Les lipides circulants les plus importants comprennent le
cholestérol (libre et estérifié), les triglycérides (TG), les
phospholipides et acides gras libres (AGL).
2- Lipoprotéines
:
Les lipides ne sont pas hydrosolubles.
Dans le plasma, ils
circulent associés à des protéines [appelées apolipoprotéines
(Apo)] sous forme de complexes macromoléculaires
: les lipoprotéines.
Il en existe 4 principales séparées par ultracentrifugation
et par leur migration en électrophorèse. Ce sont les chylomicrons,
les VLDL (very low density lipoprotein), les LDL
(low density lipoprotein) et les HDL (high density lipoprotein).
3- Métabolisme des lipoprotéines
:
Une partie des triglycérides exogènes (alimentaires) est
hydrolysée dans l’estomac. Dans le duodénum, les acides
gras à chaîne courte ou moyenne (moins de 12 atomes de
carbone) sont absorbés directement via le système portal
et le foie, puis passent dans la circulation générale.
Au niveau de l’entérocyte, les triglycérides peuvent alors
être resynthétisés à partir des acides gras libres et s’associent
avec les apolipoprotéines synthétisées dans la
muqueuse intestinale pour former les chylomicrons.
Les triglycérides des chylomicrons sont hydrolysés par la
lipoprotéine lipase (LPL) en présence de son cofacteur,
l’apolipoprotéine CII.
Les acides gras sont captés essentiellement
par les tissus adipeux et musculaires.
Les chylomicrons
appauvris en triglycérides sont appelés chylomicrons
« remnants » et sont captés par un récepteur
hépatique reconnaissant l’ApoE.
Les triglycérides sont progressivement hydrolysés par la
lipoprotéine lipase.
Les VLDL s’appauvrissent donc en triglycérides
et s’enrichissent en cholestérol pour former les
IDL (intermediary density lipoprotein).
Les IDL peuvent
être captées par le foie (récepteur des remnants) ou transformées
en LDL toujours sous l’action de la lipoprotéine
lipase.
L’ApoE est codée par un système codominant à
3 allèles sur un même locus (e2, e3, e4).
Six phénotypes
sont donc possibles ; l’allèle e3 est le plus fréquent.
L’ApoE
se lie beaucoup moins au récepteur hépatique que l’ApoE
ou E4.
Environ 70 % du cholestérol est transporté par les LDL qui
permettent sa distribution aux cellules de l’organisme.
Les LDL se fixent sur le récepteur Apo B/E (décrit par Brown
et Goldstein) présent sur les membranes cellulaires de l’organisme.
Au total, 70 % des récepteurs aux LDL sont situés
au niveau du foie.
La liaison des LDL à leur récepteur peut
être alétérée et entraîner un allongement de leur demi-vie
plasmatique. Les LDL subissent alors des modifications à
type d’oxydation, de glycosylation, etc.
Elles passent dans
l’espace sous-endothélial et sont captées par les macrophages
par le biais d’un récepteur « éboueur » appelé scavenger.
Les macrophages se transforment alors en cellules
spumeuses par enrichissement en cholestérol.
Il s’agit d’un
phénomène majeur dans le processus d’athérosclérose.
Les HDL sont essentiellement synthétisées par le foie et
accessoirement par l’intestin.
Elles assurent le « transport
reverse » du cholestérol des tissus périphériques vers le foie
permettant ainsi son élimination par les voies biliaires.
Étiologie et épidémiologie
des hyperlipoprotéinémies :
Les hyperlipoprotéinémies correspondent à une augmentation
des lipides circulants et de leurs apolipoprotéines.
Plus de 2 % de la population générale est affectée
par ces pathologies, et un certain nombre de sujets ne sont
pas dépistés.
Les hyperlipoprotéinémies sont le plus souvent
primaires mais une hyperlipidémie secondaire sera
toujours recherchée.
A - Hyperlipoprotéinémies primaires
:
La détermination de la fraction lipidique augmentée permet
de typer l’hyperlipoprotéinémie.
La classification internationale
de Fredrickson repose sur les données de l’électrophorèse
des lipoprotéines.
Six phénotypes sont décrits,
correspondant à l’augmentation isolée ou non des chylomicrons,
LDL, VLDL et IDL.
1- L’hypercholestérolémie pure (type IIa)
:
• Forme monogénique
– Épidémiologie et aspects génétiques :
transmission autosomique dominante monogénique ;
trois gradations : la forme mineure où le cholestérol total
est situé entre 2,4 et 4 g/L ; la forme sévère où le cholestérol
total est voisin de 4 g/L, qui correspond le plus souvent
à la forme hétérozygote de la xanthomatose tendineuse hypercholestérolémique familiale (fréquence 1 cas/500) ;
la forme majeure où le cholestérol total est situé entre 6 et
12 g/L, qui correspond à la forme homozygote de la xanthomatose
tendineuse hypercholestérolémique familiale
(fréquence 1 cas/1 million).
– Les deux principaux pour mécanismes sont : mutation du gène codant le récepteur des LDL (plusieurs
mutations ont été décrites) ; le récepteur peut être soit absent
(de 0 à 50 % selon que la forme est homo- ou hétérozygote),
soit anormal ;
. mutation de l’apoprotéine B100 (en général 3 500e acide
aminé).
• La forme polygénique, caractérisée par des antécédents
familiaux variables, en rapport avec des petites anomalies
génétiques révélées ou aggravées par des erreurs diététiques.
Une alimentation trop riche en cholestérol et
graisses saturées peut entraîner une déficience fonctionnelle
des récepteurs.
2- Hyperlipidémie mixte ou combinée
:
• Hyperlipidémie de type IIb
– Aspects génétiques : transmission autosomique dominante,
mais le phénotype peut varier chez les apparentés,
en fonction de l’âge, des conditions diététiques, du sexe
des individus.
La même anomalie génétique peut se présenter
comme une hypercholestérolémie pure ou une hypertriglycéridémie
isolée.
– Mécanisme : augmentation de la synthèse hépatique de
l’apo B100.
• Hyperlipidémie de type III.
– Épidémiologie : moins de 1 % des hyperlipoprotéinémies,
1/10 000 sujets.
– Aspects génétiques : transmission autosomique récessive
le plus souvent.
– Mécanismes : accumulation plasmatique de chylomicrons
remnants et d’IDL par défaut de captation hépatique.
Le
développement de cette dyslipidémie nécessite deux conditions
:
. une anomalie de l’ApoE : 90 % des patients ont un phénotype
homozygote de l’ApoE E2/E2 de l’affinité de liaison
de l’ApoE2 à son récepteur est inférieure à 1 % par
rapport à l’affinité de liaison des Apo E3 et E4 qui est de
100 % ;
. un facteur associé génétique ou environnemental (surpoids
par exemple) responsable d’une augmentation de la
synthèse des VLDL.
Ainsi, le phénotype E2/E2 seul ne suffit pas à entraîner une
hyperlipidémie de type III.
En effet, seulement 1 % des
patients ayant le phénotype E2/E2 vont développer un type III.
3- Hypertriglycéridémie :
• Hypertriglycéridémie pure de type IV
– Hypertriglycéridémie alcoolo-glucido-pondéro-dépendante
:
aspects génétiques : non identifiés,
. mécanisme : la surcharge pondérale, la consommation
d’alcool et l’insulinorésistance augmentent la synthèse
hépatique en VLDL et une baisse de leur catabolisme.
– Hypertriglycéridémie familiale :
. épidémiologie : environ 10 % des patients hyperlipidémiques,
. aspects génétiques : transmission autosomique dominante.
• Hypertriglycéridémie de type
– Épidémiologie : exceptionnelle, 1 cas sur 1 million, moins
de 1 % des hyperlipoprotéinémies.
– Aspects génétiques : mutation du gène de la lipoprotéine
lipase, transmission autosomique récessive.
– Mécanisme : défaut d’activité de la lipoprotéine lipase
lié à une anomalie de l’enzyme ou de son activateur physiologique
(ApoCII) entraînant une accumulation de chylomicrons.
Cette hypertriglycéridémie est dépendante des graisses exogènes
(alimentaires).
• Hypertriglycéridémie de type V
– Épidémiologie : également exceptionnelle, moins de 1%
des hyperlipoprotéinémies.
– Mécanisme : double surcharge en chylomicrons et VLDL
avec une double dépendance aux graisses et aux sucres.
Le
plus souvent, les sujets ayant une hyperlipidémie de type
IV avec une forte augmentation des VLDL peuvent transitoirement
avoir un phénotype V du fait de la saturation
des possibilités de lipolyse de la lipoprotéine lipase entraînant
une accumulation de chylomicrons.
B - Hyperlipoprotéinémies secondaires
:
Elles peuvent être découvertes dans le bilan de l’affection
causale dont elles peuvent modifier le pronostic, cardiovasculaire
en particulier.
Elles doivent systématiquement être recherchées devant
toute hyperlipoprotéinémie en apparence primaire.
1- Diabète
:
• Diabète de type 1, insulino-dépendant (DID) : la carence
insulinique majeure entraîne une diminution de l’activité
de la lipoprotéine lipase et donc une hypetriglycéridémie.
Cependant, l’hypertriglycéridémie majeure reste rare, y
compris dans le cadre d’un diabète insulino-dépendant
décompensé.
• Diabète de type II, non insulino-dépendant (DNID) :
augmentation de la synthèse des VLDL par augmentation
du flux portal de substrats (acides gras libres et glucose).
L’hyperinsulinisme pourrait potentialiser cette augmentation
de synthèse des VLDL.
L’hypertriglycéridémie modérée
est fréquente chez ces patients, surtout s’il existe une
surcharge pondérale.
2- Hypothyroïdie
:
Diminution de la synthèse mais surtout du catabolisme des
lipoprotéines.
Responsable d’une hyperlipoprotéinémie de
type IIa ou IIb avec HDL-C élevé.
3- Syndrome néphrotique
:
Augmentation de synthèse hépatique des VLDL secondairement
à l’hypoalbuminémie.
Responsable d’une hyperlipidémie
mixte.
4- Insuffisance rénale
:
Accumulation de remnants de VLDL, augmentation des
VLDL, baisse des HDL et enrichissement en triglycérides
des LDL.
Responsable d’une hypertriglycéridémie.
5- Cholestase :
L’obstruction biliaire intra- ou extrahépatique, quelle que
soit l’étiologie, entraîne l’apparition de lipoprotéines spécifiques
appelées lipoprotéines X.
Elle est responsable d’une hypercholestérolémie.
6- Sida
:
Il est fréquemment associé à une hypertriglycéridémie de
physiopathologie complexe.
7- Hyperlipidémies iatrogéniques
:
– OEstrogènes par voie orale : parfois responsables d’une
hypertriglycéridémie avec HDL-C élevé.
– Progestatifs dérivés de la nor-testostérone (nor-stéroïdes) :
responsables d’une diminution du HDL-C.
– Corticoïdes : responsables d’une hypertriglycéridémie
avec HDL-C élevé.
– Rétinoïdes : responsables d’une hyperlipidémie combinée.
– Antihypertenseurs : certains diurétiques et les b-bloquants
sans activité sympathomimétique intrinsèque sont responsables
d’une hypertriglycéridémie modérée avec souvent
diminution du HDL-C.
– Autres : antiprotéases, ciclosporine…
Diagnostic
:
A - Démarche diagnostique
:
Lors d’une consultation pour hyperlipidémie, elle doit comprendre
systématiquement :
• un interrogatoire précise le mode de découverte (lors
d’un examen systématique ou lors d’une complication cardiovasculaire),
les taux des paramètres lipidiques, les
régimes prescrits, les traitements antérieurement reçus ainsi
que leur tolérance et leur efficacité éventuelle, les facteurs
de risque cardiovasculaires associés (obésité, tabac, hypertension
artérielle, diabète sucré) et l’existence d’antécédents
ou de signes actuels d’angor, infarctus du myocarde,
claudication intermittente, accident vasculaire cérébral ;
• une analyse des antécédents familiaux d’hyperlipidémie
et d’affections cardiovasculaires ;
• un examen clinique pour évaluer le retentissement vasculaire
de l’hyperlipidémie et rechercher des dépôts lipidiques
extravasculaires ;
• l’analyse critique du bilan biologique qui doit être pratiqué
après 12 heures de jeûne.
Les Références médicales
opposables (RMO) recommandent lors du premier bilan
un dosage du cholestérol total (CT) et des triglycérides ;
chez un homme de moins de 50 ans et chez une femme non
ménopausée, asymptomatique, il n’est pas recommandé de recontrôler ces dosages avant un délai de 5 ans.
En cas
d’anomalie d’un ou des deux paramètres, on complètera le
bilan par l’examen de l’aspect du sérum à jeun et le dosage
du HDL-C (par précipitation).
Le LDL-C sera calculé selon
la formule de Friedewald (les paramètres sont en g/L) : LDL
= CT – HDL – TG/5 (formule valable uniquement si les
triglycérides sont inférieurs à 4 g/L et en l’absence d’IDL).
Le diagnostic précis de l’hyperlipidémie repose sur un
dosage fiable à confirmer par un deuxième bilan.
L’électrophorèse
des lipoprotéines est parfois utile ;
• la recherche d’une cause secondaire ou iatrogénique
d’hyperlipidémie par des examens clinique et paraclinique.
B - Hypercholestérolémie pure (type IIa)
:
1- Présentation clinique
:
Le tableau clinique dépend essentiellement du taux de cholestérolémie
:
– l’arc cornéen est un arc blanchâtre complet ou non, situé
à la périphérie de la cornée, évocateur d’hypercholestérolémie
modérée surtout chez les sujets avant 50 ans ;
– le xanthélasma est un dépôt jaunâtre à la partie interne
des paupières supérieures et inférieures ;
– les xanthomes tendineux sont des épaississements ou des
nodules visibles et (ou) palpables (lorsque le cholestérol
total est supérieur à 4 g/L) sur les tendons extenseurs des
doigts des mains et les tendons d’Achille (pouvant entraîner
une tendinite du tendon d’Achille) ; ils apparaissent
vers l’âge de 20-30 ans ;
– les xanthomes cutanés plans ou tubéreux peuvent apparaître
dans l’enfance et sont spécifiques de la forme homozygote.
2- Signes biologiques
:
Après 12 heures de jeûne, le sérum est clair ; il y a une augmentation
du cholestérol total par augmentation du LDL-C.
Les triglycérides sont normaux. Le HDL-C est normal ou
bas.
3- Pronostic
:
L’augmentation du LDL-C est associée de façon indiscutable
à un risque athérogène accru, en particulier au niveau
coronaire.
Toutes les gradations de type IIa sont concernées.
L’augmentation du niveau de risque est corrélée au
taux de cholestérolémie : plus les taux de cholestérol total
et LDL-C sont élevés, plus les accidents coronaires seront
de survenue précoce.
Dans la forme homozygote, en l’absence
de traitement adéquat, le décès par infarctus du myocarde
survient habituellement avant l’âge de 20 ans.
4- Hypercholestérolémies secondaires
:
Il faut rechercher devant une hypercholestérolémie : une
hypothyroïdie, une cholestase et un syndrome néphrotique.
C - Hyperlipidémie mixte (type IIb ou III)
:
Il s’agit d’une élévation du cholestérol total et des triglycérides.
Le taux de HDL-C est le plus souvent abaissé (du
fait de l’hypertriglycéridémie).
1- Présentation clinique
:
• L’hyperlipidémie de type III (dysbêtalipoprotéinémie)
est dépistée après l’âge de 20 ans et est évoquée cliniquement
par la présence de dépôts jaune orangé des plis palmaires
et de xanthomes tubéreux.
Cependant, leur absence
n’exclut pas le diagnostic.
Les atteintes vasculaires sont
fréquentes et souvent multiples (coronaires, carotides,
fémorales).
• L’hyperlipidémie de type IIb est athérogène et peut être
évoquée devant un arc cornéen ou un xanthélasma.
Elle
correspond dans certains cas à l’hyperlipidémie familiale
combinée, hautement athérogène où les différents membres
d’une même famille présentent des phénotypes différents.
2- Signes biologiques
:
Le sérum est opalescent à jeun.
• Dans l’hyperlipidémie de type III : l’élévation du cholestérol
total et des triglycérides se fait dans des proportions
similaires, entre 3 et 5 g/L.
Dans ce cas, l’électrophorèse
des lipoprotéines est très utile car elle peut montrer
une bande anormale caractéristique : la broad bêta lipoprotéine
qui correspond aux IDL.
L’étude du péhnotype de
l’ApoE peut contribuer au diagnostic (classiquement, phénotype
E2/E2).
• Dans l’hyperlipidémie de type IIb : élévation du cholestérol
total et LDL-C et des tryglicérides dans des proportions
variables d’un jour à l’autre, l’apoprotéine B est augmentée.
L’électrophorèse des lipoprotéines montre une
élévation des b-lipoprotéines (LDL) et des pré b-lipoprotéines
(VLDL).
D - Hypertriglycéridémie pure (type IV)
:
1- Présentation clinique
:
L’hypertriglycéridémie est le plus souvent asymptomatique.
Elle peut être associée à une obésité androïde, un
trouble du métabolisme glucidique, et une hypertension
artérielle, l’ensemble de ces anomalies s’intégrant dans le
syndrome X de Reaven.
Sous l’influence d’une consommation
importante d’alcool et/ou d’une décompensation
d’un diabète préalablement connu ou pas et/ou d’un écart
de régime, l’hyperlipidémie peut s’amplifier en type IV
majeur (triglycérides supérieurs à 10 g/L).
On peut alors
observer une hépatomégalie par stéatose, une xanthomatose
éruptive (papules centrées d’une lésion jaunâtre), une
asthénie et une somnolence post-prandiale.
La complication
majeure, dans ce cas, est la pancréatite aiguë qui peut
d’ailleurs constituer le mode de révélation de cette dyslipidémie.
2- Signes biologiques
:
Le sérum est trouble à jeun.
Les triglycérides sont élevés
(supérieurs à 1,5 g/L) mais extrêmement variables d’un jour
à l’autre.
Le cholestérol total est normal ou élevé (par élévation
du cholestérol contenu dans les VLDL), le HDL-C
est abaissé.
Sous traitement, la décroissance des triglycérides
est plus rapide que celle du cholestérol total.
Cela
explique que si le bilan est réalisé quelques jours après
l’épisode aigu, on peut observer un taux de cholestérol total
supérieur à celui des triglycérides.
3- Hypertriglycéridémies secondaires
:
Devant une hypertriglycéridémie, il faut doser la glycémie
à jeun pour rechercher un diabète sucré.
Il faut rechercher
aussi une insuffisance rénale chronique, une prise d’alcool
ou d’oestrogènes par voie orale (dans ces deux derniers cas,
le HDL-C est normal ou élevé malgré l’élévation des triglycérides).
E - Hyperchylomicronémie (type I ou V)
:
1- Présentation clinique
:
L’hyperlipidémie de type I est révélée dans l’enfance par
des épisodes itératifs de douleurs abdominales, ou de pancréatites
aiguës (si triglycérides supérieurs à 10 g/L), ou
par une canthomatose éruptive.
Elle doit être prise en
charge dans un service spécialisé.L’hyperlipidémie de
type V associe les anomalies du type I et du type IV.
2- Signes biologiques
:
Le sérum à jeun est lactescent.
Après 24 h de décantation
à 4 °C, le sérum est clair avec un surnageant crémeux dans
le type I ou opalescent avec un surnageant crémeux dans
le type V.
Le bilan confirme l’hypertriglycéridémie parfois
très élevée avec un cholestérol total normal.
L’électrophorèse
des lipoprotéines retrouve une hyperchylomicronémie
isolée (type I) ou associée à une augmentation des pré-b-
lipoprotéines (type V).
Traitement
:
A - Preuves apportées
par les études de prévention :
Les études de prévention, qu’elles soient primaires ou
secondaires, ont démontré clairement l’efficacité du traitement hypolipémiant sur la baisse de la morbidité et de la
mortalité cardiovasculaires via la baisse du cholestérol total
et LDL-C.
Les études récentes effectuées avec les statines
ont démontré en plus une diminution significative de la
mortalité globale et que le bénéfice thérapeutique peut être
très précoce, avant même le 6e mois qui suit l’intauration
du traitement.
C’est à partir de ces études qu’ont été définies
les valeurs seuils d’instauration du traitement diététique
ou médicamenteux et la valeur cible de LDL-C à
atteindre.
Les valeurs à partir desquelles un traitement sera
instauré ainsi que les valeurs cibles souhaitables dépendent
du type de prévention (primaire ou secondaire), de l’âge
du patient et des facteurs de risque associés.
1- Régime hypocholestérolémiant
:
Il est conseillé de :
– diminuer les apports en cholestérol (cholestérol alimentaire,
apports inférieurs à 300 mg/j) ; ces conseils se traduisent
en pratique pour le patient par une diminution de
la consommation de viande rouge, charcuterie, abats, fromage,
oeufs, au profit du maintien ou de l’augmentation de
la consommation de poisson (surtout gras), de viande
blanche, volaille, légumes, légumineuse et huiles végétales
;
– diminuer la consommation quotidienne en lipides dont
l’apport ne doit pas dépasser 30-35 % de la ration calorique
quotidienne ;
– surtout diminuer les apports en graisses saturées et les
remplacer par des graisses insaturées (produites à partir de
certains végétaux : huile ou margarine au tournesol, huile
de maïs, huile de colza, huile d’olive).
2- Régime hypotriglycéridémiant
:
Compte tenu du caractère athérogène et thrombogène des
graisses saturées, il est important chez ces patients d’en
limiter l’apport.
Il faut plus particulièrement axer les conseils en fonction
de la dépendance alimentaire de l’hypertriglycéridémie :
– suppression de l’alcool dans la forme alcoolo-dépendante
;
– limitation draconienne des hydrates de carbone à index
glycémique élevé dans la forme glucido-dépendante (fruits, boissons sucrées,
glaces, confiserie, etc.) ;
–
limitation calorique en cas de surpoids.
B - Traitements médicamenteux :
1- Résines échangeuses d’ions
:
La colestyramine (Questran) à la dose de 4 à 24 g/j entraîne
la diminution du LDL-C.
Les inconvénients sont les effets
secondaires qui sont atténués par l’augmentation progressive
de la posologie (constipation, ballonnements, nausées,
changement du goût) et le risque d’interférence médicamenteuse
par diminution de l’absorption des médicaments
pris simultanément.
Le Questran doit être pris à distance
des autres médicaments.
Il faut en particulier que les digitaliques
et les antivitamines K soient pris au minimum
1 h 30 à 2 h avant le Questran. Une élévation modérée des
triglycérides est parfois notée.
2- Statines ou inhibiteurs de l’HMG Co-A
(hydroxy-3-méthylglutaryl coenzyme A)
réductase
:
La simvastatine (Zocor et Lodalès à la dose de 5 à 40 mg/j),
la pravastatine (Élisor ou Vasten à la dose de 10 à 40 mg/j),
la fluvastatine (Fractal et lescol à la dose de 20 à 80 mg/j),
l’atorvastatine (Tahor 10 à 80 mg/j).
Ces médicaments,
seuls ou en combinaison avec les résines, diminuent significativement
le taux de cholestérol total et cela de façon dose-dépendante (le LDL-C diminue d’environ 30-50 %)
et diminuent modérément les triglycérides.
Ces produits
sont efficaces en prise unique et doivent être pris au repas
du soir.
Ils sont contre-indiqués chez l’enfant, la femme
enceinte ou susceptible de l’être, et en cas d’insuffisance
hépatique ou rénale sévère.
La tolérance clinique est bonne.
La surveillance du traitement comprend un dosage systématique
des transaminases (ASAT et ALAT) et des CPK
(créatine phosphokinases) tous les 4 à 6 mois et plus précocement
en cas de douleur musculaire.
Le traitement doit
être interrompu si les transaminases sont à plus de trois fois
la normale ou si les CPK sont à plus de cinq fois la
normale.
3- Dérivés des fibrates
:
Ils permettent l’abaissement des VLDL et des triglycérides
d’environ 50 %, la modification favorable de la taille et de
la structure des LDL, la réduction de leur taux d’environ
10 à 15 % et, enfin, l’augmentation du HDL-C d’environ
10 %.
Tous peuvent être donnés en une seule prise, le soir : ciprofibrate (Lipanor à la dose de 100 mg/j), bézafibrate
(Befizal à la dose de 400 à 600 mg/j) et fénofibrate (Lipanthyl
67 ou 200 micronisé ou Secalip 300).
En pratique courante,
ce sont des médicaments bien tolérés ; les effets
secondaires sont rares : impuissance sexuelle de physiopathologie
inconnue, élévation des transaminases et des CPK
et peut-être lithiase biliaire.
Leur liaison aux protéines
sériques est importante, d’où risque d’interaction médicamenteuse,
en particulier avec les antivitamines K.
Ils sont
contre-indiqués en cas d’insuffisance hépatique ou rénale,
chez l’enfant et la femme enceinte ou susceptible de l’être.
4- Huiles de poisson
:
À base d’acides gras oméga 3 polyinsaturés (Maxepa 4 à 6
capsules par jour) elles ont un effet hypotriglycéridémiant à
fortes doses et ont des propriétés antiagrégeantes.
Elles permettent
une baisse de la triglycéridémie d’environ 25 %, probablement
via une inhibition de la synthèse, cet effet étant
dose-dépendant.
Elles ont également un effet favorable sur
la coagulation et l’agrégation plaquettaire.
Des événements
indésirables bénins peuvent survenir, à type d’éructations,
flatulence, vomissements, troubles du transit.
5- LDL aphérèses
:
Elles permettent l’épuration des LDL ; il s’agit d’un traitement
extrêmement efficace mais très lourd et coûteux.
C - Indications thérapeutiques :
L’instauration d’un traitement diététique ou médicamenteux
est réalisée après le diagnostic précis de l’anomalie lipidique
qui nécessite 2 à 3 dosages à quelques semaines d’intervalle.
Les indications doivent être bien étudiées car une fois le traitement
prescrit, il doit être poursuivi à vie.
La décision de
mettre en place un traitement médicamenteux est fondée
essentiellement sur le taux de LDL-C.
L’efficacité et la tolérance
du traitement seront surveillées tous les 6 mois environ.
Il faut, bien entendu, veiller à la lutte contre les autres
facteurs de risque, en particulier le tabagisme, et encourager
le patient à pratiquer une activité physique régulière.
1- Type IIa
:
La diététique est la première étape et doit être poursuivie
même si un traitement médicamenteux est instauré.
Le premier
médicament qui peut être utilisé est une résine ou une
statine.
Les fibrates sont intéressants, même dans les hypercholestérolémies
pures en raison de leur coût moindre.
L’association résine-statine est synergique.
L’association statines-fibrates est classiquement déconseillée en raison
du risque potentiellement accru de myolyse.
Enfin, les LDL aphérèses sont à réserver aux patients
atteints d’hyperlipémie de type IIa homozygote.
2- Type IV
:
La diététique est primordiale et suffit le plus souvent à normaliser
l’anomalie lipidique.
La valeur cible de la triglycéridémie
est inférieure à 2 g/L ou même à 1,50 g/L en privilégiant
la diététique.
Si celle-ci ne permet pas d’atteindre
la valeur cible préconisée, il faut alors évaluer soigneusement
le risque global de l’hyperlipidémie (hypoHDLémie
inférieure à 0,35 g/L ou diabète associés) et si nécessaire
ajouter un médicament [fibrates et (ou) des huiles de poisson].
Lors d’un passage en type IV majeur, le patient est à
risque de pancréatite.
La diétérique stricte et le sevrage de
l’alcool sont indispensables.
L’hospitalisation est justifiée
en cas de douleur abdominales.
En cas de diabète décompensé
associé, l’insulinothérapie entraîne une diminution
rapide des triglycérides.
3- Types IIb ou III
:
Schématiquement, les patients doivent bénéficier des
mesures mentionnées dans les 2 paragraphes précédents
pour le choix du médicament et la diététique.
Le traitement
de choix est représenté par les dérivés des fibrates surtout
si les triglycérides sont très élevés avec un HDL-C bas.
Si le dépassement des triglycérides est modéré, les statines
peuvent être utilisées isolément.
4- Type I
:
Il nécessite une prise en charge spécialisée ; le régime prescrit
est sévère, très pauvre en graisses (moins de 10 % de
la ration quotidienne) afin de limiter l’hypertriglycéridémie
et le risque de pancréatite aiguë secondaire.
Ce régime
nécessite des compléments lipidiques représentés par les
acides gras à chaîne moyenne et une supplémentation en
vitamines liposolubles.