Fistule : « Trajet d’origine congénitale, infectieuse ou traumatique,
faisant communiquer anormalement un organe avec l’extérieur ou
un autre organe » (Larousse).
Étiologies
:
A - FISTULES INTERNES
:
Deux variétés peuvent être individualisées.
1- Fistules pancréatiques internes spontanées
:
Quelles que soient leurs causes (pancréatite aiguë, pancréatite
chronique, cancer du pancréas, traumatisme pancréatique), les pseudokystes peuvent, en raison de l’augmentation du volume de
leur contenu, se rompre :
– soit dans le tube digestif, réalisant une fistule kystogastrique, une fistule kystoduodénale, une fistule kystocolique
ou une fistule complexe.
La fistulisation digestive d’un kyste est
souvent un mode de guérison spontanée, parfois au prix d’une
hémorragie digestive ;
– soit dans une séreuse : si la rupture du kyste se situe à la face
antérieure du pancréas, on observe la constitution d’une ascite ;
si cette rupture se situe à la face postérieure, on observe la
constitution d’une fistule vers le thorax ou le médiastin (pleurésie,
péricardite).
Ces épanchements se caractérisent par leur
récidive après paracentèse, leur contenu séreux, louche, chyliforme
ou hémorragique, riche en polynucléraires éosinophiles, en protéines
(³ 30 g/L) et en enzymes pancréatiques (amylase > 1 000 UI/L) ; la
rupture d’un pseudokyste dans les bronches se traduit par une
« vomique » pancréatique ;
– soit dans la voie biliaire principale, se révélant souvent par une hémobilie et une angiocholite.
Une fistule pancréaticobiliaire peut être cependant totalement asymptomatique, des cas de
découverte fortuite lors de cholangiopancréatographie rétrograde
endoscopique (CPRE) ayant été rapportés ;
– soit dans la veine porte : la fistule pancréaticoportale se caractérise
par son association à une cytostéatonécrose sous-cutanée diffuse
aiguë (53 % des cas) et à une thrombose portale (95 à 100 % des cas).
D’autres cas exceptionnels de perforation d’ulcère gastrique ou
duodénal, ou de fistule entre le duodénum atteint de maladie de Crohn et les canaux pancréatiques, ou de fistulisation d’un kyste
hydatique de la tête du pancréas dans le duodénum, ont été
rapportés.
2- Fistules pancréatiques internes provoquées
:
Le but recherché est le drainage des canaux pancréatiques dilatés ou
d’un kyste pancréatique dans le cadre d’un traitement chirurgical
(wirsungojéjunostomie), ou endoscopique (kystoentérostomie
perendoscopique, sphinctérotomie endoscopique de la papille
principale ou accessoire).
On peut rapprocher de cette forme les
anastomoses pancréaticodigestives après résection pancréatique
(pancréaticojéjunostomie après duodénopancréatectomie
céphalique).
B - FISTULES EXTERNES
:
La plupart sont secondaires à un « traumatisme » pancréatique,
habituellement chirurgical.
1- Après chirurgie pancréatique
:
* Chirurgie de la pancréatite aiguë
:
La résection pancréatique partielle ou subtotale est grevée d’une
morbidité et d’une mortalité telles que ces méthodes sont
abandonnées au profit des techniques de drainage et de nécrosectomie.
La fistule apparaît après un intervalle
libre de quelques jours, dans 27 % des cas pour certaines séries, et
semble favorisée par des techniques de drainage-lavage abondant.
L’efficacité du drainage de la nécrose semble proportionnelle au
risque de fistule.
L’écoulement de suc pancréatique pur, ou plus
souvent associé à du sang ou à un liquide bilieux purulent, se fait
par un des orifices de drainage.
* Kystes et pseudokystes
pancréatiques :
La marsupialisation ou le drainage externe d’une collection
kystique aboutit inéluctablement à une fistule pancréatique de
durée plus ou moins prolongée en fonction du caractère
communiquant du kyste avec les canaux pancréatiques.
Les fistules externes après dérivation kystodigestive sont
exceptionnelles.
* Après pancréatectomie partielle
:
La fistule est secondaire au lâchage d’un point de suture sur la
tranche de section pancréatique ou se fait au niveau d’une
anastomose pancréaticojéjunale.
Ces fistules sont observées dans 7 à
15 % des cas après duodénopancréatectomie céphalique et,
dans environ 50 % des cas, après pancréatectomie gauche.
Elles
sont d’autant plus fréquentes que le pancréas est sain ou qu’existe
un obstacle à l’écoulement du suc pancréatique vers le duodénum.
La pancréatographie préopératoire est donc utile pour poser
l’indication d’un geste complémentaire préventif.
* Après biopsie pancréatique
:
En dehors de la cytoponction à l’aiguille fine, toutes les techniques
de biopsie peropératoire du pancréas peuvent être compliquées
d’hémorragie, de pancréatite aiguë, de péritonite ou de fistule.
La
fréquence de ces complications varie de 2 à 6,2 % avec une mortalité
de 1,4 à 3,8 %.
Cependant, il est parfois difficile d’imputer la
complication à la biopsie elle-même en raison de manoeuvres
chirurgicales concomitantes.
À notre connaissance, aucun cas de
fistule pancréatique n’a été rapporté après ponction cytologique ou microbiopsie à l’aiguille fine percutanée guidée sous échographie,
tomodensitométrie (TDM) ou même échoendoscopie.
* Cas particuliers de chirurgie pancréatique
:
Après transplantation pancréatique, le maintien d’une sécrétion
pancréatique externe implique une anastomose pancréaticodigestive
avec les risques qui lui sont propres.
Différents procédés
d’occlusion canalaire, définitive ou temporaire, ont été proposés soit dans le
but de protéger l’anastomose, soit au contraire pour obstruer
définitivement les canaux.
Les tumeurs
bénignes, en particulier les tumeurs neuroendocrines, peuvent être
réséquées par énucléation.
Ce geste ne doit pas
être pratiqué en cas de tumeur maligne, en raison du risque de
blessure canalaire.
Le caractère profond ou superficiel de la lésion (précisé au mieux par échoendoscopie) peut aider le chirurgien à
prédire la difficulté et les risques de ce geste.
L’application de colle
biologique peut prévenir une fistule pancréatique.
En l’absence de
plan de clivage, l’énucléation ne doit pas être tentée en raison du
risque accru de lésion canalaire.
2- Après chirurgie extrapancréatique
:
Des traumatismes opératoires du pancréas peuvent survenir.
C’est
le cas du cancer gastrique traité par gastrectomie élargie avec lymphadénectomie, où le taux de fistule postopératoire peut
atteindre 13 %.
En cas d’extension du cancer gastrique au corps
ou à la queue du pancréas, on renoncera à l’exérèse ou, au contraire,
on élargira la résection si les conditions locales le permettent.
Des
lésions pancréatiques opératoires ont également été rapportées après
chirurgie des voies biliaires, sphinctérotomie ou chirurgie d’exérèse
de lésion oddienne, mais aussi après splénectomie, ou plus
rarement au cours de la chirurgie rénale ou des surrénales.
3- Traumatismes pancréatiques
:
* Traumatismes ouverts
:
Les causes les plus fréquentes sont les plaies par arme blanche ou
par balle.
Les organes voisins du pancréas (foie, rate, côlon,
duodénum, voies biliaires) sont souvent lésés également.
La
mortalité s’élève de 10 à 22 % ; elle est rarement liée à la fistule mais
relève plutôt des lésions viscérales associées.
Les fistules
postopératoires semblent d’autant plus fréquentes qu’existe une
lésion canalaire pancréatique (86 % en cas de lésion canalaire contre 8 % en cas d’atteinte parenchymateuse).
Il est difficile de distinguer
les séquelles de la blessure pancréatique des complications
secondaires au geste chirurgical.
C’est pourquoi on préconise les
interventions de drainage et on réserve les interventions de résection
pancréatique en cas de lésion canalaire.
4- Traumatismes fermés
:
Le pancréas peut être atteint dans 0,6 à 2 % des contusions
abdominales.
Les causes habituelles sont les accidents de la
circulation : écrasement thoracoabdominal par le volant ou la
ceinture de sécurité (87 %), ou chute sur le guidon de bicyclette ou
de vélomoteur (8 %).
Dans la plupart des cas, le pancréas est
écrasé sur le billot lombaire. Une pancréatite aiguë ou un hématome,
ou encore une rupture du canal pancréatique principal, en sont les
conséquences possibles.
Les lésions pancréatiques semblent moins
sévères que dans les traumatismes ouverts et nécessitent le plus
souvent un geste chirurgical de drainage.
La mortalité est variable
(10 à 35 %) mais semble plus faible que dans les traumatismes
ouverts.
Les fistules pancréatiques s’observent parfois (15 % des cas),
plus ou moins tardivement après le traumatisme, soit après rupture
d’un pseudokyste, soit après laparotomie si la rupture canalaire n’a
pas été reconnue ou réparée.
Physiopathologie
:
Toute effraction canalaire, quelle que soit sa cause (pancréatite aiguë
nécrosante, pancréatite chronique, cancer du pancréas, traumatisme,
postchirurgie), provoque une fuite de suc pancréatique.
Cet
épanchement peut se répandre dans une séreuse (pour constituer
une ascite, une pleurésie ou une péricardite pancréatique) ou
s’organiser en pseudokyste.
Ce pseudokyste peut se résorber ou se
rompre vers l’intérieur (constituant alors une fistule avec un organe
creux ou une séreuse) ou l’extérieur (constituant alors une fistule
externe).
On classe les fistules pancréatiques en fonction de leur débit, de leur
contenu et de leur trajet.
On distingue ainsi :
– en fonction du débit : les fistules à bas débit (< 200 mL/j) sont le
plus souvent associées à une effraction canalaire et guérissent
spontanément ; les fistules à haut débit (> 700 mL/j) sont
habituellement associées à une rupture canalaire complète et
guérissent difficilement ;
– en fonction du liquide d’écoulement : les fistules de suc
pancréatique pur se distinguent des fistules contenant du liquide
intestinal où l’entérokinase active les enzymes protéolytiques qui
provoquent des lésions cutanées ;
– en fonction de leur trajet : les fistules simples ou complexes.
Les conséquences de la fuite de suc pancréatique sont négligeables
pour les fistules à bas débit.
Elles peuvent, en revanche, être
considérables pour des fistules à grand débit.
Les déperditions
liquidiennes peuvent atteindre 1,5 L/j pour une perte totale
d’électrolytes équivalente en concentration à celle du plasma, de
bicarbonates à raison de 25 à 170 mmol/L, de chlore (la somme
chlore-bicarbonate est toujours constante) et de 1 à 10 g/L de
protéines.
La première des conséquences de cette spoliation est une
déshydratation extra- puis intracellulaire, aggravée par une acidose
métabolique.
La malnutrition relève de plusieurs mécanismes : la
malabsorption secondaire à la dérivation du suc pancréatique et la
fuite des protéines par la fistule ont en fait peu d’importance par
rapport à la maladie sous-jacente qui induit souvent un état
d’hypercatabolisme (pancréatite chronique, cancer, pancréatite aiguë,
traumatisme ou encore exérèse chirurgicale).
L’infection du liquide d’écoulement et du trajet fistuleux est presque
constante.
La contamination se fait soit à partir d’un viscère (en cas
d’anastomose) ou d’un foyer infecté (en cas de pancréatite aiguë),
soit de dehors en dedans à partir d’un drain.
Les germes
responsables sont le plus souvent des bacilles à Gram négatif ou des
anaérobies, mais il ne faut pas oublier les staphylocoques et les
levures qui sont souvent sélectionnés par une antibiothérapie au
long cours.
Chez ces sujets dénutris, la présence d’une infection, et a
fortiori d’un foyer profond entretenant la fistule, est une cause
fréquente de décès.
La protéolyse des tissus avoisinants et de la peau n’est observée
qu’en cas d’activation des enzymes protéolytiques par
l’entérokinase.
Elle conduit rarement à des dégâts viscéraux
importants mais, le plus souvent, à des pertes de substance cutanée
qui retardent la cicatrisation.
L’évolution spontanée d’une fistule est remarquable par la guérison
dans 100 % des cas dans un délai parfois très long (jusqu’à 2 ans).
Cette évolution spontanément favorable à plus ou moins longue
échéance justifie que l’on évalue les traitements des fistules
pancréatiques, non seulement sur leur taux de guérison mais aussi
sur le délai de tarissement et le coût.
En dehors de fistules à grand
débit ayant des conséquences non négligeables, le traitement des
fistules devra être le moins agressif possible ; on préférera en
particulier les solutions conservatrices aux résections pancréatiques.
Diagnostic
:
Il est en général facile lorsqu’il s’agit d’une fistule externe survenant
dans le contexte d’une pancréatite aiguë, après un acte chirurgical
sur le pancréas ou dans les suites d’un traumatisme.
On peut être amené à distinguer un drainage postopératoire d’une coulée de
nécrose d’une véritable fistule qui se caractérisera par un débit
supérieur à 10 mL/j, une évolution supérieure à 5 jours et une
concentration en amylase supérieure à 3 X (amylasémie).
Il est, en revanche, parfois difficile de reconnaître une fistule interne
évoluant à bas bruit ou se manifestant par une symptomatologie
d’emprunt.
Les fistules internes sont essentiellement représentées
par les fistules pancréaticopéritonéales et pancréaticopleurales, les
fistules avec les organes creux sont plus rares et se traduisent par
l’association évocatrice d’une masse abdominale, d’un sepsis et
d’une hémorragie intestinale.
Le terrain des fistules internes est celui
de la pancréatite chronique calcifiante qui est le plus souvent
associée à cette complication.
Il s’agit d’homme (sex-ratio
homme/femme : 3/1) âgé de 43 ans en moyenne, éthylique
chronique (80 % des cas).
La poussée de pancréatite aiguë est plus
souvent ancienne (46 %) que récente (12 %), mais elle passe souvent
inaperçue (42 % des cas).
Les fistules pancréaticopéritonéales : la plupart des patients ayant une
fistule interne ont une ascite.
La rupture du canal de Wirsung à la
face antérieure du pancréas provoque la formation d’une ascite
pancréatique.
Le plus souvent, l’ascite apparue progressivement est
indolore, mais il est possible d’observer une sensibilité à la palpation
de l’abdomen.
L’état général est conservé et il n’existe pas de
syndrome septique. Le diagnostic peut être méconnu pendant 6,
voire 18 mois.
Les fistules pancréaticopleurales : la rupture du canal de Wirsung à
la face postérieure du pancréas peut se compliquer d’une pleurésie
pancréatique après effraction d’un kyste médiastinal.
Les
manifestations cliniques, dyspnée et toux, sont généralement
présentes précocement mais sont trompeuses, les manifestations
digestives n’étant retrouvées que dans 30 % des cas.
Le délai entre
l’apparition des symptômes et l’épisode initial aigu ne dépasse généralement pas 1 à 2 mois.
L’épanchement pleural est bilatéral ou
unilatéral (plus souvent à gauche) et s’associe à une ascite
pancréatique dans 30 % des cas.
Moyens diagnostiques
:
L’échographie abdominale et la TDM permettent le plus souvent de
mettre en évidence une collection intermédiaire ou une maladie
pancréatique sous-jacente, mais ne permettent que rarement de
visualiser le trajet fistuleux.
La mise en évidence de la fistule est en général facile à confirmer
par :
– une concentration en amylase supérieure à 1 000 UI/L et, en
protéines, supérieure à 30 g/L, dans le liquide d’écoulement de la
fistule externe, l’épanchement péritonéal ou pleural ;
– la fistulographie couplée à la TDM semble l’examen de choix en
première intention en cas de fistule externe.
Elle permet de préciser
la nature de la fistule (trajet simple ou complexe, direct, ou associée
à une collection intermédiaire), le siège de l’orifice primaire (tête,
corps, queue du pancréas), une communication avec les canaux
pancréatiques et la pathologie pancréatique sous-jacente (pancréatite
chronique, pancréatite aiguë).
La fistulographie comporte cependant
un risque de surinfection et de réouverture de la fistule.
Les autres explorations sont à discuter en fonction des indications :
– les examens endoscopiques gastroduodénaux ou coliques sont
souvent sans utilité, si ce n’est pour écarter une autre cause de
douleur abdominale ou d’hémorragie digestive ;
– le transit baryté semble inutile si la fistule est simple, car dans ce
cas la guérison spontanée est rapide ;
– l’artériographie est utile en cas d’hémorragies associées à la fistule.
Cet examen permet de préciser le siège du saignement et,
éventuellement, d’emboliser le vaisseau qui saigne ;
– la CPRE est à réserver aux fistules externes persistantes malgré le
traitement médical bien conduit (dans le cadre du bilan
préopératoire) ou aux fistules internes.
Elle permet de préciser le
siège de l’effraction canalaire, la présence ou non d’un kyste
communicant et la maladie causale, en particulier la présence d’un
obstacle canalaire en aval.
Elle permet parfois de traiter la fistule
par une décompression canalaire à l’aide d’une intubation pancréatique.
Le temps de la CPRE reste controversé en
raison de l’évolution spontanément favorable de certaines fistules et
de la morbidité de cette exploration.
Une opacification précoce
semble donc inutile et dangereuse, alors qu’une opacification tardive
peut diminuer les chances de réussite du traitement endoscopique
en raison du développement d’une sténose canalaire fibreuse en
regard de la fistule, difficile à franchir. Un délai de 2 à 3 semaines
après la constitution de la fistule semble une bonne moyenne ;
– l’échoendoscopie a sa place, avant tout, dans l’exploration de la
pathologie pancréatique sous-jacente.
Elle permet parfois de mettre
en évidence le trajet fistuleux dans l’estomac ou le duodénum.
En cas de kystoentérostomie perendoscopique,
l’échoendoscopie préthérapeutique permet d’apprécier au mieux la
distance entre la paroi digestive et le kyste (elle doit être inférieure à
1 cm) et la présence de vaisseaux au niveau du bombement.
En
l’absence de bombement du kyste dans la cavité digestive, il est
possible de réaliser une kystoentérostomie guidée par
échoendoscopie, à condition d’utiliser un échoendoscope
sectoriel ;
– la cholangiopancréato-IRM (imagerie par résonance magnétique)
n’est pas encore évaluée dans cette indication, mais cet examen semble intéressant pour préciser la présence d’un obstacle canalaire
en aval de l’orifice primaire.
La communication d’une collection avec
les canaux pancréatique ne pourra cependant pas être affirmée par
cette exploration, à la différence de la CPRE.
Les explorations biologiques sériques sont d’ordinaire de peu
d’intérêt : l’amylasémie peut ne pas être élevée à distance de la
pancréatite aiguë.
Les perturbations du bilan biologique sont
fonction de l’état général du patient (ionogramme sanguin, équilibre acidobasique, syndrome inflammatoire, numération formule
sanguine, état nutritionnel).
Traitement
:
A - MÉTHODES
:
1- Traitement médical
:
Il a pour but la mise au repos du pancréas et l’amélioration de l’état
nutritionnel afin de favoriser la cicatrisation.
* Traitements non spécifiques
:
La protection cutanée autour de l’orifice fistuleux est assurée par un
appareillage de la fistule à l’aide d’une poche d’iléostomie et
l’application de crèmes protectrices.
Le maintien d’une balance azotée positive est indispensable à une
bonne cicatrisation.
Plusieurs travaux physiologiques chez l’animal
et chez l’homme ont permis de montrer l’effet freinateur de la
nutrition artificielle sur la sécrétion pancréatique.
Les
modalités de la nutrition artificielle seront à adapter au patient.
Les
besoins nutritionnels varient en fonction de l’affection responsable
de la fistule et de l’existence d’une agression surajoutée, septique
notamment.
Les études en calorimétrie indirecte montrent que la
dépense énergétique de repos de ce type de patient est élevée :
environ 35 kcal/kg/j en cas de fistule postopératoire et 45 kcal/kg/j
en cas de pancréatite aiguë nécroticohémorragique.
Les besoins
caloriques varient de 40 à 55 kcal/kg/j. Les besoins protéiques
dépendent du degré de catabolisme et de l’importance de la fuite
protidique : ils varient de 300 à 400 mg/kg/j d’azote.
Le mode
d’alimentation sera plutôt une nutrition parentérale totale (NPT)
qu’une nutrition entérale (NE), car l’inhibition des sécrétions
pancréatiques par la NE est moins forte.
La NE permet cependant
un apport nutritionnel efficace quand la NPT n’est pas utilisable.
Les données physiologiques plaident en faveur de l’instillation
jéjunale des nutriments et de l’utilisation de régimes élémentaires
ou semi-élémentaires.
En raison du déficit intraluminal en enzymes
pancréatiques lors des fistules à fort débit, l’apport lipidique devra
être fait sous forme de triglycérides à chaîne moyenne ou être
associé à une enzymothérapie substitutive.
La NPT est plus
souvent utilisée, elle réduit le débit des fistules, raccourcit le
délai de fermeture spontanée, corrige la malnutrition et favorise la
cicatrisation.
L’administration intraveineuse de lipides chez
les sujets présentant une pancréatite aiguë a été controversée.
Actuellement, la bonne tolérance des émulsions lipidiques au cours
des affections pancréatiques paraît admise, en dehors du cas
particulier des pancréatites aiguës provoquées par une hypertriglycéridémie.
+ Antibiothérapie
:
Si la fistule est surinfectée : il faut adapter l’antibiothérapie à
l’antibiogramme, préférer la voie locale par irrigation et réserver la
voie intraveineuse en cas de syndrome septique (fièvre,
hyperleucocytose).
Si la fistule n’est pas surinfectée : l’antibioprophylaxie systématique
est controversée en raison du risque de sélectionner des germes
résistants.
Quand la fistule est simple, l’activité bactériostatique du
suc pancréatique semble suffisante.
+ Résultats du traitement non spécifique
:
La NPT a fait l’objet d’études mais la présence
d’un nombre important de patients présentant une fistule digestive
associée aux fistules pancréatiques et la diversité des pathologies
pancréatiques sous-jacentes ne permettent pas de tirer de
conclusions.
Il n’existe pas d’étude contrôlée précisant l’apport de la NPT dans le traitement des fistules pancréatiques, cette
thérapeutique étant systématiquement associée au traitement
spécifique.
L’impact de la NPT sur le pronostic des patients ne peut
être jugé que sur des comparaisons historiques.
Deux importantes
séries publiées avant le développement de la NPT, associant une
rééquilibration hydroélectrolytique à une antibiothérapie, permettent
d’évaluer l’apport de la NPT.
Zinner et al ont rapporté une
fermeture dans 68 % des cas (24/38), et Jordan dans 80 % des cas
(80/101), au prix d’une mortalité de 16 %.
Le délai de tarissement
de la fistule était supérieur à 2 mois dans un tiers des cas.
Les
principales séries de fistules pancréatiques traitées par NPT
montrent une réduction de la mortalité (5 % en moyenne) et un
raccourcissement du délai de fermeture (31 jours en moyenne).
* Inhibition de la sécrétion pancréatique
:
Les résultats des travaux expérimentaux sont difficiles à analyser en
raison de la complexité des régulations de la sécrétion pancréatique
et de la diversité des situations pathologiques associées à une fistule
pancréatique.
Plusieurs substances sont susceptibles de diminuer la sécrétion
pancréatique : acétazolamide, substances á et alpha-adrénergiques,
atropine, calcitonine, glucagon, extraits pancréatiques (à trop
fortes doses pour être une méthode applicable).
La mauvaise
tolérance de ces substances a permis le développement de la
somatostatine dans cette indication.
La somatostatine est un tétradécapeptide hormonal sécrété
physiologiquement par différents tissus et organes.
Elle est
caractérisée par une demi-vie d’élimination brève de 2 à 3 minutes
et par son action à la fois paracrine et directe sur la muqueuse
intestinale.
Son activité fait intervenir des récepteurs spécifiques, en
particulier au niveau du pancréas.
Son action au niveau
pancréatique est de diminuer la sécrétion pancréatique en agissant
sur la perméabilité des acini pancréatiques à l’ion calcium.
Chez
l’homme, cette hormone inhibe la sécrétion d’enzymes et de
bicarbonates ainsi que le volume de suc sécrété après stimulation
par la sécrétine et la cholécystokinine (CCK).
La somatostatine
synthétique (octréotide) est un octapeptide qui a une demi-vie
d’élimination plus longue, de 1 à 2 heures, permettant son utilisation
clinique.
Depuis 1982, de nombreux essais cliniques ont confirmé l’intérêt de
l’octréotide sur le tarissement des fistules pancréatiques en
association avec la NPT.
* Colle biologique
:
L’occlusion du canal de Wirsung par l’injection intracanalaire de
colle biologique a été proposée plutôt en prévention de fistule
postopératoire (après duodénopancréatectomie céphalique) qu’en
traitement d’une fistule déclarée.
Les produits utilisés sont des
matériels synthétiques tels que la prolamine et le néoprène ou, plus
récemment, des dérivés de la fibrine.
* Résultats du traitement médical
:
Après un enthousiasme initial, de nombreuses fistules se sont
avérées rebelles à ce traitement. Les facteurs de résistance à ce
traitement sont :
– des facteurs anatomiques : la rupture canalaire et l’obstacle
canalaire (en particulier dans la pancréatite chronique calcifiante)
nécessitent un traitement interventionnel associé (endoscopique ou
chirurgical) ;
– l’infection du trajet fistuleux est presque systématique.
Les
facteurs favorisants sont le drainage externe de longue durée, la
diminution du débit de la fistule (qui diminue le lavage mécanique
de la fistule et l’activité enzymatique pancréatique qui a des
propriétés bactériostatiques), l’opacification par les drains.
La
présence d’une infection avérée de la fistule nécessite le drainage
efficace d’un abcès sous-jacent éventuel ainsi que le maintien d’un
bilan azoté positif ;
– la fausse guérison de la fistule : le tarissement de la fistule peut
favoriser le développement d’une collection sous-jacente qu’il s’agira
de dépister par une TDM de surveillance ;
– l’épithélialisation du trajet fistuleux est rare, car la fistule est
souvent longue.
En conséquence, les priorités du traitement seront, avant toute
chose, de :
– stériliser la fistule ;
– drainer les collections sous-jacentes en retirant prudemment et
lentement les drains (contrôler l’absence de récidive de la collection
2 jours après le clampage du drain).
2- Traitement instrumental endoscopique
:
Le but de ce traitement est d’assurer le drainage des canaux
pancréatiques pour arrêter l’alimentation de la fistule.
– Le drainage externe est réalisé par la mise en place d’un cathéter nasopancréatique (drain nasopancréatique [DNP]).
Après pancréatographie endoscopique, un cathéter est poussé dans le canal
de Wirsung jusqu’au contact du point de fuite canalaire.
Une
aspiration douce (moins 50 mmHg) est appliquée de façon continue
ou séquentielle.
– Le drainage interne vise à rétablir le flux pancréatique dans le tube
digestif.
Après sphinctérotomie pancréatique, une prothèse, de
calibre et de longueur adaptés à la taille du canal de Wirsung et au
siège de la fuite canalaire, est insérée dans la canal pancréatique.
Dans les cas les plus favorables, l’extrémité de la prothèse (si
possible en queue de cochon) est placée dans la cavité kystique.
Dans quelques cas, une fistule pancréatique peut compliquer un
kyste ou un pseudokyste, lui-même responsable d’une compression
gastrique ou duodénale visible lors d’une endoscopie digestive : une
kystogastrostomie, ou une kystoduodénostomie, peut alors être
pratiquée.
En 1993, Saeed et al ont traité par prothèse pancréatique cinq
malades ayant une fistule pancréatique (externe [n = 2], pancréaticopleurale [n = 1], pancréaticopéritonéale [n = 1] et
pancréaticobiliaire [n = 1]) résistante à la NPT associée à l’octréotide.
Le traitement comportait une sphinctérotomie pancréatique,
l’extraction de calculs, la dilatation de sténose à l’aide d’une
prothèse de 7-11,5 F.
La fistule se tarissait rapidement et, dans tous
les cas, sans récidive après le retrait de la prothèse.
L’intubation
pancréatique durait 6 semaines en moyenne. Kozarek et al ont
rapporté les résultats du drainage transpapillaire de kystes
pancréatiques communiquants associés à des fistules chez
18 patients.
Ce traitement a permis d’éviter la chirurgie dans sept
cas sur 18.
Dans une autre série rétrospective, Howard a montré
l’importance pronostique de l’étiologie de la fistule (postopératoire
ou après pancréatite aiguë) et du degré d’atteinte canalaire
(effraction simple et rupture complète) chez 38 patients : 86 % des
patients présentant une effraction canalaire postopératoire
guérissaient sous traitement médical ; 47 % ayant une effraction
canalaire après pancréatite aiguë nécessitaient un traitement
endoscopique, et tous les patients ayant une rupture canalaire
(quelle que soit l’étiologie) nécessitaient un traitement chirurgical.
D’autre auteurs ont également rapporté des observations isolées de
fistules traitées par des méthodes endoscopiques avec de bons
résultats et peu de complications.
Le drainage interne est plus confortable pour le patient, d’autant
que le DNP doit souvent persister au moins 15 jours.
Le traitement
instrumental permet de court-circuiter les obstacles éventuels situés
en aval de la fuite canalaire et responsables de la pérennisation de la
fistule.
La mortalité et la morbidité du traitement instrumental
semblent inférieures à celles du traitement chirurgical, bien qu’il
n’existe pas d’étude comparant ces deux méthodes.
En dehors des difficultés techniques empêchant un pontage correct
de l’obstacle (obstacle infra-nchissable, rupture canalaire complète ne
permettant pas de cathétériser le canal en amont de la fuite), la mise
en place d’une prothèse dans le canal de Wirsung s’accompagne, à
long terme, de modifications canalaires similaires à celles de la
pancréatite chronique calcifiante.
Ces lésions canalaires induites
régressent dans 50 à 66 % des cas après le retrait de la prothèse et
leurs conséquences à long terme restent inconnues.
3- Radiothérapie
:
Elle a été proposée de longue date dans le traitement des fistules
pancréatiques.
À doses modérées chez l’animal, elle provoque en
8 à 12 heures une inhibition de la sécrétion exocrine pancréatique, et
ceci pendant 6 à 8 jours.
Chez l’homme, des doses de 6 à 10 Gy
délivrées en 3 à 4 jours seraient suivies d’une réduction rapide et
importante du débit des fistules.
L’effet thérapeutique ne serait
pas obtenu par une fibrose pancréatique mais par une inhibition
immédiate et réversible de la sécrétion enzymatique pancréatique
Certains auteurs ont obtenu un bon résultat sur les fistules externes
ou une ascite avec pseudokystes.
Cette méthode pourrait être
réservée aux patients ne répondant pas au traitement médical et
récusés pour une intervention chirurgicale.
Néanmoins, les séquelles
à long terme de cette faible irradiation restent inconnues.
4- Traitement chirurgical
:
La chirurgie des fistules pancréatiques peut faire appel à tout
l’éventail des techniques chirurgicales destinées au pancréas ;
néanmoins, deux méthodes sont plus particulièrement appropriées
au traitement des fistules pancréatiques et méritent une description
détaillée : ce sont la dérivation interne et la pancréatectomie
d’amont.
* Dérivation interne
:
Le principe est de dériver la sécrétion pancréatique dans le tube
digestif.
Le vecteur digestif peut être l’estomac, mais il est préférable
d’utiliser une anse intestinale en Y qui isole les canaux pancréatiques
du circuit alimentaire.
Sur le versant pancréatique, l’anastomose peut être pratiquée de
deux manières :
– dissection à partir de l’orifice cutané du trajet fistuleux,
préalablement dilaté, le plus loin possible en direction du pancréas
de façon à créer un néocanal qui sera ensuite implanté, par une
anastomose à points serrés, dans le tube digestif ;
– mise en évidence de l’orifice fistuleux au niveau de la capsule
pancréatique sur lequel est accolée, sur le mode latéroterminal, une
anse en Y suturée, à points séparés, aux tissus scléreux
avoisinants.
Il s’agit d’une méthode efficace et réalisable, quel que soit le siège
de la fistule.
Elle ne comporte aucun sacrifice de parenchyme
pancréatique.
L’anastomose est généralement étanche, du fait de la sclérose
environnante.
Néanmoins, la fuite anastomotique est toujours
possible. Cet incident, habituellement bénin, peut se compliquer
d’une récidive de la fistule.
L’utilisation du trajet fistuleux peut être
rendue difficile par le caractère aléatoire de la dissection.
* Pancréatectomie d’amont
:
Le geste consiste à réséquer toute la partie de la glande en amont de
la fistule après vérification de la perméabilité du canal de Wirsung
d’aval.
La tranche pancréatique est refermée avec une ligature
propre du canal de Wirsung.
En cas d’obstacle canalaire proximal,
on est obligé de pratiquer une pancréaticojéjunostomie
terminoterminale sur la tranche.
La pancréatectomie entraîne le plus souvent une guérison définitive,
en l’absence d’obstacle canalaire.
Elle est difficilement concevable pour les fistules siégeant sur la tête
pancréatique.
Elle impose le sacrifice d’une partie plus ou moins
importante de parenchyme pancréatique et comporte donc des
risques de diabète et d’insuffisance pancréatique exocrine.
Elle
nécessite souvent le sacrifice de la rate lorsque les vaisseaux ne
peuvent être correctement isolés en raison des remaniements
inflammatoires locaux.
Ces remaniements peuvent rendre, de plus,
l’intervention difficile.
B - INDICATIONS
:
Dans tous les cas, on associera un traitement non spécifique (soins
cutanés, nutrition parentérale, antibiothérapie) et un traitement
antisécrétoire par octréotide.
On distinguera les cas d’emblée chirurgicaux : hémorragie ou sepsis
non contrôlés.
Dans les autres cas, le délai d’intervention et le type de geste
(chirurgical ou instrumental) dépendront du type de fistule.
1- Fistules externes postopératoires
:
* Fistule après duodénopancréatectomie céphalique
:
La fistulisation par désunion de l’anastomose est le principal écueil
de la duodénopancréatectomie céphalique (10 à 15 % des cas) et est
responsable du décès dans 10 à 40 % des cas.
Le taux des fistules
dépend de la qualité de l’anastomose mais également du diamètre
du canal de Wirsung et de la qualité du parenchyme pancréatique
sous-jacent (les fistules sur pancréatite chronique calcifiante étant
moins fréquentes que celles qui apparaissent sur pancréas sain).
+ Traitement préventif
:
Pour prévenir l’apparition d’une fistule postopératoire, de
nombreuses propositions techniques ont été faites.
Pour supprimer l’anastomose elle-même, on a proposé la duodénopancréatectomie totale.
Cette technique est cependant
grevée d’une mortalité et d’une morbidité importantes en raison de
l’insuffisance pancréatique exocrine et endocrine séquellaire.
L’abandon du pancréas avec fermeture de la tranche pancréatique
n’évite pas un taux élevé de fistules pancréatiques, de l’ordre de
60 à 70 %.
Les enzymes pancréatiques déversées dans la cavité
péritonéale seraient dépourvues d’activité en l’absence d’enzyme
digestive et la fistule guérirait facilement par le seul traitement
médical.
Les résultats de cette méthode restent néanmoins
discutés.
L’oblitération du canal de Wirsung par la colle biologique expose à
un risque de fistule estimé de 6 à 8%.
La fistulisation dirigée du
moignon pancréatique est un artifice qui n’est plus guère utilisé.
L’anastomose pancréaticogastrique présente de nombreux
avantages techniques et la possibilité d’un contrôle endoscopique
postopératoire, bien que ce dernier soit souvent difficile.
Le taux de
fistule est de 1,33 à 2,2 %.
Cette technique séduisante présente
toutefois un risque hémorragique par lésion des vaisseaux de la sous-muqueuse gastrique. Un drainage externe temporaire du canal
de Wirsung, ressortant par l’estomac, a été récemment proposé avec
un taux de fistule nul.
L’anastomose pancréaticojéjunale est la technique la plus répandue.
Quelle que soit la technique utilisée (anastomose terminolatérale,
terminoterminale, wirsungojéjunale) le taux de fistule varie de 10 à
15 %.
Parc et al ont proposé d’éloigner l’anastomose biliodigestive de l’anastomose pancréaticodigestive de 50 à 60 cm
pour éviter l’association de fistules pancréatique et biliaire.
L’utilisation de deux anses de dérivation relève du même principe.
D’autres artifices ont été récemment proposés pour réduire le taux
des fistules : drainage externe temporaire de l’anastomose pancréaticojéjunale, anastomose pancréaticojéjunale muqueuse
contre muqueuse.
En dehors des modifications techniques, l’octréotide et la colle
biologique ont été proposés pour prévenir les fistules pancréatiques
postopératoires.
Quatre études randomisées multicentriques récentes
incluant un total de 963 malades ont montré que l’octréotide
administré à la dose de 100 µg par voie sous-cutanée trois fois par
jour pendant 7 jours, le traitement débutant 1 heure avant la
laparotomie, réduisait significativement le nombre de complications
postopératoires, et notamment de moitié le nombre de fistules
pancréatiques ou de collections liquidiennes par rapport au placebo.
Dans ces études, la réduction des complications était moins
apparente chez les malades ayant une pancréatite chronique que
chez ceux ayant une pathologie néoplasique, mais les résections
pancréatiques étaient aussi plus rares dans le groupe des
pancréatites chroniques.
Quelques études ont également suggéré
que l’octréotide pouvait être bénéfique dans la prévention ou le
traitement des fistules pancréatiques après transplantation du
pancréas, mais elles ne concernaient qu’un nombre limité de
malades.
2- Traitement curatif
:
Lorsque, malgré ces précautions, une désunion apparaît dans les
suites immédiates de l’intervention, une réintervention n’est
indiquée qu’en cas de complication hémorragique ou infectieuse
incontrôlable.
Dans ces cas, la mortalité est de 24 à 100 % des cas,
quel que soit le procédé employé.
Les possibilités chirurgicales
sont alors limitées : totalisation de la pancréatectomie, lavage et
drainage de la loge pancréatique de façon à diriger la fistule, ou
occlusion secondaire des canaux pancréatiques. Aucune de ces
méthodes n’a fait la preuve de son efficacité.
En l’absence de
complications majeures, la date de la réintervention reste discutée :
certains auteurs préconisent d’attendre, en raison de l’évolution
spontanément favorable (en particulier si le débit de la fistule est
faible), alors que d’autres conseillent une réintervention précoce
en raison du risque de décès tardif par érosion vasculaire ou
viscérale.
Le traitement endoscopique n’est pas possible en raison
du montage chirurgical.
* Fistule après pancréatectomie gauche
:
L’application de colle biologique pourrait en diminuer le risque.
Les fistules constituées sont, pour la plupart, bien contrôlées par un
simple drainage.
Une fistule ne persiste qu’en cas d’obstacle
méconnu sur la canal de Wirsung.
Le traitement est alors si possible
endoscopique, associant une sphinctérotomie pancréatique à une
prothèse.
3- Fistules post-traumatiques
:
* Prévention :
Le désir de prévenir l’apparition d’une fistule pancréatique
postopératoire ne saurait justifier à lui seul la pratique
d’interventions complexes.
– Traumatisme caudal : une pancréatectomie gauche n’est concevable
qu’en cas de lésion pancréatique majeure avec plaie canalaire, située
à gauche des vaisseaux mésentériques, et ce d’autant plus volontiers
que la rate est traumatisée.
La résection pancréatique peut
contribuer à la fermeture plus rapide d’une fistule mais Graham et
al ont rapporté 27 % de fistules pancréatiques externes après
58 pancréatectomies gauches pour traumatisme.
La persistance d’un
moignon artériel après ligature de l’artère splénique expose à une
hémorragie intrapéritonéale en cas de fistule, complication
gravissime mais également rarissime.
– Traumatisme corporéal : si la partie distale du pancréas est
importante, il est excessif de pratiquer une résection pancréatique.
Une anastomose pancréaticojéjunale sur une anse en Y doit être
discutée en raison de ses risques et de sa difficulté dans le contexte
de l’urgence.
– Traumatisme céphalique : la duodénopancréatectomie céphalique
en urgence n’est justifiée que lorsque les lésions duodénales ou
biliaires sont irréparables.
Cette intervention est grevée d’une
mortalité élevée lorsqu’elle est pratiquée en urgence.
Dans tous les cas, il vaut mieux préférer les solutions simples
(drainage aspiratif en regard des lésions, excision du tissu
pancréatique dévitalisé, simple suture de la capsule pancréatique à
l’aide de fines ligatures non résorbables en cas de lésions
superficielles n’intéressant pas le canal pancréatique).
De façon générale, l’octréotide peut être utilisé bien qu’une étude
n’ait pas permis de montrer de supériorité de l’octréotide par
rapport au placebo.
Cette étude était critiquable en raison de son
caractère rétrospectif qui introduisait un biais de sélection.
* Fistule externe post-traumatique constituée
:
En cas de collection, un drainage est indiqué.
La CPRE est
indispensable pour préciser l’importance des lésions canalaires et
permet parfois de traiter la fistule.
Le moment opportun de la CPRE
reste discuté en raison de l’évolution spontanément favorable de
certaines fistules et des difficultés du traitement canalaire en cas de
CPRE trop tardive.
Un délai de 2 semaines après le traumatisme
semble une moyenne acceptable.
Les résultats de la wirsungographie vont dicter le traitement : en cas de rupture
canalaire partielle, le traitement endoscopique est le plus souvent
suffisant.
En cas de rupture canalaire totale, il est souvent difficile de
cathétériser le canal de Wirsung du segment d’amont.
Dans ce cas,
le traitement sera chirurgical et l’intervention dépendra du siège de
la fuite : au niveau caudal, on pratiquera une résection, alors qu’au
niveau céphalique, on préférera une dérivation sur une anse en Y.
4- Fistules externes après pancréatite aiguë
:
* Traitement préventif
:
Un écoulement de suc pancréatique mêlé à de la nécrose est fréquent
après nécrosectomie ; l’essentiel est d’obtenir un drainage efficace et
durable de la nécrose sous peine de voir se développer des
complications septiques sévères.
Les méthodes de résection
pancréatiques ont été abandonnées au profit des techniques de
drainage.
On distingue le drainage associé à la nécrosectomie du
drainage associé au lavage à l’aide de sacs de Mikulicz (à ventre
ouvert ou fermé).
Cette dernière technique semble associée à une
plus faible mortalité (19 % contre 42 % en cas de nécrosectomie) mais
le taux de fistule reste élevé (25 à 27 %).
* Traitement curatif
:
On suivra les mêmes principes que ceux des fistules postopératoires
en insistant sur le délai à respecter entre la pancréatite aiguë et le
traitement chirurgical.
Il vaut mieux attendre longtemps (6 mois
parfois) pour permettre à la loge pancréatique de cicatriser, afin
d’éviter de nouvelles fistules postopératoires.
La CPRE est utile
pour préciser le degré d’atteinte canalaire (effraction ou rupture
complète) et traiter un éventuel obstacle canalaire situé en aval.
C - FISTULES INTERNES
:
Le traitement médical a les mêmes principes que le traitement des
fistules externes.
Il faut souligner l’importance des ponctions
itératives dans le cas des fistules avec le péritoine ou la plèvre.
De
nombreux cas isolés de traitement endoscopique de fistules internes
ont été rapportés.
Il n’existe pas de large série ni d’essai
comparant le traitement endoscopique au traitement chirurgical.
Le
traitement chirurgical doit être proposé après échec du traitement
endoscopique, si l’état général du patient le permet.
La chirurgie
des ascites pancréatiques privilégie les techniques de dérivation à la
résection pancréatique, un petit kyste caudal pouvant néanmoins
être réséqué.
La chirurgie des fistules thoraciques nécessite aussi
un abord abdominal et relève des mêmes règles que celles de la
chirurgie de l’ascite pancréatique.
Si le trajet fistuleux vers le thorax
peut être repéré, il faut le lier ou le réséquer.
Les résultats du
traitement chirurgical sont en règle excellents.
Conclusion
:
En présence d’une fistule pancréatique venant compliquer le cours
d’une affection pancréatique, on s’attachera à :
– apprécier, après quelques jours d’évolution, l’importance de
l’écoulement et son retentissement ;
– mettre en route, le plus souvent, une NPT associée à un traitement
par octréotide ;
– en cas de persistance de la fistule, pratiquer une CPRE pour faire
au mieux le bilan des lésions et éliminer un obstacle en aval ; le degré
d’atteinte canalaire (effraction ou rupture complète) influençant
fortement le pronostic ;
– en l’absence de fermeture de la fistule au quinzième jour, un
traitement radical doit être envisagé (endoscopique ou chirurgical).