Le péritoine est une membrane naturelle, semi-perméable,
permettant des échanges de solutés selon un gradient de
concentration d’une part, et de solvant selon un gradient osmotique
d’autre part.
Ces échanges permettent d’assurer l’épuration
extrarénale, et de contribuer au maintien de l’équilibre hydrosodé et
acidobasique.
A - ANATOMIE
:
La surface effective participant aux échanges est d’environ 1 m2.
Les
échanges ont lieu essentiellement au niveau du péritoine pariétal,
qui ne représente que 10 % de l’ensemble du péritoine.
Le péritoine
viscéral joue un rôle mineur, alors que le péritoine sousdiaphragmatique
est le siège d’un réseau lymphatique dense, où a
lieu une réabsorption pouvant jouer un rôle non négligeable au
cours de l’ultrafiltration.
L’anatomie microscopique repose sur des constatations faites sur des
biopsies péritonéales lors de la pose ou de l’ablation du cathéter.
Le péritoine est constitué d’une couche unicellulaire, le mésothélium, reposant sur un tissu interstitiel riche en capillaires,
dont seuls 20 % seraient perfusés, ayant une paroi constituée de
cellules endothéliales séparées par des pores.
Les cellules mésothéliales sont recouvertes de microvilli augmentant la surface
d’échanges, et jouent un rôle protecteur vis-à-vis des structures sousjacentes.
Celles-ci sécrètent la phosphatidylcholine, qui joue un rôle
de lubrifiant.
Le dosage du CA 125 dans l’effluent péritonéal permet
d’évaluer la masse cellulaire mésothéliale.
B - PHYSIOLOGIE
:
Le débit sanguin péritonéal est faible, de l’ordre de 100 à
150 mL/min.
Il joue un rôle peu important par rapport au débit du
dialysat, surtout en dialyse péritonéale automatisée.
Différents
éléments interviennent, s’opposant aux transferts entre la lumière
capillaire (plasma) et la cavité péritonéale (dialysat), successivement
la présence d’un film sanguin tapissant l’endothélium capillaire, la
cellule endothéliale elle-même et la membrane basale sur laquelle
elle repose, l’espace interstitiel, le mésothélium, et l’existence d’une
couche stagnante de dialysat au contact des cellules mésothéliales
dans la cavité péritonéale.
Les échanges péritonéaux reposent sur deux principes
fondamentaux, à savoir la diffusion (dialyse) et la convection
(ultrafiltration), ainsi que sur le modèle des trois pores.
1- Dialyse ou diffusion
:
Phénomène passif, elle dépend d’un gradient de concentration, avec
passage de molécules du milieu le plus concentré vers le milieu le
moins concentré.
Elle est bidirectionnelle, fonction de la composition
du dialysat introduit dans la cavité péritonéale :
– du plasma vers la cavité péritonéale pour l’urée, la créatinine, le
phosphore, le sodium, le potassium et les bicarbonates ;
– de la cavité péritonéale vers le plasma pour le glucose et les
lactates ;
– dans l’un ou l’autre sens pour le calcium, selon la teneur du
dialysat en calcium (de 1,25 à 1,75 mmol/L) et en glucose (15 à 40 g/L). Un état
d’équilibre entre plasma et dialysat est atteint en un temps donné,
fonction de la taille et du poids moléculaire de la substance
considérée.
Celui-ci est
obtenu après 5 à 6 heures d’échanges pour l’urée, alors que dans le
même temps la saturation du dialysat (D/P) n’est que de 60 % pour la
créatinine.
2- Convection ou ultrafiltration (UF)
:
Phénomène actif et unidirectionnel, elle est la conséquence d’un
gradient osmotique induisant une ultrafiltration avec attraction
d’eau et de solutés.
La pression osmotique est, soit d’origine
cristalloïde (glucose), soit d’origine colloïde (polymères du glucose
ou icodextrine).
L’ultrafiltration nette est la résultante de l’ultrafiltration transcapillaire
diminuée de la réabsorption lymphatique.
En pratique,
elle correspond à la différence entre le volume de dialysat drainé
et le volume de dialysat infusé.
Elle est
maximale après 140 minutes de diffusion pour un dialysat isotonique
à 15 g/L de glucose (environ 300 mL), et après 250 minutes de
diffusion pour un dialysat hypertonique à 40 g/L de glucose (environ
1 000 mL).
La pression hydrostatique intrapéritonéale (PIP), facteur
indépendant de la pression osmotique, influence également
l’ultrafiltration nette. Chez l’adulte, elle est de 12 ± 2 cm d’eau audessus
de la ligne axillaire moyenne avec un volume de dialysat de
2 L.
Une augmentation d’environ 1 cm d’eau diminue le volume
d’ultrafiltration nette de 35 mL après 1 heure de stase.
Au-delà de
18 cm d’eau au repos en décubitus, une réduction des capacités
pulmonaires est à craindre.
3- Modèle des trois pores
:
Selon cette théorie basée sur un modèle informatique, il existerait
trois types de pores de taille différente au niveau de l’endothélium
des capillaires péritonéaux.
Les petits pores, intercellulaires, sont le siège du passage de l’eau et
des molécules de faible poids moléculaire, électrolytes, urée,
créatinine, glucose notamment.
Les ultrapetits pores, les plus nombreux, sont caractérisés par des
canaux transcellulaires ou aquaporines.
Ils assurent le transport
exclusif de l’eau libre, réalisant ainsi une dilution du dialysat avec
baisse de la concentration initiale du sodium et un transfert à partir
du plasma par gradient de concentration ou tamisage du sodium.
Les grands pores, peu nombreux, permettent le passage de substances
de grande taille, comme les protéines, les polymères de glucose
(icodextrine), au niveau des espaces intercellulaires.
Ce modèle des trois pores permet d’expliquer les transferts
péritonéaux par convection d’après la pression osmotique d’origine
cristalloïde ou colloïde, et selon la pression hydrostatique intrapéritonéale.
Abord péritonéal
:
Mis au point par Tenckhoff, le cathéter permet un accès permanent
à la cavité péritonéale.
Sa mise en place doit répondre à des
impératifs dont dépend le succès de la technique.
A - CATHÉTER
:
Il est en silastic, plus rarement en polyuréthane, ce qui lui confère
souplesse et flexibilité indispensables à une bonne utilisation.
Il est
le plus souvent muni de deux manchons ou cuffs en Dacron, l’un
profond amarré sous l’aponévrose des muscles grands droits, l’autre superficiel situé à 1 ou 2 cmde l’orifice de sortie cutané du cathéter,
permettant ainsi une épithélialisation du sinus.
Il est constitué de trois segments :
– intrapéritonéal droit ou à crosse, siège de nombreux orifices,
l’extrémité étant située dans le cul-de-sac de Douglas ;
– intramural, compris entre les deux manchons, correspondant au
tunnel sous-cutané ;
– externe, au-delà de l’orifice d’émergence cutanée à orientation
caudale, pour éviter la rétention de sécrétion au niveau du sinus,
source d’infections.
Le cathéter dit en « col de cygne » répond à ces
exigences.
B - SITE D’IMPLANTATION DU CATHÉTER
:
La localisation de l’orifice de sortie du cathéter, qui doit être visible
par le patient, sera déterminée avant la pose, chez un sujet en
position assise.
Il est important de prendre en compte l’existence de
cicatrices abdominales préexistantes, d’une obésité (situation en
dehors des plis), du niveau de la ceinture (frottement), de l’attente
d’une transplantation rénale (latéralisation du côté opposé au site
d’implantation du greffon).
C - TECHNIQUE DE POSE
:
Elle est avant tout chirurgicale sous anesthésie locale ou générale,
rarement médicale par voie percutanée au lit du malade.
La voie
d’abord est paramédiane, sous-ombilicale, à travers les muscles
grands droits (transrecta).
La technique selon Moncrieff, avec enfouissement du segment
externe en position sous-cutanée préalable à l’utilisation, est plus
récente.
Le délai d’extériorisation est variable, allant de 4 à
6 semaines à plusieurs mois. Elle permettrait une meilleure
cicatrisation de l’orifice de sortie.
La coelioscopie est habituellement réservée au repositionnement du
cathéter suite à son déplacement.
Elle peut être préconisée d’emblée
en cas de suspicion d’adhérences, s’il existe des antécédents
chirurgicaux.
Modalités de la dialyse péritonéale
:
A - DIALYSE PÉRITONÉALE CONTINUE AMBULATOIRE
(DPCA) :
Il s’agit d’une
méthode manuelle, à régime continu, avec présence constante de
dialysat (2 L) dans la cavité péritonéale.
La solution de
dialyse, conditionnée en poches plastiques souples de contenance
variable (0,5 à 3 L) est changée quatre fois par jour.
La répartition quotidienne habituelle se caractérise par trois poches
isotoniques (glucose 15 g/L) et une poche hypertonique (glucose
40 g/L).
L’infusion du dialysat préalablement réchauffé à 37 °C se fait en
10 à 20 minutes, suivie d’une période de diffusion d’une durée de
4 à 6 heures le jour, et de 10 à 12 heures la nuit, puis d’une période
de drainage de 20 à 30 minutes.
La poche est munie d’un site
d’injection permettant l’administration de médicaments (héparine,
insuline, antibiotiques…).
Le système double poche déconnectable
à usage unique est le plus utilisé chez les patients autonomes.
Une seule
connexion au niveau du prolongateur situé sur le cathéter est
nécessaire, minimisant les risques d’infection.
En DPCA, les changements de poche sont réalisés de jour,
permettant ainsi l’intervention d’une infirmière au domicile des
patients non autonomes.
Chez les sujets jeunes, les changements de
poche diurnes peuvent entraver la qualité de vie et l’activité
professionnelle.
Deux variables peuvent être proposées : soit l’adjonction d’un
échange automatisé au milieu de la nuit, soit la suppression de
l’échange nocturne.
B - DIALYSE PÉRITONÉALE AUTOMATISÉE (DPA)
:
Elle fait appel à l’assistance d’un cycleur, et permet une
individualisation de la prescription afin d’obtenir une dialyse
adéquate.
Elle permet de réaliser plusieurs échanges nocturnes.
Elle
nécessite un niveau suffisant de compréhension, et ne s’applique
habituellement pas aux sujets âgés et non autonomes.
La DPA peut être
continue ou intermittente :
– la dialyse péritonéale continue cyclique (DPCC) comporte quatre
à huit échanges courts nocturnes et un long échange diurne ;
– la dialyse péritonéale continue optimisée (DPCO) est identique à
la DPCC avec un échange diurne supplémentaire ;
– la dialyse péritonéale intermittente nocturne (DPIN) comporte
quatre à huit échanges courts nocturnes, la cavité péritonéale étant
vide le jour ;
– la dialyse péritonéale intermittente (DPI) se compose de trois
séances hebdomadaires d’une durée de 10 à 12 heures chacune, avec
30 à 40 L de dialysat par séance.
Toutes les modalités de la DPA existent sur un mode fluctuant
caractérisé par la présence permanente de dialysat dans la cavité
péritonéale à la fin de la phase de drainage, permettant ainsi
d’accroître le nombre de cycles et le volume de dialysat par séance.
Un mode de traitement particulier pourra être proposé, selon la
fonction rénale résiduelle et le type de perméabilité péritonéale.
Solutions de dialyse péritonéale
:
Le dialysat est constitué de trois composants essentiels : les
électrolytes, un agent osmotique et une substance tampon.
A - ÉLECTROLYTES
:
La teneur en sodium est comprise entre 132 et 136 mmol/L.
Le
transfert de l’eau libre via les aquaporines permet d’obtenir une
dilution du dialysat, induisant un passage du sodium du plasma
vers le dialysat jusqu’à l’obtention d’un équilibre entre les deux
milieux.
L’extraction dialytique du sodium est fonction de la teneur
en sodium du dialysat et de la modalité de dialyse péritonéale.
La concentration en calcium est variable, comprise entre 1,25 et
1,75 mmol/L.
Les mouvements du calcium à travers la membrane
péritonéale dépendent de la teneur en calcium et de l’osmolarité du
dialysat.
L’utilisation d’une faible concentration permet
de proposer de plus fortes doses de carbonate de calcium et de
vitamine D pour freiner l’hyperparathyroïdie secondaire, tout en
contrôlant l’hyperphosphorémie.
La prescription d’une
concentration à 1,75 mmol/L risque d’induire une ostéopathie
adynamique.
La concentration en magnésium varie de 0,25 à 0,75 mmol/L.
B - AGENTS OSMOTIQUES
:
On distingue les agents cristalloïdes (glucose, acides aminés,
glycérol) et colloïdes (polymère de glucose).
Le glucose demeure l’agent osmotique le plus utilisé à des
concentrations de 15, 25 et 40 g/L, ce qui correspond à une osmolarité de 340, 400 et 480 mosm/L respectivement.
Toutefois, la
teneur élevée en glucose, l’hyperosmolarité et le pH à 5,2 de la
solution constituent des facteurs d’agression de la membrane
péritonéale, à l’origine d’une réduction de la phagocytose des agents
bactériens favorisant les infections péritonéales, d’une vasodilatation
des capillaires péritonéaux source d’hyperperméabilité, de la
formation de produits de glycosylation.
Tous ces éléments
concourent à la fibrose de la membrane péritonéale.
Les acides aminés ont un pouvoir nutritionnel et osmotique. Ils sont
utilisés à la concentration de 1,1 % à raison d’une seule poche de 2 L
par jour.
L’absorption péritonéale est de 60 à 80 % au cours d’un
échange de 4 à 6 heures, correspondant à un apport protidique
d’environ 20 g par jour. Le pH plus physiologique de la solution à
6,7 la rend plus biocompatible.
Outre l’utilisation d’une telle solution
en cas de dénutrition chez les patients ayant une dialyse adéquate,
celle-ci paraît intéressante en cas d’infection péritonéale.
Le glycérol a été proposé comme alternative au glucose chez le
diabétique.
Les polymères de glucose ou icodextrine, produits de l’hydrolyse
d’amidon de maïs, sont utilisés à une concentration de 7,5 %. Ils
sont iso-osmotiques au plasma (282 mosm/L) mais gardent un pH
bas à 5,5.
Leur prescription au cours d’un échange nocturne en DPCA ou d’un échange diurne en DPA, pendant 8 à 12 heures,
permet de diminuer la fréquence d’utilisation de solutions
hypertoniques riches en glucose, en maintenant une ultrafiltration
suffisante, notamment lors des infections péritonéales.
Des
intolérances cutanées, des réactions péritonéales simulant une
péritonite ont été rapportées.
La constatation de taux plasmatiques
élevés de maltose, stables et réversibles, paraît acceptable, mais les
effets à long terme ne sont pas connus.
C - TAMPONS
:
L’acétate est définitivement abandonné, en raison des risques de
péritonite aseptique et sclérosante.
Le lactate est le plus utilisé à une
teneur allant de 35 à 40 mmol/L.
Toutefois, la biocompatibilité d’une
telle solution reste insuffisante.
La solution associant bicarbonate (25 mmol/L) et lactate
(15 mmol/L) à pH 7,4 en poche bicompartimentale paraît idéale.
Elle
permet un meilleur contrôle de l’acidose, facteur d’hypercatabolisme
protidique, diminue l’accumulation de produits de glycosylation au
niveau de la membrane péritonéale.
Une diminution de la douleur
et de l’inconfort lors de la perfusion a été rapportée.
Le pH
physiologique de la solution constitue probablement un des facteurs
de préservation de la membrane péritonéale au long cours.
L’avenir s’oriente vers des solutions iso-osmolaires associant un
agent cristalloïde et un agent colloïde, à pH physiologique, à faible
teneur en glucose, seule façon d’améliorer la biocompatibilité des
solutions.
Explorations fonctionnelles en dialyse
péritonéale :
Le péritoine possède des caractéristiques propres, en termes de
vitesse et d’efficacité de transfert de substances dissoutes.
L’étude de la perméabilité péritonéale est basée sur la mesure des
vitesses de transfert des solutés de faible poids moléculaire.
Les
outils utilisés, le peritoneal equilibration test (PET) ou l’accelerated
peritoneal equilibration examination (APEX), permettent de
personnaliser la prescription.
Le PET selon Twardowski est réalisé à l’aide de 2 L de solution semihypertonique
(glucose 25 g/L) sur une période de 4 heures.
Il est
impératif d’utiliser la même solution au cours de la longue stase de
nuit précédant le test.
Sont étudiés les rapports entre la
concentration dans le dialysat et celle dans le plasma (D/P) de
substances apparaissant dans la cavité péritonéale (urée, créatinine,
phosphore), et celles disparaissant (D/Do) comme le glucose.
On
distingue ainsi quatre types de perméabilité péritonéale, allant de
l’hypoperméabilité franche ou modérée à l’hyperperméabilité modérée ou franche.
L’APEX selon Verger apprécie également l’ultrafiltration nette et le
tamisage du sodium, témoin du transfert d’eau libre.
Il est réalisé à
l’aide d’une solution hypertonique (glucose 40 g/L) sur une période
de 2 heures.
Les courbes de saturation de l’urée et de décroissance
du glucose, exprimées en pourcentages, se croisent à un temps
donné ou temps APEX (normale 65 ± 30 minutes).
Une baisse de
la concentration en sodium du dialysat d’au moins 5 mmol/L
correspond à une perméabilité normale.
Le temps APEX est
augmenté en cas d’hypoperméabilité, diminué en cas d’hyperperméabilité.
D’autres paramètres permettent d’explorer la cavité péritonéale,
comme la mesure de la PIP, le volume résiduel péritonéal et le débit
du cathéter.
Mesure de la dose de dialyse
:
Le calcul de la dose de dialyse permet d’affirmer que la dialyse est
« adéquate », c’est-à-dire qu’elle correspond à une dose minimale de
dialyse, dans la mesure où son influence est grande sur la morbimortalité.
La fonction rénale résiduelle (FRR) joue un rôle majeur.
Elle
correspond au débit de filtration glomérulaire évalué par la somme
des clairances (Cl) rénales de l’urée et de la créatinine, divisée par 2.
FRR = (Cl rénale de l'urée + Cl rénale de la créatinine)
/ 2
Elle est maintenue plus longtemps en dialyse péritonéale qu’en
hémodialyse.
Elle détermine la modalité de dialyse péritonéale, avec
une prescription préférentielle de la DPA si la FRR est réduite
(< 2 mL/min).
La clairance totale de la créatinine est obtenue en faisant la somme
des clairances rénale et péritonéale de la créatinine.
Elle nécessite un
recueil strict des urines et de la totalité du dialysat drainé sur 24
heures.
Elle est exprimée en litres par semaine et par 1,73 m2 de
surface corporelle.
Cl totale hebdomadaire de la créatinine = Cl rénale + Cl péritonéale
(L/semaine/1,73 m2)
Le Kt/V représente le rapport entre la somme des clairances
hebdomadaires rénale et péritonéale de l’urée, et le volume d’eau
total exprimé en litres.
Ce dernier peut être apprécié à partir de
différentes formules dont celle de Watson, tenant compte de l’âge,
de la taille et du poids corporel, mais il est souvent assimilé à 58 %
du poids du corps.
Kt/V urée hebdomadaire =
(Cl rénale de l'urée + Cl péritonéale de l'urée) / (0,58 x poids corporel)
L’évaluation du catabolisme protidique repose sur le calcul du nPCR
ou normalized protein catabolic rate, qui correspond à la quantité de
protéines métabolisées par l’organisme au cours des 24 heures.
À
l’état stable, il est équivalent à la quantité de protéines ingérées.
Il
est calculé à partir de la quantité d’urée éliminée par voie urinaire
et celle extraite par la dialyse péritonéale.
Différentes formules sont
disponibles, permettant d’évaluer un nPCR normal entre 50 et
60 grammes par jour.
Il est recommandé d’évaluer les performances de la membrane
péritonéale et les critères de dialyse adéquate 1 mois après le début
du traitement, puis tous les 6 à 12 mois, sauf complications
nécessitant un contrôle immédiat.
Critères de dialyse adéquate
:
L’adaptation de la dose de dialyse tient compte de l’état clinique du
patient, de sa fonction rénale résiduelle et de la nécessité d’atteindre
les cibles définies.
De même, intervient dans la modalité de dialyse
péritonéale la perméabilité de la membrane péritonéale.
Le Kt/V hebdomadaire de l’urée doit être supérieur à 2,0 en DPCA
et 2,2 en DPA.
La clairance totale hebdomadaire de la créatinine doit
être supérieure à 60 L/semaine/1,73 m2 de surface corporelle.
Des
discordances peuvent être constatées entre ces deux paramètres.
Le Kt/V urée est préférable en cas de fonction rénale résiduelle, alors
que la clairance totale de la créatinine est davantage fiable chez le
sujet anurique.
Une diminution du Kt/V urée de 0,1 et de la
clairance totale de la créatinine de 5 L/ semaine est associée à une
mortalité accrue de 6 % et 7 % respectivement.
Le programme de dialyse péritonéale est adapté selon le degré de
perméabilité péritonéale :
– en cas d’hyperperméabilité (D/P créatinine > 0,65 et D/Do
glucose < 0,38), des cycles courts en DPA sont préconisés ;
– en cas d’hypoperméabilité (D/P créatinine < 0,65 et D/Do glucose
> 0,38), des cycles longs en DPCA sont prescrits.
Toutefois, si la FRR
est inférieure à 2 mL/min chez un patient dont la surface corporelle
est supérieure à 2 m2, seul le transfert en hémodialyse permet
d’obtenir une dialyse adéquate.
Il existe un lien étroit entre nutrition et dialyse adéquate.
Les
critères nutritionnels sont appréciés à partir d’éléments cliniques
(subjective global assessment ou SGA et mesures anthropométriques),
biologiques (albuminémie) et le nPCR.
Un score A au SGA, une
albuminémie supérieure à 35 g/L et un nPCR minimal à 1,2 g/kg/j
sont indispensables.
Complications de la dialyse
péritonéale :
Il convient de distinguer les complications infectieuses et les
complications non infectieuses représentées par les complications
mécaniques et pariétales, les pertes d’ultrafiltration et les
complications métaboliques et nutritionnelles.
A - COMPLICATIONS INFECTIEUSES
:
1- Infection péritonéale
:
L’infection péritonéale est la complication la plus fréquente,
première cause d’arrêt de la technique avec une moyenne d’un
épisode tous les 20 à 30 mois-patient.
Elle est surtout d’origine endoluminale secondaire à une erreur de manipulation (contamination manuportée), plus rarement d’origine périluminale
en relation avec une infection de l’orifice de sortie du cathéter, ou
transmurale à point de départ digestif.
Le dialysat drainé devient trouble, et il s’y associe des douleurs
abdominales inconstantes.
Une bandelette réactive permettant la
détection des leucocytes est positive, ce que confirme un examen
cytologique du dialysat, avec plus de 100 éléments/mm3, dont plus
de 50 % de polynucléaires neutrophiles.
Un examen bactériologique
direct permet selon les cas d’orienter l’antibiothérapie en cas de
germes à Gram positif ou négatif.
La mise en culture permet d’isoler
le plus souvent des cocci à Gram positif (50-60 % du type
Staphylococcus epidermidis ou aureus), des bactéries à Gram négatif
(15-20 %), et plus rarement des levures (3-5 %).
Dans 10 à 20 % des
cas, aucun germe n’est mis en évidence. L’antibiothérapie est
administrée par voie intrapéritonéale pendant 7 à 21 jours selon le
germe, associée à l’héparine standard (2 500 UI par poche de 2 L)
tant que le dialysat drainé est trouble.
L’antibiothérapie probabiliste
comporte une céphalosporine de première génération seule
(céfazoline 125 à 250 mg/L) ou en association avec un aminoside.
Une évolution favorable est obtenue dans 80 à 90 % des cas.
En cas
de persistance d’un dialysat trouble, l’ablation du cathéter est
préconisée.
Afin d’éviter les solutions glucosées hypertoniques, et de minimiser
les complications nutritionnelles chez le sujet âgé, il est recommandé
d’utiliser quotidiennement une poche d’icodextrine et une poche
d’acides aminés.
La présence d’un germe à Gram négatif ou une infection péritonéale polymicrobienne doivent faire évoquer une origine digestive.
Elle
impose la réalisation rapide d’une échographie abdominale, voire
d’une tomodensitométrie.
La péritonite sclérosante est devenue rare, favorisée par la bioincompatibilité
des solutions et une fréquence élevée d’infections
péritonéales.
Elle impose un transfert en hémodialyse, et son
pronostic est sombre dans un contexte de dénutrition.
La péritonite tuberculeuse doit être suspectée si le dialysat est stérile
aux cultures usuelles, alors que la cytologie montre une
prédominance lymphocytaire.
L’icodextrine semble à elle seule être responsable d’un dialysat
trouble.
La cytologie est très polymorphe, avec présence de
macrophages et parfois de polynucléaires éosinophiles.
2- Infection du cathéter
:
L’infection de l’orifice de sortie du cathéter est suspectée en présence
de signes locaux à type de rougeur périorificielle, oedème ou
induration, douleur, écoulement.
L’isolement d’un germe associé à
la présence de pus impose des soins locaux et une antibiothérapie
adaptée par voie générale, pendant 10 à 15 jours.
La prophylaxie
des infections repose sur le dépistage systématique du portage nasal
de Staphylococcus aureus et sur un traitement local (mupirocine en
application nasale) en cas de positivité.
L’infection du tunnel sous-cutané ou « tunnellite » correspond à un
véritable abcès situé entre les deux manchons du cathéter.
Elle
impose l’ablation immédiate du cathéter.
B - COMPLICATIONS NON INFECTIEUSES
:
1- Complications mécaniques
:
Elles sont liées au cathéter.
Un défaut de drainage au décours de la pose est en rapport avec un
mauvais placement.
Une radiographie de l’abdomen sans
préparation peropératoire permet d’en faire le diagnostic.
Tardivement, associé à une douleur abdominale, il correspond à un
déplacement. Une accélération du transit intestinal permet parfois
de le repositionner.
Dans le cas contraire, une remise en place sous
coelioscopie est envisageable.
Les fuites du dialysat surviennent au niveau de l’orifice de sortie ou
sont intrapariétales suspectées en cas d’infiltration oedémateuse de
la paroi abdominale.
Un arrêt temporaire de la dialyse péritonéale
est nécessaire.
L’absence d’utilisation du cathéter dans les 10 à
20 jours suivant la pose en minimise la fréquence.
La fissuration ou la perforation du cathéter, l’extériorisation du
manchon superficiel sont rares.
La perforation d’un viscère se
manifeste par un syndrome abdominal aigu imposant une
intervention chirurgicale.
2- Complications pariétales
:
Elles sont dominées par les hernies inguinales ou ombilicales,
surtout chez le sujet âgé et l’obèse.
La recherche de hernie doit être
soigneusement faite avant l’implantation du cathéter.
Une cure
chirurgicale est envisageable dans le même temps opératoire.
La reperméabilisation du canal péritonéovaginal avec oedème des
bourses et hydrocèle, une brèche diaphragmatique avec hydrothorax
révélée par une dyspnée aiguë et un mauvais drainage de la cavité
péritonéale nécessitent le plus souvent l’arrêt définitif de la
technique.
L’hémopéritoine, parfois concomitant des règles, et l’ascite chyleuse
sont rares et sans gravité.
3- Pertes d’ultrafiltration
:
Elles se caractérisent par une rétention hydrosodée (prise de poids,
syndrome oedémateux, drainage insuffisant) en rapport avec une
baisse de l’ultrafiltration nette.
Le PET ou le temps APEX confirment
s’il existe ou non une hyperperméabilité péritonéale nécessitant le
transfert de DPCA en DPA ou de DPA en hémodialyse.
Si l’un de
ces tests est normal, un défaut de drainage lié au cathéter est
probable.
4- Dénutrition
:
La dénutrition est une complication fréquente chez le sujet âgé en
dialyse péritonéale.
Une supplémentation en acides aminés est
indispensable pour atteindre les cibles de 1,2 à 1,5 g de protéines
associées à 30 à 35 kcal par kilogramme de poids corporel et par
jour, dès lors que la dialyse est adéquate.
Une supplémentation
protidique par voie orale ou péritonéale doit être envisagée.
5- Anomalies lipidiques
:
Les anomalies lipidiques, notamment l’hypertriglycéridémie, sont
plus sévères qu’en hémodialyse.
Des mesures diététiques et
médicamenteuses peuvent s’avérer nécessaires.
L’aggravation ou la
découverte d’un diabète induit par la dialyse péritonéale peuvent
entraîner le renforcement ou la mise en route d’une insulinothérapie.
L’inconfort abdominal ou l’exacerbation de lombalgies par la dialyse
péritonéale sont parfois résolutifs en réduisant le volume intrapéritonéal.
Une mauvaise tolérance psychologique, personnelle
ou familiale, peut nécessiter le transfert en hémodialyse.
Contre-indications à la dialyse
péritonéale :
Une dénutrition sévère, préalable à la mise en route du traitement,
constitue une contre-indication temporaire ou définitive.
L’obésité
est une contre-indication relative, en raison de problèmes techniques
(dysfonctionnement du cathéter), des risques de sous-dialyse notamment chez le sujet anurique, de la prise de poids en relation
avec l’absorption péritonéale du glucose (120 à 150 g/j).
En cas d’antécédents d’interventions chirurgicales abdominales
source d’adhérences avec cloisonnement de la cavité péritonéale
limitant la surface effective participant aux échanges, la pose du
cathéter sous coelioscopie est recommandée.
En cas d’insuffisance respiratoire chronique, le degré de l’atteinte
doit être évalué mais cette pathologie ne doit pas faire exclure la
dialyse péritonéale de façon systématique.
Chez les patients porteurs d’une stomie digestive et/ou urinaire, en
cas de syndrome dépressif ou d’isolement du malade, une
orientation vers l’hémodialyse est souvent préférable, en raison des
perturbations psychologiques préexistantes.
Indications de la dialyse péritonéale
:
A - DIALYSE PÉRITONÉALE EN FONCTION DE L’ÂGE
:
Chez l’enfant, la DPA est la méthode de choix en raison d’une
fréquence élevée d’hyperperméabilité péritonéale.
Par ailleurs, la
réalisation d’un abord vasculaire pour hémodialyse est souvent
difficile.
Cette modalité du traitement permet une scolarisation
normale.
Chez le sujet âgé, la DPCA peut être préférée à l’hémodialyse, en
raison de nombreuses comorbidités cardiovasculaires et de la
possibilité de maintien à domicile.
Le recours à une tierce personne
(entourage, personnel infirmier) est nécessaire dans la majorité des
cas.
En pratique, la dialyse péritonéale peut être proposée en première
intention quel que soit l’âge, mais en l’absence de transplantation
rénale envisageable, il peut s’agir d’un traitement temporaire avec
transfert ultérieur en hémodialyse.
B - DIALYSE PÉRITONÉALE AVANT TRANSPLANTATION
RÉNALE :
La DPA est préférable pour des raisons professionnelles et de qualité
de vie.
La survie du greffon est identique chez les patients
préalablement en dialyse péritonéale ou en hémodialyse.
Une
amélioration de la fonction rénale du greffon est plus rapidement
obtenue chez les patients antérieurement en dialyse péritonéale.
La
fréquence des complications infectieuses n’est pas accrue en phase
de post-transplantation.
En cas d’infection péritonéale, une contre-indication temporaire à la
greffe est indispensable, de 10 à 30 jours selon le germe isolé.
L’ablation peropératoire du cathéter est recommandée en cas
d’infection de l’orifice de sortie ou d’antécédents de péritonite
fongique.
Celle-ci est généralement différée entre la troisième et la
sixième semaine, à un moment où la posologie des
immunosuppresseurs a été réduite.
C - DIALYSE PÉRITONÉALE CHEZ LE DIABÉTIQUE
:
Le facteur diabète accroît sensiblement la morbidité et la mortalité,
quelle que soit la modalité d’épuration extrarénale envisagée.
Le
maintien prolongé d’une fonction rénale résiduelle est un argument
en faveur de la dialyse péritonéale chez le diabétique, afin de ralentir
l’évolution des complications extrarénales.
Cependant, il n’existe pas
d’arguments suffisants pour privilégier la dialyse péritonéale par
rapport à l’hémodialyse.
La fréquence des infections péritonéales
n’est pas accrue dans cette population.
Il faut préférer l’utilisation
de l’icodextrine aux solutions glucosées hypertoniques pour obtenir
une ultrafiltration satisfaisante. L’utilisation de l’insuline par voie
intrapéritonéale peut être proposée.
D - DIALYSE PÉRITONÉALE CHEZ L’INSUFFISANT
CARDIAQUE
:
L’insuffisance rénale chronique terminale associée à une insuffisance
cardiaque, est une indication privilégiée de la DPCA.
Une
ultrafiltration progressive et continue est mieux supportée que
l’hémodialyse conventionnelle.
Un impact favorable est constaté sur
la qualité de vie, avec réduction de la fréquence et de la durée des
hospitalisations.
Facteurs limitant la prise en charge
en dialyse péritonéale
:
Les données du registre canadien montrent que la survie des
patients est meilleure au cours des 2 premières années de traitement
en dialyse péritonéale, comparativement à l’hémodialyse.
Ces
résultats ont été confirmés par une étude de Lameire et al.
Le
maintien prolongé d’une fonction rénale résiduelle en dialyse
péritonéale, l’individualisation de la prescription avec le
développement de la DPA, constituent des facteurs favorables.
Néanmoins, la dialyse péritonéale ne représente que 10 % des
patients en insuffisance rénale chronique terminale traités par
épuration extrarénale en France, 17 % environ dans le monde, mais
25 à 40 % dans certains pays en Europe.
La prise en charge d’un patient en insuffisance rénale chronique
terminale dans un contexte d’urgence est un facteur défavorable à
la mise en dialyse péritonéale.
L’information prédialyse est une
étape importante, afin de présenter de façon objective les modalités
d’épuration extrarénale.
Malheureusement, de nombreuses études
régionales montrent qu’en France 25 à 30 % des patients parviennent
au stade de l’épuration extrarénale, sans prise en charge
néphrologique préalable.
Le choix de la méthode doit également
tenir compte des conditions socioprofessionnelles du patient, en vue
de maintenir une qualité de vie acceptable.
Enfin, une amélioration
de la prise en charge financière par l’assurance maladie pour les
patients en dialyse péritonéale est indispensable
Conclusion
:
Les progrès réalisés dans le domaine de la dialyse péritonéale au cours
des 20 dernières années ont été importants.
Ils concernent notamment
la compréhension des phénomènes de transfert à travers la membrane
péritonéale, l’amélioration du matériel mis à disposition et les solutions
disponibles.
Il en résulte une diminution de la fréquence des
complications, notamment des infections péritonéales.
L’établissement
de critères de dialyse adéquate et une surveillance accrue de l’état
nutritionnel ont permis de réduire la morbimortalité.
Dialyse
péritonéale et hémodialyse doivent être considérées comme des méthodes
complémentaires et non concurrentielles.
La dialyse péritonéale,
envisagée en première intention pour de nombreux patients, sera
définitive pour certains, temporaire pour d’autres.
Un transfert de DPCA en DPA puis en hémodialyse devra être envisagé en temps
voulu.
Il convient de proposer la thérapeutique la plus adaptée pour un
patient donné à un moment donné de sa vie d’insuffisant rénal
chronique.