Les complications hépatiques de l’alcool sont un véritable problème
de santé publique.
L’HAA est une forme sévère d’hépatopathie liée
à l’alcool dont la mortalité à court terme peut atteindre 50 %.
L’évolution à long terme est conditionnée par la poursuite de
l’intoxication alcoolique et l’apparition d’une cirrhose.
L’incidence
exacte de l’HAA est inconnue car son diagnostic impose une biopsie
hépatique.
Néanmoins, l’incidence des décès par cirrhose alcoolique
ou sans étiologie précisée était de 8 790 en 1993 et on peut estimer
qu’un tiers des décès liés à la cirrhose alcoolique est dû à une
hépatite alcoolique associée.
Afin d’infléchir cette évolution, il est
fondamental de diagnostiquer précocement les formes minimes et
modérées afin d’alerter les patients sur le risque d’évolution vers la
cirrhose en cas de poursuite de l’intoxication.
En ce qui concerne les
formes sévères, on peut espérer qu’une meilleure connaissance de la
physiopathologie de l’atteinte hépatique liée à l’alcool permettra le
développement de traitements spécifiques susceptibles d’améliorer
le pronostic.
Anatomie pathologique
:
A - DÉFINITION
:
Le diagnostic d’HAA repose sur la présence de lésions de souffrance
hépatocytaire (clarification, ballonnisation et nécrose hépatocytaire) associées
à un infiltrat à polynucléaires neutrophiles au voisinage des
hépatocytes altérés.
Les lésions sont focales, souvent
multiples et sont centrées par des foyers de nécrose acidophile.
B - SIÈGE DES LÉSIONS
:
Le siège préférentiel des lésions d’HAA est la région
péricentrolobulaire (zone 3 de l’acinus) lorsque l’HAA survient sur
un parenchyme antérieurement sain ou la périphérie des nodules
hépatocytaires lorsque l’HAA se développe sur un foie cirrhotique.
C - LÉSIONS ASSOCIÉES
:
Certains hépatocytes comportent des corps de Mallory.
Il s’agit
d’amas rubanés, intracytoplasmiques très éosinophiles, formés de
constituants du cytosquelette de l’hépatocyte. Ils sont présents en
moyenne dans 65 % des cas, mais leur présence ne fait pas partie de
la définition histologique de l’HAA et ils ne sont pas spécifiques.
Les diverses affections au cours desquelles existent des corps de Mallory sont les suivantes : carcinome hépatocellulaire, cirrhose
biliaire primitive, maladie de Wilson, hépatite au maléate de
périxilline (Pexidt), l’hépatite à l’amiodarone (Cordaronet),
lésions hépatiques des courts-circuits intestinaux pour obésité,
résection étendue du grêle, lésions hépatiques après amaigrissement
important chez l’obèse.
L’HAA peut exister au cours des divers
stades évolutifs de la maladie alcoolique du foie, stéatose, fibrose,
cirrhose. Mais ni la stéatose ni la fibrose ne font partie de la
définition de l’HAA.
L’infiltrat à polynucléaires neutrophiles est
fréquemment associé à une infiltration par des cellules mononucléées et à une hyperplasie des cellules de Kupffer.
Une surcharge ferrique modérée intrakupfférienne et/ou intrahépatocytaire peut également être observée.
Certaines cellules
hépatiques peuvent contenir des mitochondries géantes, inclusions intracytoplasmiques arrondies, très éosinophiles, mesurant 2 à
10 µm de diamètre.
Ces mégamitochondries sont des stigmates
d’alcoolisme chronique et ne sont pas spécifiques de L’HAA.
Cependant, il a été constaté chez des patients ayant une HAA que la
présence de mégamitochondries était associée à une forme clinique
moins sévère et à une survie à 1 an supérieure par rapport aux
patients ayant une HAA sans mégamitochondries.
D - FORMES PARTICULIÈRES
:
Formes cholestatiques : dans certains cas, la ponction-biopsie
hépatique (PBH) révèle la présence de thrombus biliaires abondants
intracanaliculaires et intrahépatocytaires.
Dans une série comprenant
306 patients ayant une HAA histologiquement prouvée, 22 % des
patients avaient une cholestase histologique sévère ou modérée.
L’intensité de la cholestase était corrélée de façon significative à la
sévérité des altérations biologiques hépatiques, à la sévérité du score
histologique et à la survie.
Hépatite alcoolique subaiguë sclérosante et hyaline : elle est caractérisée
par une nécrose péricentrolobulaire associée à une fibrose précoce et
extensive.
Cette fibrose efface la lumière des veines centrolobulaires.
Cette lésion serait responsable d’une hypertension portale
précoce.
E - ÉVOLUTION ET PRONOSTIC
:
L’évolution à court et moyen termes des lésions histologiques
d’HAA est mal connue car la répétition des biopsies hépatiques est
difficilement concevable lors du suivi de ces patients.
Seul Galambos
a étudié l’évolution histologique de 16 patients au décours de
l’épisode aigu par des biopsies pendant 18 mois : la nécrose
hépatocytaire et l’inflammation ne se sont pas améliorées pendant
les 4 à 5 premières semaines d’hospitalisation bien que la stéatose
ait diminué ou disparu ; cinq des 16 patients avaient repris une
intoxication éthylique ; deux de ces cinq patients ont développé une
cirrhose en 18 mois et trois avaient une HAA persistante à 1 an sans
cirrhose ; chez les 11 patients sevrés, les lésions d’HAA se sont
améliorées lentement, mais persistaient à 12 mois chez six patients ;
deux patients ont développé une cirrhose à 12 et 14 mois ; enfin
trois patients seulement présentaient une histologie hépatique
normale entre 4 et 7 mois.
Ces observations suggèrent que l’HAA
est longue à disparaître.
La corrélation entre la sévérité du score
histologique et la survie n’est pas clairement établie.
Chez les
patients ayant une HAA associée à une cirrhose, il a été montré que
le score histologique avait une valeur pronostique indépendante sur
la survie.
D’autre part, il a été constaté que l’index de
prolifération épithéliale apprécié par la mise en évidence du proliferating cell nuclear antigen par anticorps monoclonaux était
corrélé de façon significative à la survie.
Physiopathologie
:
Les lésions hépatocytaires de l’HAA résultent de la production
d’acétaldéhyde : produit de l’oxydation de l’alcool et de la
production de radicaux libres dans les microsomes hépatiques par
le cytochrome P 450 2E1, voie accessoire inductible de l’oxydation
de l’alcool.
A - TOXICITÉ DE L’ACÉTALDÉHYDE
:
L’acétaldéhyde peut se lier de façon covalente aux protéines
microsomales hépatiques comprenant le cytochrome P450 2E1, à
d’autres molécules telles que le collagène et à des protéines
circulantes : albumine, hémoglobine et lipoprotéines pour former
des complexes dénommés adduits.
Ces acétaldéhydes adduits
peuvent être toxiques par le biais d’inhibitions enzymatiques, d’une
réaction auto-immune responsable d’une inflammation et d’une
agression hépatique, et d’une perturbation des fonctions microtubulaires.
Un des rôles clef de la fonction microtubulaire est
le transport intracellulaire des protéines et leur sécrétion.
Chez le
rat, une consommation chronique d’alcool retarde la sécrétion de
protéines et entraîne une rétention hépatique.
L’augmentation intrahépatocytaire d’eau, d’électrolytes, de lipides et de protéines
est responsable d’une augmentation du volume des hépatocytes.
B - PEROXYDATION LIPIDIQUE
:
Les radicaux libres (radicaux superoxydes et hydroxyles) peuvent
endommager de nombreux constituants cellulaires, les lipides, les
protéines, les acides nucléiques, les acides aminés libres et les
lipoprotéines.
Ces protéines modifiées par les radicaux libres vont
être la cible d’une réaction cytotoxique à médiation cellulaire
anticorps dépendante.
La chaîne respiratoire mitochondriale est
également une cible majeure des radicaux libres qui altèrent son
intégrité fonctionnelle.
C - CYTOKINES ET HÉPATITE ALCOOLIQUE AIGUË
:
L’acétaldéhyde et la peroxydation lipidique sont en outre à l’origine
d’une cascade immuno-inflammatoire complexe en cours
d’investigation et dont la plupart des aspects n’ont été étudiés qu’in
vitro et chez l’animal.
Les étapes essentielles de cette cascade immuno-inflammatoire sont les
suivantes.
L’activation de la cellule de Kupffer est un événement essentiel dans
l’initiation des lésions hépatiques liées à l’alcool.
L’alcool augmente
l’endotoxinémie circulante d’origine intestinale et la concentration
de fer non héminique dans les cellules de Kupffer.
Les endotoxines,
le fer, l’acétaldéhyde et les radicaux libres jouent un rôle important
dans l’activation du facteur nucléaire de transcription NF-jB dans
les cellules de Kupffer, responsable de la libération par ces cellules
de cytokines pro-inflammatoires dont le tumor necrosis factor
(TNF)alpha.
Le TNF-alpha est probablement un facteur indispensable de
progression de la maladie hépatique.
Le TNF-alpha entraîne la génération
par les mitochondries hépatocytaires d’anions superoxydes toxiques
responsables de la mort cellulaire par l’intermédiaire d’altérations
de macromolécules critiques telles que l’acide désoxyribonucléique
(ADN), des lipides et des protéines. Une déplétion en
glutathion mitochondrial secondaire à la consommation d’alcool
potentialise la production de radicaux libres et la nécrose hépatocytaire induites par le
TNF-alpha.
En revanche, la restauration du
glutathion mitochondrial par la S-adénosylméthionine favorise la
résistance des hépatocytes au TNF-alpha.
Le TNF-alpha entraîne également
l’activation de NF-jB dans les hépatocytes et, de là, l’expression de
chimiokines recrutant les polynucléaires neutrophiles tels que
l’interleukine (IL) 8 et le growth related oncogenes (GROa) et des
molécules d’adhésion aboutissant à des perturbations de la
microcirculation.
L’IL8 est également synthétisée par les cellules
endothéliales et surtout par les monocytes/macrophages et les
cellules de Kupffer en réponse à une variété de stimuli telle que le
TNF-alpha, l’IL1 ou les endotoxines.
De plus, les neutrophiles euxmêmes
peuvent produire de l’IL8, entraînant une stimulation
autocrine.
Les polynucléaires neutrophiles recrutés par l’IL8 vont
être activés par diverses substances solubles, en particulier l’IL8, le
TNF-alpha, le platelet activating factor (PAF).
Le polynucléaire neutrophile
contient trois types d’organelles intracellulaires : les granules
primaires (azurophiles) riches en myéloperoxydase, protéinases
(dont l’élastase) et hydrolases ; les granules secondaires (spécifiques)
riches en lysozymes, collagénase, lactoferrine, vitamine B12 binding
protein ; les petites organelles cellulaires riches en gélatinase et
hydrolases.
Les polynucléaires activés vont synthétiser, au sein de
leurs granules, des produits néoformés (PAF, leucotriène B4, IL8,
prostaglandine E2).
Ces différentes molécules engendrent une
réaction inflammatoire, le recrutement de nouveaux polynucléaires
neutrophiles et d’autres cellules immunitaires, et la destruction de
micro-organismes ou de tissus.
Le polynucléaire possède un complexe enzymatique membranaire particulier, la nicotinamideadénosine-
dinucléotide phosphate (NADPH) oxydase, qui participe
à la synthèse d’ions superoxydes, de peroxydes d’hydrogène et
radicaux hydroxyles.
Après activation du polynucléaire neutrophile,
ces différents composés, en particulier le peroxyde d’hydrogène,
jouent un rôle majeur dans la destruction tissulaire.
L’action de ces
composés associés aux enzymes contenues dans les granules
confèrent aux polynucléaires neutrophiles un formidable potentiel
destructeur.
Des faits expérimentaux récents suggérant que des
antagonistes du TNF-alpha peuvent diminuer l’importance des lésions
hépatocytaires liées à l’alcool renforcent la responsabilité de cette
cascade immuno-inflammatoire dans la pathogénie de l’HAA.
Ces données expérimentales doivent certes être confirmées chez
l’homme.
Cependant, certains résultats obtenus chez l’homme sont
déjà en accord avec les faits rapportés in vitro.
En effet, des taux
élevés de TNF-alpha plasmatiques ont été constatés chez des patients
ayant une cirrhose alcoolique et une hépatite alcoolique aiguë
sévère.
Il a été établi chez les patients ayant une hépatite alcoolique
aiguë que les taux plasmatiques du TNF-alpha, du rapport récepteur
soluble du TNF-alpha p5/récepteur soluble p75 et de l’IL8 étaient
corrélés aux paramètres témoignant de la sévérité de l’atteinte
hépatique : taux de prothrombine (TP), bilirubinémie totale,
classification de Child-Pugh, score de Maddrey.
En outre, l’intérêt
pronostique de ces cytokines sur la survie a été démontré en analyse
unidimensionnelle.
D - HÉPATOTOXICITÉ SÉLECTIVE CENTROLOBULAIRE
DE L’ÉTHANOL :
L’atteinte alcoolique du foie commence et prédomine dans la région
centrolobulaire, zone 3 de l’acinus hépatique, qui est exposée aux
pressions d’oxygène les plus basses.
Il a été postulé que l’effet
délétère accru de l’éthanol dans cette région serait dû à l’hypoxie
qui résulterait d’une consommation hépatique en oxygène induite
par l’éthanol.
Les hépatocytes de la zone 3 contiennent plus de
réticulum endoplasmique et de cytochrome P450 2E1 que les
hépatocytes des autres zones, ce qui suggère que la zone 3 est la
région du métabolisme maximal de l’alcool.
Prévalence
:
L’estimation idéale non biaisée de la prévalence de l’HAA est
impossible à obtenir dans une population générale de buveurs, car
elle ne pourrait reposer que sur des constatations obtenues par PBH.
La prévalence observée de l’HAA dans les différents travaux de la
littérature varie de 0 à 53 %.
La diversité des
chiffres présentés dans la littérature peut s’expliquer par plusieurs
facteurs :
– la variabilité de la définition de l’HAA dans les différents travaux la
concernant.
Dans un travail non publié, nous avons étudié
533 patients buvant plus de 50 g d’alcool par jour depuis au moins 1
an et ayant eu une biopsie intercostale. Un score histologique de
l’HAA allant de 0 à 8 points a été établi à partir de cinq lésions
histologiques élémentaires (ballonnisation, clarification, nécrose
acidophile, corps de Mallory, infiltrats à polynucléaires), de même
qu’un score histologique de fibrose et un score histologique de
stéatose.
Toutes les biopsies ont été analysées par deux observateurs
indépendants.
La prévalence de l’HAA pour un score supérieur ou
égal à 1, c’est-à-dire pour une définition minimale de l’HAA, était
de 18 % chez les patients sans cirrhose et de 65 % chez les patients
ayant une cirrhose.
La prévalence de l’HAA pour un score supérieur
ou égal à 3, c’est-à-dire pour une définition plus sévère de l’HAA
histologique, était de 10 % chez les patients sans cirrhose et de 44 %
chez les patients avec cirrhose ;
– la diversité des sujets ayant eu une PBH.
Le seuil de la
consommation d’alcool et sa durée pour l’indication de la PBH
variaient d’une étude à l’autre.
Les HAA sévères ayant des troubles
de l’hémostase contre-indiquant la biopsie transpariétale sont
également sous-estimées dans les études n’utilisant pas la biopsie
transjugulaire ;
– la variabilité liée à la biopsie du fait de son siège ou de sa taille ;
– l’interprétation différente de la biopsie d’un anatomopathologiste à
l’autre.
Manifestations cliniques
:
L’hépatite alcoolique peut varier dans sa présentation depuis une
maladie légère anictérique jusqu’à une maladie fulminante qui peut
être fatale.
Les formes mineures de l’HAA, beaucoup plus fréquentes que les
formes majeures, peuvent être découvertes lors d’une hospitalisation
pour une complication liée à l’alcoolisme chronique (delirium
tremens, polynévrite des membres inférieurs, accident de la voie
publique, troubles digestifs, pneumonie) ou lors d’un examen
systématique par la présence d’une hépatomégalie et/ou
d’anomalies modérées des tests hépatiques.
Les formes modérées et
sévères sont généralement associées à une cirrhose qu’elles peuvent
révéler par la survenue d’un ictère, d’une ascite, d’une
encéphalopathie, d’une rupture de varices oesophagiennes.
L’interrogatoire du patient ou de son entourage ne retrouve que
rarement la notion d’excès massif et fréquent de boissons alcoolisées,
précédant la survenue de l’HAA.
Dans la forme clinique complète sont associés des douleurs
abdominales (hypocondre droit, épigastre) parfois vives, une fièvre
sans infection apparente, un ictère non prurigineux.
Il existe une
hépatomégalie ferme ou dure, parfois sensible.
Une ascite, une
splénomégalie, une circulation veineuse collatérale, des angiomes
stellaires sont rares en l’absence d’une cirrhose associée. L’examen
peut retrouver une encéphalopathie.
La dénutrition est fréquente en cas d’HAA.
Mendenhall et al ont
utilisé, pour évaluer l’état nutritionnel, un score comprenant, en plus
des variables classiques (épaisseur des plis cutanés tricipitaux,
bicipitaux, sous-scapulaires, iliaques, l’aire musculaire brachiale,
l’index créatinine/taille, le poids en pourcentage du poids idéal,
l’albumine, le retinol binding protein, la préalbumine, la transferrine,
les réactions cutanées à divers antigènes, le taux des lymphocytes),
la force musculaire des mains droite et gauche.
Les valeurs
observées étaient exprimées en pourcentage de la valeur normale et
la moyenne des divers paramètres était effectuée.
Un score d’une
valeur supérieure à 80 % de la valeur normale correspondait à une
dénutrition discrète, une valeur comprise entre 60 et 79 % de la
valeur normale correspondait à une dénutrition modérée et une
valeur inférieure à 60 % correspondait à une dénutrition sévère.
Deux cent soixante et onze patients ayant une HAA caractérisée par
une bilirubinémie totale supérieure à 50 mg/L ont été étudiés : 3,7 %
des patients avaient une dénutrition discrète, 48,3 % une dénutrition
modérée et 48 % une dénutrition sévère.
Malheureusement, 45 %
seulement des patients avaient eu une PBH. Parmi eux, 42 % avaient
une HAA sans cirrhose, 32 % une HAA associée à une cirrhose et
26 % n’avaient qu’une cirrhose.
Examens biologiques
:
Dans une étude concernant 1 026 patients ayant une maladie
alcoolique du foie histologiquement prouvée, nous avons défini les
profils biologiques des divers stades d’atteinte hépatique.
Six
groupes ont été étudiés : les patients ayant un foie histologiquement
normal, une stéatose pure, une fibrose, une HAA sans cirrhose, une
cirrhose sans HAA et une cirrhose avec HAA.
Chez les patients ayant une HAA sans cirrhose, l’activité sérique
des aspartates aminotransférases (ASAT) était augmentée dans 93 %
des cas.
L’augmentation moyenne était à 4,2 N et seulement 29 %
des patients avaient une activité sérique supérieure à 5 N.
L’activité
sérique des ASAT des patients ayant une HAA sans cirrhose était
supérieure à celle des patients ayant un foie histologiquement
normal (p < 0,001), une stéatose (p < 0,01) et une fibrose (p < 0,05).
La concentration sérique des gammaglutamyl-transpeptidases (cGT) était à 15,4 N ; elle n’était pas différente de celle des patients ayant
une cirrhose avec HAA, mais était supérieure à celle des quatre
autres groupes.
La bilirubinémie totale était supérieure à celle des
patients ayant un foie histologiquement normal (p < 0,001) mais était
inférieure à celle des patients ayant une cirrhose avec ou sans HAA
(p < 0,001).
Le TP moyen était à 92 % : il était supérieur (p < 0,001) à
celui des patients ayant une cirrhose avec ou sans HAA, mais
inférieur à celui des patients ayant un foie histologiquement normal
(p < 0,05).
Cependant, 43 % des patients avaient encore un TP à
100 %.
Les patients ayant une cirrhose associée à une HAA avaient
le taux le plus élevé de leucocytes.
Celui-ci était supérieur (p < 0,001)
à celui des patients ayant une stéatose.
Trente-huit pour cent des
patients ayant une cirrhose associée à une HAA avaient une
leucocytose supérieure à 10 000.
L’activité sérique des transaminases était à 4,2 N ce qui n’était pas
différent de l’activité sérique des transaminases des patients ayant
une HAA sans cirrhose, mais cette activité était supérieure à celle
des quatre autres groupes, y compris à celle des patients ayant une
cirrhose sans HAA.
Seulement 27 % des patients avaient une activité
sérique des ASAT supérieure à 5 N.
Les cGT étaient à 15 N et étaient
supérieures au chiffre des patients ayant un foie histologiquement
normal ou une stéatose (p < 0,001).
La bilirubinémie était
significativement augmentée par rapport aux cinq autres groupes, y
compris par rapport aux patients ayant une cirrhose sans HAA
(p < 0,001)).
Les phosphatases alcalines étaient à 1,25 N et étaient
significativement plus élevées que dans les cinq autres groupes
(p < 0,001).
En revanche, l’albumine et le TP étaient plus bas par
rapport aux quatre autres groupes de patients sans cirrhose
(p < 0,001). Vingt-cinq pour cent des patients avaient un bloc bêtagamma.
En conclusion, aucun de ces paramètres biologiques ne
permet d’identifier une HAA sans cirrhose parmi les divers stades
d’atteinte hépatique, ni de distinguer une HAA sur cirrhose d’une
cirrhose sans HAA.
Examens morphologiques
:
Ni l’échographie ni le scanner ne sont utiles pour établir le
diagnostic d’HAA.
A - DIAGNOSTIC HISTOLOGIQUE
:
Pour affirmer le diagnostic d’HAA, une biopsie hépatique est
indispensable.
Elle sera réalisée par voie transpariétale ou par voie
transjugulaire en cas de troubles de l’hémostase ou d’ascite
importante.
B - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
:
L’HAA peut simuler une hépatite médicamenteuse ou virale, un
carcinome hépatocellulaire sur cirrhose, une urgence chirurgicale
abdominale et, rarement dans sa forme cholestatique, une
angiocholite conduisant à une intervention chirurgicale qui serait
injustifiée et dangereuse.
La recherche de médicaments
hépatotoxiques, l’existence ou non d’une intoxication alcoolique
(maladie de Dupuytren, signes neurologiques d’alcoolisme,
macrocytose), les caractères de la cytolyse (supérieure à 20 fois la
normale et prédominance sur les alanines aminotransférases [ALAT]
en cas d’hépatite virale), l’étude des marqueurs viraux,
l’échographie et l’histologie hépatique permettent habituellement de
déterminer l’origine virale, toxique, tumorale ou alcoolique des
lésions.
Dans de rares cas, une échoendoscopie est nécessaire pour
éliminer une cholestase extrahépatique afin d’éviter une
laparotomie.
Évolution et pronostic
:
A - ÉVOLUTION IMMÉDIATE
:
Une des caractéristiques de l’HAA est son aggravation pendant les
10 à 15 premiers jours d’hospitalisation, même si la consommation
d’alcool a cessé.
Soixante pour cent de la mortalité précoce est
observée pendant les 2 premières semaines.
L’évolution à court
terme varie considérablement et dépend de la sévérité des lésions
hépatiques établie sur des paramètres cliniques et paracliniques.
Afin de mieux appréhender l’évolution à court terme, Maddrey et
al, grâce à une analyse discriminante, ont établi un index
pronostique utilisant la bilirubinémie et le TP : bilirubinémie
(mg/dL) + 4,6 X TP malade (s) ; 75 % (6/8) des patients traités par
placebo dans leur essai évaluant l’efficacité de la corticothérapie et
ayant un index pronostique supérieur à 93 sont décédés dans les 30
jours. Mendenhall et al ont défini trois groupes de gravité
croissante en fonction du taux de bilirubine et du TP :
– les HAA d’intensité légère définies par une bilirubinémie
inférieure ou égale à 50 mg/L ;
– les HAA d’intensité modérée définies par une bilirubinémie
supérieure à 50 mg/L et un TP normal ou dont l’allongement par
rapport au témoin était inférieur à 4 secondes après vitamine K ;
– les HAA sévères définies par une bilirubinémie supérieure à
50 mg/L et un allongement du TP supérieur à 4 secondes par
rapport au témoin après vitamine K.
L’étude de l’évolution spontanée de ces trois formes de gravité
montre que 89 patients ayant une HAA histologiquement prouvée
(38 %) sur cirrhose et une bilirubinémie inférieure ou égale à
50 mg/L, avaient une mortalité nulle à 30 jours ; le taux de
mortalité, estimé par la méthode de Kaplan-Meier, des patients
ayant une HAA sévère était plus important (29 %) que celui des
patients ayant une HAA modérée (13 %) (p < 0,0001) ; la mortalité
était plus élevée chez les patients ayant une encéphalopathie, 29,4 %
contre 9,6 % chez des patients sans encéphalopathie (p < 0,005) et
chez les patients ayant une malnutrition sévère (50 %) que chez les
patients ayant une malnutrition légère (10,9 %) (p < 0,005).
Les
signes cliniques d’insuffisance hépatique et d’hypertension portale
(encéphalopathie hépatique, ascite, hémorragie par rupture de
varices oesophagiennes) étaient présents respectivement chez 91 %,
63 % et 37 % des cas fatals.
Le temps d’hépaplastine, le taux de
globules blancs, l’âge et la créatinine seraient des facteurs prédictifs
indépendants de la survie à court terme. Un index pronostique établi
à partir des valeurs de ces paramètres avait, dans une étude récente,
une sensibilité de 78 %, une spécificité de 89 %, une valeur prédictive
positive de 78 %, une valeur prédictive négative de 89 % pour
prédire la mortalité précoce des patients ayant une HAA.
B - ÉVOLUTION À LONG TERME
:
L’évolution à long terme de l’HAA est mal connue et difficile à
établir du fait du problème de suivi de ces patients souvent peu
compliants et de la qualité du recueil des données concernant le
sevrage.
Dans la série de Galambos et al, parmi les 61 patients
porteurs d’une HAA sans cirrhose, suivis pendant une période de
0,5 à 9 ans, 38 % ont développé une cirrhose, 52 % avaient des
lésions persistantes d’HAA, tandis que dans 10 % des cas, les lésions
avaient complètement régressé.
Une histologie hépatique normale
n’a été constatée que chez les patients abstinents, mais l’abstinence
ne garantissait pas la régression des lésions.
Ainsi, parmi les patients
qui ne consommaient plus d’alcool, 27 % présentaient une histologie
normale, 55 % des lésions d’HAA persistantes et 18 % une
cirrhose.
Sorensen et al ont suivi pendant 10 à 13 ans,
258 alcooliques sans cirrhose sur la première biopsie ; 38 cirrhoses
sont apparues dans cette période ; le risque de développer une
cirrhose était neuf fois plus élevé chez les patients ayant une stéatose
et une HAA que chez les patients sans stéatose et sans HAA ; une
consommation quotidienne d’alcool avant la première biopsie était
accompagnée d’un taux plus élevé de cirrhose qu’une
consommation intermittente ; la relation entre la présence d’une
stéatose et d’une HAA, et la survenue d’une cirrhose persistait
quand les caractéristiques de l’intoxication alcoolique avant la
première biopsie étaient prises en compte.
En ce qui concerne la survie, Alexander a le premier montré, dans
une étude rétrospective concernant 164 patients ayant une HAA, que
la survie à 5 ans était dépendante de la présence d’une cirrhose sousjacente,
d’une ascite et du sevrage.
Le taux de survie à 7 ans était de 80 % chez les patients ayant réduit leur ingestion d’alcool et de 50 %
chez ceux qui avaient continué à boire. La survie à long terme des
patients porteurs d’une HAA dépend également de la sévérité de
l’atteinte initiale.
Il a été observé que le taux de survie à 1 an des
patients porteurs d’une HAA légère selon la définition donnée était de 91 %, celui des HAA d’intensité modérée de 75 %
et celui des HAA d’intensité sévère de 41 % (p < 0,006). L’étude
du Veterans Administration Cooperative Study Group est la seule à
prendre en compte l’ensemble des facteurs pronostiques
identifiés.
Dans ce travail, la survie à 4 ans des patients ayant
une HAA était de 58 % et celle des patients ayant une HAA sur
cirrhose de 35 %.
Les variables ayant une valeur pronostique
indépendante sur la survie étaient chez les patients ayant une HAA,
l’ascite (p < 0,02), le taux des ALAT (p < 0,02), la sévérité clinique de
l’atteinte hépatique évaluée par la fonction discriminante de
Maddrey et la classification de Child-Turcott (p < 0,006), la
consommation initiale d’alcool (p < 0,009) et la poursuite de
l’intoxication (p < 0,008).
Chez les patients ayant une HAA sur
cirrhose, les variables ayant une valeur pronostique indépendante
étaient le rapport ASAT/ALAT (p < 0,03), la consommation initiale
d’alcool (p < 0,04), la sévérité du score histologique (p < 0,002), l’âge
(p < 0,0001) et la sévérité clinique de l’atteinte hépatique
(p < 0,0001).
Traitement
:
A - ARRÊT DE LA CONSOMMATION D’ALCOOL
:
Le traitement de l’HAA comporte tout d’abord l’arrêt total et
définitif des boissons alcoolisées.
Cette mesure permet la disparition
des lésions histologiques mineures.
La suppression de l’alcool
nécessite une prise en charge, de préférence hospitalière et en milieu
spécialisé, où un bilan de la maladie alcoolique est effectué ainsi
que la PBH indispensable au diagnostic et à l’évaluation
pronostique.
Secondairement, des consultations régulières avec le
médecin généraliste, une surveillance biologique (volume globulaire
moyen [VGM], cGT, ASAT), un soutien psychiatrique où l’insertion
dans un groupe d’anciens buveurs peut permettre d’obtenir et de
maintenir un sevrage à long terme.
B - TRAITEMENT SPÉCIFIQUE
:
1- Diversité des traitements expérimentés
:
Dans les formes graves, différents traitements ont été évalués dans
les essais randomisés : corticoïdes,
stéroïdes anabolisants, perfusion intraveineuse
d’insuline et de glucagon, antifibrosants :
colchicine, D-pénicillamine ; hépatoprotecteurs : cianidanol,
acide alphalipoïque, silymarine ; propylthio-uracile.
La
majorité de ces études pose des problèmes méthodologiques rendant
l’interprétation des résultats difficile.
Les critères d’inclusion sont
disparates et ne comportent que rarement de preuve histologique
de l’HAA.
L’existence fréquente d’une cirrhose associée ne permet
pas de distinguer la responsabilité de la cirrhose et de l’HAA dans
la mortalité.
Le nombre des patients inclus dans ces essais est
souvent faible ; de ce fait, le risque de conclure à tort à une absence
de différence significative est grand, que ce soit en ce qui concerne
le critère de jugement ou la comparaison des covariables pouvant
avoir une valeur pronostique.
Enfin, ces études ne peuvent être
comparées, la gravité initiale des malades différant beaucoup de
l’une à l’autre. Parmi les 31 essais randomisés publiés, seuls sept
d’entre eux ont montré une efficacité d’un traitement sur la survie
soit à court terme, soit à moyen terme.
En dehors de la
corticothérapie, un seul essai a montré une efficacité sur la survie à
court terme.
Il s’agit d’un essai ayant évalué l’efficacité de l’insuline
et du glucagon en perfusion intraveineuse ; la justification de cette
association thérapeutique repose sur le fait que l’apport d’insuline
et de glucagon par le sang portal est important pour le maintien de
la trophicité hépatique ; ce traitement comporte un risque
d’hypoglycémie grave et impose une surveillance pluriquotidienne
de la glycémie.
2- Corticothérapie
:
En ce qui concerne la corticothérapie, parmi les 13 essais publiés,
quatre ont mis en évidence une efficacité sur la survie à court terme.
Néanmoins, les deux premiers essais provenant de la
même équipe concernent un petit nombre de patients ; seule l’étude
de Helman retient une définition histologique de l’HAA comme
critère d’inclusion ; l’étude de Lesesne et al n’est pas une étude en
double aveugle : la mortalité du groupe témoin est remarquablement
élevée (100 %), les malades non traités étaient vraisemblablement
plus graves que les malades traités, comme en témoignent leur âge
plus avancé et leur bilirubinémie plus élevée à l’entrée dans l’étude.
Carithers et al ont comparé l’effet sur la survie à 28 jours de 32 mg
de méthylprednisolone par jour pendant 4 semaines et d’un placebo.
Les critères d’inclusion dans l’étude étaient l’existence d’un index
corrigé de Maddrey supérieur à 32 (bilirubine [µmol/L]/17 + 4,6
(TP du malade [s] - TP du contrôle [s]) et/ou la présence d’une
encéphalopathie.
La mortalité à 28 jours était de 6 % dans le groupe
traité et de 35 % dans le groupe placebo (p < 0,006).
Chez les encéphalopathes, elle était de 7 % dans le groupe traité et de 47 %
dans le groupe placebo (p < 0,05).
Dans l’étude de Ramond, les
critères d’inclusion concernant la sévérité de l’atteinte étaient les
mêmes.
La preuve histologique de l’HAA était exigée. Le taux
cumulé de survie à 2 mois était significativement plus élevé chez les
patients traités par 40 mg/j de prednisolone pendant 1 mois (88 % ±
5 %) que chez les patients sous placebo (45 % ± 8 %) : p < 0,001.
Le
taux de survie à 6 mois était de 84 % ± 6 % dans le groupe traité et
45 % ± 9 % dans le groupe placebo (p < 0,002).
Trois des quatre métaanalyses
publiées sous forme d’articles ont également conclu à
l’intérêt de la corticothérapie dans les formes sévères d’HAA.
Plusieurs complications ont été constatées pendant le traitement :
troubles de la glycorégulation, infections, ulcères et hémorragies gastroduodénales, symptômes psychiatriques.
Un cas de pancréatite
aiguë a été également rapporté. Néanmoins, ces complications
n’étaient pas significativement supérieures dans le groupe traité par
rapport au groupe contrôle.
Les facteurs prédictifs d’une bonne réponse à la corticothérapie ont été
définis.
Les valeurs pronostiques de six lésions histologiques ont
été analysées de manière semi-quantitative (ballonnisation, nécrose
acidophile, corps de Mallory, infiltrat à polynucléaires, cholestase et
intensité de l’HAA) chez 93 malades traités.
Les malades ayant un
infiltrat hépatique important de polynucléaires avaient une survie à
1 an (76 %) significativement supérieure à celle des malades ayant
un infiltrat discret de polynucléaires (53 %) (p = 0,05). Les malades
ayant un nombre de polynucléaires neutrophiles sanguins supérieur
à 5 500/mm3 avaient une survie à 1 an supérieure à ceux ayant un
nombre de polynucléaires neutrophiles sanguins inférieur à
5 500/mm3 (77 % versus 40 %) (p = 0,003).
La valeur pronostique
indépendante de ces variables a été démontrée à l’aide d’un modèle
de Cox.
Du fait de ces résultats, dans les formes sévères définies par
un index de Maddrey supérieur à 32 ou la présence d’une
encéphalopathie, on prescrit, chez ces patients, de la prednisolone à
la posologie de 40 mg/j pendant 1 mois.
3- Traitement modifiant la survie à moyen terme
:
Deux essais ont montré l’efficacité d’un traitement sur la survie à
moyen terme.
Il s’agit d’un essai ayant montré une amélioration de
la survie à 2 ans dans un sous-groupe de patients de gravité
modérée, traité par oxandrolone pendant 30 jours, par rapport à un
groupe traité par placebo.
Dans cette étude, aucun effet
secondaire grave (carcinome hépatocellulaire ou péliose) des
stéroïdes anabolisants n’a été rapporté. Le deuxième essai a évalué
l’efficacité d’un antithyroïdien de synthèse, le propylthio-uracile,
chez des patients ayant une maladie alcoolique du foie ; dans le
sous-groupe des patients ayant une HAA et étant compliants au
traitement, le propylthio-uracile réduisait la mortalité à 2 ans de 57 % par rapport au placebo.
Le but de ce traitement était de
diminuer la consommation d’oxygène par le foie, l’administration
chronique d’alcool augmentant chez le rat la consommation
d’oxygène et la susceptibilité à l’hypoxie des cellules hépatiques.
Ces
résultats sont certes encourageants, mais d’autres études
randomisées portant sur des cas d’HAA prouvée histologiquement
et de gravité bien définie sont nécessaires pour confirmer l’efficacité
sur la mortalité à moyen terme de ces traitements.
C - ASSISTANCE NUTRITIONNELLE
:
La prise en charge nutritionnelle est une des phases essentielles du
traitement de l’HAA.
En effet, la dénutrition augmente avec la
gravité de l’atteinte hépatique.
Elle pourrait majorer les altérations
des structures et des fonctions cellulaires hépatiques et deux études
ont démontré la valeur pronostique indépendante de l’état
nutritionnel au cours de l’insuffisance hépatique.
Au cours de
l’HAA, l’assistance nutritionnelle doit corriger la dénutrition,
améliorer la fonction hépatique et prolonger la survie.
Ces objectifs
n’ont que rarement été atteints dans les essais thérapeutiques
randomisés ayant évalué l’intérêt d’une nutrition parentérale ou
d’une nutrition entérale à débit continu chez les patients ayant une
hépatopathie alcoolique sévère. Des raisons méthodologiques, en
particulier la faiblesse des effectifs étudiés, expliquent probablement
ces résultats.
D’autre part, l’histologie hépatique était rarement
exigée, et de ce fait la prévalence des HAA inclues dans ces études
reste imprécise.
Néanmoins, bien que l’efficacité d’une supplémentation nutritionnelle n’ait pas été formellement
démontrée chez ces patients, elle est vraisemblable. Une
assistance nutritionnelle chez les patients ayant un apport oral
insuffisant semble en effet augmenter le taux des protéines viscérales
et améliorer la fonction hépatique.
Il n’existe pas d’essai randomisé
ayant comparé une supplémentation nutritionnelle administrée par
voie parentérale à une supplémentation nutritionnelle administrée
par voie entérale à débit continu.
Les résultats rapportés avec ces
deux méthodes ne permettent pas actuellement de conclure à la
supériorité de l’une par rapport à l’autre.
De ce fait, les critères de
choix de la voie d’administration sont les critères habituels.
La voie entérale doit être préférée à la voie parentérale lorsque l’état du tube
digestif, la conscience du patient et les contraintes de la rétention
hydrique le permettent.
Une supplémentation nutritionnelle
administrée par voie orale, éventuellement associée à des stéroïdes
anabolisants, peut avoir un effet favorable sur la survie et la sévérité
de l’atteinte hépatique de patients ayant une hépatite alcoolique
caractérisée par une bilirubinémie supérieure à 50 mg/L,
modérément dénutris et pouvant adhérer à la prescription
diététique.
En outre, chez les patients ayant une HAA associée à
une cirrhose, il est important de tenir compte des anomalies du
métabolisme des nutriments lors de la prescription diététique.
En
effet, les conséquences métaboliques du jeûne étant plus précoces
chez ces patients que chez le sujet non cirrhotique, l’influence
bénéfique sur la balance azotée de la fragmentation de repas mieux
répartis dans la journée a été démontrée.
D - TRANSPLANTATION HÉPATIQUE
:
Bien que la maladie alcoolique du foie ne soit pas une contreindication
à la transplantation, un patient hospitalisé pour HAA
sévère n’a pas le délai de sevrage requis et fixé à 6 mois lui
permettant d’être transplanté dans les meilleurs délais.
Cependant,
il a été constaté qu’une durée de sevrage inférieure ou égale à 1 an
n’était pas prédictive de la survie, bien qu’associée à un plus grand
nombre de défaillance viscérale.
En outre, dans une courte série de
patients transplantés, la survie à long terme de patients ayant une HAA sévère a été rapportée, comparable à celle de patients ayant
une cirrhose sans HAA ou avec une HAA modérée.
Des données
sur un plus grand nombre de patients sont indispensables pour
étendre cette indication en semi-urgence.
En revanche, à distance de
l’épisode aigu, la transplantation hépatique devrait être
systématiquement discutée chez les malades abstinents n’ayant
aucune amélioration.
En effet, l’étude de la survie à long terme des
malades ayant une HAA sévère a montré qu’il n’existait plus, à 2
ans, de différence significative de survie entre les groupes traités
par corticoïdes et les groupes non traités.
E - MESURES THÉRAPEUTIQUES ASSOCIÉES
:
Ces mesures comportent le traitement curatif ou préventif des
complications : ascite (régime sans sel, diurétiques, ponction
d’ascite) ; encéphalopathie (lactulose, antiseptiques intestinaux :
Néomycinet) ; infections (antibiothérapie à large spectre) ;
hémorragie digestive secondaire à une hypertension portale
(sclérothérapie, ligature, bêtabloquants) ou à des ulcérations aiguës
gastroduodénales (inhibiteurs de la pompe à protons).