuse de l’arcade doit être très
antérieure pour dégager largement la coulisse
;
+ les attaches musculaires, surtout préarticulaires
temporomandibulaires, doivent être levées
et parfois, le pédicule temporal profond
postérieur est à disséquer pour obtenir l’arc
de rotation souhaité.
La morbidité est réduite,
le galbe temporal est peu altéré, car le muscle
est resuturé à la portion aponévrotique antérieure
préservée.
L’hématome intramusculaire
est le risque majeur, l’hémostase est
rigoureuse et les manoeuvres musculaires peu
agressives.
Le muscle coulisse sur le coussinet
de glissement de la sysarcose.
La qualité de
récupération du mouvement labiocommissural
est tributaire de la fixation des transplants et
de la rééduction.
Fixation. Le mode de fixation est essentiel pour
l’équilibre et la symétrie du mouvement réhabilité
: l’accès à la sangle buccale se conçoit de trois
manières :
• accès latéral par la voie du lifting, préférentiel
pour Zuker ;
• accès nasogénien avec résection cutanée éventuelle
;
• accès endobuccal, préférable à nos yeux chez
les patients jeunes.
La voie muqueuse dessine
un U très évasé étendu d’une lèvre à l’autre en
s’éloignant de la commissure.
Le lambeau muqueux trapézoïdal est levé sur
une charnière commissurale.
La discision souscutanée
conduit sur les peauciers ou leurs reliquats.
La référence fournie par l’activité du côté
sain est en partie fallacieuse, en raison de l’hypertonie
habituelle, ce qui contraint à un facteur de
pondération.
Les manoeuvres peropératoires de
traction sur la sangle affinent les emplacements de
fixation.
L’arrimage du transplant est effectué, si possible,
de muscle à muscle, soit d’un seul tenant, soit
dissocié, par des languettes disposées en éventail
avec de notables différences selon les auteurs :
• certains arriment au niveau du sillon nasogénien
;
• d’autres (Rubin) prônent un ancrage dissocié
entre les peauciers et le derme ;
• d’autres, enfin, recommandent d’utiliser un relais
de contrôle vers le côté sain.
Dans le cas de transplant libre, l’arrimage proximal
se situe à l’arcade zygomatique.
Rééducation. Les protocoles de rééducation garantissent
l’entretien des peauciers, athlétisent les
transplants, procurent une aptitude indubitable à
une mimique intentionnelle, mais l’obtention du
palier émotionnel est sujette à caution.
La physiothérapie
de complément, autrefois fort utilisée, est
tombée en désuétude.
Le training neuromusculaire
se décompose en trois phases (Barat) :
• initiale passive ;
• secondaire d’aide active ;
• terminale active par les mécanismes de « biofeedback
».
La phase passive correspond à l’entretien des
muscles, la phase d’aide active à l’athlétisation des contingents musculaires, de réalisation difficile à la
face (les fibres de type 1 sont seules accessibles à
l’exercisation).
L’implication du patient est essentielle,
mais délicate, car il se trouve directement
confronté à son handicap par l’effet du miroir et
doit dépasser ses inhibitions.
La compréhension des
mécanismes de « biofeedback » à la face impose de
revenir sur la relation privilégiée entre le trijumeau
et le facial, déjà envisagée au chapitre des réinnervations
paradoxales.
La rééducation intervient donc à deux niveaux :
• locorégional, primaire, mécanique par exercisation
différentielle des peauciers devant le miroir
;
• neurocérébral, secondaire, d’intégration ou
d’engrammation du substitut musculaire ou
neuromusculaire.
Trois protocoles précis et argumentés ont été
décrits, l’un par l’école de Gottingen avec Stennert,
l’autre par l’école de Caen avec Lambert-Prou, le troisième par l’école d’Amsterdam avec Devries :
• le protocole de Gottingen fait appel à des techniques
de contrôle du corps, inspirées du yoga et
à des exercices de rééducation devant le miroir,
en présence du rééducateur avec contrôle du
côté sain ;
• le protocole de Caen repose sur le bilan préalable
des fonctions de la face et l’étude de l’excursion
commissurale du côté sain selon les principes
de Manktelow.
Le travail porte sur le
transplant, mais aussi sur les différents phonèmes
; phonèmes étirés par abduction, élévation
labiale (i, é, in), phonèmes bilabiaux en propulsion
(p, b, m) et phonèmes labiodentaires (f, v).
Selon l’auteur, la récupération du sourire se
déroule en trois stades :
+ le sourire mandibulaire, obtenu par la cinétique
de la mandibule ;
+ le sourire temporal volontaire, sous la seule
dépendance du transplant ;
+ le sourire temporal, qualifié de spontané,
mais dont la spontanéité est équivoque ;
• pour le protocole d’Amsterdam, la maîtrise de
la mimique est obtenue grâce au concours d’un
mime, les exercices respiratoires sont réalisés
pour atteindre la relaxation nécessaire ; le VII
étant considéré comme le nerf respiratoire de la
face (Bell 1821).
Soutien psychologique. « Il n’est pas d’exemple
qu’un homme atteint de paralysie faciale ait joué
un rôle de quelque importance dans la vie publique
» Hélène Janvier (1951).
La spécificité humaine du visage et sa fonction
sociale sont des évidences :
• mon visage me dit qui je suis et il dit aux autres
qui je suis :
+ dans l’identification/constitution du moi ;
+ dans la relation au monde de l’individu ;
+ en tant qu’être social tenu et porté par la
communication.
Le soutien du sujet fragile qu’est le paralysé
facial demande à être maintenu sur du long terme,
car l’intensité du retentissement peut être imprévisible
dans le vécu du patient.
Le transfert partiel de l’hémi-orbiculaire labial
sain sur le côté paralysé mérite d’être mentionné.
Il peut améliorer une paralysie modérée des abaisseurs
par un effet de sustentation et peut-être aussi
de neurotisation musculaire.
Chirurgie palliative par rééquilibration
des parties molles
Ultime recours des paralysies au long cours chez le
patient âgé, c’est une chirurgie de remise en tension
sur le côté paralysé avec une réduction tissulaire
obligatoire.
Elle est à visée morphologique
prédominante à la sangle buccale et à visée fonctionnelle
prédominante sur la sangle palpébrale.
Un complément d’action sur le côté sain s’avère
indispensable pour tendre à une symétrie
meilleure, surtout au repos.
° Étage buccal :
La distension des parties molles et leur allongement
sont majeurs au niveau buccal, la commissure est
abaissée, l’allongement des hémilèvres paralysées,
la déporte en dehors.
La réduction dimensionnelle
doit porter directement sur les lèvres et sur la
région naso-génio-labiale ; la remise en tension
latérale classique n’ayant qu’une résultante très
indirecte.
La réduction est totale en épaisseur, cutanéomusculaire,
mais le muscle orbiculaire labial de la
portion réséquée est conservé pour être tunnellisé
vers la commissure, puis arrimé à un transplant ou à
une suspension passive.
De même, le derme nasogénien
peut être conservé et taillé en pieuvre à
quatre tentacules (Guerrero Santos).
Lesdites
suspensions ne procurent que des satisfactions mitigées
:
• les bandelettes aponévrotiques se distendent ou
s’enraidissent ;
• les implants élastiques (PTFE) fragiles à l’infection
sont à éviter.
° Étage orbitopalpébral
:
La démarche chirurgicale, en matière de paralysie
palpébrale, obéit à quelques principes fondamentaux
:
• l’occlusion à tout prix est une démarche idéaliste,
liée à un activisme chirurgical répréhensible
;
• le rôle de la pesanteur est fondamental mais
contradictoire, bénéfique à la paupière supérieure,
nocif à la paupière inférieure ;
• la paupière inférieure est plus altérée que la
supérieure chez le patient âgé ;
• la sensibilité de la cornée et la mobilité du globe
oculaire vers le haut sont deux éléments essentiels.
Chez le patient jeune et lors des récupérations
spontanées, le préjudice palpébral est modeste et
ne requiert pas, le plus souvent, d’intervention.
Chez le patient âgé, la paupière inférieure ectropionée
occupe le devant de la scène.
Les objectifs thérapeutiques sont les suivants :
• symétriser la fente palpébrale qui est agrandie
dans sa dimension verticale, en raison du relâchement
palpébral inférieur et de la prédominance
du releveur ;
• corriger la ptôse du sourcil ;
• améliorer l’occlusion en s’opposant au releveur
;
• remettre en tension la paupière inférieure ;
• rétablir la dérivation des larmes vers la fosse
nasale.
Symétriser la fente palpébrale.
La canthorraphie
externe de Mac Laughlin adosse les quarts
externes avivés des tarses après avoir fixé la commissure
par une canthopexie, ainsi que le recommande
Tessier.
La canthoplastie est une canthopexie externe
d’Edgerton et Wolfort, modifiée par Montandon.
L’avivement des tarses est prolongé par la désépidermisation
d’un lambeau cutané triangulaire horizontal.
Ce lambeau dermique est arrimé à l’apophyse
montante du malaire à travers un orifice
osseux.
Corriger la ptôse du sourcil. La simple résection cutanéomusculaire suprasourcilière n’assure
qu’une correction provisoire.
Il convient d’y adjoindre
une suspension par bandelette aponévrotique
temporale en Y ou en boucle.
Améliorer l’occlusion. S’opposer au releveur se
conçoit de trois manières :
• par l’action directe d’allongement du tendon
par tenotomie ou par greffe aponévrotique ;
• par l’action indirecte d’antagonistes passifs ou
d’entrave au libre jeu du releveur :
+ l’alourdissement par inclusion prétarsale d’un
implant métallique en acier inoxydable a été décrit par Sheehan en 1927,
repris par Freeman, puis par Illig (1958) avec
un implant rectangulaire en or d’un poids de
0,8 g à 1,2 g selon le sexe.
En raison du
pourcentage élevé d’extrusions (30 %), la plaque
rectangulaire à deux trous a été modifiée,
devenant elliptique à trois trous, plus longue,
plus mince et plus galbée, pour accompagner
par son incurvation la courbure de la paupière.
De ce fait, le taux d’extrusion est tombé à 4 %.
Hormis les rares épisodes infectieux, les inconvénients
sont mineurs, par déplacement
de l’implant, déformant la paupière ou réduction
de la dimension de la fente palpébrale en
position verticale.
Il est d’usage de compléter
cet alourdissement palpébral supérieur par
une inclusion souple de cartilage à la paupière
inférieure ;
+ les aimants de Muhlbauer.
Le champ magnétique,
développé par les implants, supplée
l’action de l’orbiculaire déficient.
L’occlusion
obtenue est une occlusion « collée » dans sa
phase terminale et la majeure partie de leur
efficacité semble bien le fait de l’alourdissement.
Royer a proposé d’alléger les aimants ;
+ les entraves au releveur.
La greffe de conque
de 0,75 g par Greco perturbe le relief palpébral
et la greffe de peau totale de Tessier
donne un aspect cicatriciel peu engageant ;
• par l’action indirecte d’antagonistes « actifs » :
+ le cerclage dynamique d’Arion
consiste en l’inclusion d’un fil d’élastomère
de silicone de 8/10e de millimètre de diamètre
dont la courbe d’allongement correspond à
peu près à celle de l’orbiculaire.
Le fil est
passé dans les tunnellisations par une aiguille
mousse à courbure adaptée.
Il est placé en situation juxtamarginale pour éviter une éversion
des bords libres, surtout le bord inférieur.
Il est fixé au périoste en dehors, au ligament
palpébral interne en dedans, après passage
sous ledit LPI.
Le geste est mené sous anesthésie
locale pour bénéficier de la coopération du
patient dans le réglage de la tension.
La rupture
du cerclage est la complication à redouter
;
+ le ressort palpébral de Morel Fatio et Lalardrie, de conception ingénieuse, est
d’une indéniable efficacité dans des mains
entraînées.
La stabilisation de la boucle par
fixation osseuse transmalaire et l’engainement
de protection de la branche inférieure
ont considérablement réduit les risques d’extériorisation.
Cependant, toutes les conformations orbitopalpébrales ne se prêtent pas à
ce procédé et il est préférable de l’éviter dans
les cas de cornée insensible, le frottement de
la branche inférieure, même protégée pouvant
induire un ulcère de cornée.
Remettre en tension la paupière inférieure.
Cette remise en tension est difficile, car le bénéfice
vertical est rarement direct, le plus souvent
indirect, par la composante verticale de la tension
horizontale.
Les suspensions par bandelette tendue d’un canthus
à l’autre sont inefficaces :
• elles ne tiennent pas compte de la distension ;
• elles exercent leur tension sur la courbe du
globe et tendent à glisser vers le bas, comme la
ceinture serrée sur le ventre de l’obèse.
Pour l’armature palpébrale, les différents implants,
qu’il s’agisse de la conque ou de la prothèse
de Grignon, distordent la paupière et tendent à
faire issue à travers le tégument.
Le Kuhnt-Szymanowski-Pokhissof est
le procédé clé de la cure de l’ectropion, qu’il soit
sénile ou paralytique.
Il clive frontalement la paupière
en deux lames :
• interne tarsoconjonctivale attirée en dedans ;
• externe cutanéomusculaire liftée en dehors
avec résection triangulaire haut située au-delà
du canthus.
Dans les canthorraphies, l’adossement des tarses
avivés est un procédé d’exception dans sa conception
ancienne médiopalpébrale de protection cornéenne.
Elles ne sont légitimes que dans les angles.
La tarsorraphie interne prélacrymale de Terson procure une sustentation satisfaisante
de la paupière inférieure, tend à ramener le point
lacrymal au contact de la conjonctive bulbaire,
mais cette synéchie peut échouer ou se rompre et,
par ailleurs, elle empiète sur l’iris, lors de la rotation
nasale du globe.
Les différentes canthoplasties internes sont le
plus souvent décevantes à moyen terme.
Rétablir le drainage lacrymonasal.
Le déficit de
la pompe lacrymale désamorcée n’est pas toujours
invalidant, en raison du rôle de l’évaporation.
Si
handicap il y a, les dérivations sophistiquées par
greffe veineuse ou artérielle ne sont pas de mise.
Trois options s’offrent au chirurgien :
• la lacodacryostomie, par bascule du dôme du
sac dans le lac lacrymal ;
• la lacorhinostomie par mise en place d’un drain
de Lester-Jones.
L’inconvénient majeur résulte
du reflux conjonctival des sécrétions nasales
lors du mouchage ;
• la lacorhinostomie par mise en place d’un drain
de Talmant dans le canal lacrymonasal.
La collerette
supérieure est menacée d’obturation
par la prolifération conjonctivale.
Complément d’action sur le côté sain.
L’hypertonie
du côté sain participe à l’asymétrie et à
l’aspect grimaçant de la face ; il importe donc de
réduire son activité.
Pour ce faire, l’action peut
porter sur les muscles ou sur les nerfs par chirurgie
ou par utilisation d’une toxine :
• myectomie (Niklison 1965). La section ou
mieux, la résection partielle interruptrice des
peauciers hypertoniques, est pratiquée indifféremment
par voie cutanée ou endobuccale, en
fonction de la topographie.
L’étude préalable
de l’efficacité par un test à la botuline renseigne,
à la fois, le chirurgien et le patient ;
• neurectomie.
Elle se doit d’être sélective et
distale et de porter sur plusieurs rameaux.
Clodius (1976) thuriféraire du procédé l’utilise
:
+ pour symétriser le sillon nasogénien ;
+ pour traiter les parésies partielles, labiomentonnières
ou frontales.
Cependant, la réinnervation
est habituelle avec son risque syncinétique
;
• toxine botulique.
La dénervation chimique de la
plaque motrice par la toxine botulique A survient
par inhibition de la sécrétion présynaptique
d’acétylcholine.
L’efficacité en est temporaire et les nerfs sont exposés à une diffusion
locale du produit (Eleopra 1996).
§ Indications
:
Se soucier du nerf facial, c’est avant tout le préserver
lors des interventions sur l’étage latéral, c’est
aussi le réparer à tout prix, en tout lieu et à tout
âge, par suture ou par greffe.
En cas de paralysie invétérée, l’activisme chirurgical
sur les paupières est éminement critiquable,
l’occlusion à tout prix est une hérésie perfectionniste,
car le plus souvent, la cornée n’est pas en
danger et il faut préserver la morphologie de la
fente palpébrale.
Au niveau buccal, il faut toujours
proposer un protocole de réhabilitation permettant
d’accéder à une mimique intentionnelle rééducable
; les procédés passifs de suspension ne sont
indiqués que chez les patients réticents.
° Paralysies de l’enfant
Conflits facial/rocher :
La dysplasie du rocher s’accompagne d’une dystopie
de l’aqueduc de Fallope avec issue faciale atypique
du nerf en situation très antérieure.
La parésie
faciale prédomine dans le territoire inférieur,
car le contingent nerveux inférieur est en situation
antérieure dans le rocher, et donc, première victime
du garrot osseux.
Tel est le cas dans :
• le syndrome de Gerard ;
• la microsomie hémifaciale. Ortiz Monasterio a
réalisé chez ces patients très jeunes une greffe
nerveuse transfaciale ; attitude, à notre sens,
très abusive ; tous ces cas relevant plutôt d’une
décompression intrapétreuse avec neurolyse
fasciculaire éventuelle ;
• le syndrome de Moebius.
La transplantation
musculaire est de mise, soit des temporaux
selon le protocole de Labbé, soit sous
forme de transfert partiel micro-anastomosé,
réanimé par une greffe transfaciale courte ou
par le nerf massétérin (Zuker).
Cette dernière
technique autorise une réhabilitation émotionnelle
meilleure et assure une excellente, quoique
paradoxale, symétrie. Harrison recommande
d’étoffer les lèvres amincies par
l’aplasie de l’orbiculaire ;
• le syndrome de Cayler.
La symétrisation labiale
fait appel à l’affaiblissement du côté sain par la
toxine botulique ou une neurectomie hypersélective
très distale.
° Paralysies invétérées
:
Si le nerf facial est irréparable et les peauciers en
état, le choix existe entre les anastomoses nerveuses
et les transpositions musculaires.
Chez le patient âgé, en état précaire, l’anastomose hypo-glosso-faciale est un geste rapide, fiable,
peu agressif.
Sinon, chez les adultes jeunes et motivés, les
transplantations musculaires semblent préférables.
L’information est donnée au patient pour se déterminer
entre une simple transposition des masticateurs
ou un transplant réinnervé et revascularisé,
de réalisation plus complexe, soumis aux aléas de la
réinnervation.
Enfin, la rééquilibration des parties molles avec
ou sans suspension sera réalisée dans les autres cas.
° Paralysies partielles et parésies résiduelles
:
Une combinaison judicieuse d’affaiblissement, de
résections et de remise en tension permet une
amélioration significative dans de nombreux cas.
§ Critères d’évaluation des résultats
:
Les tables de cotation des muscles peauciers et la
définition d’un score sont d’un intérêt plus théorique
que réel, appliquées, en général, aux résultats
des réparations intrapétreuses et sujettes à caution,
en raison de leur caractère éminement subjectif.
Plus intéressante est l’approche de Lalardrie
(1967), de mensuration de la distance entre le
point interincisif et l’angle commissural et de sa
différence avec le côté sain, entre le repos et le
mouvement :
• 0-5 mm : bon ;
• 5-10 mm : décevant ;
• plus de 10 mm : médiocre.
En réalité, le seul critère objectif est dynamique
par le biais du film ou de l’image vidéo.
2- Conclusion
:
Le chirurgien, confronté aux effets néfastes du
couple pesanteur/paralysie dispose d’une gamme
de procédés de réhabilitation pour rétablir le 1er
palier de la mimique, celui du tonus au repos et
accéder au 2e palier, celui de la mimique intentionnelle.
Malheureusement, même avec le secours de
la rééducation, un constat est à dresser, à savoir
l’impuissance à retrouver une réelle mimique émotionnelle
symétrique, même avec la réparation du
nerf facial ou le recours à son homologue opposé.
Ce constat ne doit pas déboucher sur un immobilisme
chirurgical, améliorer est la règle, réanimer
cette hémiface inerte est une satisfaction pour le patient et son chirurgien, mais ce dernier doit se
garder de la tentation de la prouesse chirurgicale.
En effet, le retentissement psychologique est majeur,
souvent mal évalué et se prolonge à très long
terme, il faut accompagner le patient dans sa quête
du mieux-être.