Neuropathie optique inflammatoire
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
Les NOI sont des affections du NO dont le diagnostic positif est
essentiellement clinique et dont les étiologies sont multiples.
Dès 1884, Nettleship les a parfaitement décrites : « baisse d’acuité visuelle limitée à un
oeil, souvent accompagnée par une douleur de la tempe et de l’orbite, douleur
augmentée par la mobilisation des yeux.
La majorité des patients récupèrent
mais les séquelles sont possibles pouvant aller jusqu’à la cécité.
Il y a peu ou
pas de changement ophtalmoscopique, mais la papille devient plus ou moins
atrophique en quelques semaines ».
Cependant, sous la dénomination
« inflammatoire », sont regroupées des atteintes du NO en rapport avec des
affections locales ou générales très diverses, au premier rang desquelles se
trouve la SEP, étiologie principale mais non exclusive.
Après la description clinique des inflammations du NO, nous envisagerons les
modalités actuelles d’exploration des patients qui en sont atteints et enfin les
différentes étiologies en cause.
Le traitement sera détaillé pour chaque étiologie.
Une place particulière est faite tout au long de cet article à l’importante étude
américaine multicentrique ONTT dont les premiers résultats ont été publiés
en 1992.
Elle a en effet permis de renforcer les connaissances cliniques des NOI idiopathiques ou s’intégrant dans le cadre d’une possible ou probable
SEP, d’évaluer l’efficacité de la corticothérapie et de codifier leur traitement.
Elle a également permis d’étudier plus précisément les relations entre NOI et
SEP.
Symptomatologie des neuropathies optiques
inflammatoires :
A - Épidémiologie, signes fonctionnels
:
La NOI est une affection de l’adulte jeune (20 à 45 ans, avec un âge moyen de
32 ans environ).
Sa prévalence moyenne aux États-Unis est de 115 pour
100 000 habitants et son incidence annuelle varie selon les études entre 0,4 et 5,1 pour 100 000 habitants. Elle est trois fois plus fréquente chez la femme
que chez l’homme.
C’est la plus fréquente cause de baisse visuelle d’origine neurogène chez les patients de moins de 50 ans.
Dans la forme typique, le
début est en général aigu ou subaigu avec une baisse visuelle brutale, en règle
unilatérale, survenant en quelques heures à quelques jours.
Cette baisse
d’acuité visuelle peut être accompagnée de phosphènes parfois majorés par
les mouvements du globe (30 %).
Les patients se plaignent aussi volontiers
d’un trouble de la vision des couleurs souvent plus sévère que la baisse
visuelle et d’une baisse de la sensibilité aux contrastes.
Très évocateur de cette étiologie inflammatoire est l’existence d’une douleur
péri- et/ou rétro-oculaire d’intensité variable, volontiers augmentée par la
mobilisation du globe.
Cette douleur peut précéder (40 % des cas dans
l’ONTT) ou accompagner la baisse visuelle.
Elle est retrouvée selon les
études avec une fréquence qui va de 47 à 92 % dans l’ONTT.
B - Signes d’examen
:
La baisse d’acuité visuelle est en général unilatérale, sauf chez l’enfant où les
atteintes bilatérales ne sont pas exceptionnelles. Son importance est variable
et peut aller jusqu’à l’absence de perception lumineuse (3 % dans l’ONTT).
La vision des couleurs peut être étudiée grâce à un album pseudoisochromatique
type Ishihara ou SPP2, ou mieux, quantifiée par un
Farnsworth Munsell 100 Hue ou un 15 Hue désaturé.
Il existe typiquement
une dyschromatopsie d’axe rouge-vert, retrouvée d’autant plus fréquemment
que l’acuité visuelle est basse (dans l’ONTT : en cas d’acuité visuelle
inférieure à 10/10, il existe des anomalies à l’Ishihara dans 92 % des cas ; si
l’acuité visuelle est supérieure ou égale à 10/10, on retrouve des anomalies à
l’Ishihara dans 51 % des cas et au Farnsworth 100 Hue dans 70 % des cas).
L’étude de la pupille retrouve en règle une atteinte du réflexe photomoteur
homolatéral (signe de Marcus Gunn ou relative afferent pupillary defect) du
côté pathologique.
Cette atteinte peut être mise en évidence soit par un test à
l’éclairement alterné soit par un test à l’écran alterné.
L’examen à la lampe à fente peut être normal ou retrouver une inflammation
du segment antérieur, voire du vitré.
L’examen du fond d’oeil retrouve dans deux tiers des cas environ une papille
normale, il s’agit d’une NOI rétrobulbaire (NORB inflammatoire) ; dans un
tiers des cas, il existe un oedème papillaire d’importance variable : c’est une
NOI antérieure ou papillite.
La topographie de l’atteinte du NO n’a pas de
valeur étiologique.
L’examen ophtalmologique recherche d’autres signes (uvéite antérieure, vasculite, pars planite, foyer choriorétinien de voisinage) pouvant orienter
vers une étiologie particulière.
L’étude du champ visuel peut être réalisée soit en cinétique grâce à une périmétrie de Goldman soit en statique grâce à un périmètre automatique.
Il
existe typiquement un scotome central ou cæcocentral dont la
fréquence est variable selon les études :
– en 1979, Perkin et Rose ont repris une série de 165 patients présentant
des NOI : 30 % avaient des scotomes centraux et 24 % des cæcocentraux ;
– en 1991, Rizzo et Lessel ont étudié les champs visuels de 81 patients
avec une NOI idiopathique aiguë : ils ont retrouvé 59 %de scotomes centraux
et 10 % d’atteintes altitudinales ;
– enfin, l’ONTT qui a étudié prospectivement 448 patients présentant des
NOI idiopathiques ou s’intégrant dans le cadre d’une SEP a retrouvé
seulement 8 % d’atteintes centrales et cæcocentrales pour 48 % d’yeux
présentant un déficit diffus et 20 %de déficits localisés (altitudinal, arciforme,
nasal).
Le champ visuel permet aussi d’étudier l’oeil controlatéral asymptomatique
dont la fréquence d’atteinte est non négligeable comme en témoignent les
différentes études ; cette fréquence d’atteinte va de 10 à 48 %dans l’ONTT.
Elle est essentiellement liée à la sensibilité de la méthode utilisée.
La
bilatéralité de l’atteinte du champ visuel peut ainsi réaliser des tableaux
orientant faussement vers une pathologie chiasmatique ou rétrochiasmatique
(3 % des cas dans l’ONTT).
Au total, le champ visuel, s’il est un élément important du bilan clinique de
départ et du suivi de l’évolution, est donc d’un intérêt limité dans le diagnostic
positif de NOI en raison de son absence de spécificité.
C - Évolution visuelle :
1- Récupération visuelle :
Elle est en règle rapide, encore accélérée par la corticothérapie générale.
Le
trouble visuel dure de 8 à 15 jours et la récupération spontanée commence en
général au bout de 2 semaines.
Elle est presque complète entre 4 à 6 semaines
avec ou sans traitement, mais l’acuité peut continuer à s’améliorer pendant
1 an.
L’absence de récupération visuelle au bout de 3 semaines est atypique et
doit faire pratiquer des explorations complémentaires.
La récupération visuelle est en règle bonne, ce d’autant que la baisse d’acuité
visuelle initiale était peu sévère : la sévérité de l’atteinte visuelle initiale est
en effet le seul facteur pronostique de l’acuité visuelle « finale » à 6 mois.
Cependant, même en cas de très mauvaise acuité visuelle de départ, le
pronostic reste bon. Dans l’ONTT, parmi les 167 yeux qui avaient 1/10 ou
moins au départ, tous se sont finalement améliorés et seulement 6 % ont eu
une acuité visuelle inférieure ou égale à 1/10 à 6 mois.
Au total, à 6 mois, 94 % des patients de l’ONTT ont une acuité visuelle
supérieure ou égale à 5/10 et 75 % ont 10/10 ou plus. À 5 ans, ces chiffres ne
sont pas modifiés : 87 % des patients ont 8/10 ou plus, 7 % entre 5 et 7/10,
3 % ont une acuité supérieure à 1/10 et inférieure à 5/10 et 3 % ont 1/10 ou
moins.
Au fond d’oeil, la papille pâlit plus ou moins et l’on peut voir apparaître un
déficit diffus ou localisé des fibres visuelles.
Dans la majorité des cas, le
champ visuel revient à la normale.
2- Séquelles visuelles :
Il peut s’agir d’une baisse d’acuité visuelle et/ou d’une anomalie du champ
visuel et /ou d’un trouble de la vision des couleurs et/ou d’un trouble de la
sensibilité au contraste et/ou d’un syndrome d’Uhthoff : les patients se
plaignent alors d’une acuité visuelle fluctuante, chutant lors de circonstances
stéréotypées où la température corporelle augmente : efforts physiques
(course à pied), repas, bain chaud.
Le syndrome d’Uhthoff n’est pas
pathognomonique des NOI et en particulier de celles démarrant ou survenant
au cours d’une affection démyélinisante ; il a été décrit dans d’autres
affections prégéniculées (tumeur suprasellaire, neuropathie de Leber...).
Cependant, il est beaucoup plus fréquemment en rapport avec une NOI
idiopathique ou s’intégrant dans une SEP.
Le syndrome d’Uhthoff n’est
pas sensible à la corticothérapie.
Son existence dans les suites d’une NOI
«idiopathique» serait, pour certains auteurs, un facteur pronostique.
L’étude
prospective de Scholl portant sur 81 patients présentant une première NOI idiopathique a retrouvé une incidence du syndrome d’Uhthoff de 49,5 %.
Dans cette étude, l’existence d’un Uhthoff n’est liée ni à la sévérité de la
baisse visuelle initiale, ni au degré de récupération visuelle.
Cependant, il est
plus fréquent chez les patients ayant une imagerie par résonance magnétique
(IRM) anormale lors du premier bilan et, pour les auteurs, majore le risque de
développer une SEP dans les suites (55 % contre 22 % avec un suivi moyen
de 3 ans et demi).
Enfin, dans cette même étude, il est également corrélé avec
une plus grande fréquence de récidive de la NOI.
D’autres auteurs n’ont
pas retrouvé de corrélation significative entre l’existence d’un syndrome
d’Uhthoff et le développement d’une SEP dans les suites d’une NOI
idiopathique.
Il est à noter que le syndrome d’Uhthoff n’a pas été étudié en
tant que facteur pronostique des NOI dans l’ONTT.
3- Récidives :
Quelle que soit la localisation de l’atteinte inflammatoire (papillite ou
NORB), une ou plusieurs récidives peuvent survenir dans le même oeil ou en
controlatéral.
Elles sont rapportées dans la littérature avec une fréquence
allant de 11 à plus de 30 %en fonction du délai de suivi.
L’étude ONTT dont
les résultats à 5 ans ont été publiés en 1997 a retrouvé un taux de récidive
moyen à 30 %, augmenté significativement dans les NOI s’intégrant dans une
affection démyélinisante (fréquence multipliée par deux).
Le traitement par
corticothérapie orale est également un facteur de majoration de la fréquence
des récidives.
Les autres facteurs (âge, acuité, aspect du NO)
n’influent pas sur la fréquence des récidives dans cette étude.
L’existence
d’une récidive de NOI ne compromet pas en règle la récupération visuelle de
l’oeil atteint mais la multiplication des épisodes finit par aboutir à une acuité
visuelle moins bonne.
Prise en charge des neuropathies optiques
inflammatoires :
Cette prise en charge ne fait pas l’objet d’un consensus à l’heure actuelle, mais
néanmoins de grandes lignes se dégagent.
La démarche pour
aboutir au diagnostic positif de NOI ne demande pas d’examens
complémentaires dans les formes typiques puisque ce diagnostic est clinique
et repose sur l’interrogatoire (terrain : adulte jeune ; baisse visuelle unilatérale
brutale ; douleur à la mobilisation du globe ; éventuels antécédents) et
l’examen ophtalmologique (fond d’oeil, vision des couleurs, pupille, champ
visuel).
Cependant, les étiologies sont multiples et le bilan pratiqué varie
selon le cas de figure.
Dans tous les cas, l’interrogatoire recherche dans les antécédents la notion
d’épisodes identiques ou d’un autre syndrome neurologique pouvant orienter
vers une affection démyélinisante (diplopie, paresthésies...).
On s’enquiert
des autres antécédents du patient (origine ethnique, maladie générale et en
particulier affection inflammatoire connue [lupus, sarcoïdose, Behçet...]).
On
recherche la notion d’épisode viral dans les jours précédant la NOI, la notion
d’une vaccination récente (en particulier vaccination antihépatite B).
L’examen clinique doit être soigneux et l’autre oeil du patient est toujours
examiné avec attention, à la recherche d’une autre localisation.
On recherche
en particulier un déficit en fibres visuelles, une pâleur papillaire mais aussi
une uvéite antérieure ou postérieure, des périphlébites.
Cet examen clinique
inclut une étude de la vision des couleurs et un champ visuel, décrits
précédemment.
Il peut être complété éventuellement par une angiographie fluorescéinique.
Celle-ci constitue un document objectif et permet de mettre en évidence un
oedème papillaire, des périphlébites, voire un foyer choriorétinien ou des
zones ischémiques périphériques dans le cadre d’une artérite, orientant alors
vers une autre étiologie.
A - Formes typiques :
Dans les cas typiques de NOI idiopathique de l’adulte, les tests sanguins, la
radiographie de thorax et la ponction lombaire ne sont pas nécessaires à
l’évaluation du patient.
Seule doit être discutée la nécessité de pratiquer une
IRM cérébrale afin d’évaluer le risque d’évolution future vers une SEP.
B - Formes atypiques :
La majorité des auteurs préconise de pratiquer un bilan plus large uniquement
dans les cas atypiques (âge de survenue supérieur à 45 ans, antécédent
d’affection systémique, de vascularites ou de sinusites récentes, origine
ethnique située en dehors des zones d’endémie, trouble du champ visuel
atypique, atteinte simultanée bilatérale chez un adulte, absence
d’amélioration spontanée ou sous traitement), ou lorsque l’histoire ou
l’examen du patient suggère une étiologie particulière.
Le bilan suivant peut
ainsi être pratiqué :
– des examens biologiques : numération-formule sanguine, vitesse de
sédimentation, sérologie syphilitique, anticorps antinucléaires ;
– des tests plus complexes : sérologies virales (syndrome
d’immunodéficience acquise, virus Epstein-Barr, herpèsvirus), sérologies
parasitaires (toxoplasmose), sérologie de la maladie de Lyme, dosage de
l’enzyme de conversion de l’angiotensine, autoanticorps (AC) : AC
antiphospholipide, AC antipolynucléaire neutrophile, AC marqueur du
Sjögren (antiSSA, antiSSB)...
– une radiologie thoracique à la recherche d’adénopathies médiastinales
(sarcoïdose) ou pour éliminer une tuberculose avant une corticothérapie
générale ;
– la recherche de foyers infectieux locaux (oto-rhino-laryngologique,
stomatologique) ;
– une intradermoréaction (IDR) à l’eau distillée et/ou à la tuberculine ;
– un examen neurologique.
En pratique, ces examens sont d’un faible rendement et doivent être demandés
au cas par cas en fonction du tableau clinique et de l’étiologie suspectée.
C - Faut-il faire une imagerie par résonance magnétique
nucléaire cérébrale ?
Cet examen permet la recherche de zones d’hypersignaux de la substance
blanche typiquement périventriculaires bien visibles en T2, prenant le
gadolinium en séquence T1 en cas de plaque en phase active.
Dans le cadre
d’une première NOI, la présence de ces hypersignaux, leur nombre, leur taille
et leur localisation à l’IRM ont une valeur pronostique très importante en ce
qui concerne l’évolution future vers une affection démyélinisante.
Ces hypersignaux, non pathognomoniques de la SEP (mais hautement
évocateurs), sont retrouvés dans la littérature chez les patients présentant une
NOI isolée avec une fréquence qui va de 48 à 70 %.
L’ONTT a retrouvé des
anomalies IRM chez 46,9 % des 418 patients présentant une première NOI
isolée étudiés prospectivement.
Cependant, seulement 26,7 % avaient deux
lésions ou plus. Cette étude a confirmé la valeur pronostique très importante
de l’IRM : en effet, le risque d’évolution à 5 ans vers une SEP cliniquement
définie passe de 16 % pour les 202 patients à IRM normale initialement à
51 % pour les 89 patients avec trois anomalies ou plus à l’IRM.
L’IRM
cérébrale fait donc partie du bilan des NOI idiopathiques, y compris dans la
forme typique.
Elle constitue, en effet, un facteur pronostique majeur de
l’affection.
Elle intervient à ce titre dans la discussion d’un traitement par
corticothérapie générale intraveineuse, traitement qui diminue d’autant plus
le risque d’évolution vers une SEP définie dans les 2 ans qui suivent qu’il
existe des anomalies à l’IRM.
D - Faut-il faire une ponction lombaire ?
Cet examen était autrefois pratiqué en première intention et systématiquement
chez les patients présentant une NOI dans le but de faire le diagnostic de SEP.
Dans cette affection démyélinisante, le liquide céphalorachidien (LCR) peut
en fait être normal ou montrer des signes d’inflammation locale.
On retrouve
ainsi (environ dans 80 % des cas) une hyperprotéinorachie modérée, une
augmentation du nombre des cellules dans le LCR (essentiellement des
lymphocytes T) et une glycorachie normale.
La synthèse locale
d’immunoglobuline (Ig) G dans le LCR avec augmentation de l’index des
IgG, la présence de chaînes j libres et l’augmentation dans le LCR de la
protéine basique de la myéline (composante majeure de la myéline) sont
diversement appréciées selon les auteurs.
Il n’a pas été possible à l’heure
actuelle dans le cadre des NOI idiopathiques d’accorder une valeur
pronostique certaine à ces modifications en les corrélant aux anomalies IRM
et/ou au développement d’une affection démyélinisante certaine.
L’existence
de bandes oligoclonales d’IgG dans leLCRest retrouvée selon les études chez
36 à 62 % des patients présentant une NOI idiopathique.
L’étude ONTT, qui
a pratiqué 83 ponctions lombaires parmi les 454 patients inclus, a retrouvé
des bandes oligoclonales dans le LCR dans 50 % des cas.
Si la fréquence de
ces bandes est significativement plus importante chez les patients ayant des
anomalies IRM (73 % contre 28 %), l’ONTT n’a pas conclu à leur valeur
prédictive sur l’évolution vers la SEP indépendamment du facteur IRM.
Par
ailleurs, si ces bandes sont évocatrices de la SEP, elles ne sont pas spécifiques
de cette affection puisqu’on les retrouve aussi dans la sarcoïdose et la maladie
de Behçet.
De plus, jamais la ponction lombaire pratiquée chez les 83 patients
de l’ONTT présentant une NOI idiopathique n’a permis de faire un diagnostic
étiologique particulier.
Les auteurs ont donc conclu que la ponction lombaire
ne fait pas partie du bilan standard des patients adultes présentant une NOI
isolée typique.
Actuellement, elle n’est pratiquée qu’en cas de forme atypique
(terrain, tableau clinique, évolution) ou associée à d’autres anomalies pouvant
faire suspecter une étiologie autre que la SEP.
E - Potentiels évoqués visuels (PEV), sensibilité
au contraste
:
Les PEV peuvent être réalisés par flash ou par damier.
Ils ne sont pas utiles au
diagnostic positif de NOI inflammatoire dans la forme typique, mais ils
constituent un document objectif témoignant de l’atteinte de la conduction
nerveuse au niveau du NO pathologique avec une augmentation de la latence
de l’onde P100 et une diminution de son amplitude.
Ce test, très sensible en
ce qui concerne l’atteinte du NO, n’est pas spécifique de l’étiologie
inflammatoire.
L’intérêt des PEV réside surtout dans la recherche d’une
atteinte du NO asymptomatique, parfois suspectée par la constatation d’une
pâleur papillaire, soit lors de l’examen d’un patient présentant une NOI
controlatérale soit lors du bilan d’autre localisation neurologique ; il est à
noter qu’une atteinte controlatérale muette a ainsi été mise en évidence par
les PEV chez 48 % des 457 patients de l’ONTT.
Cette atteinte constitue une
deuxième localisation et est donc en faveur d’une SEP.
L’étude des potentiels
évoqués auditifs (PEA) ou somesthésiques (PES) fait aussi partie du bilan
d’extension d’une affection multiloculaire à la recherche d’autres signes de
localisation.
La diminution de la sensibilité au contraste est également un test très sensible
de l’atteinte du NO, mais non spécifique de l’étiologie inflammatoire.
Elle est
ainsi souvent diminuée, même en cas d’acuité visuelle peu ou pas modifiée.
L’ONTT retrouve 99 % de sensibilité anormale si l’acuité visuelle est
inférieure à 10/10 et 87 % d’anomalie en cas d’acuité supérieure ou égale à
10/10.
Comme les PEV, elle a peu d’utilité dans le diagnostic positif des NOI
typiques mais peut être contributive dans le dépistage d’atteintes muettes
cliniquement et constituant une deuxième localisation, signant la
dissémination de l’affection inflammatoire au niveau du système nerveux
central (SNC).
Au total, la prise en charge d’un patient présentant une NOI a trois objectifs :
– affirmer le diagnostic, ce qui est en règle fait dès l’examen ophtalmologique
complet du patient ;
– rechercher des arguments en faveur d’une dissémination de l’atteinte
inflammatoire au niveau du SNC ; ceci fait appel à l’examen clinique (atteinte
controlatérale), à l’interrogatoire (poussée antérieure), surtout à l’IRM
cérébrale et éventuellement aux PEV, PEA et PES ;
– éventuellement, éliminer une étiologie particulière qui réclamerait un
traitement spécifique en pratiquant un bilan biologique complet décrit plus
haut.
Formes cliniques
:
A - Neuropathie optique inflammatoire de l’enfant :
Il existe plusieurs différences entre les NOI de l’enfant et celles de
l’adulte.
Chez l’enfant, l’atteinte est le plus souvent bilatérale et simultanée (60 %des
cas environ).
Elle réalise surtout une atteinte antérieure avec au fond d’oeil un
aspect d’oedème papillaire (deux tiers des cas environ), parfois accompagné
d’une étoile maculaire réalisant alors une neurorétinite.
Elle est plus souvent
secondaire à une infection récente (34 % des cas dans l’étude de la Mayo
clinique portant sur 79 patients) et présage beaucoup moins du
développement futur d’une SEP.
Cliniquement, la baisse d’acuité visuelle est
bilatérale et souvent profonde, mais la récupération visuelle est bonne.
Cette
récupération, comme chez l’adulte, démarre au bout de 2 à 3 semaines et peut
s’étaler sur 6 mois.
Selon les études, on retrouve environ 78 % d’acuité
visuelle finale à 10/10.
La pâleur papillaire séquellaire est identique à celle de
l’adulte.
L’étude des PEV post-NOI montre dans 55 % des cas un retour à la
normale (contre 10 % des cas chez l’adulte).
L’évolution vers la SEP est
moins fréquente que chez l’adulte et va de 5,2 % à 55 % (à 7 ans) selon la
durée du suivi et les études. Elle semble plus importante en cas de NOI
unilatérale récurrente ou de NOI bilatérale séquentielle.
L’évaluation clinique
comporte toujours une IRM, pour éliminer un processus occupant l’espace et
visualiser d’éventuels hypersignaux, et une ponction lombaire avec prise de
pression.
Il faut également rechercher une étiologie particulière par un
examen clinique comprenant un interrogatoire soigneux (notion de virose
récente).
Il n’y a pas chez l’enfant d’étude comparable à l’ONTT pour
mesurer l’efficacité de la corticothérapie ; cependant, en l’absence de contreindication,
le traitement habituel fait appel comme chez l’adulte à la
corticothérapie intraveineuse.
B - Formes asymptomatiques :
Une atteinte inflammatoire du NO, antérieure dans le temps et muette
cliniquement, peut être retrouvée lors du bilan clinique d’une autre
localisation de SEP, qu’il s’agisse d’une NOI controlatérale ou d’une atteinte
sensitivomotrice autre.
Le diagnostic de cette atteinte peut être fait malgré une
acuité visuelle à 10/10 grâce à un faisceau d’arguments : au fond d’oeil,
constatation d’une pâleur papillaire ou d’un déficit en fibres visuelles ;
existence d’un trouble de la vision des couleurs, d’une altération du champ
visuel, d’une atteinte des PEV ou de la sensibilité au contraste ; hypersignal à
l’IRM au niveau du NO asymptomatique.
L’étude ONTT a ainsi retrouvé,
lors de l’examen initial des yeux controlatéraux des patients étudiés, 48 % de
champ visuel anormal, 22 % d’atteinte de la vision des couleurs, 15 % de
trouble de la sensibilité au contraste et 14 % d’acuité visuelle anormale.
La
découverte d’une NOI asymptomatique a une valeur pronostique puisque
cette deuxième localisation signe la dissémination de l’inflammation au
niveau du SNC.
La recherche d’une telle atteinte doit donc toujours être faite.
C - Formes chroniques :
Même s’il est vrai que certaines affections inflammatoires telles que la
tuberculose, la syphilis ou la sarcoïdose peuvent être responsables de baisse
d’acuité visuelle chronique et progressive, le diagnostic de NOI chronique est en fait rare.
Il ne doit être retenu qu’après avoir éliminé un processus expansif
par une imagerie cérébrale (scanner ou IRM qui recherche en plus des hypersignaux) et pratiqué une ponction lombaire si l’imagerie est normale.
Une réponse visuelle favorable à une corticothérapie générale n’est en aucun
cas un argument en faveur d’une NOI en l’absence d’IRM puisque la vision
peut aussi s’améliorer sous cortisone dans les étiologies tumorales.
En fait, les NOI chroniques démyélinisantes ne sont pas exceptionnelles mais
sont très rarement inaugurales.
Il s’agit de patients se plaignant au long cours
de vision floue ou déformée avec une acuité visuelle conservée, ou de baisse
visuelle uni- ou bilatérale évoluant de façon progressive avec parfois des
paliers mais sans période de récupération.
Le diagnostic est fait sur un
faisceau d’éléments : l’aspect du champ visuel (évocateur en cas de scotome
central ou cæcocentral, rare dans les étiologies tumorales), le trouble de la
vision des couleurs (dyschromatopsie rouge-vert) ; l’aspect des fonds d’yeux,
le résultat de l’IRM, le LCR, les PEV et l’existence d’autres signes de
localisation en cas de SEPconnue.
Il n’y a à l’heure actuelle pas de traitement
efficace connu des NOI démyélinisantes chroniques.
D - Neurorétinite aiguë de Leber :
En 1916, Théodor Leber a décrit un syndrome caractérisé par une baisse
visuelle unilatérale avec au fond d’oeil un oedème papillaire et une étoile
maculaire, l’ensemble ayant une évolution spontanée favorable chez des
patients bien portants par ailleurs.
La neurorétinite touche toutes les tranches
d’âge mais survient le plus souvent entre 30 et 40 ans, aussi bien chez
l’homme que chez la femme ; elle est assez fréquente chez l’enfant. Dans
environ la moitié des cas, un épisode viral précède la baisse visuelle de 2 à 4
semaines. Celle-ci est le plus souvent indolore et profonde, inférieure à 4/10.
L’examen clinique retrouve typiquement du côté atteint un signe de Marcus
Gunn, un scotome central ou cæcocentral et un trouble de la vision des
couleurs, en règle très important.
Le fond d’oeil montre un oedème papillaire
d’importance variable avec parfois des hémorragies en flammèches et des
exsudats lipidiques secs périmaculaires réalisant une étoile maculaire.
Il peut
exister une inflammation au niveau du segment postérieur (hyalite,
périphlébites).
L’angiographie fluorescéinique montre une hyperfluorescence
papillaire avec une diffusion des capillaires de la surface du disque.
Le
pronostic visuel est aussi bon que dans les NOI mais l’évolution est plus
longue, avec une amélioration qui peut s’étaler sur 12 mois.
La distinction
entre la neurorétinite stellaire de Leber et une NOI antérieure est importante
sur le plan du pronostic car le diagnotic de neurorétinite de Leber élimine la
possibilité d’évoluer vers une SEP.
Les étiologies de la neurorétinite de Leber
sont :
– les viroses, souvent évoquées dans la mesure où un syndrome viral la
précède dans près de la moitié des cas, mais rarement mises en évidence :
herpès, hépatite, rougeole...
– les causes infectieuses : syphilis, leptospirose, maladie des griffes du chat,
maladie de Lyme, tuberculose ;
– les causes parasitaires : toxoplasmose, toxocarose.
Comme dans les NOI, un bilan approfondi comportant des sérologies, une
imagerie et une étude du LCR ne doit être envisagé que si l’histoire ou
l’examen suggère une étiologie particulière.
En dehors de ces étiologies
réclamant un traitement spécifique, les corticoïdes peuvent éventuellement
être utiles mais, dans les formes idiopathiques, le pronostic visuel est
spontanément excellent.
Étiologies des neuropathies optiques
inflammatoires et leur traitement :
A - Affections démyélinisantes :
1-
Sclérose en plaques
:
Elle domine, par sa fréquence, les étiologies des NOI puisque 20 % des SEP
commencent par une NOI et que, dans l’évolution de la maladie, 50 à 75 %
des SEP font une NOI.
Ces deux affections sont tellement liées entre elles
que, pour certains auteurs, les NOI « idiopathiques » seraient une forme fruste
de SEP.
De nombreuses études rétrospectives et prospectives se sont donc
attachées à définir les facteurs pronostiques du développement d’une SEP
chez les patients présentant une NOI idiopathique.
En 1988, Rizzo et
Lessel, dans une étude prospective de 60 patients, ont trouvé une fréquence
de survenue d’une SEP cliniquement définie à 74 %pour les femmes et 34 %
pour les hommes dans un délai de 14,9 ans après un épisode initial de NOI.
Cette étude fait donc état d’un risque 3,4 fois plus élevé pour les femmes.
Cette différence n’a pas été retrouvée par d’autres auteurs.
Par ailleurs, l’âge
de survenue de la NOI initiale joue également un rôle dans le développement
futur d’une SEP puisque, dans cette étude, le risque est majoré en cas de
survenue de la NOI entre 21 et 40 ans.
Plus récemment, l’ONTT a inclu 388 patients qui n’avaient pas de SEP
probable ou certaine lors de la survenue de leur NOI.
À 5 ans, le risque de
survenue d’une SEP certaine est en moyenne de 30 %, non influencé par le
type de traitement.
Les facteurs de risque de développement d’une SEP dans
les suites d’une NOI sont les suivants :
– essentiellement la présence et le nombre des hypersignaux à l’IRM de
départ ; en effet, 51 % des 89 patients qui avaient trois hypersignaux ou plus
sur cette IRM initiale ont développé une SEP dans les 5 ans suivants contre
16 %des 202 patients à IRM normale ; l’IRM est donc l’élément essentiel du
devenir neurologique des patients, bien que sa normalité n’exclue pas la
survenue d’une SEP certaine dans une échéance proche ; l’ONTT rejoint sur
ce sujet l’étude de Jacobs publiée en 1997 et portant sur 74 patients ; les
auteurs chiffrent le risque moyen de SEP certaine après NOI inaugurale à
28 % à 5,6 ans ; comme dans l’ONTT, ce risque est plus élevé en cas d’IRM
de départ anormale puisque 76 %des patients qui développent une SEP dans
le temps de l’étude ont une IRM de départ anormale ;
– les antécédents d’une autre localisation neurologique, la race blanche et
une histoire familiale de SEP, qui sont également des facteurs de mauvais
pronostic d’évolution neurologique ;
– enfin, la survenue d’une récidive de NOI, quel que soit son côté, qui est un
facteur de mauvais pronostic neurologique puisqu’elle multiplie par deux le
risque à 5 ans d’évoluer vers une SEP certaine (46 % contre 22 %).
Devant une NOI, il existe également un certain nombre de facteurs
« protecteurs » qui, chez les patients sans antécédents et à IRM normale,
diminuent le risque d’évolution vers une SEP.
Ce sont :
– l’absence de douleur à la mobilisation du globe, déjà signalée dans d’autres
études comme un facteur protecteur ;
– l’existence d’un oedème papillaire, en particulier s’il est important et
entouré par des hémorragies ;
– une baisse d’acuité visuelle modérée ;
– le sexe masculin, qui est, dans ce cadre restreint du patient sans antécédent
et à IRM normale, un facteur de protection.
Le jeune âge lors de la survenue de la NOI initiale ne constitue pas dans cette
étude un facteur de pronostic.
Enfin, la présence de bandes oligoclonales dans le LCR, si elle est plus
fréquente chez les patients ayant des anomalies à l’IRM (73 % contre 28 %)
n’a pas pu être corrélée à une évolution neurologique péjorative
indépendamment du facteur IRM dans l’ONTT.
Quant aux facteurs génétiques, ils jouent un rôle dans le développement de la
SEP.
Ce rôle est mis en évidence par l’existence des formes familiales de la
maladie et la majoration du risque de SEP en cas d’antécédents familiaux.
Le
principal gène prédisposant à la SEP en Europe du nord et de l’ouest est
l’haplotype HLA DR2 ; néanmoins, ce facteur génétique semble beaucoup
moins important que le facteur IRM.
2- Traitement des NOI idiopathiques ou s’intégrant dans le cadre d’une
SEP probable ou certaine
:
Il a été parfaitement bien codifié par l’ONTT.
Cette étude a en effet
divisé les 457 patients en trois groupes thérapeutiques distincts : le premier
traité par prednisone orale à 1 mg/kg/j pendant 14 jours, le deuxième recevant des bolus de méthylprednisolone par voie intraveineuse 250 mg quatre fois
par jour pendant 3 jours suivis d’une corticothérapie orale par de la prednisone
pendant 11 jours à la dose de 1 mg/kg/j ; enfin, le troisième groupe de patients
a reçu un placebo oral pendant 14 jours. Les conclusions sont les suivantes :
– il n’y a pas de différence significative entre les trois groupes de traitement
en terme d’acuité visuelle « finale », de vision des couleurs, de champ visuel
et de sensibilité au contraste à 12 mois, mais les patients sous corticothérapie
intraveineuse récupèrent plus vite que les deux autres groupes, le bénéfice de
ce traitement étant surtout net dans les 15 premiers jours ;
– la fréquence des récidives à 5 ans est en moyenne de 30 % ; elle est deux
fois plus élevée dans le groupe ayant reçu une corticothérapie orale que dans
les deux autres groupes (placebo et corticothérapie intraveineuse), soit
respectivement 41 %et 25 % ; cet effet négatif de la corticothérapie orale est
encore plus important chez les patients sans SEP cliniquement définie que
dans le cas de patients ayant une SEP ;
– enfin, la corticothérapie intraveineuse a un rôle « protecteur » en freinant le
développement d’une SEP cliniquement définie dans les 2 ans qui la suivent
(en moyenne 16 % de SEP dans le groupe prednisone orale, 18 % dans le
groupe placebo et seulement 8 % dans le groupe traité par cortisone
intraveineuse) ; cet effet est surtout important pour les patients ayant une IRM
d’entrée anormale ; à 3 ans, la différence entre les trois groupes
devient non significative.
L’ONTT a donc permis de codifier le traitement des NOI idiopathiques :
– la corticothérapie orale doit être abandonnée ;
– le traitement par corticothérapie intraveineuse doit être discuté au cas par
cas, ce d’autant que l’IRM de départ est anormale ; le traitement intraveineux
accélère en effet la vitesse de récupération visuelle sans modifier le chiffre
final et diminue le risque d’évoluer vers une SEP cliniquement définie dans
les 2 ans qui la suivent, ce d’autant que l’IRM de départ est anormale.
3- Neuromyélite optique de Devic :
Elle associe une NOI bilatérale à une myélite transverse ou ascendante.
Elle
survient à tout âge, le plus souvent chez l’enfant ou l’adulte jeune et touche
les deux sexes de façon égale. Elle commence souvent par un épisode fébrile
qui précède de quelques jours à quelques semaines les autres signes.
La baisse
visuelle peut précéder, accompagner ou suivre les signes neurologiques ; elle
est en règle profonde, rapide et bilatérale.
La douleur rétro- ou périoculaire
est assez rare. Le fond d’oeil montre, en général, un oedème papillaire le plus
souvent modéré.
Le trouble du champ visuel le plus fréquent est un scotome
central avec parfois une constriction des isoptères périphériques associée.
La
récupération visuelle démarre 1 à 2 semaines après le début des signes visuels,
elle est plus modeste que dans les NOI idiopathiques.
La paraplégie est en
règle brutale et sévère, sensorimotrice, avec parfois une évolution ascendante
qui peut simuler un Guillain et Barré.
Cette atteinte ne récupère le plus
souvent que partiellement et l’évolution peut être fatale dans environ 10 %
des cas.
La ponction lombaire retrouve typiquement une augmentation du
nombre des lymphocytes plus important que dans la SEP, une hyperprotéinorachie en règle sans bandes oligoclonales.
Dans la neuromyélite
de Devic, l’IRM révèle rarement des hypersignaux intracérébraux, mais en
montre souvent au niveau des NO du chiasma et de la moelle.
Pour certains,
la neuromyélite de Devic n’est qu’une forme sévère de la SEP, pour d’autres
c’est une entité différente.
4- Maladie de Schilder ou encéphalite périaxiale diffuse
(ou sclérose myélinoclastique diffuse)
:
Elle survient essentiellement chez l’enfant et l’adulte jeune et se caractérise
par de larges foyers de démyélinisation qui peuvent intéresser un hémisphère
entier et typiquement s’étendent à l’autre hémisphère par le corps calleux.
La
maladie a une évolution progressive, parfois ponctuée de pauses évolutives ;
elle est fatale en quelques mois à quelques années.
La baisse visuelle peut être
liée à une atteinte des NO ou des voies visuelles chiasmatiques ou rétrochiasmatiques.
Les autres signes neurologiques sont la démence, une
atteinte des voies longues pouvant aller jusqu’à la quadriparésie, voire à la
quadriplégie ; le tronc cérébral et le cervelet peuvent être atteints.
B - Causes infectieuses et para-infectieuses :
Une NOI peut résulter d’une infection directe du NO par un virus, une bactérie
ou un champignon. Une inflammation du NO peut aussi être secondaire à une
infection, généralisée ou du SNC, par le biais d’une réaction immunitaire ; on
parle alors de NOI para-infectieuse, la distinction entre ces deux entités
n’étant en fait pas toujours possible.
La neuropathie optique para-infectieuse
survient typiquement 2 à 3 semaines après l’infection causale ; elle est le plus
souvent bilatérale et peut réaliser une NOI antérieure (et même parfois une
neurorétinite) ou une NOI rétrobulbaire.
Elle peut survenir de façon isolée ou
être associée à d’autres manifestations neurologiques (méningite, méningoencéphalite ou encéphalomyélite), et l’on retrouve alors des
anomalies au niveau du LCR et parfois de l’imagerie cérébrale.
La
récupération des NOI para-infectieuses est en général excellente sans
traitement.
1- Infections générales
:
* Syphilis
:
Sa prévalence est actuellement en augmentation, elle peut être associée à une
infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
L’atteinte
inflammatoire du NO s’intègre dans le cadre d’une syphilis secondaire alors
que la syphilis tertiaire réalise une atrophie optique progressive.
Elle réalise
une atteinte uni- ou bilatérale, antérieure (le plus souvent) ou rétrobulbaire.
Le diagnostic est fait sur les tests sérologiques (Treponema pallidum
haemagglutination assay, venereal disease research laboratory), la recherche
du tréponème par le test de Nelson et l’immunofluorescence (fluorescent
treponema antibody absorption test) positifs dans le sang et parfois dans le
LCR.
L’atteinte inflammatoire du NO dans le cadre de la syphilis peut aussi
prendre la forme d’une neurorétinite ou d’une périnévrite lorsque
l’inflammation méningée se propage uniquement à la périphérie du nerf,
préservant le noyau central. Le traitement repose sur la pénicillinothérapie à
forte dose associée au probénécide.
* Tuberculose
:
Le plus souvent, l’atteinte du NO est bilatérale ; elle est souvent associée à
une méningite tuberculeuse.
Le diagnostic de tuberculose repose sur la
recherche des bacilles de Koch dans le LCR ou d’un autre foyer.
Le traitement
conduit en infectiologie repose sur une polyantibiothérapie.
*
Maladie de Lyme :
Elle est transmise par la morsure d’une tique infectée.
Les neuropathies
inflammatoires y sont rares et surviennent à la phase d’état de la maladie. Le
diagnostic repose sur l’anamnèse, l’érythème migrant et le sérodiagnostic.
Le
traitement antibiotique est efficace (ceftriaxone ou cyclines).
De nombreuses autres infections peuvent causer des NOI : la maladie des
griffes du chat, les infections à streptocoque â hémolytique, la brucellose, les
atteintes liées au méningocoque, la typhoïde...
* Viroses :
Elles sont difficiles à mettre en évidence mais de nombreux virus ont été
incriminés : coxsackies, hépatite A, virus Epstein-Barr, rubéole, rougeole,
oreillons, varicelle-zona...
En pratique, il n’est pas fait de bilan viral en
l’absence de signes cliniques d’orientation.
Le VIH a été rendu responsable
d’atteintes inflammatoires du NO.
Il s’agit d’un mécanisme encore peu clair
(infection directe ou atteinte auto-immune).
Surtout, il facilite, chez les
patients qui en sont atteints, la survenue de NOI causées par des agents
inactifs chez l’immunocompétent (méningite à cryptocoque, infection à
cytomégalovirus, herpèsvirus, champignon).
2-
Infections locorégionales :
Leur responsabilité propre dans l’existence d’une NOI est discutée mais
parfois est retrouvée une sinusite ou une éthmoïdite de voisinage bien visible sur l’imagerie (scanner ou IRM).
Les foyers doivent être traités à la fois pour
éradiquer l’infection mais aussi car le traitement peut diminuer
l’inflammation du NO.
Cependant, l’existence d’un tel foyer ne met pas à
l’abri de la survenue future d’une maladie démyélinisante.
C - Maladies inflammatoires :
1- Sarcoïdose ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann (BBS)
:
C’est une granulomatose d’étiologie inconnue touchant surtout l’adulte jeune.
Elle peut être responsable de NOI antérieures ou rétrobulbaires qui peuvent
être inaugurales.
Le tableau clinique est parfois identique à celui des NOI
démyélinisantes ; on peut retrouver des signes inflammatoires associés au
niveau du segment antérieur (uvéite granulomateuse), du vitré, voire des
périphlébites.
Cette atteinte du NO est extrêmement corticosensible mais des
récidives sont possibles à l’arrêt de la corticothérapie.
Le diagnostic est fait
sur l’histoire, l’examen clinique du patient à la recherche d’autres
localisations, la radiographie du thorax, le dosage de l’enzyme de conversion
de l’angiotensine (positif dans 60 à 90 % des BBS actives), l’anergie
tuberculine (présente dans 50 % des cas environ), voire la scintigraphie au
gallium ou des biopsies à la recherche de granulome sarcoïdosique non
caséeux.
2- Affections auto-immunes
:
Le lupus érythémateux disséminé (LED) peut occasionner, dans 1 % des cas
environ, des NOI antérieures ou rétrobulbaires.
Le tableau est celui d’une
baisse d’acuité visuelle progressive parfois associée à une douleur.
Le
diagnostic est fait sur l’association à d’autres signes de la maladie (atteinte
cutanée, articulaire, Raynaud, atteinte rénale...) et sur la présence de
marqueurs immunologiques sanguins : AC antiADN (acide
désoxyribonucléique) natif (positif dans deux tiers des cas), AC antiSm
(présent dans 15 %des cas),ACantiphospholipides,ACantiSSA, diminution
du complément sérique.
La corticothérapie est en général efficace avec
souvent des problèmes de corticodépendance.
Dans le LED comme dans les
autres vascularites (périartérite noueuse), le mécanisme est une ischémie qui
produit secondairement une démyélinisation et parfois une nécrose axonale.
Des NOI ont également été décrites dans le syndrome de Goujerot-Sjögren.
Le diagnostic est fait sur la clinique (syndrome sec oculaire et buccal) et sur
les marqueurs sanguins (AC antiSSA et antiSSB).
D - Étiologies postvaccinales :
Des NOI sont décrites après de nombreuses vaccinations.
L’atteinte survient
1 à 3 semaines après la vaccination ; elle est en général bilatérale et le plus
souvent antérieure.
La récupération visuelle spontanée est la règle mais peut
être longue.
Les vaccinations incriminées sont :
– la vaccination antitétanique, parfois associée au vaccin antidiphtérique,
le vaccin antirabique, la vaccination avec le bacille de Calmette-Guérin
(BCG) ;
– la vaccination anti-hépatite B, antigrippale, antirubéole-oreillonrougeole
(ROR) ; il est à noter qu’actuellement, la vaccination antihépatite
B est déconseillée chez les patients ayant des antécédents
familiaux de SEP.
E - Uvéites :
Elles peuvent s’accompagner d’une NOI le plus souvent antérieure.
Le
diagnostic étiologique est guidé par l’examen oculaire : segment antérieur,
vitré, atteinte choriorétinienne associée, vascularite.
Le bilan étiologique
repose sur l’aspect angiographique, les examens sanguins et d’éventuels
prélèvements intraoculaires (ponction de chambre antérieure).
Le traitement
se fait en fonction de l’étiologie.
Les étiologies des NOI sont multiples mais, en France, les
neuropathies optiques idiopathiques ou s’intégrant dans le cadre d’une
SEP possible ou certaine sont les plus fréquentes.
Leur diagnostic
positif est clinique et, dans la forme typique, le bilan étiologique à
réaliser doit être réduit au minimum.
L’aspect de l’IRM cérébrale est, à
l’heure actuelle, le principal facteur permettant d’évaluer le pronostic
neurologique.
La corticothérapie orale doit être abandonnée.
La
corticothérapie intraveineuse est discutée au cas par cas et expliquée
au patient : si elle accélère la vitesse de récupération visuelle, elle ne
modifie pas les paramètres finaux de la vision ; de plus, son effet
« protecteur » sur l’évolution vers une SEP éventuelle est limité aux
deux premières années.