Grossesses et enfants de l’assistance médicale à la procréation Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
Malgré tout ce que l’on a pu écrire, les gynécologues obstétriciens
qui forment la majorité des équipes cliniques d’assistance médicale
à la procréation (AMP) ne limitent pas leur action à la ponction
d’ovocytes ou au transfert d’embryons.
Ils suivent aussi les
grossesses, et la qualité des enfants à naître leur importe, leur
mission étant depuis toujours de permettre à des couples d’avoir un
enfant en bonne santé.
La plus ancienne méthode d’AMP est l’insémination artificielle avec
sperme frais ou congelé qu’il s’agisse du sperme du mari (IAC) ou
d’un donneur (IAD).
L’insémination peut être faite dans le col
(insémination intracervicale, IIC) ou intra-utérine (IIU).
En France, en 1997, près de 43 000 cycles d’IIU avec le sperme du
conjoint ont été pratiquées et 3 500 enfants sont nés.
Pour la
fécondation in vitro (FIV), ce sont 19 000 cycles et 6 500 naissances.
En intracytoplasmic sperm injection (ICSI), ce sont 14 000 cycles et
3 000 accouchements, soit au total près de 10 000 naissances
annuelles.
À ces grossesses d’AMP intraconjugales s’ajoutent
environ 1 200 naissances annuelles après transfert d’embryons
congelés.
Pour le don de gamètes, les chiffres sont bien moindres puisque, en
1998, les Centres d’étude et de conservation des oeufs et du sperme
humain (CECOS) ont déclaré 1 500 naissances après don de sperme
toutes techniques confondues (soit deux fois moins que dans les
années 1980) et le Groupe d’étude du don d’ovocytes (GEDO)
33 naissances seulement.
La première naissance après diagnostic
préimplantatoire (DPI) a été déclarée en France en l’an 2000.
C’est
donc au total près de 16 000 enfants qui naissent tous les ans après
une AMP dans notre pays, soit environ 2,1 % des naissances.
En Europe, le taux d’enfants nés après FIV ou ICSI est, en 1997, de
2,6 % au Danemark, 2,3 en Finlande, 1,30 en Norvège, 1,20 en
Grande-Bretagne (ESHRE 2000).
En 2002 les chiffres sont peu
modifiés.
Les ICSI représentent 50 % des tentatives.
Nous étudions donc successivement l’évolution des grossesses après
AMP intraconjugales, de loin les plus fréquentes, puis celles issues
de techniques avec don de gamètes.
Grossesses après assistance médicale
à la procréation intraconjugales :
A -
GROSSESSES APRÈS INSÉMINATION
:
Les IIC ou les IIU sont les techniques utilisées le plus souvent en
première intention devant un couple infertile du fait de problèmes
d’ovulation, de glaire d’infertilité masculine, voire de stérilité
inexpliquée.
Cette technique est le plus souvent associée à une
stimulation de l’ovulation (88 %) et à une préparation du sperme
dans un laboratoire agréé.
Peu d’auteurs se sont intéressés au
devenir de ces grossesses et à l’état de l’enfant à la naissance ; Nuojua-Huttunen a comparé les grossesses issues d’IIU aux
grossesses spontanées et à celles issues de FIV.
En ce qui concerne
les grossesses uniques, il n’a pas observé d’augmentation du nombre
de placenta prævia, ou d’hématomes rétroplacentaires.
La durée de
la grossesse, le poids de l’enfant, le taux de malformations et la
mortalité périnatale ne sont pas différents de ceux des grossesses
spontanées.
Pour ce qui est des grossesses issues d’inductions de
l’ovulation, Källen a étudié 4 029 grossesses ; il n’a pas trouvé de
différences si l’on tient compte de l’âge des mères, de la parité et de
l’hypofertilité.
L’insémination artificielle ne semble pas en soi et pour les grossesses
uniques modifier la pathologie de la grossesse et la qualité de
l’enfant.
En revanche, cette technique augmente le taux de grossesses
multiples qui est de 17 % et de 1,5 % pour les grossesses supérieures
à trois.
Ces grossesses multiples sont source de réductions
embryonnaires (1,1 %) et aussi d’accouchements prématurés, de
toxémie gravidique, de retard de croissances in utero.
Il faut donc
tout faire pour réduire le nombre de grossesses multiples, principale
cause des complications des IIU, en utilisant des inductions
« douces », paucifolliculaires.
B - GROSSESSES DE FÉCONDATION IN VITRO
:
Plusieurs registres ont été constitués, en France (FIVNAT), en
Angleterre, en Suède, au Danemark mais aussi en Australie, aux
États-Unis pour surveiller ces grossesses.
Ils regroupent chacun
plusieurs milliers d’enfants.
Quand on étudie ces grossesses FIV, il faut garder à l’esprit qu’elles
proviennent de couples qui sont différents de ceux qui conçoivent
naturellement.
Par exemple : les femmes sont plus âgées (33,9 ans
en moyenne contre 28,8 en procréation naturelle dans le registre
anglais, 33,2 ± 4,4 dans FIVNAT) ; il s’agit de primipares qui ont une
durée d’infertilité moyenne de 5 ans et qui ont eu, quand elles furent
enceintes, des avortements (12 %), des grossesses extra-utérines
(GEU) (13 %), des enfants mort-nés (10 %).
Ce sont donc des femmes
qui ont des problèmes de reproduction. Enfin, les grossesses
multiples vont être fréquentes chez ces femmes (plus de 20 % des
cas) comparées au 1 % des conceptions spontanées.
L’âge maternel élevé, les grossesses multiples, les antécédents
d’avortements spontanés, de GEU, de pathologie tubaire sont tous
des éléments qui laissent présager des facteurs de risques
obstétricaux.
Il faut donc tenir compte de ce biais de recrutement
dans l’étude des grossesses et séparer formellement les grossesses
uniques des multiples.
Malheureusement, les registres qui colligent
ces résultats ne sont pas toujours exhaustifs (taux de perdues de
vue variant de 10 à 40 %) ; ils ne séparent pas toujours les grossesses
uniques des multiples, les séries témoins sont difficiles à constituer
et des études prospectives sont nécessaires, surtout dans les
techniques les moins fréquentes ou les plus récentes comme le
diagnostic préimplantatoire.
1- Fausses couches spontanées après fécondation
in vitro
:
On appelle grossesses cliniques les grossesses caractérisées par un
taux de human chorionic gonadotrophin (hCG) supérieur à 1 000 UI
ou un sac ovulaire visible en échographie.
Le taux de fausses couches cliniques après FIV est de 21 % (FIVNAT
1999).
La majorité des avortements se font au premier trimestre de
la grossesse.
Ce taux semble tout à fait comparable à ce que l’on observe
habituellement et est stable depuis plus de 10 ans.
Dans la population traitée pour stérilité ou après induction de
l’ovulation, ce taux est estimé à 20 % après clomifène et à 27 % après human menopausal gonadotrophin (hMG)-hCG ; il est de 17 % après
IAD (CECOS 1999).
Le taux de fausses couches cliniques est corrélé à l’âge maternel,
passant de 19,4 % avant 25 ans à 43,7 au-dessus de 40 ans dans le
registre australien et de 14,5 % pour la tranche d’âge 25-29 ans à
39,6 % pour la tranche d’âge 42-50 ans (FIVNAT 1997).
L’étude chromosomique des produits ne montre pas d’augmentation
du taux d’anomalies qui est de l’ordre de 60 % comme dans les
grossesses spontanées.
On n’a pas montré non plus d’augmentation du taux de fausses
couches en fonction de la technique utilisée (FIV/gamete
intrafallopian transfer [GIFT]).
En revanche, le taux de fausse couche
spontanée pourrait être plus élevé chez les sujets oligosthénospermiques (40 % versus 11,7 %) ; cette notion n’est
pas retrouvée dans l’étude FIVNAT 1994 où le taux de fausse couche
spontanée n’est pas significativement différent en fonction du
nombre de spermatozoïdes mobiles dans les FIV d’indication
masculine.
Ainsi, le taux de fausses couches spontanées est fonction du type de
traitements inducteurs de l’ovulation, de l’âge des femmes.
Avec un
taux de plus de 40 % chez les femmes de plus de 42 ans, on doit
réfléchir aux indications à cet âge compte tenu du très faible taux de
succès, voisin de 2,8 % seulement.
En pratique, il faut prévenir les femmes de la survenue de ces
fausses couches d’autant plus que le dosage rapide d’hCG avant le
retard de règle conduit à un surenregistrement de grossesses dites
« biochimiques ».
Dans la mesure où leur taux après FIV est voisin
du taux naturel, il n’y a pas de traitement ou de mesures préventives
à proposer.
2- Grossesses extra-utérines après fécondation in vitro
:
On conçoit que les femmes qui sont enceintes après une FIV soient à
haut risque de GEU puisque 37 % recourent à cette technique en
raison de lésions tubaires isolées et que 58 % ont des lésions tubaires.
Enfin, 13 % d’entre elles ont déjà eu une GEU.
Il n’est donc pas
très surprenant d’observer un taux de GEU de 6 à 7% au lieu du
1 % attendu.
Ni les modalités de transfert (FIV ou GIFT), ni l’âge de la femme, ni
le nombre de grossesses antérieures, ni le nombre d’embryons
transférés ne sont liés au risque de GEU.
Seule la présence d’une
trompe perméable (normale ou pathologique) représente un facteur
de risque.
Rappelons que si les indications tubaires isolées de la FIV
représentent 31 % des indications, 50 % de patientes ont des trompes
altérées (FIVNAT 1998).
Le taux de GEU passe de 6 % en cas de FIV
pour lésion tubaire à 2,6 % en cas de FIV pour indication
masculine. Nous verrons qu’il n’est que de 2 % en ICSI.
Enfin, il faut noter que le risque de GEU paraît corrélé à l’utilisation
du clomifène (9,7 %/5,3 %).
Le taux des GEU après FIV est en baisse,
étant passé en France de 7,2 % en 1986 à 4,2 en 1998.
La baisse des
indications tubaires et de l’emploi du citrate de clomifène n’y est
pas étrangère.
Il faut noter enfin que 1 % des GEU sont associées à une grossesse
intra-utérine (GIU) contre 0,003 % après conception naturelle ; une
fois sur deux cette grossesse va jusqu’au terme après traitement
chirurgical de la GEU.
En pratique, il faut donc toujours rechercher une GEU par
l’échographie précoce chez les femmes qui ont eu une FIV.
L’existence d’une GIU évolutive ou d’une fausse couche n’exclut pas
le diagnostic de GEU.
3- Avortements tardifs et morts in utero :
Selon FIVNAT 1998, les avortements du deuxième trimestre
représentent 3,1 % des grossesses ; la mortalité in utero est de 0,46 %
des grossesses simples, 1,45 % pour les grossesses gemellaires et
3,4 % pour les grossesses triples ou de rang supérieur.
Rappelons
qu’en France, le taux de mortalité in utero est, en 1999, de 0,4 %
pour les grossesses uniques et de 2,6 % pour les jumeaux
(AUDIPOG 1999).
Les chiffres en FIV sont voisins de ceux observés
dans la population générale.
Il n’y a donc pas lieu de proposer une
surveillance particulière en fin de grossesse pour les grossesses
uniques issues de FIV.
4- Évolution des grossesses
:
La question est de savoir si les grossesses obtenues après FIV posent
des problèmes spécifiques par rapport aux grossesses obtenues après
d’autres traitements de stérilité comme l’induction simple ou la
chirurgie, puisque, nous l’avons dit, le passé de ces femmes sans
enfant est souvent chargé et constitue un biais de recrutement dont
il faut tenir compte par rapport aux femmes qui conçurent
spontanément.
Il faut, dans ces études, absolument séparer les grossesses uniques
des grossesses multiples qui posent des problèmes différents chez
ces primipares âgées.
* Grossesses uniques
:
Plusieurs études ont été consacrées aux grossesses uniques.
Au premier trimestre, on observe un taux de saignements plus élevé
que dans les grossesses spontanées (21 % versus 17 %).
Cela serait
dû à la fréquence plus élevée en FIV de la disparition d’un deuxième
oeuf.
Il n’a pas été observé de différences pour la fréquence ou la
gravité des hypertensions gravidiques, du diabète gestationnel, de
l’hydramnios, des hématomes rétroplacentaires, des placentas
prævia ou des ruptures prématurées des membranes.
En revanche, il a été observé par la plupart des auteurs un taux plus
élevé d’accouchements prématurés (15 % versus 5,9 %) et d’enfants
de petits poids (16,2 % versus 7,9 % pour les poids en dessous du
10e percentile).
Les raisons de ce taux élevé d’accouchement prématuré (X 2) et de
retard de croissance (X 4) dans les grossesses uniques sont mal
expliquées.
Ces taux sont plus importants chez les femmes qui ont
saigné, ou qui furent hypertendues pendant la grossesse.
Ils
pourraient être liés à l’âge maternel : 15 % pour les femmes ayant
entre 25 et 29 ans et 38,5 % chez les femmes de 40 ans et plus.
Mais l’étude FIVNAT (1993) portant sur les grossesses après 40 ans
a montré que si le taux de fausses couches augmente (une grossesse
sur deux se termine par une fausse couche après 42 ans), l’état de
l’enfant à la naissance pour les 78 % de femmes de plus de 40 ans
qui accouchent n’est pas modifié par l’âge.
Ces données ne semblent
pas liées non plus à la multiparité, ni à la date du transfert.
L’étude des placentas n’apporte rien.
D’autres facteurs sont sans doute en cause : l’infertilité de plus de
3 ans, la stimulation par les gonadotrophines mais aussi le terrain
puisque les femmes infertiles qui sont spontanément enceintes ont
aussi un taux de mortalité périnatale plus élevé, montrant que non
seulement elles ont des difficultés à concevoir mais aussi de
médiocre capacité reproductive.
Ce sont donc plutôt les
caractéristiques des patientes que la technique en soi qui expliquent
le taux élevé de prématurés, d’hypotrophes ainsi que l’augmentation
de la mortalité périnatale.
Pour l’accouchement, le taux de césarienne est plus élevé que dans
la population générale (26,1 % contre 17,5 en France).
Cela est
retrouvé dans les registres des autres pays montrant l’anxiété des
obstétriciens.
Ce taux devrait baisser au fur et à mesure de la
banalisation de la technique et se stabiliser autour des chiffres
habituels en rapport avec l’âge des femmes.
Les grossesses
obtenues après transfert de blastocystes permettent la naissance
d’enfants de poids identiques à ceux obtenus après FIV classique
mais semble-t-il avec plus de garçons que de filles.
Ce résultat,
bien que portant sur une courte série, est intéressant car il a été
observé, après de tels transferts, des anomalies de poids et des
malformations chez le mouton et le bovin.
* Grossesses multiples
:
Les grossesses sont fréquentes puisqu’elles représentent 27,5 % des
grossesses conçues in vitro (FIVNAT 1999).
Parmi celles-ci, ce sont
les grossesses gémellaires qui sont les plus nombreuses : 25 %.
Il est
bien évident que ces grossesses multiples vont poser des problèmes
obstétricaux chez ces primipares âgées dont l’âge moyen est de
33 ans.
Ce sont ces grossesses multiples (surtout triples et plus) qui
ont fait pousser, avec raison, des cris d’alarme aux pédiatres qui
parlèrent des « nouveaux prématurés ».
Tout doit être mis en oeuvre
pour les éviter.
Si elles surviennent, une surveillance étroite et une
bonne coordination obstétricopédiatrique sont indispensables pour
réduire au maximum la mortalité et la morbidité périnatales.
– Les saignements au premier trimestre passent de 7 % pour les
grossesses uniques à 14 % pour les grossesses multiples.
Les taux de
saignement aux 2e et 3e trimestres sont identiques.
– Le taux de toxémie passe de 4,7 % à 8,2 % pour les jumeaux et
10 % pour les grossesses triples ou plus.
– Le taux de menaces d’accouchements prématurés passe de 9,3 %
à 25,6 % pour les jumeaux et 45 % pour les triples
(d’après FIVNAT 1996).
Surtout, le taux de grands prématurés
(< 32 semaines) passe de 2 % pour les grossesses uniques à 7,9 %
pour les jumeaux, à 29 % pour les triplés et plus.
Ce taux de
prématurés est un problème de santé publique car quatre fois
supérieur au taux de prématurés spontanés qui est de 2,2 %.
– Le taux d’hypotrophes (< 10e percentile) passe respectivement de
14,4 % à 47 % et 71,6 %.
Ces problèmes pathologiques entraînent
un taux de césariennes important : (55 % pour les jumeaux, 90 %
pour les triplés).
– Les transferts en réanimation et ou néonatologie sont également
très fréquents, passant de 10,9 % à 37 % pour les jumeaux et 84 %
pour les triplés.
Il s’ensuit, malgré les grands progrès de la
néonatalogie, une augmentation de la mortalité périnatale qui passe
de 12,1‰ à 31,3 ‰ pour les jumeaux à 54,6 ‰ pour les triplés.
Les grossesses gemellaires obtenues après AMP ne sont pas très
différentes des grossesses gemellaires naturelles.
La comparaison de 105 grossesses gémellaires obtenues après FIV
ou GIFT et de 279 grossesses gémellaires spontanées montre qu’il
n’y a pas de différences dans les complications du pré- ou du postpartum.
Seul le poids de naissance des jumeaux FIV est plus petit
(odds ratio [OR] 2,11) que celui des grossesses spontanées et le taux
de césariennes est plus élevé dans les grossesses FIV (risque relatif
[RR] 4,02).
Bernasko avait fait la même observation en comparant
les grossesses gémellaires FIV aux grossesses gémellaires après
stimulation ou spontanées.
Toutes les études concordent donc pour souligner :
– l’absence de responsabilité de la technique de FIV en soi ;
– le rôle des grossesses multiples dans la genèse des grossesses à
risques et des pathologies néonatales ;
– l’augmentation de la pathologie (prématurité multipliée par deux,
hypotrophie multipliée par quatre) même dans les grossesses
uniques liées à l’âge des mères et à leurs antécédents pathologiques.
5- Fécondation in vitro et malformations
:
Les données disponibles dans les différentes études ne comportent
pas toujours de populations témoins et excluent souvent les
malformations diagnostiquées en anténatal et ayant motivé une
interruption médicale de grossesse.
L’étude de Bergh, qui
pourtant ne prend pas en compte les interruptions de grossesses,
trouve un taux de malformations de 5,4 % contre 3,9 % en
fécondation naturelle avec une augmentation des anomalies du tube
neural.
Dans l’étude de Dhont, l’augmentation du taux de
malformations (3,1 % versus 1,7) disparaît lorsque l’on tient compte
de l’âge des mères.
Les données rapportées par FIVNAT ne
retrouvent pas de différences par rapport aux données de la
population générale.
Au total, en dépit des variations méthodologiques, l’ensemble des
travaux sont en faveur de l’absence d’augmentation significative du
taux de malformations congénitales des enfants nés après FIV.
6- Développement des enfants nés après fécondation
in vitro
:
Le développement des enfants uniques nés après FIV est normal à
1 an (Gibson 1998).
Une cohorte de 422 enfants nés après FIV a été
comparée à une autre cohorte d’enfants conçus naturellement.
Ils
ont été suivis de 6 à 13 ans sans que l’on observe de différences de
développement.
C - GROSSESSES APRÈS « INTRACYTOPLASMIC SPERM
INJECTION »
:
1- Fausses couches après « intracytoplasmic sperm
injection »
:
Le taux de fausses couches après ICSI est de 19,8 %.
Il n’est pas
significativement différent du taux de fausse couche spontanée de
FIV (21 %) ou de ce qui est observé en fécondation naturelle
(FIVNAT 1999).
Cependant, les grossesses après ICSI aboutissent
plus souvent à un accouchement qu’après FIV (74,8 % versus 72,6 %)
en raison vraisemblablement du plus jeune âge des femmes (33,1
versus 34,3) (FIVNAT 1999).
2- Grossesse extra-utérine après « intracytoplasmic
sperm injection »
:
Le taux de GEU en ICSI (2,1 %) est significativement plus bas que
celui observé en FIV (4,2 %).
Ceci est vraisemblablement lié au fait
que 70 % des indications d’ICSI sont liées aux mauvaises qualités
du sperme ; 18 % seulement des femmes ont des lésions tubaires
contre 49 % en FIV (FIVNAT 99).
3- Évolution des grossesses après « intracytoplasmic
sperm injection »
:
Comme pour les FIV, il faut distinguer les grossesses uniques des
grossesses multiples.
Dans les grossesses uniques, le taux d’enfants prématurés, de retard
de croissance in utero, de mort-nés est identique en FIV et en ICSI.
Le taux de prématuré et de retard de croissance
augmente avec le nombre d’enfants dans les grossesses multiples.
Il
n’y a pas de différences en fonction du mode de recueil du sperme :
éjaculation, ponction épididymaire, prélèvement testiculaire
(FIVNAT 1999).
On observe simplement un abaissement du sex-ratio
en ICSI sans que l’on puisse dire si cela est lié à la technique.
On
observe également une augmentation du poids de naissance et des
termes en ICSI, liée vraisemblablement à un biais de recrutement
des femmes qui n’ont pas de problèmes de reproduction puisque
c’est leur mari qui est en cause.
Les grossesses FIV et ICSI ne
semblent donc pas très différentes.
4- Malformations après « intracytoplasmic sperm
injection »
:
C’est l’équipe belge de Bonduelle qui a la plus grande expérience
car elle suit de manière prospective les enfants d’ICSI.
Leur taux
d’enfants malformés est de 2,3 % avec un taux d’anomalies du
caryotype de 2,4 %.
Il n’a pas été trouvé de différence
en fonction des modes de recueil du sperme (FIVNAT 1999).
Le taux global de malformations observé après ICSI dans d’autres
registres semble plus élevé qu’après FIV ou conception naturelle.
Le RR est 1,43 (2,78-1,98).
Le taux d’anomalies cardiaques, de spina
bifida est multiplié par 3.
Le taux d’hypospadias serait également
augmenté dans le registre suédois.
Le registre anglais fait état
d’un taux plus élevé d’anomalies génitales (cryptorchidies,
hypospadias) chez les garçons issus d’ICSI comparées aux
procréations naturelles (2,4 % versus zéro).
Ces anomalies sont
uniquement retrouvées chez les enfants issus de sujets oligospermiques.
Enfin, le taux d’anomalies chromosomiques
observées paraît plus élevé (RR = 3,7) avec une élévation des
anomalies des gonosomes en France (RR = 5,8) (FIVNAT 1998).
Les anomalies congénitales observées en ICSI semblent donc, non
pas liées à la technique mais à la médiocre qualité du sperme.
Le
sperme des hommes infertiles pourrait transmettre des anomalies
génétiques ; en effet, on sait que chez les hommes ayant une
oligospermie (< 5 millions/mL), la prévalence des anomalies
génétiques et de 12,2 %.
5- Développement des enfants nés
après « intracytoplasmic sperm injection »
:
Ont été suivis par le même pédiatre 201 enfants nés après ICSI et
comparés à des enfants nés après FIV.
Il n’a pas été observé de
différences entre les deux groupes d’enfants, en particulier en ce qui
concerne le test de Bailey.
D’autre études confirment
ces résultats.
Il faut cependant souligner que ces études portent sur
de courtes séries (200 à 300 enfants en général) et sont limitées aux
deux ou trois premières années de la vie.
Si elles sont rassurantes,
elles ne dispensent pas d’études plus larges et surtout plus
prolongées, allant en particulier pour les garçons jusqu’à l’âge de la
procréation car on ignore si les troubles de la spermatogenèse
observés chez les pères ne sont pas d’origine génétique et de ce fait
transmissibles.
On peut donc conclure, en ce qui concerne l’ ICSI, que les principaux
problèmes concernant la grossesse sont, comme pour la FIV, les
grossesses multiples mais que pour les grossesses uniques, les taux
de fausses couches, de prématurité et de retard de croissance sont
identiques à ceux de la FIV.
Pour ce qui concerne les malformations,
il y a discussion sur une augmentation du taux de malformations
(en particulier génitales chez les garçons), d’anomalies des
chromosomes avec anomalies des gonosomes, peut-être en rapport
avec les anomalies génétiques des pères.
Le développement des
enfants semble normal jusqu’à 2 ans.
De plus grandes séries sont
cependant nécessaires pour permettre de répondre aux questions
posées avec une puissance statistique suffisante.
Le suivi des enfants
sur le long terme est nécessaire pour répondre aux questions
concernant leur développement mais aussi leur fertilité, en
particulier celle des garçons qui hériteront peut-être des anomalies
de leur père.
Enfin, il faut prévenir les couples de nos incertitudes
avant qu’ils n’acceptent de rentrer dans un programme d’ICSI.
D - GROSSESSES APRÈS EMBRYONS CONGELÉS :
Pour les grossesses issues d’embryons congelés, les séries sont plus
courtes.
Les auteurs n’ont
pas trouvé de différences significatives entre l’âge gestationnel, la
mortalité périnatale, le taux de malformations des embryons congelés et ceux des embryons frais.
Le développement
psychomoteur jusqu’à l’âge de 2 ans n’est pas différent de celui du
groupe contrôle.
E - GROSSESSES APRÈS « SUBZONAL SPERM INJECTION »
(SUZI)
:
Cinquante grossesses cliniques après Suzi ont été rapportées.
Il a
été observé 14 % de fausses couches, 4 % de GEU ; 17 garçons et
29 filles sont nés (sex-ratio 0,59).
Le taux de malformations a été de
4,2 %.
La série est trop courte pour tirer des conclusions sur les
grossesses issues de cette technique.
F - GROSSESSES APRÈS DIAGNOSTIC PRÉIMPLANTATOIRE
:
Quelques dizaines de cas ont étés rapportés.
La première
naissance a eu lieu en France en décembre 2000 ; 16 naissances ont
été rapportées en 2002 après 71 tentatives.
Sur les 94 cas publiés
actuellement dans le monde, il ne semble pas que le taux de
malformations soit supérieur aux autres techniques d’AMP.
L’ESHRE a organisé un registre pour répertorier tous les cas.
Il faut
attendre des séries assez longues pour en tirer des conclusions.
Grossesses après don de gamètes :
A - GROSSESSES APRÈS INSÉMINATION AVEC SPERME
DE DONNEUR
:
Les IAD sont faites en France avec du sperme congelé depuis 1973.
Cette pratique s’est généralisée dans tous les pays depuis les années
1980 du fait du risque de contamination par les virus de
l’immunodéficience humaine et de l’hépatite B.
Il faut s’interroger sur la qualité du conceptus car on peut craindre
que la congélation du gamète mâle n’altère celui-ci ainsi que le
produit de conception.
Un certain nombre d’études sont rétrospectives ou comportent des
biais.
Seules deux séries apportent
des données consistantes : celle des CECOS qui est prospective et
porte sur 24 978 grossesses obtenues après IAD (21 597) ou FIV avec
sperme de donneur (FIVD) (3 689) comportant 2 % seulement de
perdues de vue et une série australienne qui compare les
données obstétricales et périnatales de 1 552 grossesses obtenues
avec du sperme congelé de donneur et 7 717 grossesses conçues
naturellement.
1- Fausses couches spontanées
:
L’enquête prospective des CECOS portant sur 11 808 issues de
grossesses indique un taux de fausses couches spontanées de 17,7 %.
Il est identique à celui observé en France après conception
naturelle ou observé en Angleterre après IAD.
Les chiffres de
la littérature varient de 11 à 22 % avec une moyenne autour de
16 %.
Il y a peu de différence entre ceux qui
utilisent le sperme frais ou congelé.
Les fausses couches surviennent dans 78 à 90 % des cas au premier
trimestre.
La répartition est corrélée à l’âge pour plusieurs
auteurs, ce qui est logique et recoupe ce qui est observé en
procréation naturelle.
Le rôle des traitements inducteurs de
l’ovulation n’est pas évident pour la majorité des auteurs.
Le taux de fausses couches paraît plus élevé chez les femmes de
sujets oligoasthénospermiques (21,8 %) que chez les femmes
d’azoospermiques (15,4 %), comme si ces femmes étaient moins
fertiles que les femmes d’azoospermiques choisies en fait au hasard.
Ce taux serait également plus élevé chez les femmes qui ont été
enceintes après le 12e cycle d’insémination (31,2 %) que chez celles
qui furent rapidement enceintes (15,7 %).
En résumé, on peut dire que la congélation du sperme, les
techniques d’insémination artificielle ne semblent pas augmenter le
taux de fausses couches par rapport à la population générale.
Cette
notion est importante car elle est en faveur d’une qualité normale
du produit de conception.
Il n’y a pas de précautions particulières à
prendre en début de grossesse.
Il faut, en revanche, prévenir les
femmes qui débutent les IAD ou qui sont au début de leur grossesse
de l’éventualité d’une fausse couche comme pour toutes les
grossesses, surtout si elles sont âgées et mariées à un sujet oligoasthénospermique et qu’elles furent enceintes tardivement
après plus de 12 cycles d’insémination.
Il est certain que leur survenue est toujours très mal vécue par ces
femmes qui auront souvent besoin d’un soutien psychologique.
Il
n’y a aucun traitement ou aucune mesure préventive à proposer
actuellement.
Il n’y a pas de données qui indiquent la nécessité de
changer de donneur après une fausse couche pour diminuer ce
risque ultérieurement.
2- Grossesses extra-utérines
:
Le taux des GEU est, en France, pour les grossesses spontanées, de
1,3 % des grossesses.
Le taux de l’enquête prospective CECOS est
de 0,8 %. Les chiffres de la littérature varient de 0 à 2%.
Les auteurs semblent unanimes pour penser qu’il n’y a pas
de corrélation entre l’IAD et le taux de GEU.
Là encore, il faut prévenir les femmes de la survenue possible de
ces GEU, surtout s’il y a des facteurs de risques : interventions sur
le pelvis, lésions tubaires, endométriose, antécédent de GEU.
Dans ce dernier cas, comme en procréation naturelle, il faut faire
une échographie précoce pour s’assurer que l’oeuf est bien
intra-utérin.
3- Grossesses évolutives
:
Lorsque la grossesse évolue, il faut rechercher une grossesse
multiple car elle entraîne des complications, et dépister une
éventuelle pathologie chez les grossesses uniques.
* Grossesses multiples
:
En France, le taux de grossesses multiples est de 1,9 %.
Dans
l’enquête CECOS, ce taux est passé de 3,4 % en 1986 à 7,6 % en 1994
(dont 6,7 % de jumeaux et 0,7 % de triplets ou plus) à 17 % en 1998.
Ce taux a donc beaucoup augmenté et actuellement, près de 9 fois
plus élevé qu’en conception naturelle, montrant l’importance des
traitements inducteurs de l’ovulation prescrits aux femmes en IAD
qui pourtant ne sont pas stériles.Ce taux varie avec la technique
utilisée et est de 5,1 % en IIC et de 12,2 % en IIU.
Il est cependant
très inférieur au taux des FIVD qui est de 34 % dont 32 % de
grossesses gémellaires et 2,2 % de grossesses triples (au lieu de
1/10 000 en procréation naturelle).
L’amélioration des résultats ne devrait pourtant pas se
traduire par une augmentation des grossesses multiples.
Après IAD, il faut donc systématiquement rechercher une grossesse
multiple par une échographie précoce à 8 ou 10 semaines.
* Évolution de la grossesse après IAD
:
La pathologie au cours de la grossesse peut être étudiée autour de
quelques thèmes principaux : métrorragies, hypertension, diabète,
problèmes infectieux, menace d’accouchement prématuré.
+ Métrorragies :
Dans la série de Tours, le taux de métrorragies est de 6,8 %, chez
les nullipares il est supérieur à celui de la série témoin (2,4 %).
Si
l’on tient compte des saignements du 3e trimestre, le taux est de
1,9 % et identique à celui de l’enquête Inserm.
+ Hypertension artérielle :
Une augmentation du taux de prééclampsies dans les grossesses
obtenues par IAD a été signalée.
Grefenstette signale un taux
de 13,3 % pour les primipares comparé à 11,6 % pour les nullipares,
mais cette différence n’est pas significative.
Hoy a retrouvé une
augmentation du taux de prééclampsie qui est de 8,4 % pour les
IAD contre 5,2 % dans le groupe contrôle.
Il a observé un taux élevé
de prééclampsies (9,3 %) chez les couples dont l’homme a une
oligoasthénospermie ou pour lesquels la stérilité est supérieure à
3 ans.
Cette constatation va dans le sens des travaux de Clark,
Robillard et Smith qui notent, en procréation naturelle, que le
taux d’hypertension est en rapport avec la durée de la cohabitation
(11,9 % d’hypertension chez les primipares contre 4,7 % chez les
multipares dont l’enfant est du même père et 24 % chez les
multipares dont l’enfant est d’un autre père).
Ces auteurs suggèrent
que l’hypertension gravidique puisse être un problème de primipaternité plus que de primiparité comme si la cohabitation
prolongée créait une tolérance immunitaire vis-à-vis de la grossesse
issue de ce partenaire habituel.
+ Diabète gestationnel :
Il n’ a pas été signalé d’augmentation du taux de diabètes
gestationnels après IAD.
+ Menaces d’accouchements prématurés
:
Il n’a pas été rapporté de différences dans le taux d’accouchements
prématurés après IAD dans les grossesses uniques.
* Accouchement et suites :
Le taux de césariennes est élevé, allant de 16 % à 31%,
témoignant plus de l’angoisse des obstétriciens et des couples que
d’indications spécifiques.
En France, pour les primipares, il était de
22 % comparé aux 16 % de la série témoin.
Ce taux reste élevé au
fil des années et bien que les techniques d’AMP se banalisent.
Il est
de 23 % dans la série de Hoy contre 16,4 % dans la série témoin.
La durée de l’accouchement, le taux de forceps (19 %), les suites de
couches, le taux d’allaitement (54 %) chez les nullipares ne sont pas
différents de ceux des témoins.
* Enfants conçus par IAD
:
Le poids moyen des enfants est normal dans la littérature (3 288,1
± 491,6 g) pour les grossesses uniques.
Le taux de prématuré de
moins de 37 semaines d’aménorrhée (SA) est de 4,8 % ; le taux
d’enfants de moins de 2 500 g est de 4,7 % et de mort-nés de 1 %
.
Ces chiffres sont comparables à ceux fournis par
les enquêtes périnatales nationales et sont confirmés par l’étude
australienne.
Le taux de grossesses multiples en IAD varie de 2,5 à 7,5 %.
Ces résultats témoignent de l’utilisation fréquente de traitements
inducteurs de l’ovulation.
L’utilisation d’antioestrogènes ou de
gonadotrophines est de 77,4 % dans la série des CECOS et de 24 %
dans la série de Hoy.
Il est associé avec un taux de grossesses
multiples 6 fois supérieur à ceux obtenus sans induction de
l’ovulation.
Il est encore plus élevé après IIU (12,2 %) ou après FIVD
(25 % de jumeaux et 4,2 % de triplets ou plus).
La fréquence des
grossesses multiples après IAD doit inciter à faire une échographie
précoce vers 8-10 semaines pour les dépister.
Dans la littérature, certains auteurs indiquent une augmentation du
taux des garçons, mais les séries ne dépassent pas
133 enfants ; d’autres, au contraire, trouvent une augmentation du
nombre des filles.
Pour expliquer ces variations, certains
invoquent le moment de l’insémination par rapport à l’ovulation
qui pourrait avoir un rôle ; certains auteurs avancent que les
inséminations artificielles faites avant le dernier point bas favorisent
les garçons.
D’autres pensent que le traitement inducteur joue
un rôle favorisant la naissance des filles.
En fait, toutes ces séries sont courtes et les conclusions avancées, de
ce fait, aléatoires.
L’étude prospective des CECOS qui porte sur 8 943 grossesses
uniques montre que le sex-ratio est de 1,04, ce qui n’est pas différent du chiffre national de 1,09.
L’étude australienne
confirme l’absence de modification du sex-ratio.
* Malformations foetales :
Ces taux varient de 0,9 % à 5,2 % avec des
variations importantes dans la taille des échantillons.
Dans
l’importante étude des CECOS qui porte sur plus de 9 000 naissances
et prend en compte les interruptions médicales de grossesse,
le taux global de malformations est de 1,7 %. Si on ne prend en
compte que les grossesses uniques, il est de 1,5 % et de 1,4 % pour
les grossesses multiples.
Ces chiffres sont comparables à ceux
rapportés dans le registre national.
Si on compare les femmes qui
ont eu un enfant malformé avec celles qui ont un enfant normal, il
n’ a pas été retrouvé de différences en fonction de l’âge à la puberté,
de la longueur moyenne du cycle, des traitements hormonaux, de la
date de l’insémination dans le cycle, de l’âge du donneur lors du
don ou de la durée de la conservation du sperme.
Le taux de
malformations est corrélé à l’âge des femmes qui est plus élevé en
cas de malformation (31,9 versus 31,1), ce qui était attendu.
Un doute persiste sur le taux de trisomie 21 qui est, pour Forse,
de 7,5/1 000 et pour Mattei, de 3,18/1 000 alors que les chiffres
attendus pour une population d’âge moyen de 30 ans est 1,6/1 000.
Dans l’étude des CECOS, le taux des trisomies 21 est corrélé à l’âge
des mères, ce qui était attendu, mais aussi à l’âge des pères, ce qui
est surprenant.
En effet, si de nombreux auteurs ont attiré l’attention
sur l’influence de l’âge des pères dans la survenue de certaines
malformations (achondroplasie, situs inversus...), la survenue de
trisomies 21 liées à l’âge paternel fait l’objet de discussions, d’autant
plus que dans 95 % des cas, le chromosome supplémentaire est
d’origine maternelle (pour : Stene et al, 1987 ; contre : Cross et
Hook, 1987 ; Hook et al, 1990 ; conteste les deux : de Michelena
et al, 1993).
Dans la série des CECOS, si on peut dissocier l’âge
paternel (du donneur) et maternel, il faut aussi tenir compte de
l’effet possible de la congélation.
Des études complémentaires sont
nécessaires pour essayer de comprendre ce phénomène.
Cette
discussion a conduit beaucoup de pays à limiter l’âge des donneurs
à 40 ans.
4- Enfants nés après fécondation in vitro avec sperme
de donneur
:
Les résultats publiés après FIVD ne diffèrent pas de ceux de l’ IAD,
mis à part un taux plus élevé de grossesses multiples.
Le taux de
jumeaux est 4 fois plus élevé et le taux de triplés 6 à 7 fois plus,
malgré un taux de réductions embryonnaires 5 fois plus élevé.
Le
taux de fausses couches spontanées est plus élevé (21,5 versus
18,1 %) ainsi que le taux de GEU (1,7 versus 0,9 %).
Le taux d’enfants
malformés est plus élevé en FIVD (2,7 versus 1,9 %).
Cette
augmentation ne peut être expliquée par l’augmentation du taux de
grossesses multiples car les malformations sont surtout observées
dans les grossesses monozygotes, ce qui n’est pas le cas dans les FIV.
Il faut retenir de ces données la prudence qu’il faut avoir dans la
prescription d’inducteur de l’ovulation à des femmes qui ne sont
pas stériles pour essayer de trouver un bon équilibre entre l’efficacité
et la sécurité.
Cela veut dire que des IIC bien faites doivent être
d’abord réalisées avant de proposer aux couples des IIU ou des
FIVD.
Ces dernières doivent être réservées aux femmes ayant des
lésions tubaires ou aux échecs répétés d’IAD.
5- Développement des enfants
:
Le développement psychologique des enfants nés après IAD a fait
l’objet d’études de courtes séries de 12 enfants à 261 familles.
Les réponses obtenues (55 % seulement des questionnaires envoyés)
suggèrent qu’il n’y a pas de différences de comportement vis-à-vis
de la grossesse des enfants entre le mari et la femme ; il n’y a pas
non plus de troubles du comportement des enfants comparés à des
enfants d’un groupe contrôle.
Le suivi d’un groupe de 108 enfants jusqu’à l’âge de 6 ans basé
sur des interviews de généralistes et de pédiatres apparaît normal
sur le plan du développement psychomoteur.
On constate
simplement une augmentation du taux de consultations otorhinolaryngologiques ou pour des pathologies pulmonaires ou
cutanées interprétées plus comme des signes de surprotection des
parents que comme une augmentation réelle de la pathologie.
Une évaluation du développement a été faite comparant des enfants
IAD (n = 22) avec des enfants adoptés et des enfants conçus
naturellement et appariés par le sexe et l’âge.
Aucune différence n’a
été observée.
De tels résultats sont rassurants car ils ne montrent
pas d’augmentation de problèmes psychopathologiques ou de
développement.
Il est également rassurant de voir que les deux
parents ont participé activement aux enquêtes.
Le taux de divorce
dans les familles ayant un enfant par IAD est faible : 2,2 % en
Norvège et 7,2 % aux États-Unis, ce qui est très au-dessous du
taux moyen de divorce dans ces pays.
Ces chiffres peuvent être
interprétés comme un signe de stabilité des couples ayant eu des
enfants par IAD.
Dans une revue de la littérature sur le sujet, Anne Brewaes confirme que les enfants nés après IAD vont bien sur le
plan psychologique ; que les couples sont stables et les parents
attentifs mais à l’aise dans l’éducation de leurs enfants, souvent plus
que les parents fertiles.
Reste le problème du secret.
David a interrogé 850 couples et a
fait la revue de la littérature sur ce sujet.
Dans l’ensemble, moins de
10 % des couples ont l’intention de révéler l’IAD à l’enfant.
Ce
chiffre est de 27 % dans une enquête américaine.
Les parents
indiquent que, pour eux, cette révélation est « inutile », qu’elle
créerait des « problèmes » à l’enfant sans lui apporter rien de positif
et qu’il faut le protéger.
Le père est celui qui aime, qui a désiré
l’enfant, et l’élève.
Les mêmes idées ont été rapportées dans des
publications récentes.
Dans d’autres pays, l’idée a prévalu que le
secret est pathogène et qu’il est souhaitable que l’enfant, s’il le
désire, puisse à l’âge adulte connaître son père biologique.
C’est le
cas de l’État de Victoria en Australie et de la Suède.
Des études sont
donc nécessaires à long terme pour étudier le devenir psychologique
de ces enfants, compte tenu de leur type particulier de conception et
des modalités de la révélation ou de la préservation du secret.
Clément étudie actuellement une cohorte de 15 adultes nés après
IAD et recrutés par annonce dans un quotidien national.
Les
résultats ne sont pas encore publiés mais il semble que la manière
de révéler ce mode de conception soit plus importante que le
« secret » lui-même.
La manière de dire la « vérité » peut être cruelle,
voire pathogène.
6- Conclusion
:
Les grossesses issues d’IAD posent donc en fait peu de problèmes,
la congélation du sperme ne semblant pas nuire au foetus ou à
l’enfant.
En début de grossesse, une échographie est nécessaire pour s’assurer
de la vitalité de l’oeuf étant donné le risque de fausses couches liées
plus à l’âge élevé des femmes ou à leur hypofécondité (femmes de
sujets oligoasthénospermiques, ou étant enceintes après plus de
12 cycles d’IAD).
Il faut aussi rechercher précocement par l’échographie une grossesse
multiple (RR X 6) du fait de la fréquence des traitements inducteurs.
La surveillance de la grossesse est ensuite celle d’une grossesse
normale.
Il n’y a pas de facteurs de risques spécifiques du fait de l’IAD.
Il n’y
a pas lieu de proposer une amniocentèse systématique, sauf âge
maternel supérieur à 38 ans ou signe d’appel échographique. Pour
l’accouchement, il n’y a pas lieu de modifier la conduite habituelle.
Le taux de césarienne devrait être le même que celui de la
population générale compte tenu de l’âge maternel. L’examen
pédiatrique du nouveau-né ne demande pas non plus de consignes
particulières.
Il est important que le gynécologue-accoucheur
informe le centre qui a fourni les paillettes de l’issue de la grossesse
(que celle-ci soit normale ou non) car cela permet de colliger des
données essentielles pour l’évaluation de ces techniques.
Le développement psychomoteur de l’enfant jusqu’à l’âge de 8 à
10 ans paraît normal.
Des études plus prolongées sont cependant
nécessaires pour juger du développement psychologique de ces
sujets à l’âge adulte en regard en particulier avec la révélation ou
non de leur mode de conception.
B - GROSSESSES APRÈS DONS D’OVOCYTES :
Les séries sont courtes ; à peine 400 cas ont été publiés.
Il faut noter que ces grossesses sont particulières car l’embryon est
immunologiquement complètement étranger à la mère.
Cette
dernière est différente des femmes qui bénéficient d’une FIV car elle
a un passé pathologique lourd (ménopause précoce, dysgénésie
gonadique, cancer...) et est souvent plus âgée, voire âgée de plus de
50 ans.
Dans les publications disponibles, on note une augmentation des
saignements du premier trimestre de 12 à 53 %, une
augmentation des toxémies gravidiques dont l’incidence atteint 16 à
40 %, mais aussi une augmentation des placentas prævia, des
accouchements prématurés ce qui n’est pas surprenant avec des
mères primipares qui ont souvent plus de 40 ans.
L’augmentation
des prééclampsies est peut-être à mettre sur le compte des
problèmes immunologiques comme après IAD.
Il faut aussi tenir
compte de l’âge des mères qui augmente ce risque.
Il faut, avant de
commencer le traitement, tenir compte de l’état physiologique des
demandeuses et en particulier de leur état cardiovasculaire (les
syndromes de Turner ont souvent des cardiopathies), de leur tension
artérielle, du diabète avant d’accepter de les prendre dans un
programme de don d’ovocyte.
Le taux de césariennes est très élevé, 40 à 76 %.
Il ne semble pas y avoir de différence entre les poids, le taux de
prématurés, de retard de croissance des enfants nés après don
d’ovocytes et ceux de FIV classique.
Sur 222 grossesses obtenues
après don d’ovocyte, il a été rapporté 13 % d’accouchements
prématurés, 18 % d’enfants de moins de 2 500 g, 15 % de retard de
croissance dans les grossesses uniques, ce qui est comparable à ce
qui est observé en FIV.
Ces résultats sont aussi corrélés à l’âge
maternel de la receveuse.
Les études sur le développement des enfants sont rares et limitées
aux enfants jusqu’à l’âge de 8 ans.
Il ne semble pas y avoir
de différences avec les enfants FIV ou conçus naturellement.
La
qualité de l’entourage familial paraît même supérieure à celle des
enfants nés naturellement.
Il est recommandé, dans ces grossesses, de bien sélectionner les
receveuses et de ne transférer qu’un seul embryon, surtout si la
donneuse est jeune.
Suivi des grossesses d’assistance
médicale à la procréation
:
Après avoir vu les problèmes que posent les grossesses d’AMP, nous
voudrions donner quelques conseils pour la surveillance de ces
grossesses.
A - PRÉVENTION DES GROSSESSES MULTIPLES :
Nous l’avons vu, le principal risque de ces grossesses est lié aux
grossesses multiples.
Il faut donc discuter avec le couple, avant toutes tentatives d’AMP
quelles qu’en soient les modalités (IIU, IAD, FIV, ICSI...), de la
possibilité et des problèmes que posent les grossesses multiples,
surtout si le couple ou un des conjoints a déjà des enfants.
Il faut aussi discuter avec eux avant toutes FIV ou ICSI du nombre
d’embryons à replacer qui doit être fonction comme nous l’avons
vu de l’âge, de l’indication, du nombre d’embryons fécondés.
Les
recommandations actuelles sont de ne replacer que deux embryons
dans la majorité des cas.
Le transfert d’un seul embryon est justifié
si le couple est jeune, la femme a une anomalie utérine (utérus
unicorne, DES syndrome...) bénéficie d’un don d’ovocyte ou de
sperme.
Le dépistage des grossesses multiples doit être systématique par
échographie vaginale précoce.
La place des réductions embryonnaires réalisées entre 8 et 11 SA
doit être discutée car cette technique est traumatisante pour ces
couples sans enfants car :
– il y a un risque d’avortement complet de 16 % en moyenne ;
– la prématurité n’est pas supprimée par la réduction, le taux
d’accouchement prématuré étant compris entre 35 et 75 % dont 10 %
avant 31 SA.
Le taux de prématurité est indépendant du nombre
initial d’embryons mais fortement corrélé au nombre d’embryons
laissés en place.
Boulot a montré que la réduction
embryonnaire dans les grossesses triples permettait un gain de
2 semaines seulement sans permettre la disparition de la grande
prématurité de moins de 32 semaines ;
– l’hypotrophie foetale persiste après réduction de grossesses triples
en jumeaux ;
– la mortalité périnatale de ces grossesses réduites reste élevée et
dans plusieurs séries supérieure à celle des grossesses triples.
Cette notion doit être bien connue et expliquée aux couples, en
particulier pour les grossesses triples puisque, ici encore, l’objectif
de faire disparaître cette pathologie n’est pas atteint par la
réduction ;
– des malformations foetales ont été publiées : anomalies des
extrémités, fentes palatines, anophtalmie unilatérale, malformations
du pôle céphalique.
La fréquence de ces anomalies n’est pas
connue.
Le passage possible de la substance létale pendant
l’embryogenèse a été évoqué, bien qu’il s’agisse de grossesses
dizygotes.
Ces diverses malformations pourraient être présentes
chez l’embryon, avant la réduction, sans avoir encore de traduction
échographique ;
– les complications psychologiques sont à évaluer, car la réduction
est douloureusement vécue par les femmes, du fait de la
contradiction que représente ce geste assimilé à une interruption
volontaire de grossesse, dans la longue histoire que constitue leur
infertilité.
La « chaleur » de l’équipe médicale à toutes les étapes de
la réduction est une aide essentielle pour le couple.
La réduction embryonnaire peut être proposée pour réduire les
grossesses de quatre embryons et plus.
Tous les auteurs sont
également d’accord pour condamner l’utilisation de cette technique
dans les grossesses gémellaires induites ou spontanées qui, bien
qu’étant des grossesses à risque, sont prises en charge de manière
très satisfaisante actuellement.
Reste le problème difficile des
grossesses triples qu’il faut discuter en fonction de la problématique
médicale (utérus unicorne, utérus cicatriciel, femme hypertendue...)
et de l’avis des parents.
Il faut savoir que l’intérêt de pratiquer une
réduction dans ce cas n’est certain que s’il existe des risques de
prématurité surajoutés et que la persistance d’un taux de 10 % de
prématurés graves avant 31 semaines montre que la réduction
embryonnaire ne permet pas d’effacer les conséquences des
fécondations multiples.
B - SURVEILLANCE DE LA GROSSESSE :
Même unique, la grossesse après FIV reste une grossesse à risque
d’accouchement prématuré et d’hypotrophie.
Il faut donc :
– prévenir la prématurité par un arrêt de travail si celui-ci est
particulièrement fatigant ou comporte trajets ou stress ;
– prévenir l’hypotrophie par un arrêt du tabac, de l’alcool, des
règles hygiénodiététiques adaptées, le repos, mais aussi le dépistage
d’une anémie (hémoglobine obligatoire à 6 mois), d’une
hypertension, d’un diabète gestationnel.
Un diagnostic précoce de
la menace d’accouchement prématuré ou d’un retard de croissance
est assuré par des examens cliniques rapprochés toutes les
3 semaines et des échographies fréquentes au 3e trimestre ;
– les modalités de l’accouchement doivent être déterminées en
fonction des conditions obstétricales et de l’âge de la femme.
Le taux
de césariennes ne devrait pas être plus élevé à âge égal que dans la
population générale.
Les obstétriciens doivent informer l’équipe d’AMP de l’issue de la
grossesse et des résultats de l’examen pédiatrique de l’enfant pour
pouvoir répondre aux questions encore en suspens concernant le
devenir des enfants, spécialement ceux issus de grossesses avec
embryons congelés ou dons d’ovocytes.
Enfin, les enfants devraient
être suivis à long terme.
Conclusion :
Il ressort de l’étude de la littérature des grossesses d’AMP que le risque
principal est lié aux grossesses multiples, tant en ce qui concerne les
complications de la grossesses (hypertension artérielle, menace
d’accouchement prématuré, taux élevé de césariennes) que l’état de
santé de l’enfant : prématurité, retard de croissance, malformations,
mortalité périnatale.
Il faut donc tout faire pour diminuer le nombre de
grossesses multiples en ne transférant pas plus de deux embryons et
parfois moins dans les couples à risques de grossesses multiples :
femmes jeunes, ovulant bien, dont le mari a un excellent sperme.
Les grossesses uniques restent cependant des grossesses à risque du fait
de l’âge des femmes et de leur passé pathologique.
Elles doivent être
suivies attentivement mais sans angoisse pour ramener le taux de
césariennes à celui attendu du fait de la parité et de l’âge. Des études
complémentaires sont nécessaires pour mieux appréhender le pourquoi
du taux élevé de prématurés et d’hypotrophes.