Traitement d'hémostase des hémorragies digestives liées à l'hypertension portale Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Les hémorragies digestives liées à l’hypertension portale sont le plus souvent
liées à une rupture de varices oesophagiennes.
Plus d’un tiers des patients
décèdent au décours du premier épisode hémorragique.
L’efficacité de différents médicaments et techniques pour assurer l’hémostase
a été évaluée par de nombreuses études.
Les critères d’efficacité sont l’arrêt
de l’hémorragie, l’absence de récidive précoce (dans les 5 jours suivant la
survenue de l’hémorragie), la réduction des besoins transfusionnels et de la
mortalité.
Nous détaillerons dans un premier chapitre les propriétés et résultats des
différents médicaments utilisés pour l’hémostase.
Dans le second, nous
aborderons les méthodes endoscopiques puis les sondes de tamponnement.
Enfin, nous traiterons des associations possibles des différentes mesures et des
anastomoses intrahépatiques par voie jugulaire.
Traitement médicamenteux d’hémostase
:
A - Vasoconstricteurs
:
1- Vasopressine
:
Ce fut le premier agent vasoactif
utilisé.
L’arginine
vasopressine est la vasopressine naturelle humaine.
On utilisait la
lysine vasopressine qui est la vasopressine naturelle d’origine
porcine.
Ces deux substances ont des
propriétés identiques.
Chez les patients atteints d’une cirrhose, l’administration de vasopressine
entraîne :
– une vasoconstriction artérielle splanchnique responsable d’une diminution
du débit sanguin portal, azygos, et de la pression portale ;
– une élévation de la résistance vasculaire systémique et de la pression
artérielle sanguine ;
– une diminution du débit cardiaque et coronaire.
En cas d’hypovolémie, l’administration de vasopressine est dépourvue
d’effet, probablement en raison de la libération massive de vasopressine
endogène.
Elle doit donc être réservée aux patients réanimés, avec des
constantes hémodynamiques corrigées. L’efficacité de la vasopressine était
significativement supérieure à celle du placebo dans trois des
quatre études.
Les effets
secondaires étaient plus nombreux dans le groupe vasopressine.
Seule une étude montrait une différence en faveur de la sclérothérapie.
Toutefois, la méthodologie est critiquable puisque le
contrôle de l’hémorragie n’était évalué que dans le groupe vasopressine par
une endoscopie systématique à 12 heures.
Seule l’étude de Teres et al mettait en évidence un différence significative en faveur de la sonde de
tamponnement.
La vasopressine peut être responsable d’effets secondaires cardiaques et
vasculaires graves en raison de la vasoconstriction artériolaire systémique
qu’elle déclenche (troubles du rythme, hypertension artérielle, insuffisance
coronaire, accident vasculaire cérébral...).
Groszmann et al ont associé la
trinitrine à la vasopressine dans le but de diminuer ces effets secondaires et
ont observé que ce dérivé nitré avait un effet hypotenseur portal propre.
Trois
études ont comparé l’efficacité de cette association à celle de la
vasopressine seule.
Les résultats étaient identiques en termes de
contrôle de l’hémorragie pour deux d’entre elles.
L’étude de Gimson et
al concluait à la supériorité de l’association.
Les effets secondaires étaient,
de façon significative, moins fréquents dans le groupe qui recevait
l’association, dans deux études.
La seule étude en double aveugle ne
confirmait pas ces résultats sur la tolérance. Les résultats cumulés de ces trois
études montrent une supériorité de l’association en termes d’hémostase, sans
amélioration de la mortalité.
2- Terlipressine (GlypressineT)
:
* Remarques :
Indications : traitement d’urgence des hémorragies digestives par rupture de
varices oesophagiennes après correction des troubles hémodynamiques.
Posologie : 1 à 2mg /4 h selon le poids du sujet (inférieur à 50 kg : 1 mg ;
50-70 kg : 1,5 mg, supérieur à 70 kg : 2 mg), pendant 5 jours au maximum.
Mode d’administration : voie intraveineuse.
Contre-indications : insuffisance respiratoire, coronarienne cérébrale et
rénale sévère, hypertension artérielle non contrôlée, troubles du rythme, choc
septique, âge supérieur à 70 ans, grossesse et allaitement.
Surveillance : fréquence cardiaque et pression artérielle sanguine, diurèse et
fonction rénale.
Effets indésirables : acrocyanose, crampes abdominales, diarrhée, céphalées,
poussée hypertensive, bradycardie, insuffisance coronarienne chez les
malades à risque.
La triglycyl-lysine-vasopressine (terlipressine) est un analogue synthétique
inactif de la vasopressine.
Elle comporte trois résidus glycyl,
dont le clivage successif permet la libération progressive de la
lysine vasopressine active. Son injection est discontinue (1 à 2 mg
toutes les 4 heures) et entraîne :
– une diminution
de la pression portale ;
– une diminution
du débit sanguin azygos ;
– une diminution
de l’index cardiaque ;
– une
augmentation de la pression artérielle sanguine.
Les mesures
directes de la pression dans les varices oesophagiennes ont donné
des résultats contradictoires.
La méta-analyse de ces études montre
que, par comparaison à un placebo, la terlipressine permet un contrôle de
l’hémorragie plus fréquent (près de 80 %des cas) et diminue la mortalité.
La terlipressine
est aussi efficace que la vasopressine et mieux tolérée, même quand
cette dernière est associée à un dérivé nitré.
Il faut toutefois respecter ses contre-indications (grossesse, choc septique,
insuffisance coronaire, hypertension artérielle, troubles du rythme,
insuffisance rénale ou respiratoire, âge supérieur à 70 ans).
La terlipressine
et la sonde de tamponnement donnent des résultats similaires, en
termes de contrôle de l’hémorragie, d’effets secondaires et de
mortalité.
Enfin, une étude prospective randomisée et contrôlée,
publiée sous forme de résumé, ne mettait pas en évidence de différence entre
la terlipressine et la sclérothérapie.
De l’ensemble de ces résultats, on peut retenir que :
– ces vasoconstricteurs ont une efficacité avérée, supérieure à celle d’un
placebo et comparable à celle de la sclérothérapie et des sondes de
tamponnement ;
– on doit préférer la terlipressine ; si on utilise la vasopressine, un dérivé nitré
doit lui être associé ;
– ces médicaments sont bien tolérés, sous réserve de respecter leurs
contre-indications.
3- Somatostatine
:
Polypeptide naturel de 14 acides aminés, cette hormone est présente dans le
système nerveux central et le tube digestif.
Du fait d’une demi-vie de 2
minutes, elle doit être administrée en perfusion continue.
La dose
habituellement utilisée est 6 mg/24 h après un bolus de 0,250 mg.
Il ressort des études hémodynamiques que :
– l’effet sur la pression portale est variable mais toujours modeste ;
– le bolus permettrait de diminuer la pression portale ;
– le débit sanguin splanchnique et le débit sanguin azygos sont constamment
diminués.
La somatostatine a donc un effet préférentiel sur la circulation collatérale. Son
mécanisme d’action est mal connu.
Ce n’est pas un vasoconstricteur vrai,
puisqu’elle n’augmente pas la résistance sur une préparation d’artère
mésentérique de rat normal ou avec hypertension portale.
C’est un
inhibiteur puissant de la sécrétion de la plupart des hormones digestives
notamment le glucagon et le VIP (vaso-intestinal peptide), vasodilatateurs
splanchniques qui agissent via le monoxyde d’azote.
Par ailleurs, la
somatostatine augmente le tonus du sphincter inférieur de
l’oesophage ce qui pourrait diminuer le flux dans les varices.
Enfin, la
rapidité de son action suggère qu’elle pourrait avoir un effet
direct de nature non précisée.
La méta-analyse ne permet
pas d’affirmer la supériorité de la somatostatine.
Mais les études n’ont inclus
qu’un petit nombre de patients, à l’exclusion de celle de Burroughs et al.
Dans la série deValenzuela et al, le contrôle de l’hémorragie n’était évalué
qu’à 4 heures seulement, et il existait probablement un biais de sélection.
Enfin, le taux de succès à 83 % dans le groupe placebo est surprenant.
Les études qui comparent la somatostatine à la vasopressine
ou la terlipressine ne mettent en évidence de différence
significative ni sur le contrôle de l’hémorragie ni sur la mortalité.
Une métaanalyse
prenant en compte six études incluant 295 patients montrait une
supériorité en termes d’efficacité et de tolérance de la somatostatine par
rapport à la vasopressine.
La somatostatine a été comparée à la sclérothérapie
et aux sondes de tamponnement.
L’efficacité était similaire avec un
taux de complications moindre chez les patients traités par la somatostatine.
L’ensemble de ces études a montré :
– une efficacité de la somatostatine similaire à celle de la terlipressine, de la
sclérothérapie (environ 70 % des hémorragies sont contrôlées) et des sondes
de tamponnement ;
– une excellente tolérance.
4- Octréotide
:
C’est un octapeptide, dérivé synthétique de la somatostatine dont la demi-vie
est plus longue (90 minutes environ).
Les résultats des études hémodynamiques splanchniques et des mesures de la
pression dans les varices oesophagiennes sont contradictoires. Il semble que
l’octréotide diminue le débit sanguin azygos.
En revanche, il ne
diminuerait ni le gradient de pression ni le débit sanguin hépatique.
Son
mécanisme d’action résulterait de l’inhibition d’hormones gastro-intestinales.
Les résultats des travaux qui comparent l’octréotide à la vasopressine, la terlipressine, la sonde de tamponnement ou la sclérothérapie,
ne montraient aucune différence significative en termes de contrôle
de l’hémorragie (à 24 ou 48 heures), ni de mortalité.
Le petit
nombre de patients des premières études et les différences de doses, de
schémas d’administration et de critères de jugement empêchent une analyse
globale de ces résultats.
Le travail le plus récent et qui inclut le plus grand nombre de patients,
conclut à une efficacité similaire de l’octréotide et de la sclérothérapie.
Cependant, une sonde de tamponnement était utilisée dans environ 20 % des
cas pour assurer l’hémostase primaire, sans que ce soit considéré comme un
échec du traitement.
Enfin, la mortalité par défaillance multiviscérale était
significativement plus élevée dans le groupe octréotide.
Pour ces raisons, il est raisonnable d’attendre les résultats d’autres études
avant de conclure, d’autant qu’une seule, publiée sous forme de résumé, a
comparé l’octréotide à un placebo.
Dans cette étude, aucune différence
significative n’apparaissait.
Méthodes endoscopiques
:
1- Sclérose endoscopique
:
* Remarques :
En 1939, deux chirurgiens oto-rhino-laryngologistes eurent l’idée d’injecter
un produit sclérosant dans les cordons variqueux pour assurer le contrôle de
l’hémorragie.
L’injection d’un produit sclérosant dans la varice ou dans le
tissu périvariqueux a pour but d’obtenir l’hémostase par thrombose de la
varice et/ou par compression du réseau veineux oesophagien.
À long terme, la
sclérothérapie conduit à la fibrose de la paroi des varices et de la muqueuse
oesophagienne.
La sclérose endoscopique est réalisée chez un malade réanimé.
On utilise le
plus souvent le polidocanol à 1 ou 2% (Ætoxisclérolt).
L’injection doit
débuter au niveau du cardia et remonter sur les 5 derniers centimètres de
l’oesophage ; 1 à 5mL sont injectés à chaque site.
Il est recommandé de ne
pas injecter plus de 20 mL de produit par séance.
Les principaux produits
utilisés sont : le polidocanol à 1 ou 2 % (Ætoxisclérolt) et l’oléate
d’éthanolamine.
Les résultats sont similaires quel que soit le site d’injection
(péri- ou intravariqueux) ou le produit utilisé.
La sclérose expose à des complications.
On observe des complications
mineures telles que : fièvre, douleurs rétrosternales, dysphagie transitoire.
Une bactériémie est fréquente après la sclérothérapie mais est rarement source
de complications infectieuses. Des ulcérations muqueuses au site d’injection
sont observées dans 70 à 80 % des cas.
Ces ulcérations se compliquent
dans 20 % des cas d’hémorragies digestives.
L’utilisation du sucralfate
pour prévenir ce risque est controversée.
Des complications majeures plus rares sont rencontrées : sténose
oesophagienne, perforation oesophagienne, fistules oesobronchiques,
pneumothorax, médiastinite...
La mortalité imputable à la technique est
d’environ 2 %.
Onze études ont comparé l’efficacité de la sclérothérapie à celle d’un
traitement médicamenteux (cinq avec la vasopressine, une avec
la terlipressine, trois avec la somatostatine et deux avec
l’octréotide).
Seule l’une d’entre elles constatait une supériorité de la sclérothérapie avec toutefois, comme on l’a écrit, un biais
important.
Deux études seulement ont comparé l’efficacité de la sclérothérapie
et du tamponnement oesophagien.
Une
différence en faveur de la sclérose apparaissait sur le contrôle de l’hémorragie
mais l’analyse ne montrait pas de différence de mortalité entre les deux
groupes.
Enfin, les taux de succès de la sclérose (95 et 100 %) dans ces deux
études étaient supérieurs à ceux habituellement rapportés dans la littérature.
On retient pour la sclérose que :
– son efficacité est dans l’ensemble de 80 %, semblable à celle des
médicaments ;
– elle requiert une prise en charge en milieu spécialisé avec un médecin endoscopiste entraîné, disponible 24 h/24 ;
– elle expose à des complications plus fréquentes et plus sévères que les
médicaments.
2- Ligature endoscopique
:
En 1986, Stiegmann
et al ont imaginé la ligature des varices oesophagiennes, inspirée
de la technique des ligatures des varices hémorroïdaires pratiquées
depuis les années 1950.
Un manchon est
placé à l’extrémité de l’endoscope. Une rondelle coulissante est
disposée dans ce manchon, autour de laquelle est maintenu un anneau
élastique.
La rondelle est
reliée par un fil à la poignée de l’endoscope.
On aspire la
varice dans le manchon, une fois placé en regard.
On tire sur le
fil qui libère l’élastique et qui étrangle la varice. On utilise
actuellement des dispositifs qui permettent de mettre en place cinq
élastiques sans retirer l’endoscope.
Les effectifs sont faibles dans les premiers travaux
puisque l’évaluation concernait surtout la récidive après une éradication par
l’une ou l’autre des méthodes endoscopiques.
La seconde étude
de Lo et al mettait en évidence une différence significative en faveur de la
ligature sur le contrôle de l’hémorragie sans différence des taux de récidive ni
de mortalité entre les deux groupes.
Dans une méta-analyse de Laine et al, la ligature était aussi efficace que la
sclérose (86 % contre 84 %).
On retient pour la ligature que :
– sa réalisation n’est pas toujours aisée en période hémorragique, ce qui
pourrait limiter son efficacité ;
– toutefois, elle apparaît aussi efficace que la sclérothérapie quand
l’opérateur est entraîné ;
– elle expose à moins de complications ;
– l’association sclérose et ligature n’apporte pas de bénéfice par rapport à la
ligature seule ;
– aucune étude à ce jour n’a comparé traitement médicamenteux et ligature.
3- Oblitération
:
Elle consiste en l’injection d’un tissu adhésif dans la lumière de la varice.
La
colle se solidifie au contact du sang et entraîne une thrombose de la varice.
On
utilise la colle acrylique (N-butyl-2-cyanoacrylate : Histoacrylt).
Son
inconvénient majeur est le risque d’obturation du canal opérateur.
L’association sclérose et colle serait plus efficace que la sclérose seule.
Dans plusieurs cas rapportés, cette technique a permis de traiter avec succès
une hémorragie digestive par rupture de varices gastriques.
On ne dispose
cependant pas d’étude contrôlée et randomisée.
Enfin, la thrombine peut être utilisée.
Ses avantages sont : une utilisation aussi
facile que le polidocanol, une occlusion rapide des varices et l’absence
d’ulcération muqueuse.
Mais elle est
d’un coût élevé et présente un risque de transmission d’agents
pathogènes qui reste à évaluer (thrombine d’origine humaine ou
bovine).
Association de traitements médicamenteux et endoscopiques :
La terlipressine associée à un dérivé nitré administrés précocement au cours
du transport, avant le traitement par sclérothérapie, améliore le contrôle initial
de l’hémorragie.
L’association de la sclérothérapie à la prescription de somatostatine pendant
5 jours était plus efficace que la sclérothérapie seule.
L’administration d’un bolus (0,250 mg) de somatostatine avant l’endoscopie permettait de diminuer
l’incidence d’un saignement actif et améliorait les conditions de la réalisation
de la sclérose.
Besson et al ont associé l’octréotide (25 mg/h pendant 5 jours) à la
sclérothérapie et observé une augmentation de la survie sans récidive à
5 jours.
Le contrôle de l’hémorragie et la survie globale n’étaient pas
différents dans les deux groupes.
Sung et al ont observé significativement moins de récidive à 48 heures
chez les patients traités par ligature et octréotide que chez ceux traités par la
ligature seule.
Enfin, dans une étude à trois bras, Brunati et al ont comparé la sclérothérapie associée à l’octréotide ou la terlipressine à la sclérothérapie
seule.
Le contrôle de l’hémorragie était significativement plus fréquent dans
les deux groupes recevant l’association sclérose plus médicament.
Dans l’ensemble, l’efficacité du traitement combiné est égale ou supérieure
au traitement endoscopique seul sur le contrôle de l’hémorragie, mais sans
qu’un bénéfice sur la mortalité n’ait été démontré.
Sonde de tamponnement
:
Le but est d’obtenir un arrêt du saignement en comprimant la (ou les) varice(s)
rompue(s). Deux types de sondes sont disponibles :
– Sengstaten-Blakemore : sonde à deux ballonnets pour les varices
oesophagiennes ;
– Linton-Nachlas : sonde à ballonnet unique pour les varices
cardiotubérositaires ou fundiques.
Remarques.
Sonde à ballonnet unique de Linton-Nachlas.
Indication : hémorragie digestive par rupture de varices cardiotubérositaires
ou fundiques non contrôlée par le traitement médical et endoscopique et en
attente d’une dérivation portosystémique.
Mise en place : on introduit la sonde après l’avoir lubrifiée, ballon dégonflé,
par le nez.
La sonde est enfoncée par pression douce jusqu’à environ 70 cm,
dans l’estomac.
On gonfle le ballon avec un volume d’air de 600 mL chez
l’adulte.
La sonde est retirée lentement jusqu’à ce que le ballon vienne buter
sur le cardia.
On tracte la sonde avec un poids de 1 kg afin que le ballon
comprime en permanence la (ou les) varice(s) cardiotubérositaire(s).
Le
ballon est dégonflé au maximum après 24 heures, afin de diminuer le risque
de complications liées à la compression.
Les différentes séries rapportent des taux de succès de 40 à 90 %.
Cependant une récidive survient une fois sur deux dans les 24 heures.
Cette
compression est à l’origine d’un inconfort pour le patient et de complications
parfois fatales dans 6 à 20%des cas : pneumopathies d’inhalation, ulcères
oesophagiens et rupture oesophagienne.
L’efficacité du tamponnement oesophagien a été comparée à celle de la
vasopressine, la terlipressine, la somatostatine et
l’octréotide.
Il n’y avait pas de différence significative sur le contrôle de
l’hémorragie ni sur la mortalité.
On a déjà cité les deux études comparant sonde de tamponnement et sclérothérapie.
Il s’agit donc d’une méthode efficace.
En raison de sa morbidité, elle doit être
réservée à des patients qui présentent une hémorragie digestive non contrôlée
par les moyens médicamenteux et/ou endoscopiques, en attente d’un
traitement plus définitif.
Anastomoses portosystémiques
intrahépatiques :
La chirurgie de dérivation portosystémique est un traitement efficace de
l’hypertension portale. Mais elle n’augmente pas la survie du fait de sa
morbidité propre.
La possibilité de réaliser des anastomoses portosystémiques calibrées par voie jugulaire (TIPS : transjugular
intrahepatic portosystemic shunt) a relancé l’intérêt pour ces dérivations.
A - Technique
:
Le TIPS est mis en place en salle de radiologie vasculaire, le plus souvent sous
anesthésie générale. Une veine sus-hépatique est cathétérisée par voie
jugulaire interne droite.
Une aiguille est poussée dans un cathéter, jusque dans
le foie, à la recherche d’une branche de la veine porte.
Le trajet intraparenchymateux entre les deux systèmes veineux est dilaté à l’aide d’un
ballonnet d’angioplastie.
Puis, la prothèse est larguée entre la veine porte et le
système veineux sus-hépatique.
On vérifie l’efficacité du TIPS en mesurant le
gradient de pression entre la veine porte et la veine cave inférieure avant et
après la pose de la prothèse. D’autre part, l’angiographie de contrôle vérifie
que le réseau veineux collatéral n’est plus opacifié.
Si le résultat est
insuffisant, on peut mettre en place une seconde prothèse et emboliser les
varices en cas de saignement actif.
Les prothèses actuellement utilisées sont constituées d’un maillage
métallique simple et sont expansives.
B - Résultats
:
L’efficacité hémostatique des TIPS n’a été évaluée que par deux études, l’une
pour les varices oesophagiennes, l’autre pour les varices gastriques.
Les TIPS étaient réalisés chez des patients dont l’hémorragie n’était contrôlée ni
par les médicaments ni par les méthodes endoscopiques. Ils ont permis
d’obtenir un arrêt de l’hémorragie chez tous les patients sauf un.
Il n’y a pas
eu de complications sévères imputables à la technique.
Néanmoins, ces
excellents résultats doivent être nuancés, car il s’agit d’études non contrôlées
portant sur de petits échantillons.
À plus long terme, plusieurs études contrôlées ont montré que les TIPS
prévenaient plus efficacement les récidives hémorragiques que la
sclérothérapie.
Cependant, comme toute anastomose portosystémique, ils exposent à un risque accru d’encéphalopathie hépatique.
La récidive hémorragique survient dans environ 20 % des cas. Elle est
principalement liée à une obstruction de la prothèse qui survient dans environ
50 % des cas à 1 an.
L’obstruction précoce (3 premières semaines) est due à
une thrombose aiguë du shunt et survient chez environ 10 % des patients.
L’obstruction tardive (au-delà de 3 semaines) correspond à une hyperplasie
de la pseudo-intima qui se développe sur tous les types de prothèses
actuellement utilisées.
La fréquence de cette complication impose un suivi
régulier des prothèses par échodoppler et des réinterventions fréquentes.
C’est
actuellement le facteur limitant principal à l’utilisation des TIPS.
Pour l’hémostase, le TIPS est à réserver actuellement aux échecs des
traitements médicamenteux et endoscopiques.
Autres mesures
:
Contrairement à une idée reçue, le pronostic des hémorragies digestives liées
à une hypertension portale s’est amélioré depuis le début des années 1980.
Les progrès dans le traitement d’hémostase ne sont pas la seule explication :
la prise en charge générale de ces patients a été optimisée.
Plusieurs études ont montré qu’une antibiothérapie systématique chez les
patients à haut risque diminuait la mortalité.
Le risque infectieux est
important en période hémorragique, chez des patients atteints pour la plupart
d’une cirrhose.
L’infection bactérienne serait un facteur de risque d’échec du
traitement d’hémostase.
D’autres mesures sont également habituelles :
– correction des troubles de l’hémostase : transfusion de plasma frais
congelé, fibrinogène et concentrés plaquettaires en cas de déficits sévères des
facteurs de la coagulation ;
– prévention de l’insuffisance rénale : transfusions de culots globulaires et
réanimation hydroélectrolytique ;
– prévention de l’encéphalopathie : évacuation du sang dans le tube
digestif ;
– prévention des pneumopathies d’inhalation : intubation trachéale des
patients comateux ;
– évacuation de l’ascite : permettant l’analyse biochimique, bactériologique
et cytologique, d’une part, et de diminuer la pression portale, d’autre part.
Ces dernières années ont vu se multiplier les études sur les
médicaments vasoactifs, dont l’efficacité est aujourd’hui certaine,
tandis qu’apparaissent de nouvelles techniques : ligature
endoscopique et TIPS.
Les avantages des médicaments sont qu’ils peuvent être utilisés par
tous et partout, n’exigeant ni structure ni personnel spécialisés, dans
de bonnes conditions de sécurité.
On peut recommander leur
administration aussi tôt que possible, lorsqu’une rupture de varices
oesophagiennes est suspecte d’être à l’origine de l’hémorragie.
Une
endoscopie doit être réalisée dès que le malade est réanimé pour
confirmer l’origine du saignement.
À cette occasion, si les varices
saignent activement, une ligature ou une sclérose peuvent être
pratiquées.
Les sondes de tamponnement ne sont utilisées qu’après
échec des traitements précédents, en attente d’un nouveau geste
endoscopique ou d’une dérivation portosystémique (chirurgicale ou
radiologique).