L’intoxication au monoxyde de carbone (CO) est une
intoxication grave, qui peut être mortelle en phase aiguë,
ou laisser des séquelles neurologiques très invalidantes à
distance.
Elle est trop souvent méconnue car très protéiforme
et peu évocatrice dans les formes mineures.
L’incidence
réelle est difficile à évaluer, du fait des difficultés
diagnostiques et des nombreuses formes mortelles méconnues
qui surviennent à domicile.
Elle est fréquente en Europe et aux États-Unis, où elle
demeure la première cause d’intoxication accidentelle avec
plusieurs milliers de nouveaux cas par an.
Plus de
10 000 victimes sont recensées chaque année aux États-
Unis, parmi lesquelles 3 700 décès. En France, on estime
à 8 000 par an le nombre d’intoxications, dont 500 décès.
Dans les pays industrialisés, l’abandon progressif du gaz
de ville (qui contenait du CO) comme produit de chauffage
domestique, pour le gaz naturel, a entraîné une modification
de la répartition entre intoxications volontaires et
accidentelles.
Actuellement, les intoxications volontaires
représentent moins de 10 % et les intoxications accidentelles
(professionnelles ou domestiques) prédominent.
La plupart des accidents domestiques mettent en cause des appareils de chauffage (fixe ou d’appoint), chauffe-eau, utilisés
dans des lieux clos.
Ils sont favorisés par un mauvais
entretien, un calfeutrage excessif des pièces en hiver (aération
insuffisante), un mauvais tirage des cheminées avec
défaut d’évacuation des gaz, la production d’une flamme
au contact d’une surface froide.
Ces circonstances expliquent
tout naturellement les pics de fréquence observés
dans les régions Nord et Est de la France, à l’automne et
au début de l’hiver, au moment de la remise en route des
appareils de chauffage.
Le caractère volontiers collectif
(familial, collectivités, salle des fêtes, églises, patinoires)
est très évocateur.
Certaines circonstances particulières comme les incendies
en milieu clos, exposent non seulement à l’intoxication au
CO, mais aussi à des intoxications par les fumées d’incendie
qui contiennent d’autres gaz toxiques (vapeurs cyanhydriques,
dioxyde d’azote, CO2…).
Les sauveteurs occasionnels, quand ils pénètrent en milieu
toxique sans respecter les précautions prises par les professionnels
(aération de la pièce, masque, appareil de respiration
individuel), sont exposés aux mêmes risques d’intoxication
que les victimes.
Physiopathologie :
1- Généralités :
- propriétés physiques
Le monoxyde de carbone est un gaz inodore, incolore et
très diffusible.
Il existe à l’état naturel dans certaines émanations
gazeuses, de marais ou de volcan.
L’homme en produit
une faible quantité, en catabolisant l’hème.
La source
principale est la combustion incomplète des composés carbonés.
Ainsi, une combustion en atmosphère confinée, ou
mal ventilée, produit du CO au lieu de CO2.
Combustion complète : C + O2 ® CO2.
Combustion incomplète : 2 C + O2 ® 2 CO.
Sa toxicité est due à son affinité pour les protéines héminiques
(hémoglobine et myoglobine) dont il bloque le fonctionnement.
2- Toxicité du CO dans l’organisme :
• L’absorption du CO se fait exclusivement par voie pulmonaire.
Le CO diffuse rapidement à travers la barrière alvéolo-capillaire, se dissout dans le plasma puis pénètre
dans le globule rouge où il se fixe sur l’hémoglobine avec
une affinité 100 à 250 fois supérieure à celle de l’oxygène.
Il en résulte la formation de carboxyhémoglobine (HbCO),
incapable de fixer et de transporter l’oxygène.
De plus la courbe de Barcroft (courbe de dissociation de l’hémoglobine)
est déviée vers la gauche, ce qui diminue nettement
la délivrance d’oxygène aux tissus.
En périphérie, le CO
diffuse du plasma vers l’intérieur de la cellule où il se fixe
sur les hémoprotéines (myoglobine) et les enzymes de la
chaîne mitochondriale (cytochrome aa3, catalase, peroxydase)
dont il bloque le fonctionnement.
Cette fixation s’accroît
en cas d’hypoxie associée. Ainsi l’intoxication au CO
est responsable d’une hypoxie tissulaire par quatre mécanismes
d’importance décroissante :
– surtout sanguine par diminution de la quantité d’oxygène
transporté par l’hémoglobine (hypoxie hypoxémique) ;
– pulmonaire par diminution de la quantité d’oxygène présente
dans l’alvéole ;
– périphérique par diminution des possibilités d’extraction
tissulaire de l’oxygène (courbe de Barcroft déviée vers la
gauche), et cellulaire par fixation du CO sur les hémoprotéines
et les enzymes de la chaîne mitochondriale ;
– cardiogénique quand l’atteinte myocardique entraîne une
diminution du débit cardiaque.
• La quantité d’HbCO formée dépend des concentrations
en CO et en O2 de l’air inspiré (gradient de diffusion entre
alvéole et sang), de la durée d’exposition, du type d’exposition,
du régime ventilatoire et de l’état physiologique du
sujet.
L’hyperventilation et l’augmentation du débit cardiaque
(effort musculaire) accroissent l’absorption du CO
par le sang.
La vitesse de diffusion et de fixation sur l’hémoglobine
est grande à la phase tout initiale de l’exposition,
et diminue à mesure que l’état d’équilibre approche.
• La molécule d’HbCO est stable mais réversible, selon
l’équation Hb + CO « HbCO qui obéit à la loi d’action
de masse.
L’apport important d’oxygène favorise la dissociation
de l’HbCO. Ainsi la demi-vie d’élimination de
l’HbCO est d’environ 320 min à l’air ambiant, 80 min sous
oxygène pur à une atmosphère absolue (une atmosphère
absolue = 1 ATA = pression atmosphérique), 32 min à
2 ATA d’O2 et 23 min à 3 ATA d’O2.
L’oxygène favorise
également la détoxification des hémoprotéines tissulaires
plus lente que celle de l’hémoglobine.
• Les organes habituellement les plus sensibles à l’ischémie
sont les cibles privilégiées de la toxicité du monoxyde
de carbone (système nerveux central et coeur).
– Au niveau cérébral, les régions à vascularisation précaire
sont atteintes les premières.
Ainsi on observe 4 types de
lésions (décrites initialement par Grinker) qui pourraient
expliquer à la fois le tableau aigu et les signes neurologiques
différés : nécrose du pallidum, lésions de la substance
blanche avec démyélinisation, lésions de la couche
spongieuse du cortex, lésions nécrotiques de l’hippocampe.
– Au niveau myocardique, on retrouve de multiples foyers
nécrotiques et micro-hémorragiques.
L’insuffisance coronaire
préexistante empêchant l’adaptation du débit coronaire
à l’hypoxie, peut favoriser la survenue d’une ischémie
myocardique avec infarctus du myocarde ou troubles
du rythme.
L’oedème pulmonaire, assez fréquemment rencontré
dans ces intoxications sévères au CO, relève de
mécanismes multiples, parfois intriqués : oedème hémodynamique,
oedème pulmonaire lésionnel, pneumopathie
d’inhalation.
– La toxicité du CO sur le muscle est moindre, mais l’on
peut observer fréquemment dans les formes comateuses,
des manifestations cutanées (phlyctènes) avec rhabdomyolyse,
même en dehors des zones de compression, faisant
évoquer un mécanisme de toxicité musculaire directe
ou indirecte.
• Chez la femme enceinte, les protéines héminiques foetales
fixent plus le CO que celles de la mère occasionnant une
hypoxie majorée. L’intoxication maternelle n’est donc pas
un reflet fiable de l’atteinte foetale.
• Dans les premiers mois de la vie, la persistance d’une
partie d’hémoglobine foetale (HbF), rend le jeune enfant
plus sensible à l’hypoxie de l’intoxication au CO.
Le CO
interagit vraisemblablement avec le processus de maturation
(myélinisation) du système nerveux de l’enfant.
Clinique de l’intoxication aiguë :
Les signes cliniques sont variés et connus depuis longtemps,
pourtant, on estime encore à 30 % le nombre d’erreurs
diagnostiques commises par défaut lors de la prise en
charge de l’intoxication au CO.
Le dosage de l’HbCO sanguine
doit être demandé au moindre doute et confirme facilement
le diagnostic.
1- Circonstances de découverte :
Les circonstances de survenue et le caractère volontiers
collectif, voire l’atteinte d’un animal domestique, doivent
orienter la démarche.
Le contexte est fondamental pour
évoquer le diagnostic : un appareil de chauffage et (ou) un
chauffe-eau vétustes, ou de petite capacité et vendus sans
système d’évacuation fiable ; un chauffage d’appoint dans
une pièce calfeutrée l’hiver ; l’utilisation d’une décolleuse
à papiers peints dans un endroit insuffisamment aéré sont
autant de circonstances qui imposent le dosage de l’HbCO
au moindre doute.
2- Examen clinique :
Les manifestations cliniques reflètent l’interaction de la
sévérité de l’intoxication et du terrain.
• Les signes neurologiques sont variés, plus ou moins sévères.
Il s’agit d’une asthénie progressive, qui peut rendre tout effort
impossible (ouverture de fenêtre, appel des secours), d’une
confusion mentale avec désorientation temporo-spatiale, de
céphalées initialement révélées par l’effort puis permanentes,
de troubles visuels, de vertiges avec nausées, vomissements
(sans diarrhée).
Une ou plusieurs pertes de connaissance
brèves avec tachycardie et tachypnée doivent attirer l’attention.
On peut observer (plus rarement) un signe de la roue
dentée, ou d’irritation pyramidale (hyperréflectivité ostéotendineuse,
signes de Babinski et Hoffmann), des troubles de
conscience pouvant aller jusqu’au coma hypertonique avec
convulsions dans les cas les plus sévères.
• Une symptomatologie électrocardiographique variée et
peu spécifique a été rapportée. La responsabilité précise du
terrain coronarien sous-jacent, et de l’intoxication oxycarbonée
n’est pas toujours nettement établie.
Les formes
sévères sur coeur sain sont responsables d’hypotension
majeure, et d’arythmies parfois mortelles, avec tous les intermédiaires
décrits : tachycardie sinusale, supraventriculaire (flutter, arythmie complète), extrasystoles ventriculaires
(ESV), tachycardie voire fibrillation ventriculaire. On peut
observer également des troubles de la repolarisation (inversion
de l’onde T, modification du ST), et des troubles de la
conduction à type de bloc de branche.
L’infarctus myocardique
n’est pas rare quand l’intoxication survient sur un terrain
coronaire. Il ne doit ni éliminer, ni égarer le diagnostic.
• Des signes cutanés vasomoteurs (la classique teinte rosée,
« cochenille » des téguments), des phlyctènes accompagnent
parfois les intoxications sévères.
• En cas d’intoxication aiguë, la progression classique de
la symptomatologie est habituellement la suivante : asthénie,
céphalées, vertiges, nausées, vomissements (sans diarrhée),
troubles visuels, impotence musculaire majorée à l’effort,
perte de connaissance brève avec chute, polypnée,
tachycardie, coma hypertonique avec signes d’irritation pyramidale,
convulsions, collapsus, détresse respiratoire, décès.
Formes cliniques :
Les formes cliniques très atypiques et variées, notamment
dans les formes mineures ou à l’inverse dans les formes
compliquées peuvent faire errer le diagnostic : ischémie
myocardique orientée en cardiologie, troubles gastro-intestinaux
considérés comme anodins, céphalées ne faisant pas
la preuve de leur origine.
Aussi, le diagnostic doit-il être
systématiquement évoqué devant des troubles neurologiques,
psychiatriques, cardiorespiratoires ou gastro-intestinaux
inexpliqués.
1- Formes mortelles d’emblée :
Elles sont retrouvées à domicile, et posent le problème
médico-légal du diagnostic et de la prise en compte dans
les statistiques de santé publique.
La plus grande partie de
ces décès est supposée d’origine cardiaque.
2- Formes neurologiques :
Selon la sévérité de l’intoxication, on rencontre divers
tableaux neurologiques.
• Les formes comateuses d’emblée, gravissimes, avec
risque de coma persistant, ou de séquelles neurologiques
importantes.
Elles sont souvent associées à une atteinte cutanéo-musculaire (point de compression, phlyctènes,
rhabdomyolyse) avec ou sans insuffisance rénale.
• Les formes non comateuses mais avec perte de connaissance
brève et (ou) symptomatologie neurologique persistante
[réflexes ostéo-tendineux (ROT) vifs, signe de
Babinski, vertiges, céphalées importantes…].
• Les formes mineures, avec symptomatologie fruste essentiellement
fonctionnelle (céphalées, troubles de concentration
et des performances intellectuelles, troubles neuropsychiatriques).
3- Formes compliquées d’emblée :
Il s’agit de :
– l’infarctus du myocarde chez le coronarien, ou sur coronaires
saines ;
– la détresse respiratoire souvent multifactorielle : troubles
neurologiques centraux, inhalation, oedème pulmonaire
hémodynamique ou lésionnel, etc ;
– l’insuffisance rénale par rhabdomyolyse.
4- Formes compliquées secondairement :
Le syndrome postintervallaire est l’association de troubles
neuropsychiatriques variés : syndromes démentiel, confusionnel,
dépressif, parkinsonien, troubles mnésiques, de l’humeur,
du comportement.
Il survient après un intervalle libre
de 2 à 40 jours (moyenne 22 jours), et fait le plus souvent
suite à des formes neurologiques graves d’emblée (coma
prolongé, syndrome déficitaire persistant) même si parfois
l’évolution clinique initiale semble satisfaisante.
Sa fréquence
varie de 5 à 40 % selon les auteurs et diminue au
cours du temps, grâce à la précocité et à la nature du traitement
instauré.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
et la tomodensitométrie cérébrale ont ici un intérêt diagnostique
et peut-être pronostique.
5- Formes selon le terrain :
• L’enfant : la clinique est encore plus polymorphe et atypique
que chez l’adulte. L’appréciation de la gravité de l’intoxication
est d’autant plus difficile.
À exposition égale, la
symptomatologie est d’autant plus sévère et précoce que
l’enfant est jeune.
Chez le tout-petit une hypotonie globale
non expliquée dans un contexte évocateur doit faire doser
l’HbCO.
Par ailleurs, tous les autres signes décrits chez
l’adulte doivent aussi alerter même s’ils sont d’une grande
banalité chez l’enfant (vomissements isolés, modifications
thermiques, pleurs et cris inhabituels chez les très petits,
céphalées ou troubles psychomoteurs chez les plus grands).
Le risque de séquelles et (ou) de manifestations secondaires
semble supérieur à celui de l’adulte.
• La femme enceinte : la clinique est identique à celle de
l’adulte.
Le retentissement sur le foetus est impossible à
évaluer précisément, et n’est corrélé ni à la symptomatologie,
ni à l’HbCO maternelles (cf. physiopathologie).
Le
risque tératogène est connu, mais peu évalué (avortements
spontanés, malformations, encéphalopathies).
6- Intoxications associées :
Dans un contexte d’autolyse (moteur de voiture mis en
route dans un garage fermé, par exemple…), il faut chercher
l’intoxication médicamenteuse volontaire associée.
De même une évidente prise toxique (alcool, héroïne), peut
masquer une intoxication au CO.
En cas d’incendie dans un lieu clos, les feux de matières plastiques
dégagent certains composés toxiques (acide cyanhydrique)
qui requièrent un traitement antidotique spécifique.
7- Intoxication professionnelle :
L’intoxication aiguë et (ou) chronique se rencontre dans
différentes industries où la combustion se fait en zone mal
ventilée et où il existe parfois un risque explosif : industrie
minière (coup de grisou, coup de poussier), métallurgie
(hauts fourneaux), chimie, travail dans les garages souterrains.
Le CO peut également s’accumuler dans des égouts,
silos, champignonnières.
La symptomatologie est souvent
fruste, rythmée par les périodes de travail (céphalées,
troubles de concentration et de mémorisation, troubles de
l’humeur, syndrome dépressif, etc.).
L’intoxication au CO est reconnue comme maladie professionnelle
: tableau n° 64 du Régime général et n° 40 du
Régime agricole.
8- Intoxication chronique domestique :
Elle est identique à la forme chronique professionnelle par la
clinique et les conséquences.
La difficulté d’identifier le problème
clinique et technique est parfois à l’origine d’un suraccident
grave après plusieurs épisodes mineurs négligés.
Paraclinique :
1- Méthodes de dosage :
Le CO peut être facilement mesuré dans l’air ambiant, par
des appareils simples et peu encombrants qu’utilisent les
équipes de secours.
Il est exprimé en particules par million
(ppm).
Dans le sang le dosage du CO se fait par colorimétrie, chromatographie
en phase gazeuse, ou spectrophotométrie
infrarouge.
On l’exprime alors en mL/100 mL de sang
(avec CO mL % = CO mmoles % x 2,24).
Le dosage de l’HbCO qui se fait par spectrophotométrie,
est le pourcentage de l’Hb totale : HbCO/Hb totale (coefficient
de Balthazard et Nicloux).
La correspondance habituelle est : 1 mL de CO/100 mL de
sang pour 5 % d’HbCO.
Le dosage de l’HbCO sanguine doit être pratiqué le plus
tôt possible après l’extraction du milieu toxique, car l’élimination
rapide du CO fausse les résultats d’autant plus
vite que le patient reçoit de l’O2 au masque.
2- Examens biologiques utiles :
Le seul examen spécifique est le dosage sanguin de l’HbCO.
Lui seul confirme le diagnostic par un taux supérieur à 5 %
chez le non-fumeur, et à 10 % chez le fumeur (celui-ci peut
présenter une HbCO > 10 % dans la vie courante).
Les gaz du sang montrent les signes d’une insuffisance
respiratoire aiguë avec hypoxie tissulaire (acidose
lactique) sans hypoxémie (PaO2 normale).
La SaO2 calculée
à partir de la PaO2 reste faussement normale, alors
que la SaO2 mesurée est très abaissée.
Il existe initialement
une alcalose respiratoire de compensation (PaCO2
diminuée).
Le bilan biologique non spécifique est adapté au terrain et
à la sévérité de l’intoxication oxycarbonée : la fonction
rénale peut être altérée, et les enzymes musculaires (CPK, SGOT, myoglobinémie) élevées en cas de rhabdomyolyse ;
les enzymes cardiaques (CPK-MB) sont dosées au moindre
doute.
3- Relation HbCO :
- signes cliniques
La toxicité du CO sur les organes est globalement porportionnelle
à la sévérité de l’intoxication, et donc à l’HbCO.
Pourtant il n’existe pas de parallélisme strict entre les manifestations
cliniques et l’HbCO sanguine mesurée, car :
– la clinique de l’intoxication est modifiée par le terrain
sur lequel elle survient ;
– le taux sanguin d’HbCO varie avec : la concentration en
CO au lieu de l’intoxication, la durée d’exposition, l’heure
réelle du dosage de l’HbCO (durée du transport), et les circonstances
qui favorisent l’épuration du CO (exposition à
l’air libre, oxygène à fort débit au masque durant le transport)
;
– les tentatives de corréler la clinique aux dosages de
l’HbCO sont établies sur des bases expérimentales, différentes
des circonstances cliniques usuelles.
L’HbCO sanguine n’a donc que très peu de valeur pour
évaluer la gravité ou le pronostic d’une intoxication au CO,
et n’est dosée qu’à titre diagnostique.
Traitement :
La prise en charge d’une intoxication au CO commence à
la régulation de l’appel téléphonique (Pompiers 18, SAMU
centre 15) par l’envoi de moyens de secours si possible
médicalisés et avec équipement de détection, qui orientent
le patient vers une unité de réanimation disposant d’un caisson
hyperbare.
Les secours extraient les victimes du milieu toxique, en
évitant le suraccident (instruments de détection et de
mesure du CO, protections respiratoires adaptées). Le
médecin corrige les détresses vitales, dose précocement
l’HbCO, et administre immédiatement l’O2 à fort débit.
Il
faut obtenir une FIO2 proche de 1 à l’aide d’un masque
facial avec bague de réglage appropriée.
L’O2 (antidote du CO), accélère l’élimination de l’organisme.
Il est administré selon 2 schémas thérapeutiques : à
FIO2 = 1 pendant une durée de 12 heures, c’est l’oxygénothérapie normobare (ONB) ; dans un caisson hyperbare
selon des tables précises, c’est l’oxygénothérapie hyperbare
(OHB).
Le choix entre les deux est basé sur la sévérité
de l’intoxication, le terrain, l’accessibilité à l’oxygénothérapie
hyperbare.
Le chiffre d’HbCO qui n’est pas un
témoin de sévérité fiable, n’intervient pas dans la décision.
Tout patient qui présente un trouble de conscience (même
transitoire) et (ou) une symptomatologie neurologique
objective persistante, les femmes enceintes quelle que soit
la clinique doivent bénéficier d’oxygénothérapie hyperbare.
Chez l’enfant l’indication doit être large. Dans les
intoxications collectives, le caisson d’oxygénothérapie
hyperbare multiplace est également un moyen d’accélérer
la guérison de nombreuses victimes.
Les intoxications oxycarbonées les plus sévères sont donc
traitées par oxygénothérapie hyperbare, associée à une prise
en charge classique de réanimation.
Les formes mineures sans indication formelle d’OHB doivent
bénéficier d’au moins 12 heures d’ONB, l’option OHB
se discute au cas par cas dans les indications « limites ».
La prévention est le premier volet du traitement de l’intoxication
oxycarbonée, et les efforts entrepris doivent être
poursuivis pour faire disparaître cette intoxication aux
conséquences souvent dramatiques